Kael Posté(e) le 3 janvier 2011 Partager Posté(e) le 3 janvier 2011 (modifié) Bonsoir à tous ! Après avoir longuement hésité entre un récit historique (Mac Mahon) et la reprise de mes délires gnossiens, je me lance pour de bon dans un récit "à long terme". C'est un monde que je crée, où les connivences politiques et les intrigues militaires se mêleront dans un univers steampunk Pour ceux qui me connaissent, ça va être un mélange entre "La Menace du Stirland" et "See you later Empereur" Très, très... très bonne lecture ! B) Le monde de Sépralis est un monde complexe et mystérieux, où peine à émerger une véritable organisation entre les différents États. Si la plupart sont pauvres ou n’ayant qu’une importance seulement locale, certains s’élèvent. C’est le cas de Baptorel, de Constantinne, de Metterbrünn, mais surtout de Dran-Thelor, le puissant Triumvirat, situé au nord du désert de Maraen. Dirigé par trois Triumvirs, archiducs d’un conglomérat de duchés, de comtés et de baronnies, on ne peut parler que d’un État tricéphal, tant les différences sont profondes entre chacune des trois provinces. Si les divisions se font sentir à la tête de ces royaumes et empires, elles sont également présentes parmi le bas peuple. L’aristocratie domine encore une masse paysanne, devenant de plus en plus prolétarienne avec l’arrivée massive des nouvelles technologies. L’écart entre les campagnes et les villes est terrifiant. Aux forêts vierges de tout progrès, les cités s’établissent en quartier tous plus modernes les uns que les autres, faisant appel aux puissances de la vapeur, du charbon, de l’engrenage et de l’électricité. Le peuple lui-même n’est pas homogène. Trois races s’imposent en Sépralis : les humains, les terifels et les tsilss. Les premiers sont les plus nombreux et les plus communs, faisant preuve d’une remarquable faculté d’adaptation. Les seconds sont les descendants des anciens elfes, ayant hérité de leurs particularités physiques et y ajoutant leurs yeux noirs et leurs peaux gris-bleu. Les troisièmes sont des reptiles élancés et gracieux, garnis d’écailles et d’une queue faisant objet de toute leur attention. Bien sûr, à ces trois races, il existe des genres. La plupart des pays de ce monde ne se revendiquent que d’une seule espèce, mais les grandes puissances savent compter sur les talents de chacune. Ainsi, Dran-Thelor les favorise toutes trois. Dran-Thelor est le centre de Hiénilos, cet immense continent qui forme presque la totalité de Sépralis. Ses trois archiduchés, Eltaj, Ryendul et Treföne, ont des spécificités distinctes, et des ambitions propres. Si le traité d’alliance de 2879, date à laquelle l’Empire a laissé place au Triumvirat, oblige ces provinces à s’unir, elles jouissent d’une indépendance de fait. Parmi eux, Ryendul fait office de principal rival à Eltaj. Si l’archiduc Hranel le Haut ne peut faire valoir un commerce équivalent à celui de l’archiduchesse Fidulii l’Élégante, il règne en revanche sur une province militarisée au possible et ne connaissant pas les maux de la division. Certes, l’organisation ducale existe, mais le sentiment d’unité est soutenu par celui de la jalousie. Autrefois sanctuaire impériale, le Ryendul cherche à se distinguer en déployant sur le continent de grandes armées extrêmement bien équipées. Depuis maintenant quelques années, et plus exactement, depuis 3546, la politique générale se tourne vers l’accompagnement des « petits États ». En vérité, c’est un système colonial qui s’instaure, et ce dans le but de donner l’avantage à Tranniae, capitale du Ryendul, au sein du Triumvirat. *** Un officier était vautré sur le fauteuil de l'hôtel « de la gare ». Il se trouvait dans la salle de réception, et ne prêtait aucune attention aux allers et venues. Il se contentait simplement de fixer le plafond, sa tête se balançant au son de ses écouteurs, si énormes que l’on se moquait avec une pointe de jalousie de ceux qui avaient eu la chance, et les moyens, de s’offrir un tel appareil. Les engrenages tournaient, entraînant avec eux tant d’autres, au son d’une mélodie que l’heureux bénéficiaire se plaisait à écouter ou à entendre, tantôt subjugué, tantôt lassé. Les passants, surpris et parfois choqués qu’un homme portant l’uniforme puisse se comporter ainsi, ne le reconnaissaient pas. Pourtant, sa fine allure, son beau visage, encadré par une longue chevelure blonde, et même son attitude avaient fait l’objet de tout les journaux. Ses bottes de cavalier ne laissaient aucun doute quant au corps militaire auquel il appartenait. Allongé de travers, la main posée sur son sabre encore rangé, le bicorne coiffant son genoux, il ne voulait pas tourner la tête. Le soleil de cette fin de matinée était agressif, et il en avait assez de lutter. Pas cette fois. Il fixait le plafond. Il s’amusait à repérer les petits détails de cette peinture montrant le Triumvir Hranel le Haut, avançant sur un char de lumière, avec pour aurige un ange couronné des feuilles de la destinée. Il y en avait tout autour, son aura perçant les nuages et les cieux, mais ce qui plaisait le plus à ce jeune gradé était toutes les expressions de ces êtres divins. Une bonne part était éblouie, l’autre s’inclinait. Mais il y en avait un qui suscitait tout particulièrement son intérêt. Il riait. La scène ne prêtait pas au comique. Pourquoi riait-il ? -Qu’est-ce que… ? Qu’est-ce que tu fais ici ? L’officier n’entendait pas. Du moins, il n’allait pas interrompre le superbe solo Dennis Record, le guitariste des « þitch þoïd ». Jusqu’à ce que l’individu perturbateur exécute de lui-même le geste fatal : l’optimisation du contact entre l’index et le bouton « Stop ». -Eh ! Mais t’abuse ! -Qu’est-ce tu fais ici ? Et t’es toujours à écouter ce truc de Constantinne… -Oh, eh oh, tu vas pas commencer à m’les briser, hein ! -Mais qu’est-ce tu fiches là ? -J’me repose, j’en ai plein les pattes. -T’as ta permission ? -Ch’ais pas. J’devrais la mériter. -Allez, vas-y, raconte t’la toi. Ça t’amuse de me suivre ? -Meuuuuh, non, euh, je te suivais pas ! -C’est ça… -Eh, t’apprendras que j’ai pas besoin de suivre, moi ! On m’admire, on m’adule ! -Tu parles ! Y’a pas un péquenaud dans cette ville qui te connaît ! -Attendons mon retour à Sainte-Fist, j’te parie que le Triumvir lui-même viendra me filer une médaille ! -Redescends de ton nuage, Maximiliàn, redescends, va… -N’empêche que j’suis une vedette ! -T’entends ce que je dis ? -Non, t’es jaloux. C’tout. Tu peux pas test. -Tu sais quoi ? Va te faire. L’individu s’en alla. Lui aussi portait l’uniforme. Le même que celui de Maximiliàn. Noir, à galons argentés, et à nœuds bleus et blancs. Il avait simplement une médaille de moins. Et portait des chaussures. -Eh ! Attends ! Maximiliàn bondit du fauteuil, mit son bicorne, son baladeur sur la nuque et se dépêcha de rejoindre son ami, juste avant que la porte tambour ne puisse le laisser passer. -Allez ! C’est bon, tu vas pas m’en chier une pendule parce que j’ai rigolé ! Il continuait sa route, sans prêter attention. La rue s’agitait. Chacun vaquait à ses occupations, à son travail. Les soldats patrouillaient de nouveau, et le commerce avait repris. Cette ville de Quitilogne, au doux nom de Nodblä, avait fait l’objet d’un partenariat particulièrement actif avec le Triumvirat, et plus exactement avec l’archiduché de Ryendul. Et la technologie avait envahi la cité. Les mécanismes à vapeur avaient pris place. Si l’église avait été entièrement équipée des derniers engrenages, il y avait aussi l’éclairage électrique, les cabines téléphoniques, le chemin de fer, les automates aux services des citadins, et tant encore. Même si l’on n’apercevait pas les si caractéristiques zeppelins, il ne faisait aucun doute qu’il ne tarderait pas à cacher le soleil de leur masse d’ici quelques semaines. L’armée triumvirale de Ryendul avait décidé de réagir face aux attaques lancées depuis l’Arie contre la Quitilogne, nuisant gravement aux intérêts de ses duchés. Deux divisions entières avaient été dépêchées. Le calme devait revenir au plus vite, et même si la présence militaire ne faisait que lutter contre les effets et non contre la cause, la tranquillité était nécessaire pour que la bonne coopération entre les monarques puissent perdurer. D’où la présence de ces jeunes officiers. -Bon, je m’excuse ! Je m’excuse ! -Ça se dit pas, « je m’excuse ». -Fais pas le malin ! -C’est comme tu veux, si tu veux continuer à dire des inepties… -Eh ho ! Pas bientôt fini ? -Oui, pardon. Excuse moi. -Ça a été avec ta mère ? -Même par téléphone, elle trouve le moyen de me harceler ! -Tu lui avais pas envoyé un télégraphe ? -Si, mais y’a deux jours maintenant ! Je sais pas comment elle a fait, elle a su qu’on était à Nodblä. -J’te dis pas la facture entre Starendorel et ici ! -Ce n’est pas ça qui l’arrêterait… -Et tu t’es fait incendier ? -Tout juste. -Mais… comment… ? Je veux dire, trouver la ville, d’accord, mais te trouver, toi ! -Pas compliqué. Elle a appelé l’hôtel, exigé qu’on lui passe le directeur, et celui-ci en entendant mon nom de famille s’est empressé d’aller trouver mon capitaine. -Ouh ! C’est Hordard qui est venu te chercher ? -Et devant toute la troupe ! -Et… ça va ? -Ça ira pas. -Et c’est quoi le nouvel accord entre toi et ta mère ? -Comment ça ? -Y’a toujours une nouvelle procédure diplomatique entre vous deux ! -Ah… ben, comme toujours, si je l’appelle pas une fois par jour, elle me retire les vivres. -Oui, comme toujours. C’est pas que la solde qu’on nous file soit tip top, mais ça te permettrait pas de vivre normalement ? -Ah non, désolé. On en a déjà parlé. Je pourrais pas vivre sans. -Tu crois pas que… hein ? -Quoi ? -On est logé, lavé, nourri. Même avec les frais du groupe, je m’en sors plutôt bien ! -Ouais, enfin, toi, t’as pas les mêmes soucis… ici, j’ai pas le choix ! -Rapport à ton père ? -J’y peux rien… -Pas n’importe qui le papounet, aussi. -Oui. Comme tu dis. Et ton groupe de musique, ça va ? -Ça avance. On bosse sur la troisième du disque. -Ah, bien ! Tu sais que j’adore « Tic-tac » ! -Attends la suite ! -Un concert ? -Ça, ‘faut attendre l’autorisation du général de brigade ! Pour l’instant, tu vois, on essaye surtout de faire un truc bien, on essaye de pas s’emballer. -N’empêche, c’est super ce que vous faîtes tout les trois. -Ouais, Mayès est un peu chiant parfois, mais avec Teo, ‘cun soucis. -Qu’est-ce qu’il a Mayès ? -Ch’ais pas. La dernière fois, on s’est pris la tête sur qui devait chanter à tel moment. Tu vois, quand dans « Humanoïdes femelles », le passage où on ralentit, et que ça redémarre ? -Oui, je vois. Continue. -Le passage où moi je dis « Et qu’est-ce qu’elles disent ?! », eh ben Mayès, il m’a pris la tête pour que ça soit lui qui dise le « disent », comme quoi ça irait encore plus vite, mais ça rend pas du tout au son ! -Faut essayer. -C’est ce que je t’ai dit, on a essayé ! C’est bidon, c’est tout. Les deux amis arrivèrent sur une place que les militaires encadraient. Saluant les officiers, humains, tsilss et terifels bloquaient le passage à la population locale. Á l’intérieur de leur cercle, des ouvriers s’activaient afin de réaliser un de ces phares urbains. La nuit tombée, ils devaient éclairer le ciel d’une lumière particulière, donnant à toute la région un repère. Souvent critiqué comme aide aux insurgés dans le but de localiser la ville, ils aidaient avant tout aux armées du Ryendul, d’autant plus que les codes couleurs changeaient d’une cité à une autre plusieurs fois par heure, et que seuls les états-majors avaient la liste tenue secrète de ces changements. On ne comptait plus le nombre de raids désorganisés face à la vue dans le même horizon de ces immenses lumières, tantôt bleu électrique, tantôt orange feu, tantôt une autre encore. Peu utile au sein d’un relief, la géographie indiquant d’elle-même les lieux, elles trouvaient en revanche parfaitement leur subtilité dans un paysage aussi désertique que celui de la Quitilogne. -Tu savais qu’ils en faisaient un, toi ? -Ça devait bien finir par arriver. Tu connais une ville que l’on a investi sans que l’on en ait construit un ? -Ça, merci, je savais ! Je demandais juste si tu avais entendu qu’on cherchait à s’en doter un aussi vite. Après tout, ça fait tout juste deux semaines que nous sommes à Nodblä. -Il faudra demander à Mèzehn, je suppose. -Je crois qu’il travaillait sur un projet… je sais plus lequel… -Dans quel domaine ? -Artillerie. Quand même incroyable que ce tsilss arrive à être officier dans les deux ! -On pourrait le faire, nous aussi, si on était aussi insomniaque que lui. -Bref, on lui demandera. Tu vas où là ? -Je rentrais au camp, bien sûr. Où tu veux que j’aille ? -Je sais pas, j’te demande ! -Et toi, tu vas où ? -Je crois que j’ai un rendez-vous… -Galant ? -Non, non, non. Encore une séance photographique. -Encore ! -Ouais, ben qu’est-ce tu veux, hein. -Où ça ? -Euuuuuh… -T’as oublié ? -Non, euh, j’ai momentanément égaré ça dans ma mémoire ! -Ben voyons ! T’as beau être devenu capitaine de cavalerie, tu es resté le même ! -Oui, bon ça va ! Je vais aller au camp demander au commandant… -Sérieux ? Tu vas aller voir Roubhler, comme ça ? -Tu veux que je demande à qui ! -Va plutôt voir le lieutenant-colonel ! -Mais c’est encore plus haut ! -Oui, mais c’est pas lui qui va te filer ta raclée ! -Quand tu dis le lieutenant-colonel, on est bien d’accord que tu parles de Denk-Mharz ? -Non, non ! Ben non, voyons, celui de l’autre brigade ! Gros malin… -Oh, ça va ! -Comment tu fais pour oublier ça ! C’est pas la première fois ! -Ça va j’t’ai dit ! Tu veux qu’on parle de ta mère ? -Oui, enfin, non. Alors on a intérêt à se dépêcher, c’est pas tout près ! -Tu m’accompagnes ? -Ben… oui. -Merci, mon vieux. Tu fais quoi, toi, c’t’aprèm ? -J’ai des exercices à donner à ma compagnie. -Encore une bonne après-midi ! -Pas mieux que de prendre la pose pour la presse militaire. -Ouais… ah, j’y pense ! Tu viens ce soir ? -Á la soirée ? -Eh oui ! -Á la soirée organisée en ton honneur ? -Héhé ! -Bah oui, je vais pas manquer ça. -Tu n’as pas l’air tip top emballé… ? -Tu sais ce que je pense de tout ça. Ils en font beaucoup. Tu le sais toi-même, ta manœuvre à la bataille n’était pas si exceptionnelle. -J’ai rattrapé l’ennemi ! -Tu l’as même dit hier ! -Oui, bon… j’ai quand même assuré ! -Tu n’avais pas reçu l’ordre d’aller aussi loin. -Eh ! Ben justement, j’ai eu le flair ! -T’as chargé tête dans le tas, toi et ton peloton ! Tu fais dans la reconnaissance ! Un silence s’ensuivit. Ils n’entendaient que le bruit de leurs pas sur les pavés, et le brouaha de la rue. -Tu crois que je ne mérite pas d’être capitaine ? -Je ne sais pas. On verra déjà si ce soir tu as les épaules assez larges pour avoir tes nouvelles épaulettes. Modifié le 12 janvier 2011 par Kael Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Kael Posté(e) le 12 janvier 2011 Auteur Partager Posté(e) le 12 janvier 2011 (modifié) L’État-Major avait ordonné l’envoi d’escouades aériennes, ce dans le but évident de mettre ainsi plus aisément en déroute les tribus venues d’Arie. Si un aérodrome de fortune avait été établi à l’extérieur de Nodblä, seuls une vingtaine d’appareils avaient reçu l’autorisation du Triumvir pour traverser les cieux du Maraen. Et pour cause, cet immense désert ne possédait aucune base d’appui, et les avions qui avaient réussi l’exploit de le traverser étaient des machines d’exception. Pouvant tenir une telle distance, résistant aux terribles tempêtes de sable, et obéissant à leurs pilotes, c’étaient là des avions d’une qualité exceptionnelle. Ceux qui avaient la chance d’être à leurs commandes étaient tous des officiers sortis de la prestigieuse Académie Aéronautique de Weih-Harenil, du duché de Yastivol, situé à l’ouest de Ryendul. Triés sur le volet, ils étaient des héros à eux-seuls. Non pas que l’aviation eut été particulièrement utilisée ces dernières années, mais la simple vue de ces appareils auprès des régiments ordinaires avaient de quoi faire tourner les talons à plus d’un. L’emploi ne serait-ce qu’un seul d’entre eux donnait un avantage décisif à une armée. L’impact psychologique de ces engins était considérable, tout particulièrement dans ces régions pauvres, peu habituées à une telle vision. L’intendance les appréciait aussi, parfaitement capable de transporter des charges encombrantes pour la cavalerie, et ceci avec une vitesse des plus adorables. Il y avait en revanche une vraie concurrence entre les aviateurs et les cavaliers. Ces derniers étaient victimes depuis l’apparition de l’aéronautique d’un manque de considération de plus en plus prononcé, alors qu’eux-mêmes étaient la fine fleur militaire. Á croire que le temps des charges, le sabre au clair, était révolu. En tout cas, pas totalement. Aucun avion ne pouvait égaler un cavalier dans une mission de reconnaissance, et sans être aussi rapides, ils étaient bien plus fiables et discrets. Il n’était pas rare qu’un appareil aille percuter le flanc d’une falaise, ou s’écrase tout simplement. Si les ingénieurs du Triumvirat, en collaboration avec ceux de Constantinne, avaient réussi à créer la machine ouvrant la guerre des cieux, des améliorations auraient été les bienvenues. L’hélice plantée au bout des avions empêchait que l’engin lui-même possède des armes de son envergure. En effet, le corps principal ne pouvait tirer sans endommager fatalement l’hélice, et les ailes ne pouvaient en aucun cas en supporter le poids. Ainsi, les pilotes étaient également des tireurs. Pistolet pour la plupart, mitrailleuse pour les téméraires, grenades pour les plus cinglés, ce double rôle rendait l’usage des avions extrêmement périlleux. Outre les risques intrinsèques au pilotage, combien de valeureux soldats avaient trouvé la mort en voyant leur hélice voler en éclat suite à l’infortuite d’un projectile. D’où l’extraordinaire réputation de ces officiers. Plus ils étaient vivants, plus ils devenaient des légendes. Un autre désaccord existait entre eux et les autres membres de l’armée. La plupart n’étaient pas des nobles. Pour sûr, la cavalerie restait le symbole même de l’aristocratie, encore que l’artillerie recevait elle aussi sa part de sang bleue. C’était aussi pour dire que l’on pouvait se permettre de perdre de simples « soldats ». Très peu étaient originaires de la bourgeoisie. En vérité, ils venaient vraiment de basse extraction. En cela, Weih-Harenil ne manquait pas de recrues, car à la gloire venait s’ajouter le plaisir unique de tenir tête à ces altesses. La formation académique qui leur était imposée ne se composait pas seulement de cours de pilotages. Elle n’avait rien à envier aux autres académies, aussi bien sur les connaissances scientifiques que littéraires et historiques. Beaucoup pouvait se demander à quoi bon pouvait bien servir de tels enseignements. Si la vérité n’avait jamais été publiquement avouée, c’était qu’elle était tout particulièrement gênante. Á dire vrai, le nombre d’aspirants était nettement supérieur aux capacités techniques de Ryendul. Bref, il n’y avait pas assez d’avions pour tous, et il fallait bien trouver une raison pour éliminer les candidats « en trop ». Certes, on avait émis l’idée de concours uniquement basés sur les capacités des aviateurs. Mais lorsqu’ils arrivaient en fin d’étude, ils avaient souvent un niveau largement suffisant pour piloter, les cinq années précédentes ayant fait une partie du tri. Du coup, en plus de ces épreuves, étaient venues se rajouter d’autres matières, au grand dam de la plupart, comme à celui des officiers de cavalerie. Aussi savants que têtes brûlées, ces hommes et ces femmes imposaient le respect, mais se plaisaient à s’octroyer un droit d’arrogance certain. Ils étaient meilleurs. En tout cas, les vingt pilotes présents ne faisaient pas exception. D’autant qu’ils étaient très précieux pour les deux divisions engagées pour défendre les relations entre l’Archiduché et la Quitilogne, puisqu’en temps normal, on en comptait cent vingt pour une brigade, soit trois cent cinquante pour une seule division. Mais aussi rares qu’ils étaient, ils n’étaient pas encore à utiliser. Pas pour le moment, et certainement pas pour de trop simples missions, encore qu’ils avaient pu faire une sortie lors du dernier affrontement. La plupart du temps, ils devaient rester à l’aérodrome, à attendre les instructions et à s’entraîner. Parfois, ils s’ennuyaient tellement qu’ils en venaient aider les ouvriers à construire le bâtiment. Hivanelle Hartcher, nom de code « Arschie », était l’une d’entre eux. Il n’était pas rare de voir qu’une terafelle avait réussi à devenir officier pilote. Leur race possédait naturellement des facultés de perception et d’écoute quelques peu plus développées que les autres. Hartcher était dans l’armée depuis maintenant trois ans, et du haut de ses vingt-et-un ans, elle n’avait pas connu l’échec. Déjà, ses instructeurs la considéraient comme le fleuron de l’aviation. Elle était capable de toutes les acrobaties, elle était apte à accomplir n’importe quel objectif, et s’illustrait à chaque sortie. Son tableau de chasse était impressionnant, mais il y avait un revers de taille. Il était de notoriété courante que les aviateurs étaient tous plus ou moins dérangés, cependant le cas Arschie exacerbait ce point. On ne comptait plus ses manœuvres hasardeuses, pouvant même en péril toute une opération, et ne reposant que sur son incroyable talent, mais aussi sur une chance insolente. Loopings, pirouettes, voltes et zigzags, voilà quel était le lot permanent que devaient subir ses supérieurs lorsqu’ils l’envoyaient dans les airs. On avait estimé sa consommation de carburant au double de ses camarades, au triple de ce qui était autorisé. Pire que tout, au sol, elle avait un penchant prononcé pour l’alcool et le cigare, la rendant aussi irascible qu’ingrate. Hartcher avait même eu le culot de mettre un poing dans la figure d’un capitaine, après que celui-ci l’ait insulté de « pochtronne ». Un tel comportement l’avait conduite à être aux arrêts pendant trois semaines. Mais Arschie restait une légende. L’infanterie était rassurée quand elle voyait les ailes de son värper, repeint en violet et tagué de jaune. Bien sûr, la cavalerie la méprisait, mais l’artillerie également. Elle avait la fâcheuse tendance de ne pas s’en tenir à ses positions, volant en rase motte, avant de remonter en piquet. Les canonniers ne supportaient pas cette attitude, notamment lorsqu’ils renonçaient à un tir splendide pour épargner la pilote forcenée. Parmi son escadrille, dont elle aurait pu devenir la chef, les avis étaient partagés, mais un sentiment de rivalité existait. Il était courant parmi eux, après une opération délicate mais réussite, de s’exclamer « J’ai fait ma Arschie ! ». Le Värper de Hivanelle survolait l’aérodrome. Comme tous les jours, à quatorze heures, elle avait son entraînement. Il était déjà quinze heures moins vingt lorsqu’elle se mit enfin dans son cockpit. Sous le regard de son capitaine, Hed Möling, qui alternait crises de colère et soupirs, elle accomplissait un exercice simple et banal, mais d’une grande importance pour l’entretien de ses capacités. Montre en main, Hartcher devait abattre des ballons placés à des altitudes différentes, certains fixes, d’autres mobiles, le tout en un minimum de temps. Cet entraînement demandait une grande dextérité, et bien souvent, il restait toujours une ou deux cible. Bien sûr, l’intérêt était évident. Il s’agissait de familiariser les pilotes à leurs appareils et au maniement des armes. Ce n’était pas sans risque, surtout dans la région aride de la Quitilogne. Le soleil et la chaleur, mêlés aux acrobaties, pouvaient aisément déstabiliser les aviateurs, et leur faire perdre tout contrôle. Mais le capitaine insistait pour que l’horaire reste telle quelle, voulant avant tout que ses pilotes soient habitués aux conditions météorologiques. Aussi, comme toujours, le risque d’un mauvais tir allant percuter l’hélice existait bel et bien. Néanmoins, Hivanelle s’en moquait éperdument. C’était presque en baillant qu’elle faisait feu. Elle avait reçu l’ordre direct de ne plus détourner la radio pour capter les ondes musicales. Par chance, un investisseur du Triumvirat avait installé une antenne relais à Nodblä, sans laquelle Hartcher ne pourrait écouter le son de ses groupes préférés. Ainsi détournée, elle perdait les instructions de son supérieur. Mais à quoi bon aurait servi de les écouter ? Elle accomplissait parfaitement cet exercice, quoique d’une manière peu conventionnelle. Ses cheveux argentés fouettés par le vent, elle voyait, elle regardait, elle visait, et tirait avec une précision déconcertante. Parfois même, elle se faisait des petits « kiffs », les yeux fermés. Arschie n’était pas une adepte des mitrailleuses, quoiqu’elle en avait déjà fait l’usage. Non, rien ne valait mieux que la puissance d’un schmirler 87.b. Á l’exception, peut-être, de deux schmirlers 87.b, qu’elle avait d’ailleurs en main. La puissance de ces révolvers, venus tout droit des usines de Mëtterbrünn, était redoutable. Ses balles étaient d’un calibre ahurissant, faisant presque la taille d’un doigt. C’était une arme qui pesait, à tel point que la plupart des utilisateurs s’efforçaient de s’entretenir le poignet, ce qui était d’ailleurs source de moquerie envers le sexe masculin. Sa portée était considérable, pouvant atteindre une cible à une demi-lieue. Son barillet contenait neuf balles, et sa crosse était la meilleure des masses de dernière nécessité. L’armée triumvirale n’en faisait pas l’emploi, cela aurait été encourager les usines du royaume de Mëtterbrünn, mais certains officiers pouvaient avoir des dérogations spéciales. Arschie maniait une telle arme, en se rappelant constamment que c’était le général de brigade Yerts qui lui avait donné l’autorisation, pour la féliciter d’avoir abattu un zeppelin. L’obtention de la paire se fit simplement sous le manteau. Il fallait être très doué pour pouvoir manier un tel révolver en plein vol, mais en manier deux, c’était tenir de la légende. Le « kiff » favori d’Arschie était de prendre une bonne respiration, de visualiser ses cibles, de fermer les yeux, puis de laisser l’appareil sans contrôle, celui-ci commençant sa descente, avant de faire feu avec ses deux armes, de faire mouche, et enfin de remonter. Elle avait parfaitement maîtrisé la rotation du révolver dans sa main, ce qui lui permettait d’alternait avec aisance le maniement de l’arme et celui du Värper. La détonation d’un coup de feu s’entendait sur tout le champ de bataille, et on disait même que la puissance d’une de ces balles pouvait briser le fût d’un canon. Puisqu’elle n’avait « que » dix-huit balles dans ses barillets, il fallait qu’elle recharge au cours de l’exercice pour abattre les trente ballons. Son nouvel exploit était de faire une pierre deux coups, en se plaçant astucieusement sous un certain angle pour abattre deux cibles en même temps. Une fois, elle réussit à en atteindre trois. Mais là, la chance était évidente. Recharger était particulièrement délicat. Il fallait qu’elle ouvre la boîte située juste au dessus des commandes de l’avion, veiller à ce que les mouvements de l’appareil ne fasse pas tomber son contenu, et se grouiller de remplir les barillets. Elle perdait énormément de temps. Alors, pour ne pas être déconcentré par une éventuelle angoisse qu’elle ne connaissait pas, elle montait le volume de la musique et hurlait le nombre de munitions qu’elle parvenait à insérer avant de devoir reprendre le manche de pilotage. -Quatre ! Hed Möling était exaspéré. Il aurait à parler avec le chef d’escadrille, même s’il savait déjà que cela ne servirait à rien. Encore un looping, et Arschie allumerait son « cigare de la gloire », si elle ne l’avait pas encore à la bouche à l’instant. Le capitaine revêtait un uniforme d’officier usé, mais encore mettable. Pantalon garance, veste noire à triple boutonnière, caractéristique des soldats de l’aviation, épaulettes argentées, et bicorne décoré de la cocarde verte-jaune-blanche, là encore, symbole des aviateurs. Aucun sabre sur le côté, seulement un révolver dans son étui en cuir. Une barbe aux immenses favoris allaient de ses oreilles en écartant le menton, préférant bifurquer par le doux espace existant entre la lèvre et le nez, d’où d’autres poils venaient s’y ajouter. La montre à gousset en main, il soupira encore une fois en voyant le dernier ballon tomber, lentement. Une clameur audible se fit entendre depuis le cockpit, suivi de plusieurs détonations. -Mais putain ! Je lui ai dit quoi la dernière fois ! Je lui ai dit combien de fois ! Elle va briser la coque de son värper ! Putain ! Les neuf autres pilotes de l’escadrille du 6e bataillon, 4e régiment de la 2e brigade de Tranniae applaudirent en cœur. Ils portaient le même uniforme que leur supérieur, sans les épaulettes, et sans le bicorne. Il faisait bien trop chaud. -Mon capitaine, quel temps a-t-elle réalisé ? -Sept minutes et vingt-six secondes… -Ouaaaaah ! -Ça, c’est la classe ! -Attendez ! -Quoi ? -Elle avait pas mis pile poil sept minutes la dernière fois ? -Euuuuh… -J’regarderais sur le registre. Bon, ‘lui reste à pas foirer l’atterrissage. Mais déjà l’appareil d’Arschie l’amorçait. Dans son cockpit, elle jubilait. Schmirlers 87.b rangés, elle avait bien mérité son cigare. Et une petite bouteille. -Pensez aux portes ! Armement des toboggans ! Cette phrase était une parfaite ineptie lors d’un atterrissage, plus encore lorsque l’on pilotait un avion de chasse et non un de ces tout nouveaux autobus volants, encore rarissimes. La piste n’était qu’un chemin à peine aplati par les ouvriers de l’intendance et ceux venus de Nodblä, cherchant à gagner trois denï six sous. On avait pas eu le temps d’y mettre du goudron. Alors, il fallait faire avec les nids de poules et autres imperfections, tout un tas de pièges aptes à faire piquer du bec un värper. Sans s’en préoccuper outre mesure, la pilote sortie, se mettant à danser, le cigare à la bouche et les lunettes de soleil plaquées sur la figure. -Allez, allez, suce ça, poupée ! C’est qui ? C’est qui qui gère ? Les autres officiers allèrent la retrouver. Un d’eux avait déjà penser à la bouteille. -Tu gères Arschie ! -Je sais ! -Et t’aurais pas pu nous faire comme la dernière fois ? -Quoi, le triple ballon ? -Ouais ! -Pour la prochaine, les minus ! -Ne faîtes pas trop la maline, Arschie. -Capitaine ! Vous venez trinquer avec nous ? Vas-y verse, l’ami Chouk-chouk ! -Vous n’avez pas fait mieux que lors de votre dernier exercice. -Ah ? Bah, pas de beaucoup ! -Trente-huit secondes de retard. -Bah, je… -Vous la bouclez ! Vous entendez Arschie ?! Vous avez perdu la partie. Vous avez été plus mau-vaise, comprenez vous ? -Mais, capitaine… c’est énorme son temps… -Ta gueule Koah ! Je t’ai pas sonné. Allez-y, faîtes la fête, faîtes là comme si c’était mérité. Mais foutez moi le camp de la piste, y’a Johé qui prend le relais. Un silence suivit l’engueulade. -Vous m’avez entendu ?! Foutez moi le camp ! Les pilotes laissèrent alors le capitaine, voyant leur camarade se pressait pour rejoindre son appareil, paré pour tenter vainement de faire mieux que le précédent. Hivanelle, encore le verre à la main, baissa la tête. Elle pouvait bien s’accorder son cigare. Mais pas celui « de la gloire ». Modifié le 12 janvier 2011 par Kael Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 15 janvier 2011 Partager Posté(e) le 15 janvier 2011 OUps ! Désolé je sais pas pourquoi j'ai oublié de commenter ! Bien alors je vais tout de suite parlé du négatif : Les dialogues. Quand on lit les dialogues, on a vraiment l'impression d'entendre parler des enfants de 14 ans. C'est pas à toutes les phrases mais au final dans l'ensemble c'est ce qui ressort. Et je parle pour tous les personnages de tous les dialogues. Ca devrait pas être dur à trouver les passages qui gênent C'est d'autant plus mis en valeur qu'à côté, les narrations sont précises et matures. Bon sinon c'est pas mal même si on fleurte trop avec la technologie et je me demande si ça va rester dans le coin On verra avec la suite ! Allez go ! @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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