Invité Absalom Posté(e) le 24 février 2011 Partager Posté(e) le 24 février 2011 (modifié) J'apporte ma pierre à l'édifice avec cette lecture d'un Poème de Robert Desnos. Si jamais, sans le vouloir j'enfreins le règlement de la Section (je n'ai pas trop fait attention s'il fallait s'inscrire au préalable ou poster impérativement un Samedi ) ,je m'en remets aux bons soins des Modos de la section Etant donnée la teneur du Poème (chanson) en question, je me suis autorisé à utiliser un ton un peu décalé et potache, me plaçant sous la paternité amicale des "Papous dans la tête"ou du Pr Rollin (ou encore de l'Oulipo mais là c'est prétentieux ). Je précise que le Poème n'est pas représentatif du style Desnos mais il convient parfaitement à l'exercice auquel j'aimerais vous convier. Voilà: L'Amour tombe des nues Un samedi du moyen âge Une sorcière qui volait Vers le Sabbat sur son balai Tomba par terre Du haut des nuages Ho ho ho madame la sorcière Vous voilà tombée par terre Ho ho ho sur votre derrière Et les quatre fers en l’air Vous tombez des nues Toute nue Par où êtes vous venue Sur le trottoir de l’avenue Vous tombez des nues Sorcière saugrenue Vous tombez des nues Vous tombez des nues Sur la partie la plus charnue De votre individu Vous tombez des nues On voulait la livrer aux flammes Cette sorcière qui volait Vers le sabbat sur son balais Pour l’ascension Quel beau programme Ho ho ho voilà qu’la sorcière A fait un grand rond par terre Ho ho ho quel coup de tonnerre Il tomba d’l’eau à flots Et l’eau tombe des nues Toute nue Éteint les flammes tenues Et rafraîchit la détenue L’eau tombe des nues Averse bienvenue L’eau tombe des nues L’eau tombe des nues Et la sorcière se lave nue Oui mais dans l’avenue L’eau tombe des nues Qu’elle était belle la sorcière Les présidents du châtelet Les gendarmes et leurs valets La regardaient Dans la lumière ... et un éclair qui brille Et c’est vos yeux qui scintillent ... et votre cœur pétille Nous sommes sourds d’amour Et nous tombons des nues Elle est nue Oui mais notre âme est chenue Nous avons de la retenue Nous tombons des nues Sorcière saugrenue Nous tombons des nues Nous tombons des nues Qu’on relaxe la prévenue Elle nous exténue Nous tombons des nues Et je... Mais tombe des nues Tu tombes des nues Le monde entier tombe des nues L’amour tombe des nues Et vive les femmes nues ! Robert Desnos. Le poème s’ouvre sur une information d’ordre calendaire à la fois précise et particulièrement vague, ce qui traduit concomitamment le propos historique de l’Auteur mais aussi exactement le contraire. Il est à noter que ni l’heure ni l’année ne sont données. Le fait que cela n’influe en rien la nature de l’aventure relatée n’est évidemment pas une explication suffisante. Cela dit, je n’en vois pas d’autre. La suite des évènements nous incite toutefois à croire que le crépuscule pointe, déjà, le bout de son nez rosi. Mettons qu’il doit être aux alentours de 18h en Automne ( nous optons pour Octobre, vers la fin du Mois ...disons le 30). Pour l’année, je serai tenté de contredire l’Auteur (que ce Cher Maître me pardonne) : les procès en Sorcellerie étant chose assez peu répandue au Moyen Age, je pencherais pour le 17ème siècle, sans pouvoir être plus précis. Je ne reviens pas sur le récit détaillé et explicite des faits rapportés par l’Auteur. Attardons-nous, si vous le voulez bien (et même si vous ne le voulez pas), sur le personnage principal, sobrement qualifié de Sorcière, ce qui ici n’est en rien insultant, la jeune personne semblant effectivement user à de nombreuses reprises, de ce que le Savoir Populaire désigne sous le terme Sorcellerie. Qualifier votre vieille institutrice de Sorcière est, à contrario, une insulte. Les boutons et le nez crochu de la dite institutrice ne peuvent constituer une preuve suffisante (ni même nécessaire, dixit le Poème) d’usage de Sorcellerie. Nous notons que la nature de la Jeune Personne est duale à plus d’un titre. : Ciel/Terre, Pluie/Flammes et Nue/pas Nue. Ces oppositions souvent drolatiques déstabilisent l’assemblée monolithique, indistincte et incontestablement virile. C’est jusqu’à la structure même du Poème qui s’en trouve perturbée. Les interjections « Ho ho ho » annoncent la survenue de ce joyeux désordre et imprime au Poème un mouvement dansant et populaire. Nous sommes en pleine Farce villageoise. Le voile de pudeur dont l’Auteur recouvre les détails les plus crus de ce Carnaval impromptu est là pour ménager la sensibilité de chacun et de chacune. « La partie la plus charnue de votre individu ». Cette périphrase est d’autant plus déconcertante et mystérieuse que l’Europe du Moyen Age n’est pas connue pour être un Pays de Cocagne. Nous en déduisons que les parties charnues d’un individu lambda devaient briller par leur rareté. Etant donnée la jeunesse supposée de notre protagoniste, et le moyen de locomotion utilisé qui demeure fort incommode, nous en déduisons, dis-je, que la partie charnue devait se localiser approximativement autour du bassin. Une lecture plus attentive du Poème permet de trouver une occurrence de « votre derrière », ce qui confirme notre interprétation (quoiqu’elle fût déjà fort documentée). Le Poète trahit, par là-même, sa volonté de composer un texte volontiers grivois et léger. La conclusion heureuse de l’épisode et l’exclamation finale « Et vive(nt) les femmes nues ! » nous conforte dans cette interprétation. Notons qu’il doit être difficile, pour une femme ou un homme, de vivre nu(e), qui plus est au Moyen Age, connaissant les contraintes et les rigueurs propres à l’époque. Gageons qu’il s’agisse d’une licence poétique et nous pardonnerons d’autant plus l’Auteur que la formule ne manque pas de Panache. Voilou A+ Modifié le 25 février 2011 par Absalom Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Silverthorns Posté(e) le 24 février 2011 Partager Posté(e) le 24 février 2011 Héhé... J'ai bien aimé le côté pince-sans-rire du commentaire. Mais je manque à tout les codes de civilité existants: cela fait plaisir de te voir ici! (oui, je ne suis pas le mieux placé pour dire cela, mais que voulez vous, quand on se sent bien quelque part... ) Nouvelle facette du profil Absalom, et même agréable à découvrir. Bref. Concernant le sujet de la chronique (tiens, répondons à tes interrogations: oui, il est prévu de s'inscrire normalement, comme une réservation; mais bon, vu qu'il n'y a pas foule... Euh, même, puisqu'il dur d'avoir du monde à un rythme soutenu, bah c'est pas grave. En même temps, c'est pas toujours facile à tenir comme contrainte . Secondement, l'autre principe de la chronique du samedi, c'est qu'effectivement elle arrive le samedi . Mais je ne pense pas qu'on puisse t'en tenir rigueur), c'est sympathique, ça change. Par contre, je ne sais pas si c'est sensé être chanté par lui, mais je n'ai trouvé qu'une version par un groupe (Les têtes raides me semble). A ce propos, même si Desnos me dit quelque chose, et même si je peux chercher par moi même, j'aurais bien aimé une petite biographie, juste pour avoir quelques informations (qui, quand, principalement). Voilà, c'est tout. Merci bien, et au plaisir de te rencontrer ici de nouveau. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Invité Absalom Posté(e) le 24 février 2011 Partager Posté(e) le 24 février 2011 (modifié) Merci Silverthorne pour ta réponse ! J'ai un lecteur !! Désolé de n'avoir pas respecté le règlement à la lettre. Du moins en ai-je respecté l'esprit Pour ce qui est de la notice biographique, même si les textes de Desnos m'accompagnent depuis un paquet d'années, je dois dire que je suis incapable d'en composer une digne de ce nom. Je vais me contenter de résumer ce que je retiens du personnage. Robert Desnos est un poète français du début du 20ème et qui a participé au foisionnement littéraire (et politique) de l'époque (Surréalisme, Grand Jeu et Cie). Bon comme je me fiche un peu des étiquettes et des chapelles ..passons. Je dis aussi politique car la Légende dit que Desnos était capable de taper sur la tr...che des fascites qui pouvaient parader à l'époque (et je me plais à penser que ce n'est pas qu'une Légende). Desnos a été déporté en 44 et il n'en est pas revenu . Le fait qu'il ait écrit pendant sa déportation est juste une Légende je pense. Pour le style... on retient souvent ses jeux avec la langue où il maltraite la syntaxe et l'orthographe, parfois au détriment du sens. C'est toujours virtuose : "Les ponts s'effondrent tous au cri du paon qui pond et les pans du pont transforment les rivières. " (l'Aumonyme) ..mais un peu vain. Parfois je jeu grammatical est moins "gratuit" et fait sens: "Dans bien longtemps tu m'as aimé" (Dans bien longtemps-A la mystérieuse) Notez la contradiction dans l'emploi du passé composé alors que l'on attendrait un verbe au futur ... comme l'impossibilté d'un temps présent. Juste génial Dans cette veine plus intimiste, il ya donc les poèmes de "A la mystérieuse". Des poèmes déchirants (Poésie amoureuse si vous voulez tout savoir). Génial. Tout ça dispo chez Poésie-Gallimard (Recueil "Corps et Biens") A+ Modifié le 24 février 2011 par Absalom Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Lord Paladin Posté(e) le 25 février 2011 Partager Posté(e) le 25 février 2011 Bien le bonjour à toi te merci pour cette chronique qui sans être publiée un samedi, situe son histoire précisément ce jour - de là à penser aux poètes comme des sorciers il n'y a qu'un pas... que je ne franchirais pas. La critique est amusante et fraîche mais comme Absalom, je trouve qu'elle manque un peu de profondeur, puisque hormis quelques remarques - certes tout à fait pertinente - nous n'apprenons rien de Desnos lui même ou bien de tes sentiments vis à vis de ce poème - et oui, cela compte aussi - et je trouve cela bien dommage. Cela dit, tu m'as donné envie de me jeter sur une bibliothèque pour torturer un vendeur jusqu'à obtenir les ouvrages ici mentionnés ce qui est donc un point fort positif. Pal' Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Invité Absalom Posté(e) le 25 février 2011 Partager Posté(e) le 25 février 2011 (modifié) Merci pour ton com' seigneur Paladin. La critique est amusante et fraîche tu m'as donné envie de me jeter sur une bibliothèque pour torturer un vendeur jusqu'à obtenir les ouvrages ici mentionnés J'en suis ravi comme Absalom, je trouve que la critique manque un peu de profondeur Oui je suis schizophrène (j'en suis également l'auteur ). Profondeur et légèreté ne sont pas incompatibles mais j'avoue avoir choisi ce poème (qui est une chanson en fait) parce qu'il n'y a pas grand chose à approfondir. Sauf à consdérer que" l'humour est la politesse du désespoir". Mon "commentaire" se veut être un exercice de style avec contrainte. ...hommage à Queneau et à l'OuLiPo. Ces écrivains se livrent à des jeux comme : "Réécrire Andromaque sous la forme d'un commentaire sportif." ou "Ecrire un roman sans la lettre E" Mon deuxième message, j'espère, est moins futile (même si j'abhorre l'esprit de sérieux qui pour moi n'est que forfaiture.) nous n'apprenons rien de Desnos lui même ou bien de tes sentiments vis à vis de ce poème Il y a des poèmes de Desnos (ou Pessoa , ou d'autres ) qui m'ont plus touché que celui que j'ai choisi. N'y voyez aucune malice ou calcul. C'est juste qu'il est plus difficile de partager les textes qui m'ont le plus marqué. Trop intime, pas assez de recul.... voilà tout Modifié le 25 février 2011 par Absalom Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Tar Mineldur Posté(e) le 26 février 2011 Partager Posté(e) le 26 février 2011 Poster la chronique du samedi un jeudi <=> 20 % d'averto. J'ai toujours rêver de me faire traiter de modo-nazi... Le poème est sympa, léger et amusant. Ça change de ce que j'ai pris l'habitude de lire ce qui n'est pas moins bien. J'avoue que je ne connaissais Desnos qu'à travers le poème d'Aragon chanté par Ferrat et que j'étais curieux de lire un de ces poèmes. Pour la chronique, je suis assez d'accord avec l'analyse qu'en fait Palouf. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Celt Posté(e) le 26 février 2011 Partager Posté(e) le 26 février 2011 Sympa, rafraîchissant, bien fait. Je sais que ça ne coûte rien de dire ça, mais merci pour cette petite chronique bien légère qui fait plaisir Sinon, je suis pour un truc sur l'OuLiPo... Depuis le temps, j'avais l'impression d'être le seul à apprécier leur travail. Coupaing Absalom Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Ignit le Fourbe Posté(e) le 27 février 2011 Partager Posté(e) le 27 février 2011 Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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