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Séphralis : Mécaniques dysnatiques


Kael

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Bonjour à tous !

J'espère cette fois tenir un nouveau récit, cela faisait bien quelques mois que je galérais sévère pour me relancer !

Premier test, je suis plutôt satisfait. Je reviens aux fondamentaux de ma pensée fantastique, et j'ai hâte de vous faire partager tout ça !

Sur ce, bonne lecture ! :flowers:


[size="6"][u][b]SÉPHRALIS : MÉCANIQUES DYNASTIQUES[/b][/u][/size]

[b][size="4"]
CHAPITRE I : Faîtes vos armes ! [/size]
[/b]


[i]Le monde de Séphralis est un monde complexe et mystérieux, où peine à émerger une véritable organisation entre les différents États. Si la plupart sont pauvres ou n’ayant qu’une importance seulement locale, certains parviennent toutefois à s’élever, souvent au détriment des autres d’ailleurs. C’est le cas de Baptorel, de Constantinne, de Metterbrünn, mais surtout de Dran-Thelor, le puissant Triumvirat, situé au nord du désert de Maraen. Dirigé par trois Triumvirs, archiducs d’un conglomérat de duchés, de comtés et de baronnies, on ne peut alors que parler d’un État tricéphal, tant les différences sont profondes entre chacune des trois provinces. Si les divisions se font sentir à la tête de ces royaumes et empires, elles sont également présentes parmi le bas peuple. L’aristocratie domine encore une masse paysanne, devenant de plus en plus prolétarienne avec l’arrivée massive des nouvelles technologies. L’écart entre les campagnes et les villes est terrifiant. Aux forêts vierges de tout progrès, les cités s’établissent en quartier tous plus modernes les uns que les autres, faisant appel aux puissances de la vapeur, du charbon, de l’engrenage et de l’électricité. Le peuple lui-même n’est pas homogène. Les industries attirant à elles quantité de travailleurs, les bas quartiers sont des plus hétéroclites, accueillant dans la misère des milliers d’ouvriers aux origines aussi variées que diverses. Les tensions sociales sont palpables, car même si les conditions de travail sont généralement inhumaines, la promesse d’un salaire, si minable soit-il, a de quoi exacerber les jalousies et les querelles entre natifs et immigrés. Chaque Etat apporte ses propres réponses face à ces enjeux, auxquels s’ajoutent tant d’autres à la hauteur de leurs ambitions. Au sein même du Triumvirat, chaque duché se considère comme une entité à part entière, et ne cherchent pas à confronter leur propre situation à celles de leurs voisins.

En Dran-Thelor, le centre de Hiénilos, cet immense continent qui forme presque la totalité de Séphralis, une exception semble toutefois s’affirmer. Parmi ses trois archiduchés, Eltaj, Treföne et Ryendul, ayant chacun des spécificités bien distinctes, c’est ce dernier qui agit autant qu’il s’agite. Si le traité d’alliance de 2879, date à laquelle l’Empire a laissé place au Triumvirat, oblige ces provinces à s’unir, elles jouissent d’une indépendance de fait, et l’archiduché de Ryendul a depuis longtemps décidé d’en profiter.

Faisant office de principal rival à Eltaj, l’archiduc Hranel le Haut, s’il ne peut faire valoir un commerce équivalent à celui de l’archiduchesse Fidulii l’Élégante, règne en revanche sur une province militarisée au possible et ne connaissant pas les maux de la division. Certes, l’organisation ducale existe, mais l’armée est à ce point omniprésente qu’il est presque impossible de la distinguer de la société civile. L’archiduc n’est autre que le généralissime, et les fonctions politiques sont attribuées en fonction des années passées sous l’uniforme. L’égalité est une priorité étatique, tous les citoyens, riches ou pauvres, sont soumis à la même Loi, faisant référence à celle rédigée, il y a maintenant près de trois siècles, par Hanatil le Stratège, instituant la fin de sa propre dynastique au profit d’une élection organisée au sein des comices. Le trône du Ryendul appartient depuis au plus capable, et si on ne peut parler de démocratie, compte tenu du système militariste installé, n’est favorisé que celui qui a versé son sang pour l’archiduché. Autrefois sanctuaire impérial, le Ryendul cherche à retrouver sa place d’antan en déployant sur le continent de grandes armées extrêmement bien équipées. Aucune autre nation ne peut se targuer ne serait-ce que de lui faire concurrence dans les domaines de l’industrie militaire. On ne compte pas moins d’une cinquantaine de brevets déposés chaque année, rien que dans l’armement. Une telle organisation, si elle a le mérite de faire taire les revendications sociales au profit d’une domination territoriale, suscite néanmoins la méfiance d’Eltaj et de Treföne, et sur un plan purement diplomatique, le Ryendul n’a que des alliés de paille.

Depuis maintenant quelques années, et plus exactement, depuis 3546, la politique générale se tourne vers l’accompagnement des « petits États ». Profitant du manque d’organisation interne qui est le leur, l’archiduché, au prétexte de « l’entraide » et de « l’amitié », offre généreusement ses connaissances et ses soutiens logistiques. Des villes autrefois animées seulement du passage des brebis laissent place à une industrie nouvelle, des vapeurs noires s’échappent des cheminées d’usines récemment construites, et les couleurs militaires remplacent peu à peu celles des drapeaux locaux. C’est donc un véritable système colonial qui s’est mis en place, et ce dans l’unique but de donner l’avantage à Tranniae, capitale du Ryendul, au sein du Triumvirat.

Cependant, une telle entreprise n’est pas restée discrète bien longtemps. Outre les habituelles mises en garde diplomatiques des Royaumes et Empires œuvrant à l’ennuyeux équilibre dans le concert des nations, des révoltes armées commencent à éclater. Nous sommes en l’an 3549 du calendrier triumviral, et il ne fait aucun doute que le tournant décisif pour Ryendul est imminent. L’archiduché est allé trop loin. Sa Loi s’impose sur ces nouveaux territoires, et face à ses conquêtes, la colère populaire gronde. Soit Hranel le Haut parviendra à maintenir son emprise et assiéra ainsi son pouvoir, ou les peuples insurgés auront raison de sa politique expansionniste, et mettront fin à ses projets, mettant à bas des investissements à ce point considérables que leurs rentabilité est désormais une priorité pour le maintien du système ryendulien.

Accroché à l’idée que les exploits ne dépendent que du courage et de la détermination de chacun, le gouvernement de Tranniae a dépêché deux divisions en Arinie, petit royaume tribal situé au sud du désert de Maraen, afin d’en protéger les installations économiques et militaires. Si officiellement, le Sultan El-Nadjab s’est rallié le plus volontiers du monde à cette opportunité des plus clinquantes, son autorité ne prévaut que pour une minorité, certes, citadine, mais n’ayant en rien l’ampleur des peuples du désert qui, eux, ont déjà fait connaître leur hostilité face à l’envahisseur.

En ce moment même, la division du général Hénolyte Layël marche à la rencontre d’un de ces groupes armés, tandis que la seconde reste aux alentours de la ville de Nobdael, site clef à l’essor industriel de la région. D’après ses informateurs personnels, les rebelles seraient considérables, et comme ils ne peuvent se mobiliser comme de vrais soldats professionnels, c’est une occasion à ne pas manquer pour eux de marcher sur les Ryenduliens. C’est également une occasion à ne pas manquer pour Layël de les écraser tous, plutôt que de lancer de périlleuses et hasardeuses missions visant à les neutraliser séparément.

Ce récit commence. Et c’est au jeune lieutenant d’infanterie Ylias Methronid de prouver sa valeur.[/i]









Les hommes marchaient au pas, le fusil à l’épaule. Leur alignement était impeccable, signe évident de l’entraînement qu’ils avaient suivi. Aucun son n’émergeait des colonnes de soldats qui avançaient, sinon celui des fifres et des tambours, rythmant un pas étouffé. Les regards allaient droit devant, surveillant cet horizon tremblant sous l’abominable chaleur qui les accablait tous, guettant la moindre poussière, qui aurait été le signe tant attendu de la rencontre avec l’ennemi. Il n’y avait rien. Seulement ces collines sèches et arides, parsemées de buissons épineux, véritables pièges à couards. L’anxiété était palpable. Ce maudit horizon, si frêle, ne se laissait pas découvrir, et à chaque hauteur franchie laissait s’enfuir désespérément la chance de voir un peu plus loin encore. L’armée montait, puis elle descendait. Elle remontait, puis redescendait, non sans connaître quelques fois le plaisir teinté d’angoisse de continuer sur un plateau, allégeant les bras comme les jambes, mais plongeant ces êtres dans une nouvelle attente insupportable de la vue qui les attendaient, après cette colline. Parfois, ils fixaient leurs étendards, que chaque compagnie abhorrait fièrement, aux couleurs blanches, vertes et rouges et à l’écriture d’or, indiquant le nom et le matricule de la troupe, icône modeste mais bien présente de leur fidélité envers Tranniae. Sur leurs visages, couverts de poussières et de sueur, on pouvait y lire toutes sortes de sentiments. De l’attente, de l’espoir, de la fatigue, de la ténacité, et souvent, de la peur. Cette peur qui fragilisait les jeunes recrues, qui leur dévorait le ventre et leur pesait sur la vessie. Cette peur qui les faisait chercher, aussi discrètement que possible, le hochement de tête rassurant ou la tape amicale que les vétérans se plaisaient à distribuer à tout-va. Bientôt, ils seraient comme eux. Néanmoins, pour le moment, ils se contentaient d’être pris par cette marche, certes, harassante, et pourtant si puissante, cet élan aussi mécanique que fraternel, guidé et poussé par le devoir et le désir de vaincre. Il était dur de ne pas se laisser emporter, de ne pas presser l’allure par acharnement, ou de la ralentir par épuisement. Combien de fois ils auraient voulu qu’on ne leur accorde ne serait-ce qu’une seconde pour retirer le sable qui avait trouvé le moyen d’envahir leurs chaussures. Leurs pensées étaient attachées à des futilités. Pourrais-je simplement enlever un bouton de cette veste de laine ? Pourrais-je offrir à mon épaule droite le luxe de charger sa sœur de prendre à son tour ce lourd fusil ? Ou encore, pourrais-je juste réajuster mon pantalon qui, par cette marche interminable, frottait encore et toujours douloureusement sur cet endroit si sensible. Même pour des soldats, cela causait de pénibles irritations, bien qu’inavouables. C’était souvent ainsi. Le corps réduit à n’être plus qu’une machine, l’esprit s’évadait comme il pouvait. Ces pensées, les officiers ne les ignoraient pas, d’autant qu’ils les partageaient. Cependant, un seul de ces gestes pourrait gêner cette marche, le rythme en serait perdu, et c’était de cette marche qu’ils dépendaient, tous.

Il y aurait un temps pour ces soulagements. Pas maintenant.

L’Etat-major du général Hénolyte Layël était situé au centre de la division, entouré par ses régiments, vérifiant d’un coup d’œil l’attitude du moindre soldat. Les batteries d’artilleries, tirées par des chevaux à la force exceptionnelle, les suivaient, précédant les unités de cavalerie. Lorsque l’affrontement ne ferait plus aucun doute, les canons se tiendraient dans les creux des fantassins et les cavaliers se placeraient sur leurs flancs, sauf instruction contraire du général. Toutefois, ce magistral ensemble n’était pas si statique dans son déplacement. De ses gardes du corps personnels, transformés en quartier général équestre, allaient et venaient des dizaines d’aides et d’estafettes, chargés d’assurer le général de division de la bonne avancée des trois brigades qu’il avait sous son commandement, et ce à travers l’intermédiaire de trois autres officiers, répondant au grade explicite de général de brigade. Il y avait là trois hommes de qualité, et que Layël appréciait d’avoir à ses côtés. Vilnius Khendra était le premier d’entre eux, d’une compétence rare, tant il avait prouvé à maintes reprises sa capacité à agir en toute autonomie. Hulyis fi Nat, un de ceux qui étaient toujours prêts à disposer des nouvelles théories et stratégies de dernier cri et n’hésitant jamais à affirmer les sacro-saintes vérités universitaires. Enfin, Olpo Jänisa, était ce vétéran dont l’authenticité suffisait à rassurer, dont chaque geste trouvait échos dans un passé prestigieux au service de l’archiduc. Chacun connaissait parfaitement son rôle, tout autant que les officiers de moindre envergure.

Parmi eux, on trouvait colonnels, commandants, capitaines, lieutenants et sergents, et l’un d’eux n’était autre qu’Ylias Methronis.
Ce jeune lieutenant, sorti lauréat de l’école militaire de Zalestril, du duché de Terferal, était à la tête de ses hommes. Il tentait de faire assurance devant eux, mais tous savaient que c’était un « bleu ». Comme la plupart d’entre eux, il allait accomplir son baptême du feu. Bien sûr, lorsqu’il donnait un ordre, tous s’exécutaient, même si les « vieux de la vieille » prenaient un malin plaisir à penser autrement. Il fallait dire aussi qu’il ne jouissait pas vraiment d’un physique très charismatique. Non qu’il était laid, loin de là, mais sa jeunesse était tellement flagrante. Agé de dix-huit ans, il en paraissait quinze, et le soin qu’il apportait à son visage imberbe, s’il jouissait d’un certain succès involontaire chez la gente féminine, n’avait pas le même effet parmi les hommes de sa compagnie. Ylias, comme tous les jeunes de son âge, donnait un peu trop d’importance à son apparence. Il supportait mal de ne pouvoir se laver, gênant par là la délicate opération quotidienne qui consistait à coiffer méticuleusement ses longs cheveux blonds et à les ramener le long de sa nuque à l’aide d’un nœud rouge. Ses yeux bleus aidaient à lui donner un genre de « fillette », qu’un nez peu prononcé et des oreilles décollés, vainement planqués, ne venaient que confirmer. Inquiété de toute cette sueur, il gardait toujours sur lui une pierre d’alun. Pire que tout, Methronis était sensible au mal qui touchait tôt ou tard ses homologues. Ce mal n’était autre qu’un ou deux boutons, qui apparaissaient, puis disparaissaient quelques jours après, non sans avoir fait la démonstration d’un spectacle original à deux des couleurs de son armée. Y prêtant plus d’attention que ses interlocuteurs, Ylias ne perdait jamais une occasion de constater l’évolution de ces petites gênes, et jetait un coup d’œil à chaque miroir qui s’y proposait. Lorsque la situation semblait désespéré, il avait recours à de la poudre, remplaçant de ce fait une tare par une autre, non moins visible. Néanmoins, il restait garçon svelte et énergique, animé de cette foi si caractéristique qu’il portait envers l’uniforme et les valeurs qu’il affichait. Agile lors des entrainements, on lui reconnaissait volontiers des aptitudes martiales conséquentes, encore qu’il lui manquait toujours ce « vrai » combat qui ferait de lui autre chose qu’un escrimeur appréciable. Quant à ses connaissances, il était évident que c’était quelqu’un de très assidu, et qui maîtrisait le code militaire. Mais de là à pouvoir aller au-delà de la simple application directe d’un ordre, qu’il savait toutefois parfaitement effectuer, cela allait sans dire, il n’était pas encore assez mûr pour prendre une décision qui l’engagerait lui et sa troupe. En soit, Ylias Methronis était ainsi un parfait lieutenant, tout droit sorti du rang des écoliers et aspirant à devenir capitaine. Ses officiers supérieurs gageaient qu’il gagnerait sous peu en assurance. Il n’y avait qu’à espérer, pas à s’inquiéter. C’était là tout aussi bien l’avis de ses pairs que des soldats. En bon sous-officier qu’il était, Ylias portait la veste blanche à double boutonnage argenté, garni d’épaulettes de second rang, d’un pantalon vert démuni de galons, de chaussures noires, solides, mais usées par la marche effectuée depuis Tranniae, et surtout, de son sabre. Fine lame recourbée, se terminant par une poignée d’or sans fioritures particulières, parfaitement capable de trancher au nom du généralissime, elle n’en était pas moins un signe d’apparat qui laissait volontiers la basse besogne au revolver qu’il gardait précieusement à la ceinture. Merveille technologique que chaque soldat contraint de porter le fusil « Shaspo », bien plus utile qu’il ne paraissait, enviaient, cette arme muni d’un barillet, ce cylindre rotatif comportant plusieurs chambres pouvant s’aligner tir après tir avec le canon et le système de percussion, délivrait pas moins de huit balles à une distance de quarante mètres. La crosse réalisé en bois de chêne décorait une pièce de métal contondante, à même d’en assommer plus d’un. Ylias portait également son baudrier d’officier, une pièce de cuir noire allant de l’épaule droite au flanc gauche, où reposaient traditionnellement les médailles qui faisaient état de sa carrière. Pour l’instant, il n’en avait que deux : celle de lauréat et celle de lieutenant. Aussi, il portait le si distinguant bicorne dit « vertical », qui allait de l’avant vers l’arrière, et qui avait démodé le précédent, dit « horizontal ». Noir à galons d’argent, il lui donnait belle allure, et permettait d’identifier aussitôt sa fonction. Pour finir, Methronis portait en permanence sur lui une petite sacoche, réalisée en cuir, très résistante, et qui contenait tout ce dont il avait besoin : petite gourde, jumelles, nécessaire à écrire, montre, munitions, cartes, sifflet, quelques biscuits, ainsi qu’une petite boîte accueillant tout ce qui faisait son confort précédemment indiqué.


[url=http://www.hiboox.fr/go/images/divers/ylias-methronis,7713b9e65c74b7aa0b95816e5bb32c12.jpg.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2011/7713b9e65c74b7aa0b95816e5bb32c12.jpg[/img][/url]
[i][size="1"]Le lieutenant d'infanterie Ylias Methronis.(image originale : Franz Lizst jeune)[/size][/i]



Regardant lui aussi l’horizon, essayant d’en distinguer quelque chose, ses pensées furent chassées par l’énième venue d’une estafette.
-Lieutenant Methronis !
-Du nouveau ?
-Le général de division souhaiterait savoir si vous avez bien pensé à prendre vos jumelles, demanda le soldat, dont la monture alezane était littéralement trempée de sueur.
-Comme tout bon lieutenant doit l’avoir, je vous répondrais, fit-il, sentant leurs poids dans son sac.
-Allez donc dire ça à Brenër, il n’a pas votre pareil.
-Oui... Autre chose ? dit Ylias, ne connaissant que trop bien le laxisme de l’officier en question.
-Je reviendrais sans doute sous peu, répondit-il, regardant nonchalamment le quartier que formait derrière lui la cavalerie de Layël. En tout cas, gardez l’œil ouvert ! Vous êtes en première ligne, c’est vous qui verrez l’ennemi !
-Je verrais d’abord les éclaireurs que l’on a envoyés. Dites au général que mes hommes se tiennent prêts, et qu’il peut compter sur nous, termina le lieutenant, voyant que ses soldats tenaient toujours aussi bien l’allure.
-J’n’y manquerai pas.
Et le cavalier s’en alla à la rencontre d’un autre lieutenant.

Ylias en profita pour sortir lesdites jumelles, décidant qu’il se devait de les garder à la main. Les plaçant devant ses yeux, et malgré ses pas qui rendait instable ce qu’il voyait, il n’y avait toujours rien. Pas de nuage de poussière. Dans tous les cas, il se tenait prêt à repérer le retour des éclaireurs, et à effectuer les premières manœuvres avant celles qu’ordonnerait Layël. Le lieutenant essayait de ne pas avoir peur. Mais il était vrai qu’il était sur la ligne, et qu’il ne faisait aucun doute qu’il serait confronté à l’ennemi. Un court instant, il pensa à l’éventualité d’une possible absence de combats en ce jour. L’ennemi aurait-il remis à plus tard son assaut, ou il en aurait été empêché par quoique ce soit ? Non. L’honneur militaire qui commençait peu à peu à s’imposer fit taire cette lâcheté. Il y aurait bien un combat, et enfin, il allait devenir un vrai officier. Portant désormais son attention sur ses hommes, il inspecta encore une fois leur tenue. La veste blanche à unique boutonnage d’argent était là, tout comme le pantalon vert et leurs bicornes « horizontaux », mais ils étaient tous passablement usés. Pourtant, les uniformes étaient neufs lorsqu’ils prirent la route. En même temps, la traversée du Maraen avait pris près de soixante jours, et une fois arrivés en Arinie, il ne fallait pas espérer une toilette digne de ce nom. Les soldats avaient l’obligation d’entretenir leur équipement, mais la crasse et la poussière étaient tenaces, et on ne pouvait les forcer en un excès de zèle pour ce qui était de leur tenue. Ils faisaient comme ils pouvaient. Les hommes portaient également un lourd sac, protégeant ce qui leur était si précieux. De l’eau, surtout, et de quoi se sustenter, et se soigner également, le général Layël n’ayant pas souhaité d’autres médecins que les soldats et officiers eux-mêmes, leurs convois ayant pu gêner cette expédition punitive qui se devait d’être rapide, d’autant qu’ils n’étaient qu’à une dizaine de lieues de Nodbael. Quant à leurs fusils, ils étaient d’une efficacité redoutable. Ils pesaient leurs poids, mais au moins, on pouvait compter sur eux. Les « Shaspo » tiraient jusqu’à trois mille mètres, deux mille avec précision, et bénéficiaient d’une solidité à toute épreuve qui, une fois la baïonnette mise en place, les transformaient en armes d’hast. Les cavaleries adverses ne le savaient que trop bien.

-Lieutenant ! Á dix heures !

C’était l’étendard qui avait parlé. Sans réfléchir, Ylias reprit ses jumelles. Cherchant de part et d’autres ce qui avait attiré ce brave soldat, ses camarades en firent tout autant. Et il avait vu juste. Au loin, un cavalier solitaire galopait, donnant des coups de clairons affolés sur un destrier des plus agités. Fouillant avec précipitation dans son sac, Methronis en sortit son sifflet, et enfin obtenu, lança la halte. Les autres compagnies firent quelques pas encore, avant de l’imiter.

La première ligne ajustée, toute l’armée s’arrêta, à l’exception des artilleries et des cavaleries qui allèrent se mettre en position. L’unité de Layël fila à toute vitesse à la rencontre de l’éclaireur. La vision de ces trente cavaliers et gradés fit sensation parmi la troupe. Le général de division avait cet air qui avait fait de lui sa réputation, le regard froid, ses yeux possédés par une sorte de détermination inaliénable. Il était facilement reconnaissable, par sa fine moustache et sa petite « impériale » qu’il affinait chaque jour, mais surtout par le port de sa superbe cape rouge brodée d’or.

-Avec moi ! ordonna-t-il aux siens, d’un ton sec qui ne laissait évidemment aucune place à l’interrogation, encore moins à la protestation. Jänisa, Khendra et fi Nat, faîtes brigades !

Trois cavaliers quittèrent alors le petit groupe, regagnant leurs forces respectives. Lorsque Vilnius passa devant les hommes de Methronis, il eut la satisfaction de les voir prêts, tout comme le reste de ses régiments.

-Mon général ! Mon général ! cria l’éclaireur, encore trop loin pour entamer le dialogue.
-Approchez ! Mais approchez donc ! lui répondit sur le même ton Layël.
-Les rebelles arrivent ! Ils seront là d’ici trente minutes !
-Combien d’hommes ?
-Dans les quinze mille !
-Quinze mille ! fit le général, maintenant rejoint par le cavalier. Cavalerie ? Artillerie ?
-Pas d’artillerie, monsieur, je ne pense pas, je n’en ai pas vu. De la cavalerie, oui !
-Effectifs ?
-Près de cinq cent chevaux, monsieur !
-Vous avez vu l’étendard ?
-Vert et bleu !

Layël s’arrêta un instant. Ses yeux balayaient frénétiquement le sable, son esprit cherchant à tout prix à quoi pouvait correspondre ces couleurs. Puis, il releva la tête, dégainant son sabre magistralement.

-Bibadjad ! Ce sont les rebelles de Bibadjad ! Mon garçon, file en avertir les autres, vous autres, avec moi, je veux que l’on gagne cette hauteur ! De là, nous agirons !

Ainsi ordonna le général de division.

Ylias dégaina son sabre, non sans avoir pris soin d’avoir vérifié pour la dixième fois que son revolver était chargé. Ses soldats connaissaient ce qu’ils avaient à faire, et en quelques secondes, les fusils étaient « prêts et disposés ». Tous eurent le réflexe de mettre la main à la veste, tâtant la présence de ce papier qui importait tant : dessus s’y trouvait leurs identités, ainsi que leurs dernières volontés. Methronis avait le sien.

-Mon lieutenant ?
-On attend les ordres, sergent, tenez vous prêt, tenta-t-il de répondre, essayant aussi de ne pas avoir la voix tremblante.

Ca y est.
L’ennemi approchait. Il allait se battre.

-Où va le général ?
-Il choisit un point en hauteur, c’est ce qu’il y a de mieux à faire, il aura une meilleure vue que nous sur le champ de bataille. Vous êtes prêts les gars ?! demanda le sergent, dont la figure bourrine ne pouvait laissait qu’entrevoir l’excitation qui l’habitait à l’idée de l’affrontement.
-Oui sergent ! répondirent-ils, en chœur, s’encourageant alors mutuellement.
-Lieutenant, on attend vos instructions, dit le sous-officier, se retournant vers son supérieur.
-On attend les ordres du général de brigade !

Un cliquetis bien connu vint attirer l'attention de l'unité. Ylias se retourna, et pendant un bref instant, l'angoisse qui commençait à l'habiter s'en alla : le meilleur des soutiens venait de se placer à ses côtés.

-Un royaume pour mes canons, l’ami Methronis ! lança fièrement un officier, tout sourire, tout content.
-Mezehn ! Tu tombes bien !

Mezehn Siorti était un lieutenant d'artillerie des plus loufoques. Il dirigeait à lui seul une batterie de canons, soit trois pièces avec leurs trois artilleurs, ainsi qu’évidemment les bêtes de charges qui devaient constamment tirer ces engins. Les pertes considérables qu’ils causaient dans les rangs adverses avaient de quoi les faire paraître reliquaire. Mezehn était un homme originaire du nord de Dran-Thelor, un homme de Treföne, mais dont la famille s'en était vivre à Ryendul, suite à une affaire judiciaire avec le royaume de Baptorel. Il affichait la pâleur des habitants de ces contrées situées au nord, d'autant plus surprenante que ses uniformes de services, constamment recouverts de suie, étaient les seuls de l’armée à être noirs. Il n'était pas bien grand, mais plutôt trapu, à sa grande surprise puisqu'il n'avait jamais témoigné le moindre intérêt pour l'activité physique. Derrière ses lunettes teintées se cachait un esprit intellectuel rare, apte à analyser chaque situation dans ses moindres détails, au point qu'il avait la manie de jeter des coups d'œil à tout ce qui pouvait l'entourer. On imaginait aisément le malaise qu'il suscitait ainsi chez ses interlocuteurs. Réputé dans toute l'armée pour être insomniaque, il avait réussi à se faire admettre dans le corps d'intendance pendant ses heures nocturnes. Il était donc un double lieutenant, un expert de la fortification et un as du ravitaillement. Siorti avait déjà eu l'occasion de mettre en pratique ses multiples talents, ayant déjà à son actif deux expéditions militaires. Ajouté à cela qu'il était le cadet d'un an d'Ylias, on le considérait d'ores et déjà comme un de ces héros déjantés qui jouent avec le destin. Inutile de préciser la joie des soldats en le voyant aligner ses canons.

-Haha ! On y est ! Ca va péter !
-Tout est bon de ton côté ?
-Hmmm... à voir. Les gars, ça va péter ou bien ?! demanda Mezehn à ses artilleurs, connaissant déjà la réponse.

Et c'est celle-ci fut tout aussi positive que bruyante. Modifié par Kael
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Salut Kael,

un petit avis en passant...

Le début m'a paru long et fasidieux mais il est peut-être nécessaire à une compréhension plus large du récit.

La suite a toutefois éveillé ma curiosité, les desciptions sont fines et précises, les protagonistes originaux voir décalés par rapport au contexte du récit.

Au final, j'aurais bien aimé avoir vent du déroulement de la bataille.

Bonne continuation :)
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Cool ! Le bitocq en lecteur ! Même depuis la Bavière, Lourdes reste éternelle ! :clap:

Merci beaucoup pour cette première critique. Cela fait près de cinq ans que je suis inscrit à l'école du warfo ( :lol: ) et ceux qui m'ont suivi savent que mon style de description ne cesse d'évoluer. Au début, je décrivais TOUT, mais alors tout, tout, tout, puis, plus rien, quelques bribes. Là, j'essaye de retranscrire ce qui est nécessaire, et surtout, j'essaye de le faire en insérant des tournures amusantes ('assez content de la manière dont je présente l'acné du héros :whistling: )

Inxi va me taper sur les doigts...

Je mets la suite en ligne ! :rolleyes:






Les canons de Siorti, comme la plupart de ceux qui accompagnaient la division, n'étaient en rien des armes « modernes », d'un point de vue strictement scientifique. Ils avaient été mis en circulation il y avait cela près de dix ans, et n'avaient donc ni la légèreté, ni la précision, ni la puissance des nouvelles machines qui sortaient des forges d’Arrenpolis. Ils avaient été choisi pour la division de Layël afin d'équiper les jeunes officiers, à l'instar de Mezehn, et le Haut Commandement préférait garder les merveilles à poudre pour des guerres quelques peu plus « importantes ». Face à ces tribus barbares, ces canons là suffisaient amplement, d'autant qu'ils auraient parfaitement su faire face à des forces plus évoluées encore. Metterbrünn ne pouvait en aligner de meilleurs. Un tir toutes les trois minutes, aussi bien de boulet de dix-huit livres que de mitraille, une portée de vingt mille, et un différentiel d'estimation réduit considérablement par rapport aux standards distribués, ils savaient perpétuer le carnage de leurs ancêtres. Leur seul vrai défaut, commun à tant d'autres, était qu'il était presque impossible de les déplacer durant la bataille. Les chevaux de traits ne pouvaient qu'avancer au pas, et il s'était avérer très peu rentable de tenter une telle manœuvre lorsque les hostilités avaient débuté. Il valait certes mieux se cantonner à une position donnée, permettant aux artilleurs de « se faire la main », plus encore lorsque l’on savait que ceux-ci plantaient au sol leurs pièces, redoutant les dangers d’un recul impromptu.

-Ah ben tiens, y'a Rhanar qui couvre ton flanc gauche ! fit Mezehn, indiquant un autre officier.
-Essaye de ne pas nous éclater les tympans, cette fois ! recommanda Ylias, faisant allusion à une séance d'entraînement particulièrement sonore.
-J'vais surtout essayer de les éclater, eux !

Un petit silence suivit cet élan jouissif à l'annonce des combats. Si cinglé que soit Mezehn, Ylias ne lui serait jamais assez reconnaissant d'afficher une telle « gnac ». Cela galvanisait la troupe, et plus que tout, le jeune lieutenant n'envisageait plus de devoir sous peu libérer son déjeuner. Tout le monde regardait ce qui se passait. Les trois brigades s'étaient disposées en ligne, l'artillerie encadrant les unités clefs de la stratégie globale, et la cavalerie se tenait prête tout aussi bien à filer sur les flancs de l'adversaire qu'à aller dénicher ses unités dispersées. Derrière la division, installés sur une dune, Layël et les siens s'étaient formés en corps stratégiques, où encore et toujours, estafettes et aides de camp, filaient de part et d’autre. Cramponné à ses jumelles et guettant la venue immédiate des insurgés, le général en chef préparait déjà ses premiers ordres. Quant aux trois généraux de brigade, ils continuaient à faire le tour des hommes qu'ils dirigeaient. Ce serait à eux de les mener directement au combat, laissant à leur supérieur le soin de superviser leurs efforts, et connaissaient donc le poids de leurs actes durant la bataille qui s’apprêtait.

A cette pensée, Ylias fut appelé par le sergent. Le brave homme s'assurait que les recrues se tenaient prêtes, n'hésitant pas à faire taire leurs restes d'inquiétude et à vérifier que leurs armes étaient bien chargées.

-Lieutenant ! Le général semble vous demander ! indiqua-t-il, pointant du doigt Khendra et ses cavaliers.
-Ah, euh... très juste ! Je vous laisse la compagnie, je fais au plus vite ! répondit Methronis, percutant qu'il était classique que les officiers de brigade se réunissent avant chaque bataille, en commençant par ceux qui dirigeaient l’infanterie. Viendraient ensuite les unités spéciales, les batteries d’artilleries et les escadrons de cavalerie.

Courant sur le sable brûlant à en finir de s'en remplir les chaussures, Ylias rencontra dans sa course Brenër. Le lieutenant avait retiré son bicorne, offrant à ses cheveux trempés un instant de fraîcheur. Il avait laissé auprès de ses hommes ses effets personnels, n'ayant que sabre et sifflet à présenter au général Khendra. Rasé seulement la veille, les cernes prononcés, et l'haleine sèche, il avait mauvaise mine. Ylias ne l'appréciait que modérément, il aurait nettement préféré ne pas avoir à arriver en même temps que lui devant l'officier supérieur et ses subalternes. Parmi eux, les colonels, les commandants et les capitaines, formant toute la pyramide hiérarchique adéquate à toute bonne formation militaire. Le lieutenant n'eut aucun mal à repérer son capitaine d'infanterie, Silvius Fhrael, ainsi que son commandant de bataillon, Aloïs Hanatol, tout comme le colonel de son régiment, Edvart Tromtö. Tous dirigeaient personnellement des unités d'élite, mais ils avaient surtout le devoir de surveiller les infanteries placées sous leur commandement. De ce fait, même si Tromtö menait avec une efficacité redoutable la compagnie de ses tireurs d'élite, il avait parfaitement les moyens d'envoyer un de ses aides de camp pour adresser un message des plus chaleureux au premier de ses officiers qui désobéirait à ses ordres. Quant aux deux autres, ils remplissaient des fonctions en tout point similaires, seulement à des échelles différentes, permettant de les former à leurs rôles futurs et assurant une autonomie au sein des différents bataillons et régiments de la brigade, tiers composant de la division.

-Et voilà les retardataires de service ! La prochaine fois, je vous adresse une invitation à C. Brenër et Y. Methronis ? accueillit le général, regardant du haut de son superbe pur-sang les deux lieutenants.

Vilnius Khendra était un natif du duché de Vestiloreness, une terre imprégnée de l’ancienne tradition impériale, prônant fierté et honneur à tout va. Officier de renom, c’était aussi un proche ami de Layël, et on ne comptait plus les victoires que leur duo avait généré. Apportant un soin particulier à sa tenue, sa veste à triple boutonnage doré et le superbe bicorne orné de plumes noires peinaient à concurrencer l’impression déjà acquise par son passé prestigieux. Il appréciait porter ses si célèbres favoris, qui descendaient jusqu'au milieu de ses joues, véritable casque châtain. Point distinguable, sur son col militaire avait été brodés des feuilles d'olivier au fil d'or. Il n'y avait ainsi plus à douter ni de son rang, ni de son prestige. La troupe l’appréciait beaucoup, car il était admis qu’il était à la fois sévère et juste, et qu’il comptait parmi ses priorités de sauvegarder ses hommes. Il ne faisait aucun doute qu’il serait prochainement promu à mener sa propre division, déjà qu’il avait été félicité à l’unanimité par le jury de son académie. Ce qui n’était pas peu dire, loin de là.


[url=http://www.hiboox.fr/go/images/dessin/vilnius-khendra,1969f1d9ea8fd4202cc620081edbdd4c.png.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2011/1969f1d9ea8fd4202cc620081edbdd4c.png[/img][/url]
[i][size="1"]Le général de brigade Vilnius Khendra (image originale : Alfred zu Windisch-Graetz)[/size][/i]

Ne sachant s'il devait vraiment s'excuser ou seulement se taire, Ylias préféra la boucler, incendié du regard par son capitaine.

-Bon, on fait vite. Messieurs, je vous la fais courte. Dans vingt minutes, pas dix-neuf, pas vingt-et-une, ça arrive ! continua Vilnius, utilisant une formule qui était tellement familière qu'on savait qu’il ne pourrait s’empêcher de l'employer. Comme toujours, pas de précision dans les chiffres, on estime à quinze mille l'effectif rebelle.

A cette annonce, chuchotements et yeux écarquillés se firent, avant d'être violemment coupés par le général.

-On la boucle, messieurs ! On a à faire qu'avec des pequenauds armés de pelles et de pioches ! Vous me direz, il y a aussi de la cavalerie, mais vous êtes des soldats ! Comportez vous en tant que tels !

Peu convaincus, les jeunes gradés se contentèrent de redresser le buste.

-Officiers de ligne, je vous ordonne de tenir, unité en rang de trente-cinq sur cinq, baïonnette au canon et bouche de trois. Et vous me protégez l'artillerie ! Vous attendez de les voir dans le blanc des yeux pour faire feu, vous tenez votre position, vous laissez faire la cavalerie – à ce propos, Kraemer, je veux vous entretenir de ça après – et vous tenez vos positions ! On ne rattrape pas l'ennemi, vous restez sur place ! Des questions ?

Essayant déjà de retenir les ordres qui venaient d'être énumérés à une vitesse que l'approche adverse avait excitée, les officiers n'avaient pas eu le temps de se demander si oui ou non il y avait des interrogations.

-Messieurs les lieutenants, c’est pour la plupart d’entre vous votre première bataille. Faîtes vos armes ! Maman n’est pas là pour la tenir, alors vous avez intérêt à vous débrouiller, sinon, je vous assure que vous commencerez mal votre ascension de la hiérarchie militaire. Ce qui serait quelque peu dommage, n’est-il pas ? conclut Khendra, saluant les jeunes gradés en pinçant son bicorne.

Les officiers d’infanterie se tenaient prêts, attendant encore un dernier mot d’encouragement de la part de leur général.

-Bon, allez, foutez-moi le camp ! Vous avez vos ordres ! Tous ceux qui ne sont pas lieutenants, restez là, j’ai encore des instructions à vous donner, avant d’en faire de même pour les deux autres corps que vous précédez ! Belle sinécure, il est vrai, que le travail de général de brigade !

Les lieutenants reculèrent, d’abord doucement…

-Dites moi, ‘serait peut-être temps de vous magner le trognon, non ? lança Vilnius, faussement perplexe.

… avant d’accélérer aussitôt. Modifié par Kael
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J'aime. ^_^
Un peu décalé, léger, sans être barge non plus, je trouve que l'équilibre est bien trouvé. J'ai aussi beaucoup aimé le petit exposé du début, bien qu'il y ait bien trop de noms ! :lol:
L'organisation militaire de l'état m'a un peu fait penser à l'organisation des chevalier teutoniques, c'est bien foutu !
Sur le style, pas grand chose à redire (ah si, les nombres en toute lettre !), c'est du bon niveau. Et trop de personnages sont introduits, trop de noms, j'étais un peu paumé par moments ;)
Donc tout ça pour dire que je lirai avec plaisir la suite ! Modifié par prophète ybraesil
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Ouf !

Ca fait plaisir ! C'est bien la troisième-quatrième fois que j'essaye de me lancer dans ce monde, enfin ! Enfin, je crois que je tiens quelque chose ! (content le Kael :rolleyes: !)

-Style décalé : Obligatoire si l'on veut traiter sainement un sujet aussi "barbant" que celui de l'organisation militaire. En plus, c'est très utile pour amener sans trop de mal du "réalisme pur et dur" (boutons acné, par exemple).
-Les noms : Là aussi, pas d'organisation militaire sans personnalités, c'est tout aussi obligatoire. Heureusement, je vais recevoir éminemment sous peu de l'aide de la part de quelques illustrateurs ! (déjà, j'essaye de mettre en image les personnages comme je peux avec google :sblong: )
-Je n'ai pas du tout pensé aux teutoniques (mais j'ai joué à Teutonic Total War ! X-/ ). Néanmoins, j'avoue m'inspirer de... FMA (héhé, subtil même dans la réponse ! :hat: )
-Les nombres : J'ai corrigé ! J'avais un gros gros doute, maintenant, c'est bon, j'ai capté !


Et allez, p'tite suite dés maintenant !










Courant, filant, fonçant, manquant de peu de perdre pied, Ylias arriva devant sa compagnie. Les ordres étaient clairs, il n’y avait pas une minute à perdre. Les soldats se tenaient prêts, attentifs aux mots qu’allait prononcer leur excité de lieutenant.

-Seconde compagnie du troisième bataillon du premier régiment de la première brigade de la division Layël ! cria Methronis, s’apprêtant à poursuivre, avant de voir que ses hommes n’avaient pas distingué un seul de ses mots dans toute la cohue qui agitait l’armée. Bon, euh… je veux cinq rangs de trente-cinq ! Exécution ! résuma-t-il, tout gêné.

Les soldats commencèrent à se mettre en place, réduisant la profondeur de leur unité, allongeant son front, dans un ensemble calme, homogène, précis, connaissant cette formation depuis leurs premiers entraînements. Seulement, ils s’aperçurent vite que l’espace situé entre les deux batteries d’artilleries qui les suppléaient n’était pas suffisant pour la manœuvre. Une petite pagaille s’ensuivit.

-Mais bon sang ! Mezehn ! Qu’est-ce que tu… !
-Ben quoi ? Riposta l’artilleur, mollement.
-Je ne peux pas me déployer ! Tu veux bien te décaler ?! s’emporta Ylias, l’avertissement du général de brigade toujours en tête.
-Euh… ouais… sauf que j’ai fixé mes pièces là ! J’ai même fait renvoyer mes chevaux ! Répondit Mezehn, montrant les harnais au sol.
-Rha ! Mais c’est pas vrai !

Furieux, il alla voir du côté de la seconde batterie. Rhanar, entendant venir son collègue, les yeux injectés de sang et la bouche serrée, se rapprocha de lui, calmement.

-Lieutenant Methronis… ?
-Lieutenant Rhanar !
-Oui… ?
-Auriez-vous la bonté de laisser mes troupes se déployer ! hurla Ylias, perdant toute notion de sang-froid, et provoquant quelques rires discrets parmi sa troupe.
-C’est que… la batterie est déjà en place…
-Ah mais non ! Non, non, non !
-Pardonnez-moi, lieutenant, le général Khendra appelle les artilleurs ! Je vous fais toutes mes excuses ! profita Rhanar pour s’éclipser, levant les yeux au ciel.

Frustré, déconcerté, Ylias se replaça au-devant de sa compagnie. Toute la ligne de la brigade était prête, selon les ordres de son général. Le capitaine Fhrael allait de toute évidence lui faire payer très cher son ineptie. Même Brenër avait exécuté les ordres.

-Compagnie ! En ligne sur vingt-cinq !

Les soldats firent mine de ne pas avoir entendu, voulant bien être certain des ordres.

-On se dépêche ! hurla encore leur lieutenant, n’y tenant plus.

En quelques secondes, l’unité fut en place. Du moins, le premier ordre de Khendra venait, enfin, d’être appliqué. Plus ou moins. Il restait à fixer les baïonnettes.

-Baïonnettes au canon ! Et vite ! Allez, allez ! s’agita toujours Ylias, complètement déboussolé par cet échec.

Les lames furent sorties des fourreaux avant d’être placées aux extrémités des « Shaspo ». A l’exception d’un ou deux débutants, tous furent en mesure d’effectuer l’opération. Essayant de s’en contenter, Ylias s’en retourna au premier rang. Poussant un soupir, il lança un regard craintif en direction des autres régiments, craignant de voir surgir à tout moment son capitaine, la cravache désormais destinée non plus à l’encolure, mais bien à la nuque d’un « crétin d’officier ». Rien ne vint. Toujours rien. Puis, il se pencha un peu plus, avant de laisser son sabre au sol, tellement ce qu’il vit le tétanisa. Le ramassant, Methronis s’en retourna devant sa compagnie.

-Soldats… ! Bouche de trois ! fit-il, la tête rentrée dans ses épaules.

La manœuvre consistait à ce que les trois premiers rangs puissent être disposés à faire feu. Ainsi, le premier homme devait s’allonger au sol, suivi d’un second, agenouillé, et enfin d’un troisième, le fusil en joue. La cadence de tir était bien sûr différée, puisque seuls ces derniers pouvaient être remplacés afin de laisser la place à des armes déjà rechargées. De ce fait, Ylias s’installa avec ceux qui étaient encore debout, soit au troisième rang, essayant de ne pas croiser leurs regards. Il n’avait pas la force d’affronter les sourires des vétérans, encore moins de se confronter à l’inquiétude qu’il avait renforcé envers ceux qui appréhendaient le plus.

Les officiers d’artillerie s’en revenaient de leur rapide discussion sur ce qu’ils auraient à faire. Visiblement, ils étaient tous confiants. C’était désormais aux chefs d’escadrons de galoper à la rencontre des généraux. Ce n’était pas pour rien qu’ils étaient toujours les derniers à recevoir ce rituel si classique à chaque affrontement. Ils filaient avec autant de vitesse que d’élégance, et s’en retournaient tout auréolés des prestigieuses missions qui leurs étaient confiées. Ylias aurait pu rentrer dans la cavalerie, ses premières années au sein de son école militaire de province étaient d’ailleurs orientées dans ce sens. Néanmoins, il avait toujours eu une aversion prononcée pour le saut d’obstacle, redoutant ces instants que les acrobates cavaliers adoraient, usant tour à tour de tout leur talent de voltigeurs. Non, Ylias n’appréciait l’équitation finalement que dans le simple cadre de la détente, de la promenade, de la ballade, en définitive. L’infanterie lui convenait mieux. Il aimait toutefois à regarder ces splendides destriers soigneusement brossés, à la crinière redressée et aux pas puissants. Les cavaliers ne manquaient pas d’impressionner. Culotte verte, bottes noires, veste blanche à boutonnage dorée et aux cols écarlates, ils possédaient également de superbes cuirasses, sabres et casques à chenille, qui leurs donnaient un aspect de mirage dans ce désert brûlant. Le soleil s’y réfléchissait, ce qui ne les indisposaient guère : ils se considéraient tous comme l’élite militaire du Ryendul. Cette impression s’étendait aussi à la cavalerie légère, ainsi qu’à toute l’armée. Les inventions et les brevets avaient beau inonder les administrations, mitrailleuses et avions ne pouvaient pas encore concurrencer le patrimoine glorieux de chacun de ces escadrons. Ils n’échappaient tout de même pas à la modernité, étant tous équipés d’une paire de ces revolvers qui étaient sans aucune mesure supérieurs à celui du pauvre lieutenant. Parfaitement conformes à la tradition, ils ne faisaient que rarement preuve d’innovation. La technique était presque toujours la même : ils chargeaient comme des fous furieux, sabre au clair, le pistolet fumant, et généralement, le carnage commençait. Enfin, pour peu qu’ils soient correctement utilisés. Les stratégies actuelles favorisaient désormais la force de l’infanterie, la cavalerie étant relayée discrètement à un rôle d’appui, de soutien, une aide indispensable au moindre succès militaire, mais qui n’en était plus le fer de lance. C’était une folie que de ne compter que sur eux face à des fantassins. Bien sûr, cela dépendait desquels. Face aux bandes faiblement armées qu’ils s’apprêtaient à combattre, le corps à corps était en leur faveur. En revanche, face à une infanterie quelque peu formée, surtout lorsque celle-ci était équipée comme il se devait, les cavaliers n’avaient aucune chance. Les déflagrations provoquées depuis ces longs fusils à baïonnette, et la réception qui s’ensuivait, étaient fatales à la belle troupe. Ainsi, sans soutien à pied, il était non seulement impossible de remporter le combat, mais en plus, la tentative tenait du suicide. Seulement, toute cette rhétorique ne s’exprimait qu’au sein des états-majors. La culture militaire, qu’elle soit parmi l’élite ou le prolétariat, prônait l’exploit du valeureux chevalier. Il n’était pas dans l’intérêt des généraux de démystifier la vitrine de leurs armées, cela aurait été comme leur faire perdre cette aura sereine qui accompagnait ces escadrons à cheval. De ce fait, c’était souvent contre l’état-major que soldats et cavaliers en voulaient, persuadés les uns comme les autres que la cavalerie avait été mal utilisée. Ainsi peu exploités, leur légende restait alors imperméable aux dures lois de la réalité. Et même si Methronis connaissait cela, il ne pouvait s’empêcher de ressentir lui aussi cette aura. D’autant que parmi eux, se trouvait quelqu’un qui ne lui était pas indifférent.

-Bon, ben, ça, c’est fait ! Encore désolé, hein, l’ami Ylias ! lança Mezehn, revenant en courant.
-La prochaine fois, je te jure… ! se retint le lieutenant, sentant le regard de ses troupes.
-Eh, t’as vu ! Y’a Heleonor ! fit l’artilleur, pointant du doigt un des escadrons de cavalerie.



[url=http://www.hiboox.fr/go/images/divers/cavalerie,ddebdb6becb35e702ded6dddcd47fbc9.png.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2011/ddebdb6becb35e702ded6dddcd47fbc9.png[/img][/url]
[size="1"][i]Cavalerie ryendulienne (image originale : cavaliers austro-hongrois)[/i][/size]




Heleonor fi Varnael était lieutenante auprès du second escadron du même bataillon qu’Ylias et de Mezehn. Elle chevauchait ce superbe destrier bai-brun, prénommé « Jelö », tenant les rênes d’une main, son heaume de l’autre. Aristocratique, elle n’en était que plus brillante, voir étincelante dans la présente situation. Il était trop loin pour distinguer ses traits, mais Methronis ne connaissait que trop bien son fin visage, ses cheveux sombres coupés courts et ses yeux… combien de fois il s’était senti mal à l’aise, constatant qu’il se plongeait plus dans ces émeraudes plutôt que de l’écouter parler. Comme tout homme, il n’était pas insensible à ses formes, mais généralement, sa galanterie naturelle parvenait à éviter ces vues si agréables, et qui avaient par ailleurs la dangereuse manie d’abaisser d’un cran son centre de gravité. Légèrement plus grande que lui, elle en paraissait le double, chevauchant ainsi avec les siens. Ylias aurait voulu adresser le même signe de la main que celui que lui lançait frénétiquement Mezehn. Cela était sans compter qu’il s’était suffisamment humilié devant sa compagnie. Il se retint, esquissant un solennel hochement de tête. Qu’aurait-il donné pour qu’elle puisse l’apercevoir ?

-Avec la cavalerie et mon artillerie, te voilà bien entouré !
-Oui… ne sut que répondre le lieutenant, gêné désormais par le dialogue que continuait d’entretenir son camarade, et ce malgré la dizaine de soldats qui les séparaient.
-Eh ben vas-y, dis le si ça te casse les couilles ! riposta Mezehn, ne cachant pas son sarcasme.
-Mais… ! Arrêtes, merde.
-Ouais, ouais, t’es pas foutu d’dire merci, t’façon !
-Arrêtes ça ! siffla Ylias, entendant déjà les ricanements de sa troupe.
-Non, mais, tu m’le dis hein, si on te dérange ! continua l’artilleur, peinant à retenir son rire.
-Mais bordel ! Merci, merci ! Voilà, t’es content !
-J’aurais pu espérer un ton quelque plus agréable !
-Tu t’en contenteras, et maintenant, aurais-tu l’obligeance de bien vouloir la boucler ?! demanda l’officier, décidément à deux doigts de perdre le peu de calme qu’il lui restait.

Le pied grattant le sable, il paraissait tel un taureau agacé par une guêpe. De féroces soupirs, des yeux en l’air ou fermés un moment, il était furieux. Furieux contre ces deux abrutis d’artilleurs, furieux contre ces soldats qui se moquaient, et surtout, furieux contre lui-même. Ah, le voilà qu’il était beau ce lieutenant. En vérité, il faisait peine à voir.



:good: Modifié par Kael
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[quote]mais j'ai joué à Teutonic Total War ! [/quote]
Je sortais justement d'une partie sur ce jeu, ce qui m'a fait faire le rapprochement... :lol:
On a les références qu'on peut :ph34r:

J'ai préféré ce passage : Moins de personnages, j'étais pas perdu :lol:
Rien d'autre de spécial à ajouter, c'est toujours très bon !

La suite !
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Salut ! B-)

=> Pas de soucis pour les personnages, cramponnez vous, y'en a d'autres qui vont se pointer, mais ça va finir par plafonner (sans doute après le chapitre IV). Notez qu'à chaque fois qu'ils sont nommés, leurs fonctions sont rappelés dans le même temps (Janisä... blablabla... le général de brigade...). Ne vous arrêtez pas là, très rapidement, j'espère en arriver au niveau d'une série TV classique, et on demandera encore plus de détails sur des persos secondaires ! :devil:

Donc, ici la fin du chapitre. J'ai déjà attaqué le second depuis cinq jours, j'en posterai certainement la première partie dans la semaine. Aussi, je vous annonce officiellement que j'ai pu réunir une équipe de dessinateurs. Très vite, vous aurez des illustrations de qualité ! (mais pour l'instant, on se contentera de ce que je trouve sur google et qui donne tout de même une bonne image des personnages).



On y va !








Son attention fut toutefois détournée en apercevant au loin un cavalier isolé. Vêtu de noir et chevauchant une monture à crue, son origine ne faisait aucun doute. Il s’agissait d’un éclaireur ennemi.

Cet intrus ne manqua pas d’être remarqué par le général de division, tenant fermement ses jumelles tout en dressant sur un cahier la disposition de ses troupes au milieu de ce terrain inhabituel. Layël avait l’habitude de faire plusieurs choses en même temps, et s’il se contentait simplement de rectangle en guise de compagnie sur sa feuille, il ne se trompait jamais. Plus impressionnant encore, il était capable de dresser le relief environnant en indiquant les altitudes correspondantes. On le voyait ainsi alterner entre ses différents appareils, à savoir sa boussole, son baromètre, sa montre, ses crayons aux couleurs adaptées pour chaque type de troupe, et surtout, ses précieuses jumelles.

-Eclaireur adverse en approche, monsieur !
-A onze heures, général ! ajouta le piquet de l’unité de cavalerie.
-Il va y en avoir d’autres. Cette ordure de Bibadjad va essayer d’organiser ses troupes en fonction du placement des nôtres… médita Hénolyte, ne cessant de griffonner sur ses feuilles soutenues par une simple planche de bois.

Soudain, une détonation retentit, suivie d’un sifflement strident. Le cavalier fut abattu.

-Qui a ouvert le feu ? demanda calmement Layël, sachant que son attitude posée pouvait rassurer son armée.
-Hmmm… les tireurs d’élite du colonel Tromtö, monsieur !
-Et le tir vint apparemment dudit officier, monsieur le général de division, rajouta encore l’aide de camp.
-Espérons qu’il en abatte d’autres de la sorte. Cet homme est décidément doué pour la chose précise. Faîtes moi pens… tenta de poursuivre Hénolyte, avant de s’arrêter net, fixant l’aile droite de son armée. Je peux savoir pour quelle raison j’ai une compagnie qui n’est pas alignée correctement ? demanda-t-il, retirant lentement les jumelles de ses yeux, signe évident qu’il n’était pas satisfait.

Les cavaliers qui l’environnaient, eux, les reprirent, se dirigeant vers la direction indiquée.

- Seconde compagnie du troisième bataillon du premier régiment de la première brigade, monsieur le général !
-On connaît le nom du lieutenant ? interrogea l’un deux, essayant de suivre les pas de son officier supérieur.
-Il s’agit du lieutenant Ylias Methronis, répondit celui-ci, reprenant de plus belle son repérage des alentours.
-On lui envoie une correction bien sentie, monsieur ?
-Non. L’artillerie est déjà en place. Cela ne servirait qu’à déstabiliser un jeune officier qui doit déjà avoir ses sous-vêtements trempés, fit Layël, avant de se retourner brusquement vers l’un de ses hommes. Monsieur Granät, veuillez signaler mon propos au capitaine Fhrael. Qu’il n’agisse pas à l’encontre de ce gringalet de lieutenant, mais qu’il se tienne disposer à surveiller ses troupes. Je répète : qu’il ne fasse que surveiller, j’ai besoin que ce Methronis fasse le plus librement possible sa première bataille. Vous en vous en souviendrez ?
-Je suis parti, monsieur le général ! répondit l’estafette, éperonnant sur le champ son cheval en direction de l’unité indiquée.
-Prenez note. J’ai d’ores et déjà deux noms à aller voir à la fin de cette journée, conclut Layël, s’en retournant à ses dessins.

L’armée était en place. Ses cavaleries sur ses flancs, son artillerie protégeant ses compagnies d’infanterie, ses officiers supérieurs ne cessant de patrouiller pour maintenir les forces dans cet état. Ce n’était pourtant pas nécessaire. Chaque soldat était fixé sur la première colline qui lui faisait face. Ils pouvaient y décerner cette poussière, annonciatrice de la si attendue ou redoutée confrontation. Les éclaireurs alliés revenaient petit à petit, et pour l’instant, aucun n’avait fait sonner le clairon. L’ennemi viendrait donc d’en face, ses propres éclaireurs ayant toutes les peines du monde à pouvoir faire leurs rapports quant au positionnement de leurs adversaires. Par chance ou par instinct, Layël avait fait halte dans une petite plaine, certainement le meilleur terrain qu’il eut été. Peu de ces pénibles buissons, des possibilités de contournement, tout cela était servi. Mais surtout, lorsque Bibadjad ferait descendre ses rebelles, ils auraient encore près de la moitié d’une lieue à parcourir pour en arriver aux armes, laissant au général de division le soin de pouvoir réajuster une dernière fois ses positions. Il ne bénéficierait que de quelques minutes pour se faire, mais pour le moment, il ne pouvait qu’attendre. Impossible pour lui de rester là, immobile. Ses dessins étaient terminés, il avait devant lui une carte exacte de ce qui se déroulait devant lui. Beaucoup doutait de cette méthode, à quoi bon représenter ce qui était là ? Mais Layël savait bien qu’une fois les hostilités engagées, il était très difficile de s’y retrouver correctement. Ses estafettes se tenaient prêtes, au point qu’elles en retenaient leurs respirations. Tant reposait sur ces rapides cavaliers.
-Monsieur Mothÿ, approchez je vous prie, ordonna-t-il, ne quittant pas des yeux la colline.
-Général !
-Prenez dix cavaliers avec vous, et partez à la rencontre du général de division Erik Fhèr, immédiatement. Qu’il nous envoie dés maintenant des équipes de médecins.
-Auriez-vous déjà un chiffre ?
-Un nombre. Cinq cent. Partez maintenant, je ne veux pas que l’ennemi vous aperçoive. Exécution, termina Layël, inflexible.
-A vos ordres ! Vous, avec moi ! fit l’estafette, désignant un petit groupe qui attendait les instructions.

A ces mots, les premières colonnes rebelles apparurent. Situés trop loin pour être discernées par la troupe, les officiers, eux, les voyaient clairement. Vêtus de drap noir, bleu marine ou marron, ces gens-là ne formaient pas de groupes homogènes. Seuls quelques étendards bleus et verts rappelaient qui était leur chef. Ils étaient mal équipés. Comme l’avait dit Khendra, c’était là pour la plupart des ouvriers et des paysans, n’ayant pris les armes que suite à des sermons galvanisants. De là, il était évident que l’ennemi comptait un nombre considérable de combattants. Layël n’avait envoyé aucun officier pour parlementer avec eux. L’occasion était trop belle pour laisser place à la diplomatie. La division les aurait tous d’un coup. Les voyant courir sur les pentes, les recrues avalèrent douloureusement leur peur. Comme prévus, quelques uns les regardaient attentivement, se préparant déjà à faire usage de leurs « Shaspo ».

De ce que pouvait en voir Ylias, Mezehn était fou excité à l’idée de faire cracher la poudre. Quant à Heleonor, il savait tout juste qu’elle était comme lui sur l’aile droite de l’armée.

-Et on charge, les gars ! On charge les bê-bêtes ! fit-il à ses artilleurs, indiquant les boulets de 18 livres. Et on attend !

L’attente fut de courte durée. Du haut de sa colline, l’état-major fit sonner le tir, aussitôt reprit par les troupes des généraux de brigade. Le signal ainsi donné, les batteries d’artillerie n’avaient plus qu’à allumer la mèche. Mezehn se plaça frénétiquement derrière chacun de ses canons, les ajustant, les réajustant, vérifiant les charges, la qualité de la mèche, et tout ceci en un temps record. Enfin, il décida d’imiter ses collègues qui avaient déjà fait feu.

-On se bouche les oreilles les gars ! hurla-t-il, allumant d’un pas rapide les trois mèches de ses trois pièces d’une seule traite.

Le petit crépitement qui s’ensuivit précéda le son d’une explosion abominable pour les tympans, même pour les artilleurs qui, eux, avaient pu se boucher les oreilles. Ylias en serra les dents. Mais lorsqu’il les rouvrit, il eut la satisfaction de voir la fin de trajectoire de ces projectiles sifflants, venant s’écraser en plein milieu des troupes insurgées.

-Ah, une bonne trentaine, c’est bon ça !

Les pertes ennemies auraient pu être encore un peu plus prononcées s’ils avaient été touchés en plaine. Là, frappés sur le flanc de la colline, le rebond, pourtant si ravageur d’ordinaire perdit en efficacité. Ce qui n’empêcha pas Mezehn de se préparer à la prochaine salve, qui, cette fois, serait belle et bien sur un terrain qui lui serait on ne peut plus favorable.

Sur sa hauteur, Hénolyte Layël voyait enfin le spectacle de la soi-disant armée qui osait le défier. Les premiers tirs de son artillerie étaient encourageants, mais il en attendait un peu plus encore. Lorsque les rebelles mirent pied sur le sol plat, la nouvelle déflagration qui se dégagea des batteries firent des pertes nettement supérieures aux précédentes. En bons aristocrates qu’ils étaient, les aides qui l’accompagnaient applaudissaient poliment à chaque salve. S’offrant un sourire, le général de division continua de fixer l’horizon. Il constata soudain que ce qui ressemblait alors à une charge massive peu réfléchie prenait une toute autre allure. La totalité des forces de Bibadjad s’orientèrent sur son flanc droit, tournant presque le dos à ses unités du centre et de l’aile gauche. Peu stratégique, cette manœuvre allait droit à l’échec, le reste de l’armée n’ayant plus qu’à refermer les « lames du ciseau ».

-Mon général ! A neuf heures ! cria une des estafettes, affolée.

Se précipitant vers la direction indiquée, Layël eut enfin la réponse qui commençait à l’inquiéter depuis quelques minutes, à savoir, où se trouvait la cavalerie adverse. C’était chose faîte, elle était là, dévalant à toute vitesse sa part de colline et ayant clairement l’intention d’enfoncer l’aile gauche. Il n’y avait pas une minute à perdre pour réagir face à ces différents imprévus.

-Je veux que la brigade de Jänisa avance face à cette cavalerie, au pas de course ! Qu’il se mette en carré au dernier moment ! Faîtes les soutenir par la cavalerie de fi Nat ! Je veux qu’elle les contournent pour couper la route à cette cavalerie ! Il faut qu’elle s’enfonce sur les formations de Jänisa ! Mais dépêchez-vous bon Dieu ! ordonna le général, élevant tout juste la voix un peu plus que la normal.

Se tournant désormais vers l’aile droite, il décida d’agir tout aussi rapidement.


[url=http://www.hiboox.fr/go/images/divers/h-lyte-lay,b223ecb074e758eac08801e39e54d49c.jpg.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2111/b223ecb074e758eac08801e39e54d49c.jpg[/img][/url]
[size="1"]Le général de division Hénolyte Layël (image originale : Georges McClellan)[/size]



-Qu’on ordonne à fi Nat de soutenir impérativement Khendra, et que la cavalerie de celui-ci recule immédiatement. Je veux que ces escadrons ne surgissent qu’au dernier moment afin de prendre à revers cette infanterie médiocre ! Et on se dépêche !

Les estafettes partirent pour la plupart, n’étant jamais trop de plusieurs pour de telles missions. Quelques aides étaient restés, toujours prêts à communiquer les ordres du brillant général. La contre-attaque qu’il mettait au point pouvait porter ses fruits, et peut-être même qu’il serait en mesure de remporter son propre pari. Il ne devait pas y avoir plus de cinq cent pertes. Toute son attention était fixée sur les mouvements de cavalerie de la brigade de fi Nat et sur la vitesse de déplacement des troupes de Jänisa. Ce « vieux de la vieille » avait parfaitement cerné l’opération, et alla même plus loin, ayant laissé là son artillerie, mais ayant choisi d’espacer ses compagnies d’infanterie, lui permettant alors de continuer d’ouvrir le feu. Comme prévus, les batteries firent carnage, et celles du centre et de la droite auraient bientôt à tirer à la mitraille. A sa grande satisfaction, les cavaleries de Khendra se retirèrent, lui-même les amenant vers l’arrière. Sa présence donnait du crédit à cette stratégie qui pouvait ressembler à une retraite de mauvais goût. Layël ne laissa échapper aucun soupir.

C’était maintenant que tout se jouer.

-Mon général ! Un de nos éclaireurs, à l’ouest !
-L’heure, dites moi l’heure ! exigea celui-ci, se tournant d’un coup.
-A sept heures, monsieur ! Sept !

Il avait tout juste, un éclaireur revenait. Cela faisait longtemps qu’il était attendu. Pendant quelques secondes, qui eurent un goût de calvaire, Layël regarda ce qu’il tenait en main. Si c’était son clairon, tout était à craindre.

Le cavalier ne tenait que ses rênes.

-Bon, allez, une dernière salve au calibre 18, et on passe à la mitraille ! cria Mezehn, excité comme jamais.

Il en était à un très bon score. Quant à Ylias, il perçait à jour la stratégie adverse, ainsi que ses dangereuses conséquences pour lui et la brigade. Les rebelles chargeaient tout droit sur eux, laissant le flanc gauche à leurs cavaleries. Pour ce qui était de la leur, elle s’en était repartie sur l’arrière, accompagnée de Khendra. Néanmoins, il préférait savoir l’armée en mouvement, tout ceci était donc l’œuvre de Layël. Et comme pour appuyer cette pensée, la manœuvre accomplie par les troupes de Jänisa ne pouvait pas être de son fait, elle n’était en aucun cas initialement prévue. Et lui ? Que devait-il faire ? Ses hommes se tenaient prêts, ils n’attendaient qu’un signe de leur officier. Mais Ylias voulait attendre, encore un peu, il ne se sentait pas la force d’ouvrir le feu. Il voulait suivre exactement l’action des autres compagnies, c’était de loin ce qu’il y avait de mieux à faire.

-Et bibim ! Jolie la ‘cahuète, jolie ! Allez les gars, à la mitraille !

Lorsque l’artillerie en arrivait à faire usage de projectiles de moindre puissance que les boulets, mais dont les dégâts étaient tout aussi meurtriers grâce à une étendue considérablement allongée, c’était qu’il était temps de les accompagner. Il était commun de dire, et c’était très certainement à juste titre, que les officiers artilleurs possédaient une bien meilleure notion des portées de tir que les fantassins. Ainsi, une fois la mitraille crachée, il fallait en faire autant.

-Boutez le feu les gars ! hurla Siorti, pointant d’un geste triomphal les insurgés.

Les détonations furent chaotiques, des centaines de milliers de graviers ardents furent propulsés, brûlant vif les chairs peu protégées des rebelles. La fumée des explosions se fit plus dense, et elle n’allait pas manquer d’être renforcée. Sous peu. Voyant que la première compagnie avait fait presser la détente, Ylias fit de même.

-Seconde compagnie ! Premier rang ! Ouvrez le feu ! ordonna le lieutenant, sabre en l’air.

Ses soldats allongés au sol obéirent sans hésiter, abattant toute une rangée de ces inconscients dont le seul nombre rendrait leur retraite impossible. User du « Shaspo » en pareille formation n’était pas chose aisée. Cela n’avait rien à voir avec un « Feu à volonté ». Tout était question d’un minutage minutieux dont le moindre écart pouvait enrailler la mécanique mortelle. Il était d’autant plus dur d’effectuer l’opération que dans une telle pagaille, les hurlements se confondaient aux détonations, et pire que tout, la fumée des armes se transformait peu à peu en un brouillard épais qui rendait difficile les distinctions. Heureusement, « tout droit » suffisait.

-Seconde compagnie ! Deuxième et troisième rang !

Les fusils tirèrent leurs projectiles, allant trouver jambes, bras, torses, poitrines adverses, et faisant des nouveaux cadavres des obstacles à enjamber pour le reste des troupes. Malgré la fumée qui l’aveuglait, Ylias percevait qu’il n’aurait le temps que d’effectuer un ou deux autres salves de la sorte. Il devait se tenir prêt pour relever ceux qui étaient à terre. Ce fut à ce moment là qu’il se rendit compte qu’il venait de donner ses premiers ordres de combat, et ceux-ci avaient été exécutés avec brio, ce qui avait de quoi lui donner un peu plus confiance. D’ailleurs, il n’avait plus peur. Il ressentait ce dont on lui avait rabattu les oreilles pendant toute son enfance. Désormais dans le feu de l’action, tout ce qu’il sentait en lui, c’était cette puissante mécanique. Qu’il était rassurant de n’être qu’un rouage.

-Rechargez ! Premier rang feu !

Ayant oublié jusque là de se servir de son sifflet, il en fit dés lors usage, comprenant qu’il n’aura plus beaucoup de voix s’il parvenait à réchapper du combat qui approchait à grands pas. Au loin, sur sa gauche, il crut discerner des carrés d’infanterie, mais il ne pouvait en être sûr. Une fois que le second et le troisième rang firent leurs offices, Ylias considéra qu’il était temps de donner d’autres ordres.

-Premier rang, relevez-vous ! Relevez-vous ! cria-t-il, accompagnant ses mots de sifflements que tous pouvaient entendre.

Ce fut chose faîte, au grand soulagement de Methronis. Il aurait pu craindre que la première ligne soit tentée de se dérober alors qu’elle était particulièrement vulnérable. Manquer son fourreau, il retenta de rengainer son sabre. Il avait désormais besoin de ses deux mains pour manipuler son revolver. Car bien sûr, contrairement à ceux de la cavalerie, le sien avait un barillet qui ne pouvait pivoter que manuellement.

-Tenez-vous prêts ! Réception à la charge ! Baïonnettes au clair ! Second rang en soutien ! Troisième, faîtes feu ! hurla le lieutenant, s’apprêtant à se servir pour la première fois de son arme.

Certes, il avait déjà essayé plusieurs fois son revolver, mais là, c’était différent. Tirant au hasard, son coup alla se loger quelque part, le brouillard de la fumée, de la poussière et du sable lui avait épargné la vision de sa première victime. Encouragé par la présence de ses soldats, voyant que même Mezehn faisait feu avec son propre revolver, il se mit à crier. C’est un cri de rage. Au début, il avait été provoqué, par imitation, comme artificiel. Mais plus il s’allongeait, et plus il s’intensifiait. Durant ce court instant de rage, Ylias déchargea les huit balles de son barillet.

Le corps à corps s’engagea.
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[size="5"][u][b]CHAPITRE II : Que vive l'oncle 'Po ! [/b][/u][/size]


Et on est parti !



Les escadrons de cavalerie avaient obéi aux ordres du général de brigade Vilnius Khendra. Il y avait là toutes les forces montées qu’il avait sous son commandement, soit près de mille deux cent chevaux, si l’on ne comptait que les unités dites « à lieutenant ». Car il y en avait d’autres, des élites, accompagnés d’officiers supérieurs, à l’instar des capitaines, commandants et colonels, à commencer par ses gardes du corps. Qu’elle eut été lourde ou légère, elles furent confondues. Dans la perspective d’une contre-charge, la distinction était inutile. Layël savait ce qu’il faisait, et son vieil ami aurait pris la même décision s’il avait été l’officier en chef. Les cavaliers s’étaient repliés afin d’être complètement cachés des insurgés. Le nuage de poussière qui faisait office de théâtre les avait bien aidés. Néanmoins, il était tout à fait possible qu’en raison du caractère tardif de la manœuvre, quelques uns d’entre eux aient eu la mauvaise idée de les observer. Cela importait peu. Ils étaient désormais en proie aux baïonnettes des compagnies d’infanterie, englués dans ce véritable mur entraîné et discipliné. Au bon moment, le général sonnerait la charge, et la victoire serait acquise. Pourtant, Khendra avait eu du mal à quitter ses hommes. C’était assez courant en lui que ses sentiments personnels s’interposaient à la raison tactique. En vérité, il n’aimait pas l’idée de voir ses propres troupes confrontés de la sorte à l’ennemi. Il espérait au moins que fi Nat saurait leur porter secours. Toutefois, il ne faisait aucun doute que le bilan des pertes pencherait vers sa brigade. Essayant de ne pas penser à tout ceci, Vilnius observa le général de division. Un seul signe, un seul, et il fonçait en tête des siens pour venir en aide à son infanterie. Il savait qu’il fallait attendre le bon moment. Mais chaque seconde avait sa livre de chair.

-Mon général ! Les escadrons sont prêts ! lança la commandante Héjénie Lhourial, désignant son bataillon monté.
-Tout comme mes hommes ! Monsieur, en attente de vos ordres ! s’écria le colonel Närkerel, le revolver en vrille, fixant attentivement cette poussière sanglante.
-Veuillez adopter une formation en diamant, je vous prie, ordonna Vilnius, claquant des doigts afin que son unité obéisse sur le champ.
-En diamant, monsieur ?
-Oui, j’ai bon espoir que la poursuite des insurgés ne soit précisément l’objectif succédant à celui que constitue notre très proche contre-charge. J’entends ainsi que nous soyons en mesure de nous redéployer. Oubliez le triangle, en ce cas, fit le général, dont la main venait rassurer son destrier, déjà agité.
-Selon vos instructions !

Et les cavaliers se mirent en diamant. Cette formation, dont l’aspect tenait également du losange, était en effet la plus à même d’offrir un impact saisissant tout en permettant à l’escadron de faire galop vers une direction immédiate. Elle impliquait évidemment une discipline de fer, il ne manquait que les jongleurs pour les faire devenir voltigeurs, car se maintenir dans une telle formation à une allure imposée sans se confondre aux autres unités de cavalerie, oui, cela n’était pas à la portée de tous. Ils avaient reçu l’entraînement qu’il fallait pour cela, et pour la plupart, ce serait l’occasion, enfin, de le mettre en pratique.
Si seulement Layël pouvait se faire entendre. Qu’aurait donné Khendra pour passer à l’action dés maintenant. Il lui fallait faire taire ses ressentis, écouter ce qui faisait de lui l’excellent officier que tout le monde reconnaissait. Pour cela, il décida de se tourner vers le premier escadron qui se présentait à lui. Cette unité avait à sa tête une jeune fille, une de ces nouvelles lieutenantes, certainement sa première bataille. C’était simple à voir. Son regard était fixé au sol, comme vidé. Ce n’était pas de la peur. Elle essayait visiblement de ne penser à rien. Cette cavalière pouvait se le permettre, elle avait parfaitement su appliquer les ordres. Vilnius décida d’aller à sa rencontre. Se rapprochant d’elle, un nom jaillit de ses pensées.

-Lieutenante fi Varnael !
-Je vous écoute, monsieur le général de brigade ! répondit-elle, s’étant tournée brusquement vers son supérieur, au point de le faire sursauter.
-Restez calme. Belle formation, voilà qui fait plaisir à voir.
-Monsieur, c’est trop d’honneur ! Nous espérons nous illustrer en votre nom !
-Eh, lieutenante, votre langue, elle est très bien là où elle est, coupa sèchement le général. Détendez vous, voulez vous ? J’ai besoin que vous soyez bien concentrée. Il y aura un temps où vous me flatterez pour que je vous refile une de ces promotions que je peux tirer à tout instant de mon bicorne. Mais pour se faire, vous avez besoin d’être bien concentrée. C’est compris ? demanda-t-il, adorant calmer ses nerfs en jouant au pédagogue.
-Oui… monsieur. Acceptez mes excuses. Je…
-C’est votre première bataille, hein ?
-Oui, général.
-Et ça va ?
-Euh… excusez-moi ? répondit Heleonor, secouant une tête peu sûre d’avoir entendu ces propos familiers venus de la bouche même de celui qu’elle considérait comme l’égal des césars.
-Je vous ai demandé : « ça va ? », refit le général, reprenant le ton précédemment employé.
-Je vous avouerai que je me suis senti mieux. Je suppose que cela va passer.
-Oui, ne vous en faîtes pas. Allez-y, dégainez donc votre sabre, demanda Vilnius, tout sourire.
-Si fait ! lança fi Varnael, présentant son sabre en un éclair.
-Bon, ben voilà, vous êtes prête.


[url=http://www.hiboox.fr/go/images/divers/photo-80745-1709704-201004032608827,ad59bf37acf557ca85e3d911f023f555.jpg.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2111/ad59bf37acf557ca85e3d911f023f555.jpg[/img][/url]
[size="1"][i]Infanterie ryendulienne (image originale : soldats autrichiens)[/i][/size]



La compagnie d’Ylias Methronis venait tout juste de subir l’assaut de plein fouet. Si les rebelles de la ligne avaient pu esquiver les premières baïonnettes, ils ne purent en faire autant pour celles qui leurs prêtaient assistance. Le rythme des tambours était à présent au plus rapide, mais il était à peine audible au milieu de ce chaos. Les hommes frappaient, encore et encore, enfonçant leurs lames dans les ventres mous de ces fous qui osaient contester l’autorité de l’archiduc, avant de faire feu par-dessus l’épaule de leurs camarades. Il n’y avait plus aucun ordre à donner. Tous savaient qu’il fallait tenir la ligne. Il était hors de question de reculer, et tant pis pour les éclopés qui étaient jetés hors de la mêlée, laissant la place à un plus frais. Aux frappes disciplinées venaient se confronter des pioches, des marteaux, des cimeterres rouillés et d’autres armes primitives. Elles parvenaient parfois à blesser, le geste tenant plus de la maladresse que de l’escrime. Ils criaient, ils criaient dans leur langue abominable leurs malédictions, ce à quoi les fantassins ne prêtaient pas attention, leur renvoyant simplement des « Allez les gars ! », « Tenez bon ! », « On maintient la position ! ». En temps normal, on se serait attendu à ce que ce soit uniquement l’officier qui prenne ce genre de ton. Le sergent s’y exécutait avec joie, mais il n’était pas le seul. Tous lançait ces phrases revigorantes, qui encourageaient à un nouveau coup ou à remplacer un blessé sans réfléchir. Plus que jamais, la machine fonctionnait. Elle broyait, et elle ne pliait pas. Ylias s’en rendait maintenant compte, même s’il avait désormais un autre sujet d’attention. Après avoir vidé son revolver dans ce brouillard de sable, il avait dégainé magistralement son sabre. Il avait d’ailleurs été étonné d’y arriver au premier coup. Combien de fois celui-ci n’avait voulu quitter son duvet pour se frotter à la tâche. A peine avait-il accompli ce geste qu’une raison supplémentaire d’être surpris venait tout juste de lui percuter le crâne. Son arme avait, pendant sa courbe, su trouver le chemin d’un torse ennemi. L’homme hurla sa douleur, Ylias ne put retenir un « Hein ? », seulement audible de son être. Bousculé par sa troupe, voyant la suite débaroulait, se donnant un air menaçant qui curieusement ne l’effrayait plus, il accompagna ses soldats dans l’arène. Perçant d’estoc, coupant de taille, il parvenait aussi bien à esquiver les attaques qui le visaient que les pointes véloces des siens. Methronis ne réfléchissait plus à ce qu’il faisait, il n’était plus que réflexe. Il déployait là tout ce qu’il avait appris, tentant de réduire la maudite gaucherie que ce terrain impliquait. Il bute contre un corps, il fut frappé par une épaule amie, il manqua de peu de recevoir une baïonnette, il reçut de ce sable aveuglant, réussissant à se frotter l’œil sans perdre son équilibre. Le lieutenant essayait aussi de faire attention à ses propres percées. Lancé, il fut repoussé, retenant au dernier moment son sabre d’emporter dans sa chute une belle entaille. Quelques fois, il voulut reculer. Mais il ne sentit derrière lui que le choc de ses soldats, obstacles vaillants que sa peur naturelle d’un nouveau dingue le chargeant ne pouvait surmonter. Alors il abattait, il parait, il continuait. Son revolver, s’il avait pu le recharger, si seulement il avait pu. Mais à chacune de ses tentatives, l’engrenage à carnage s’y opposait. Finalement, il décida de ne plus que se servir de la crosse, éloignant de lui les sirènes d’alors, celles là même qui auraient pu lui ôter la vie déjà maintes et maintes fois. Aurait-il pu discerner les morts qu’il causait des blessés dont il était encore la cause ? Pris dans ce tourbillon mécanique, toute réflexion était exclue. Si. Un mot lui vint. C’était la voix de Vilnius Khendra qui résonnait en lui. Immédiatement, il hurla aux côtés de ses hommes :

-Faîtes vos armes !

L’état-major était sous tension. Les aides du général de division étaient bien conscients du rôle primordial qu’ils étaient en train de jouer. Combattre ne suffisait pas, il était impératif pour une armée de guetter, d’observer, de voir. Ils en étaient les yeux. Les estafettes se préparaient à partir à tout moment, les enseignes assistaient l’officier commandant. Ils n’avaient rien à dire quant à sa stratégie, seule l’histoire aurait à le juger. Layël avait laissé ses jumelles, regardant sa division affronter ces renégats. Remarquant qu’un des cavaliers de Janisä venait d’être abattu, il se réconforta en se rappelant qu’il avait nommé par le Conseil des maréchaux et qu’il avait reçu sa mission de la propre main du Triumvir. Hranel Ventïr, ou le Haut, selon son titre d’archiduc, avait placé sa confiance en lui, et c’était sur ses épaules que reposait l’une des facettes essentielles à la politique actuelle du généralissime. Et celle-ci avait impliqué une alliance avec le sultan d’Arinie. Cet El-Nadjab n’était rien d’autre qu’une canaille de la pire espèce, un vaurien vautré dans l’avarice et la velléité. Un accord économique avait été signé bien avant le départ des forces de Tranniae, mais ce fut à Hénolyte de poser la cire, juste avant qu’il n’abatte, résigné, le sceau d’argent du Ryendul. De fait, le sultanat était désormais un satellite de l’archiduché, placé en qualité de protectorat. Les responsabilités régaliennes avaient donc étaient déléguées, et bien évidemment, la sécurité intérieure ne faisait pas exception. Et ils étaient là. Éloignés de mille et mille lieues de chez eux, dans cette terre inhospitalière, terrassant des bergers dopés au poison qu’était le prêche de ce Bibadjad. A cette pensée, Layël chassa sa réflexion aussi soudainement qu’elle lui était apparue. Où était donc le chef des rebelles ? Reprenant ses jumelles, il tenta de distinguer dans la confusion qui régnait en contrebas quelque chose comme un visage qui aurait pu correspondre aux gravures qu’on lui avait fait parvenir, ou ne serait-ce qu’une troupe à peine mieux équipée. La fumée des détonations était remontée jusqu’à lui. Il lui était impossible de discerner quoique ce soit de précis dans cette brume opaque. Il devait s’estimer heureux de pouvoir encore localiser ses troupes. Janisä avait brillamment exécuté l’opération qu’il lui avait ordonnée. Comme prévu, ses fantassins ne se mirent en carré qu’au dernier moment, profitant encore un instant de la superbe ligne de « Shaspo » qu’ils formaient, assénant le tir qui précéderait la pointe de leurs baïonnettes. Ainsi formés, la cavalerie adverse vint se briser sur des unités parfaitement prêtes à les recevoir, et ce n’était plus qu’un combat d’opérette. Le moral de la brigade était intact. D’autant plus que sa propre cavalerie, soutenue par celle de fi Nat avait réussi la manœuvre : le contournement était en train de s’effectuer. Bientôt, le piège se refermerait sur la précieuse force montée de l’ennemi. Peut-être que c’était là que se tenait leur chef. Non, Layël l’aurait reconnu. S’il y avait bien un endroit sur ce champ de bataille où l’on pouvait l’apercevoir clairement, c’était là. Quoiqu’il y avait également Khendra et ses cavaliers, attendant impatiemment de passer à l’action. Mais il y aurait tout de même improbable que Bibadjad soit nez à nez avec ces escadrons en réserve. Quant à fi Nat, si les ordres prescrits avaient été suivis, il ne donnait aucune nouvelle. Les autres généraux de brigade envoyaient régulièrement leurs estafettes afin de donner à l’état-major un compte rendu exact de la situation. Ce n’était pas le cas de fi Nat. Quelle ruse ce pauvre diable voué aux expériences militaires les plus farfelues pouvait-il préparer ? Layël était présentement incapable de le dire. Le centre, aux côtés de son flanc droit, s’était abattu sur les insurgés, prêtant main forte à l’infanterie de Khendra. Ainsi impliquée dans la mêlée, la brigade était elle aussi enfumée, et il était par conséquent impossible de repérer le général. Néanmoins, il savait ce qu’il faisait. La priorité avant de mettre un terme à cette bataille était de localiser au plus vite Bibadjad. Hésitant à choisir quelle estafette envoyer, il se décida pour Nÿder.

-Monsieur Nÿder !
-Oui, général ?
-Allez à la rencontre de la cavalerie de Jänisa, je veux un détachement pour un repérage de l’autre côté de ces collines. Il s’agit de faire vite, alors, hâtez vous, ordonna Hénolyte, confiant en sa stratégie.
-Immédiatement !

Il s’en alla, d’abord au petit trot, avant de passer à un galop qui en appellerait sous peu un autre. Puis, il fit faire volte-face à coursier et se hâta de rejoindre le général.

-Monsieur, si l’on mettait la main sur ce brigand, le voulez-vous mort, ou bien vif ?

Layël réfléchit un petit moment, jaugeant les deux seules réponses qu’il pouvait donner. Enfin, il relâcha le mot tant attendu.

-Vif.

Helenor fi Varnael était là, en tête de son escadron. Elle voyait au loin le combat que menaient les hommes de sa brigade, bien tentée à l’idée d’intervenir. L’infanterie était bonne pour retenir l’ennemi, pas pour le neutraliser. Non, ça, c’était le travail de la cavalerie. Et au lieu de mettre un définitif à la bataille, de sceller la victoire une bonne fois pour toute, ils restaient en retrait. Elle bouillonnait de rage. Voilà comment était censée se dérouler son premier véritable affrontement ? Heleonor n’avait pas fait traverser tout le Maraen à son unité pour en arriver là. Même Khendra semblait perplexe quant à cette attente. Le général de division avait beau être doué, ne voyait-il pas qu’il était temps pour eux de sonner la charge ? Sentant la colère intérieure de sa cavalière, Jelö s’agitait. Le pur-sang bai donnait déjà des coups de sabots, secouait la tête, hennissait, ce à quoi Heleonor ne réagissait pas autrement qu’en tenant fermement ses rênes. Malgré ses protestations, le duo n’avait pas quitté d’un pouce la formation. Fi Varnael savait qu’on l’observait, à commencer par les hommes et les femmes qu’elle s’apprêtait à mener au combat. Elle sentait leur impatience. Mais elle devait obéir aux ordres, et restait juchée sur sa monture. C’était dans ce genre de moment qu’elle essayait de se donner un autre sujet de réflexion. Il n’était pas si loin le moment où son père, duc de Terferal, lui offrit ce magnifique destrier. Elle était constamment en admiration devant les nuances de sa robe, ce brun qui devenait progressivement noir, le long de ses jambes, de sa crinière, de sa queue et de sa face. Heleonor savait, comme toute bonne cavalière, deviner le langage des chevaux. Jelö pouvait se montrer affectueux, allant jusqu’à chercher lui-même son filet, mais pouvait également faire preuve d’une incroyable bouderie, têtu lorsque sa maîtresse l’avait laissé un peu trop longtemps sans exercice. Et comme il était particulièrement capricieux quand il le voulait, ce « trop longtemps » pouvait être de quelques heures seulement. Néanmoins, il avait des qualités exceptionnelles, et en en voir son attitude, on pouvait se demander s’il ne le savait pas lui-même. Coursier véloce, acrobate doué, ami fidèle, combattant acharné, Jelö savait, non pas se plier, mais bien s’accorder aux exigences de fi Varnael. Qu’elle ait son sabre, il se tenait prêt à marquer le crâne de quelque individu hostile de ses sabots ferrés. Qu’elle soit en pleine poursuite, et il manifestait le plus puissant des galops. Ou qu’elle soit encore en terrain forestier, il n’hésitait pas à faire fi de tout tronc, rivière et ravins. Après quoi il exigeait naturellement son dû, Heleonor ayant tout intérêt à comprendre exactement ce qu’il souhaitait en retour. Souvent, cela se résumait en une impeccable toilette, et ce n’était pas un vulgaire palefrenier qui aurait à poser la main sur lui. C’était à elle. Les oreilles plaquées en arrière, il était évident pour la cavalière qu’elle venait de contracter un certain crédit à son égard. Aucun doute que Jelö attendrait avec colère les soins promis. C’était la moindre des choses après l’avoir fait trotter dans ce sable brûlant et glissant, pour finalement poiroter comme une simple mule devant cohorte d’équidés bien moins nobles qu’il ne l’était. Finalement, c’était incroyable à quel point les deux étaient identiques.

-Lieutenante ! fit un des cavaliers de l’unité, ne quittant toutefois pas le diamant.
-On ne bouge pas.
-Mais lieutenante, vous ne pensez pas qu’il faudrait avertir le général de brigade ?
-Y aurait-il quelque chose que j’aurais mal prononcé lors de ma dernière locution, Lörnel ? répliqua-t-elle, se retournant d’un coup et fusillant du regard le jeune homme, accompagné en tout point de Jelö.
-Non, non… c’est juste que…
-Tu la boucle !

Une estafette venait tout juste de partir de l’état-major, se dirigeant à la rencontre de Vilnius Khendra. C’était peut-être enfin le début des festivités. Peut-être.









Je suis assez content, à voir ce que vous en penserez (surtout le combat d'Ylias et la description d'Heleonor par la description de... son cheval ! :blink: )


=> Aide modo : comment je peux modifier avec le nouveau forum la ligne explicative du titre (faut bien indiquer le nouveau chapitre ! B-) ) Modifié par Kael
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[quote]il en fit [b]dés [/b]lors usage, comprenant qu’il n’aura[/quote]

[quote]-Tu la [b]boucle [/b]! [/quote]

Alors au niveau des fautes : y en reste pas mal et ça reste de la faute bête et que tu fais tout le temps ! Surtout la première là, je la vois tout le temps ! Donc fais gaffe ! :P

[quote]Aide modo : comment je peux modifier avec le nouveau forum la ligne explicative du titre (faut bien indiquer le nouveau chapitre ! [/quote]

En modifiant le tout premier message !


Pour le fond, je suis même si je commente pas beaucoup et j'attends de voir si le message qui arrive c'est celui qui va mettre la fille en avant et que ça lance la bataille ! Allez suite ! Que ca saigne :P

@+
-= Inxi =-
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Petite suite !

(ami Inxi : le forum a changé, je suis perdu, quand j'édite le premier message, je n'ai plus accès au titre :unsure: )
edit : J'ai trouvé ! Il fallait utiliser le "truc complet" :D


Je vous donne également ici le premier dessin d'un de mes collaborateurs pour ce projet : le lion rouge ! :clap:



La compagnie d’Ylias Methronis continuait le combat. Dans sa tête, résonnait en permanence les mots de son général. « Faîtes vos armes ! », « Faîtes vos armes ! », « Faîtes vos armes ! », voilà le cri qui possédait son esprit. Ces quelques mots avaient cette magie d’éloigner toute frayeur, toute question, et de ne laissait place qu’à l’action. « Faîtes vos armes ! ». De la première ligne, n’étaient restés que quelques hommes, dont le pugnace sergent et l’agile lieutenant. L’effectif avait sérieusement diminué, mais le jeune officier se forçait à ne pas y songer. Il fallait dire qu’il avait autre chose à faire. Se battre était devenu de plus en plus difficile. Les corps laissés là, déjà morts ou agonisants, gênaient considérablement le jeu de jambe. D’ailleurs, celui-ci était impossible à effectuer. Cela n’avait rien à voir avec ce qu’avait pu étudier Ylias. Le corps à corps était presque statique. Il ne pouvait effectuer un pas en arrière, sur le côté, et bien évidemment, en avant, sans se confronter aux limites que lui imposait la lutte. Le carré était à ce point étroit que les seules esquives dèsormais possibles se résumaient aux épaules et à la tête. Heureusement, la parade était préservée. Une pioche s’abattait sur lui, son sabre filait la contrer, la crosse de son revolver finissait d’abrutir l’adversaire. Ylias était loin d’être habité par une rage meurtrière. Le massacre ne l’attirait nullement. Il essayait de survivre. Et il n’y avait pas d’autres solutions que d’en découdre. S’apercevant quelques fois qu’il s’enfonçait dans une défense un peu trop répétitive, il se prenait à innover. Manier le sabre de la main gauche n’était pas ce que l’on pourrait appeler une bonne idée, surtout pour un droitier. Alors il essayait autre chose. Ce n’était pas aisé, compte tenu de l’absence totale de réflexion du moment. Si. Un des rebelles qu’il avait transpercé portait plusieurs couteaux de lancer. Il n’en fallut pas plus pour qu’il lui vienne à l’esprit de les jeter par poignée dans les rangs de feu leur propriétaire. Ou une autre fois. Le corps d’un insurgé encore en vie lui servit à se défendre, celui-ci, tenu par le col n’ayant plus la force de résister à un usage aussi barbare, visiblement inquiet de la balle qui s’était logée dans ses entrailles et de la vue qu’il avait de ses camarades, cherchant à mettre en pièce maladroitement son dèsormais utilisateur. Mais au moins, Methronis restait en vie. « Faîtes vos armes ! », continua-t-il de penser. L’avait-il plutôt prononcé, cette fois-ci ? Le chuchotait-il depuis le début ? Qu’importait ! A la surprise générale, il se battait plutôt bien. Les hochements de tête du sergent, habituellement distribués aux recrues, le soulagèrent. La fatigue commençait à le gagner, et plus que jamais, il avait besoin de ces encouragements pour continuer la lutte. Puis, quelque chose attira son attention. C’était des coups de feu. Perceptibles malgré la cohue et les propres tirs de ses shaspos, il comprit rapidement qu’il s’agissait là du son caractéristique d’un revolver. Et même de plusieurs. Ce ne pouvait pas être la cavalerie. Le clairon n’avait pas sonné. Mais alors… qui ? Ce fut à cet instant qu’Ylias bondit de toutes ses forces, se frayant un chemin tant bien que mal, tombant à chaque fois en plein milieu d’un duel épique entre un soldat et un insurgé, se contentant bien souvent de sauver sa peau en prenant la sienne.

- Faîtes vos armes !

Cette fois-ci, il l’avait bel et bien crié. Inutile de dire que l’espace d’une seconde, les fantassins furent dèsorientés de la conduite précipitée de leur lieutenant. Tentait-il de s’enfuir ? Pourquoi se diriger sur le flanc droit de l’unité en ce cas ? Avait-il perdu la raison ? Non, rien de tout cela, du moins pour le moment, non, Ylias manquait de perdre un ami.

-Putain, mais Mezehn ! Qu’est-ce tu fous là ! cria-t-il, filant défendre la batterie.
-Je défends mes bébés ! Et toi, t’as pas l’impression d’être un poil décalé ! répondit Siorti, rechargeant ses pistolets, planqué derrière un de ses canons.

Methronis manqua de tomber, son pied venant de frapper un des appuis d’artillerie. Totalement dèsorganisée, la masse rebelle n’avait pas fait de distinction entre les fantassins et les canonniers. Pour eux, un Ryendulien de tué était suffisant, qu’importait son corps d’armée. Les hommes d’Ylias ne pouvait défendre correctement les précieux canons autrement qu’en attendant le contact. Toute précipitation aurait si tôt fait de dèsorganiser l’ensemble. Et comment l’ennemi pouvait-il allait à leur contact, si les artilleurs défendaient inutilement des pièces qui ne pouvaient être endommagés que par des saboteurs, ce que n’étaient évidemment pas ces paysans dépenaillés. Certes, ils auraient pu en abimer le bois, ultime dèsespoir, et ainsi immobilisés, les soldats du flanc de la compagnie se seraient fait une joie de faire feu. Toutefois, encore et toujours, la présence de Mezehn et de son équipe était gênante. Pire que tout, si un canon pouvait tenir face à l’assaut, ses servants n’étaient pas faits de métal. Leur vulnérabilité était belle et bien réelle, et leur perte équivalait à celle qu’aurait été le travail d’un parfait sabotage. Enfin, Ylias avait reçu des ordres précis. Décidément, ces abrutis n’avaient aucune conscience du danger qu’ils couraient, à chaque instant une vague de lames pouvait les emporter, privant l’armée de leur savoir-faire irremplaçable. Voilà ce qu’il advenait quand on restait toujours trop éloignés des combats en temps normal. Le lieutenant avait bien l’intention de se faire comprendre. Se jetant sur Mezehn, il le plaqua au sol, ne réfléchissant même pas au superbe cadeau que son dos offrait à tout rebelle, si peu malin qu’il eut été.

-Tu fous le camp ! Tu m’entends ! Tu prends ton équipe, et tu dégage ! menaçant son ami d’un coup sec et net de la crosse de son revolver.
-Euh…
-Et file moi ça ! rajouta-t-il, prenant le pistolet de Mezehn, rechargé.

Sortant de la minable cachette, il abattit d’une balle dans le cœur ledit malin.

-Faîtes vos armes ! hurla-t-il de nouveau, déchaîné qu’il était.

Foudroyant le lieutenant d’artillerie, il s’en repartit au milieu de ses hommes, non sans s’être assuré que Siorti rappelait les siens pour se mettre à l’abri derrière la troupe. Il venait d’avoir peur de… d’Ylias. C’était là un sentiment qu’il n’avait jusqu’alors jamais éprouvé, et dont le souvenir serait tenace.

Le général de division observait les cavaliers de Janisä. Quelques uns venaient tout juste de partir dans le but de localiser le chef rebelle. De leurs retours dépendrait beaucoup. Ils ne pourraient pas détruire l’insurrection sans anéantir le meneur. S’ils ne le capturaient pas dès à présent, il ne serait peut-être jamais, ou bien seulement après de longues années d’investigations minutieuses, coûteuses et particulièrement hasardeuses. L’enjeu était donc de taille. Mais il ne devait pas non plus être obnubilé par cette question. Il y avait plus important. Janisä avait brillamment repoussé l’attaque du flanc gauche, la stratégie avait parfaitement fonctionné, et dèsormais, les cavaliers en déroute voyaient leur retraite bloquée par ceux de fi Nat. Décidément, le vieux vétéran était d’une race de combattants qu’il était bon d’avoir comme allié. Olpo Jänisa était un cavalier hors pair, un champion parmi les champions, et ce n’était pas à l’âge de ses soixante-trois ans qu’il s’estimait encore usé. Dans sa longue carrière, il avait connu pas moins de trois guerres, et plusieurs expéditions militaires d’envergure. Dès l’âge de vingt ans, le voilà qu’il était distingué de la médaille du mérite pour avoir mené sa patrouille d’éclaireur avec brio, ramenant ainsi de précieuses observations sur l’armée baptoriellienne. Quinze ans plus tard, et il flanquait raclée sur raclée aux Constantinniens, étant dèsormais au grade de commandant. Enfin, lorsque Metterbrünn tenta de racheter les îles de l’Alliance Gaclèsienne, au mépris de la souveraineté du Principat, Jänisa se rendit personnellement là-bas, et y gagna le surnom de « général la bagarre », suite à un épisode qui l’avait vu mettre un crochet du droit à la face d’un prétendu maréchal de treize ans son année. Le motif évoqué fut qu’il avait refusé sa poignée de main. S’il l’avait refusé, il dut se contraindre à en admettre le poing. La même trempe l’animait aujourd’hui. Olpo ne vivait, n’existait, que pour les charges de cavalerie, le sabre au clair de préférence, quoiqu’il était depuis peu grand amateur d’armes à feux. La brigade qu’il dirigeait depuis près de dix ans était unique en son genre. Les soldats qui avaient la chance d’y être savaient à quoi s’attendre du vieil homme. Les exercices qu’il leur faisait faire étaient si épuisants que les médecins parlaient volontiers du « mal d’Olpo », faisant état d’une fatigue continue, qui se manifestait par un sommeil tellement profond que les pauvres soldats se réveillaient plusieurs fois par nuit douloureusement, s’agitant comme des diables, tant leurs corps ressentaient crampes et courbatures. La presse ryendulienne aimait à associer les grands généraux aux éléments de la nature. Ainsi, le tonnerre illustrait les victoires du général Layël. Et en l’occurrence, elle avait choisit de l’affubler de ce qui était pour lui « la plus belle des décorations », à savoir, la boue, ou la « bonne gadoue » pour reprendre son expression. Les soldats de sa brigade qui avaient pu survivre à de tels entraînements, levés dès l’aurore et seulement couchés à l’aube, étaient considérés comme de vrais durs, et ce même s’il ne s’agissait alors que de recrues. Le « mal d’Olpo » était aussi terrible que formateur. Mais il y avait quelque chose en Jänisa qui le rendait particulièrement génial, et aux yeux de tous, y compris de ses détracteurs. Ses hommes l’aimaient. Fi Nat disait à ce propos que c’était une parfaite illustration de l’incohérence qu’il existait souvent au sein d’un rapport objectivement conflictuel. Que l’on ordonne à quelqu’un de ruiner sa santé pour son pays et son honneur, et celui-ci vous vouera un véritable culte. Il fallait ajouter à cela que le général aimait profondément ses soldats. D’ailleurs, ils l’appelaient affectueusement « l’oncle ‘Po », et étaient prêts à tout pour lui. Comme il détestait le faste et les honneurs, être seulement cité dans les rapports de son état-major était un exploit considérable. Quant à recevoir une médaille de sa propre main, le moment était d’une intensité telle que se tenait constamment une équipe d’infirmiers prêts à rattraper le héros devenu subitement atteint d’un malaise que pas même une demi-douzaine de canons braqués sur lui aurait pu provoquer. C’était ce « général de bagarre » qui accompagnait ses troupes au combat. Layël esquissa un sourire en pensant au nombre de fois incalculable où cet individu aurait pu passer à la tête d’une division. Il aimait trop de ce qu’il faisait pour ça, et au fond de lui, il préférait mille fois obéir plutôt que de prendre une décision qui aurait pu condamner la vie des siens. En vérité, il souffrait constamment d’un complexe suite à des études stratégiques peu concluantes, dont il avait honte, en définitive. Sans la guerre, jamais il ne serait parvenu à ce poste. L’ambition ne l’avait jamais habité. Ce n’était pas aujourd’hui qu’il y penserait. Mais Layël cessa de se remémorer les héroïques actions de cet officier. La bataille n’était pas encore terminée. Le corps à corps du flanc droit semblait s’éterniser. On lui reprochera certainement d’avoir mis en péril la brigade de Khendra. C’était son travail que d’attirer à lui critiques et jugements. Cependant, l’imminente victoire allait lui donner raison. Les rebelles étaient à présent trop impliqués pour voir le coup venir. Poussés par leur masse, les voilà qu’ils insistaient inutilement. Les pertes parmi les fantassins étaient conséquentes, mais si ce devait là être le prix du succès, jamais le général de division n’y renoncerait. C’était le moment. Il ne fallait pas plus attendre. Attentif aux cavaliers situés au loin, il indiqua à une estafette de s’approcher.

-Monsieur Björnael !
-A vos ordres !
-Prévenez le général Khendra. Qu’il lance la contre-attaque, sans plus attendre, ordonna-t-il, n’attendant d’autres réponses qu’un hochement de tête.

L’estafette fit demi-tour et donna de violents coups de talons à sa monture. Le galop ainsi exigé, il descendit la colline à toute allure, sonnant au clairon la venue de son message.

-Messieurs, préparez vous. Nous allons y aller.


[url=http://www.hiboox.fr/go/images/dessin/110528113926244054,4ab2a6a72ae95031e2e5db3ff2c0d734.jpg.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2211/4ab2a6a72ae95031e2e5db3ff2c0d734.jpg[/img][/url]
[i][size="1"]Fantassin et cavalier du Ryendul (illustration réalisé par [color="#FF0000"][b]le lion rouge[/b][/color])[/size][/i]


Mezehn avait compris la leçon. Dèsormais éloignés du combat, lui et son équipe se contentaient de regarder, attentifs, son déroulement. Ils auraient bien souhaité leur prêter assistance, c’étaient tout de même de bons tireurs, mais le risque de blesser un fantassin ryendulien était trop grand. On appelait ça un « tir ami ». Gardant un œil sur leur batterie, ils furent rejoints en cela par Rhanar et ses assistants. Lui aussi avait dû se voir contraint de se placer à l’arrière. Hemil Rhanar était un artilleur compétent, discipliné, apprécié, en deux mots, très ennuyeux pour Siorti. Celui-ci n’aimait pas l’idée de voir un de ses homologues manquer d’innovation, et de toute évidence, il avait à faire à quelqu’un qui se contentait simplement de recharger. Ce n’était pas ça, un vrai artilleur, pour Mezehn. Un canon, ce n’était pas seulement une machine bonne à cracher. C’était tout un art de précision, de calculs et d’improvisation permanente. Il fallait s’adapter aux mouvements de l’armée, et ce alors qu’ils étaient fixes, au moins tout autant qu’il fallait repérer les cibles prioritaires sans gêner la stratégie de la division. Combien de fois une estafette n’était-elle pas venue lui rappeler ses objectifs ? Les ordres étaient toujours vagues, imprécis, laissant tout juste comprendre ce à quoi il pouvait et ce à quoi il ne pouvait pas toucher. Un gigantesque travail de repérage s’ensuivait. Quelle était la troupe adverse la plus dangereuse, la plus précipitée, la plus rentable. Il fallait bien sûr comprendre ici la rentabilité en termes de boulets dépensés et de pertes adverses provoquées. C’était de tout ceci que Mezehn avait dèsormais un regard équivalent à celui d’un caméléon, observant en une seconde ce que tout autre être humain verrait en une minute. L’insomnie et son profond amour du café, généreusement surnommé « kawa » par ses soins, sans que l’on sache toujours la raison de ce pseudonyme, n’y étaient certainement pas innocents. S’il avait découvert ce divin breuvage durant ses campagnes militaires, cela faisait plusieurs années qu’il ne dormait plus. Pour être plus exact, « qu’il ne dormait plus normalement ». Impossible pour lui de se reposer comme les autres. La perspective d’être inactif durant plusieurs heures nocturnes lui était inconcevable, d’autant que son anatomie particulière ne lui permettait pas. C’était donc une manière d’accepter la chose. Non, à la place, il pouvait s’endormir l’espace d’une ou trois minutes, quand et où il le voulait. Souvent, il utilisait un temps de pause, si court soit-il, pour s’endormir. Ce n’était pas qu’il en avait besoin, mais plutôt que s’il se refusait à cette dernière concession au sommeil, celui-ci prenait un malin plaisir à le surprendre de la manière la plus soudaine possible. Ainsi, Mezehn avait déjà percuté la table d’une réunion ou d’un examen plus d’une fois, sans que le choc ne le réveille. En fait, ces petites minutes distribuées durant sa journée était l’équivalent exact de ce qu’il faisait le plus volontiers du monde pour son système digestif. C’était voilà tout une sorte de déplaisir nécessaire pour en éviter un plus inconvenant. Couché dans le sable afin de ne pas accueillir une de ces balles amicales, il se demanda s’il ne devait pas justement s’accorder une petite sieste. Cinq à six minutes, pas plus. Son équipe était effrayée, il n’en avait que faire. Il leur avait bien dit de rester au sol, qu’il y avait-il de plus à faire ? La bataille était sans doute gagnée. Il n’y avait rien à craindre. Et quant à Rhanar, Mezehn pourrait compter sur lui pour le réveiller, au cas où. Afin qu’il ne vienne pas inopinément le déranger, mieux valait lui tourner le dos. Ses paupières s’abaissèrent, faisant fi de toute détonation, de toute agonie et de tout autre vacarme. Soudain, Siorti fut fouetté par un nuage de sable. Se levant par réflexe, il en recracha et essaya de l’enlever de ses pauvres yeux. Un bruit accompagnait également ce dèsagréable réveil prématuré. La cavalerie chargeait. Modifié par Kael
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Et ben !

Je la voyais plus tôt cette charge ! Mais c'était sans compter les descriptions au sein de la bataille donc pourquoi pas :P Par contre, comme la bataille traîne un peu sur les descriptions (je parle du nombre de pages que tu vas lui consacrer), on se perd un peu quand on se dit "Ou ça en est globalement ?" donc hésite surtout pas à faire des rappels plus généraux justement afin qu'on se perde pas ! ;)

@+
-= Inxi =-
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  • 2 semaines après...
Toujours aussi bon ! J'aime vraiment beaucoup ! La description du cheval est délicieuse, les combats sont parfaits ! J'apprécie beaucoup ton style :)
Sur le fond, tes personnages sont très fouillés, c'est vraiment un gros plus dans ton récit je trouve.
Vite, la suite...quelque soit l'examen (bac ?)! ;)
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Et la suite donc ! (peut-être de piètre qualité, puisque j'ai été freiné plusieurs fois par cette phase d'examens) (non, pas le bac, mais mon double-diplôme franco-allemand en troisième année de droit :rolleyes: )

Bien content que ça plaise en tout cas ! :blushing:

Suite !





Heleonor était aux anges. Enfin, enfin son escadron se dirigeait vers l’ennemi. Qu’ils étaient superbes ces centaines de cavaliers à ses côtés, se préparant à effectuer une parfaite courbe avant de percuter le flanc adverse. Dès que le général Vilnius Khendra renvoya l’estafette de l’état-major, il fit sonner la charge. Au milieu de la formation, ses gardes du corps assuraient à la fois la difficile tache de le protéger et de maintenir la cohérence au sein de cet ensemble d’apparence si solide. En réalité, il n’y avait que peu d’opérations aussi ardues que celle-ci. Le pas aurait été délicat, le trot en était difficile, le galop allait en être presque impossible. Chaque cheval avait son propre rythme, chaque cavalier avait sa manière, et il leur fallait en plus s’adapter au mouvement de leur escadron, et pire que tout, celui-ci devait lui-même s’adapter à celui de toute la brigade montée. Les officiers avaient donc un rôle primordial, servant alors de référence. On les voyait se tourner dans tout les sens afin d’être sûr de la vitesse adoptée. Et puisqu’ils étaient parés au combat, revolver et sabre en main, ils devaient diriger leurs montures seulement par leurs jambes, une technique répandue, mais là encore, on ne peut plus fastidieuse. Heleonor connaissait tout ceci. Elle avait été entraînée pour ça. Et comme elle était placée sur l’aile gauche de la formation, on lui avait laissé le privilège de n’avoir qu’à surveiller le mouvement qui lui était situé sur sa droite. Egalement, elle aurait à se battre, puisqu’étant sur la ligne. Là encore, Khendra avait choisi d’être clément avec elle. Fi Varnael serait parmi ceux qui soutiendraient directement son infanterie. Ainsi, il avait su trouver la position idéale pour à la fois la protéger et la mettre à l’épreuve. Si attaché au modèle militariste, il ne pouvait oublier qui était le père de la jeune lieutenante, et il était hors de question d’être accusé de l’avoir mis en péril, tout comme il lui était insupportable de se faire accuser de favoritisme. C’était finalement là toute la pensée de ce général de brigade. Heleonor n’était pas une exception. Chaque officier tout juste sorti de l’école militaire avait eu une position d’attaque adéquate au cas par cas. Il était néanmoins notable que seule Heleonor avait été choisie pour être en première position. D’après le commandant Aloïs Hanatol, elle était très compétente, fiable et enthousiaste. Il ne manquait plus qu’à évaluer cette impression. Jelö était tout aussi heureux que sa cavalière. Une joie difficilement contrôlable, partant au galop avant même que le centre n’en fasse autant. Ne pouvant tenir les rênes que de deux doigts, la lieutenante parvint toutefois à le ramener dans le bon rythme, à l’encourager à sauter chaque buisson qui aurait pu l’amener à déformer l’unité, et mieux que tout, elle savait comment utiliser son tempérament pour qu’il puisse anticiper le combat. Entre chaque regard qu’elle lançait, à sa gauche ou à l’arrière, veillant à ce que son escadron soit impeccable, elle émettait un son uniquement utilisé dans ce genre de situation. C’était un claquement particulier, un tempo de cavalerie que les chevaux connaissaient par cœur. Leurs oreilles étaient attentives à ce bruit qui leur était étrange, qui provenait bien de la bouche de leurs cavaliers, mais dont ils étaient incapables de cerner avec précision l’origine. L’interrogation qui s’ensuivait aiguiser les sens des destriers. La réponse se trouvait dans les écuries où ils avaient été élevés, où ils tournaient encore et encore dans les carrières équestres du Ryendul. Dans un laps de temps des plus restreints, ils auraient à frapper de leurs sabots l’ennemi de leur cavalier. Ce qui avait le don d’animer encore plus leur excitation, et ce qui avait pour conséquence d’intensifier les efforts visant à les empêcher de couper droit la courbe. Cette courbe, cet élégant mouvement qui impressionnait tant, était la clef d’une charge accomplie. D’une incroyable précision, tous les escadrons devaient l’effectuer en même temps, au bon endroit, afin d’offrir un impact considérable. La manœuvre accomplie, ils étaient exactement perpendiculaires au flanc des insurgés, ceux-ci commençant d’ores et déjà à paniquer. Heleonor souriait. Elle ressentait la puissance de la brigade montée et n’était plus dèsormais que concentrée sur cette masse grouillante de ces rebelles inconscients. Nulle autre pensée ne l’habita. Elle n’existait plus. Elle faisait corps avec les siens. Et cette sensation tant attendue lui ramenait des visions de gloires et de succès. La dernière image qui lui parvint fut le portrait qui trônait chez elle. Son père serait fier d’elle. Elle n’allait pas le décevoir. Il ne restait qu’une courte distance entre eux et ces fous. Le galop se tripla. Les dents se serrèrent. Les dos se courbèrent. Les jambes se cramponnèrent. Les yeux se braquèrent. Les clairons s’entendirent. Et aux cris de s’élancer.

Ylias Methronis entendit ces hurlements. Epuisé, mais continuant à se battre avec son agilité habituelle, il était soulagé de voir pareil soutien. Couvert de poussière et de sueur, le sabre mou, il ne pouvait s’empêcher de seulement se contenter de ne pas être blessé. Il avait abattu plusieurs de ces rebelles. Le lieutenant esquivait, parait, contre-attaquait, mais le cœur n’y était plus. Celui-ci exigeait du repos. Il en aurait bientôt. Pas pour le moment. Les insurgés n’étaient pas encore vaincus. Et ils le prouvaient. Des rangs confus, profitant encore du court répit qu’ils avaient avant la charge de cavalerie, trois d’entre eux se précipitèrent sur la batterie de Mezehn. Ce mouvement improbable ne manqua pas d’être aperçu par Ylias, affolé de voir quels outils ils maniaient. Clous et masses. C’étaient des saboteurs. Si leur retard avait de quoi sourire, ils pouvaient encore détruire les pièces d’artillerie. Les clous ainsi enfoncés dans l’étroit orifice qui accueillait normalement la mèche seraient impossibles à dénicher, rendant inutilisable les précieux canons. Il était absolument capital de les en empêcher. Les hommes et les chevaux, cela pouvait se trouver, même dans cette terre hostile si éloignée. Mais de l’artillerie, certainement pas. De toute manière, le général de brigade avait été clair sur ce sujet : il fallait impérativement défendre les batteries. Alors même que les escadrons de cavaleries s’en allèrent percuter violemment leur flanc, Ylias fila intercepter les trois saboteurs. Le fracas des armes et les hennissements des chevaux lui firent comprendre à quel point l’impact avait été violent. De là où il était, il ne pouvait vraiment les voir. La fumée était toujours aussi dense, seules de hautes silhouettes lui parvenaient. Enfin, le choc avait été d’une telle ampleur qu’il entendait le son des os brisés sous les sabots tout près de lui. Que la cavalerie fasse son office, lui, il avait ses ordres. D’ailleurs, à l’évocation de ce mot, il se retourna vers ses hommes.

-Compagnie ! Cessez le tir ! A la baïonnette ! Et tenez vos positions ! cria-t-il, avant de trébucher sur un de ses soldats, alors agonisant.

Le lieutenant observa la mine ensanglantée du fantassin, sa voix inaudible ne rendait pas pour autant sa supplication caduque. Se relevant à toute vitesse, il prit violemment par le col un de ses hommes et le jeta sur le blessé. Continuant sa course, son ordre était évident. Lorsqu’il arriva au niveau de la batterie, les saboteurs en avaient déjà fini avec une des pièces. Il y en avait deux qui s’occupait directement des canons, et un qui se chargeait de les défendre. Si Ylias n’avait pas vidé cinq barillets dans les rangs adverses, il se serait contenté de lui expédier une balle entre les deux yeux. Appuyés sur ses appuis, l’homme dissimulé derrière ses sombres habits l’attendait. Par simple réflexe, Methronis tenta une botte. Lui faisant croire qu’il allait abattre son sabre sur son bras droit, il changea au dernier moment d’attaque pour se concentrer sur sa jambe gauche. Le superbe zigzag qui s’ensuivit rencontra à chaque fois le métal adverse. Déstabilisé, ce fut à peine s’il eut le temps d’esquiver le coup de pied magistral qui allait frapper son torse. Emporté par sa gymnastique, son sabre fit une courbette maladroite, mais directement dirigée vers l’entre-jambe de l’Arinien. Fou de douleur, celui-ci se raidit, tel un piquet, retenant ses cris. Profitant d’une telle opportunité, Ylias bondit derrière lui et lui trancha le dos, avant d’enfoncer d’estoc le cou du désormais insurgé couché dans le sable. Affolés, les deux autres se pressaient d’en finir avec le second canon. Le lieutenant était exténué, son pouls battait à une vitesse alarmante, et ce fut avec difficulté qu’il vit ce qui aurait dû le faire hurler de colère. Mezehn sortit tel un dément du nuage de poussière, vidant son revolver sur ceux qui osaient s’en prendre à son artillerie.

-Alors là ! cria-t-il, prenant des mains la masse du premier saboteur abattu.

Ainsi équipé, il laissa là son arme à feu et explosa le crâne du second.

-La prochaine fois, ‘spèce de connard, j’te fais mordre le fût ! hurla Siorti, avant d’être saisi violemment par Ylias.
-Mais ça va pas, toi ! Qu’est-ce que je t’ai dit, bordel ? Qu’est-ce que je t’ai dit ?!
-Mais merde à la fin ! Ils allaient foutre en l’air toute ma batterie !
-Je m’en chargeais, abruti, je m’en occupais de la défendre ta foutue batterie !
-Ah ouais, à tel point que j’ai deux canons foutus ! Merci bien !
-Espèce de… sale con !


[url=http://www.hiboox.fr/go/images/divers/110528114501497357,a98f4172af54c5d623ccc0d7709e63d0.jpg.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2511/a98f4172af54c5d623ccc0d7709e63d0.jpg[/img][/url]
[size="1"][i]Général de brigade du Ryendul (illustration réalisée par [color="#FF0000"]le lion rouge[/color])[/i][/size]


Ils en étaient presque aux mains. Les regards qu’ils se jetaient étaient si noirs qu’ils en oublièrent la bataille. Cependant, celle-ci prenait un tour intéressant. Enfin, les lignes ariniennes cédaient du terrain. Reculant de quelques pas, voyant à quel point la cavalerie avait enfoncé leur flanc, ils détalèrent comme un seul homme. Les compagnies d’infanterie connaissaient les instructions de leurs lieutenants, et elles tinrent leurs positions, fixes, riant des pleutres et commençant dès à présent à soigner leurs blessés. Ce qui empêcha Ylias de précipiter son poing dans la face de l’artilleur, ce fut le son des clairons, suivis des tambours. La brigade de fi Nat s’élançait à la poursuite des insurgés. Cette initiative surprit Methronis. Etait-ce dans les intentions de Layël de distinguer le centre du flanc droit quant à la suite des combats ? Quoiqu’il en soit, d’autres compagnies firent sonner la course. Parmi elles, il y en eut des forces de Khendra, celles-ci ne tardant pas à faire donner le mot au sein de toute la troupe. L’essentiel des fantassins se précipitaient désormais aux côtés de ceux de fi Nat, épaulés par la cavalerie, criant comme des déments et espérant plus que tout avoir la chance d’achever ce qu’ils avaient commencé. La compagnie d’Ylias attendait. Remarquant que ses soldats étaient attentifs à ses ordres, il laissa là Mezehn, et fila à la tête de ses hommes. Se disant que la manœuvre devait sûrement être une initiative de l’état-major, il ne chercha pas à la discuter. Sabre en l’air, il lança :

-Messieurs ! Je veux dix hommes pour se charger des blessés ! On se dépêche les gars ! Dix !

Pressés par la fatigue ou par leurs camarades encore frais, douze soldats se retirèrent à l’arrière de l’unité afin de porter assistance aux leurs. Les autres se tenaient prêts.

-En avant ! Baïonnettes pointées ! Et au pas de course !
Il était maintenant impossible de dominer Jelö. Heleonor n’essayait même plus. Le choc de la charge passé, le respect de la formation initiale n’avait plus lieu d’être. A présent que les Ariniens tournaient les talons, il fallait en tailler le plus possible. Ce fut sans le moindre sentiment d’empathie que la cavalière avait frappé d’estoc. Comme elle n’avait pas eu l’intention de compter le nombre de ses adversaires qu’elle avait abattu, elle n’y accordait aucune importance. Son escadron occupait toute son attention. Il avait essuyé quelques pertes. Cinq d’entre eux avaient été jetés à terre et abattus. Treize autres avaient vu leurs chevaux tués, et ils erraient désormais parmi l’infanterie, sans savoir quoi faire. Sur les cinquante cavaliers qu’elle avait sous son commandement, tout ceci ne représentait finalement que peu de chose, mais elle aurait espéré qu’il en soit autrement. Du moins, elle tentait de se concentrer sur ce qui faisait sa fonction. En tant que lieutenante, la cohésion de l’escadron devait être maintenue, et il fallait accompagner le mouvement de la brigade montée dans sa poursuite de l’ennemi. C’était là un travail facile, presque sans gloire, quoique terriblement entraînant, au point d’en être presque excitant. Les chevaux ne se retenaient plus, la machine s’était emballée et chaque insurgé transpercé provoquait des cris frénétiques. Certains de ses propres hommes étaient comme des déments, hurlant à pleins poumons et agitant dans tous les sens sabres et pistolets. Le général de brigade Khendra décida de mener lui-même dix de ses escadrons afin d’entourer les fuyards, les autres devaient simplement continuer à les harceler. Sautant cadavres et agonisants, Jelö galopait, faisait retentir ses nobles pas sur ce sable écarlate. Heleonor vit avec satisfaction que le reste des troupes rebelles avaient suivi leurs camarades et que l’infanterie ryendulienne les talonnait. Si cette bataille devait se finir par une victoire, alors celle-ci était imminente. Pointant son revolver, elle décida d’en dépenser la dernière balle de son barillet. Il n’y avait pas à choisir sur qui faire feu. Le premier Arinien lui convenait parfaitement. Et ce fut en effet l’un d’eux qui fut abattu, se rendant tout juste compte de l’horrible blessure qu’il avait reçu dans la gorge. Traversant la fumée de la détonation à pleine vitesse, il lui sembla que son destrier termina d’un coup de sabot ce qu’elle avait commencé. Il fallait faire vite. Layël avait quitté ses hauteurs, preuve que la bataille était à ce point avancée qu’il n’y avait plus besoin d’état-major général. En clair, les derniers ordres avaient été donnés. Le flanc droit avait repoussé brillamment l’attaque de cavalerie, et le centre tout aussi bien que le flanc gauche avait tenu tête à l’infanterie. Le plan du général de division avait fonctionné. Un peu trop au goût d’Heleonor. Elle aurait préféré avoir encore un peu plus de gloire sur son sabre. L’abaissant d’un trait en ordonnant à Jelö d’accélérer, elle reçut de ce rouge sur le visage. Ce fut à peine si elle s’en rendit compte.

Le général Layël, en tête de ses gardes du corps, cavala en direction d’Olpo Jänisa. Aucun doute, le héros de la bataille, c’était lui. Il était tout à fait normal qu’il aille à sa rencontre, d’autant que ses troupes étaient nettement plus disposées à effectuer de nouvelles manœuvres que celles de fi Nat et de Khendra, trop occupées. De la cavalerie ennemie, il ne restait que des bribes insignifiantes. Cela n’empêchait pas le vieux général de chargeait encore et encore, quittant un corps à corps victorieux pour en engager un autre. Hénolyte eut toutes les peines du monde pour enfin le rejoindre. Profitant du court instant qui succédait un combat et en précédait un autre très prochainement, Layël traversa l’infanterie de Jänisa, fonçant à en blesser son cheval de ses propres coups d’étriers.

-Jänisa ! Jänisa ! lança-t-il, priant que le vieil homme ait encore l’ouïe aussi performante que son bras.
-Mon général ? répondit l’intéressé, surpris de voir son supérieur.
-Cessez l’attaque ! Reformez vos hommes !

Olpo avait son revolver à la main. Devant lui, six cavaliers prenaient la fuite après avoir perdu trois d’entre eux des sabres du Ryendul. Il lui suffisait de presser la détente pour en abattre un autre. Mais le vétéran était avant tout un homme qui savait obéir, sans poser de questions. S’autorisant néanmoins un soupir, il fit vriller son pistolet dans sa main avant de le ranger. Regardant le général de division, Olpo ne vit pas que le canon de son arme rata la fonte et frappa la cuisse. Emporté par ce geste inhabituellement violent, un mauvais réflexe fit déclencher la mèche. A bout portant, une balle déchira la cuisse du général, la traversant de part en part.

-Qu’est-ce que… ?! ne sut que lâcher Layël, effaré.

Jänisa poussa un cri terrifiant. Un rugissement n’aurait pas pu gagner d’avantage d’effroi. Toute l’armée porta son regard vers les hauteurs où se trouvait désormais la brigade. Serrant les dents inutilement afin de se faire taire, il lâcha tout et se précipita sur sa blessure, tentant à tout prix de retenir l’hémorragie. Affolé par la douleur de son cavalier, son cheval s’emballa et partit au galop. La scène était allait à une telle vitesse que les hommes qui l’entouraient eurent à peine le temps de comprendre ce qui s’était passé qu’ils s’élancèrent pour retenir le destrier une fois que celui-ci fit chuter le général. Layël était parmi eux, ordonnant à son propre cheval de rattraper la monture apeurée. Comble de la douleur, Jänisa resta accroché à son étrier, le talon coincé, ce même talon de cette même jambe qui était inondée de sang. N’en pouvant plus, les cris du pauvre général figèrent les soldats, impuissants acteurs de cette scène à la fois si absurde et pourtant si horrible. Hénolyte parvint néanmoins à attraper les rênes de l’animal, et le fit se calmer. Ses soldats mirent pied à terre et détachèrent l’officier supérieur, avant de la plaquer au sol. L’un d’eux sortit sa ceinture. Cette pièce de cuir, comme toutes celles de l’armée, avait des trous sur toute sa longueur, permettant de réaliser des garrots de fortune, mais efficaces. La cuisse ainsi maintenue, l’hémorragie commençait à se calmer, sous la respiration tendue et inquiète de la victime. Layël confia le cheval à l’un de ses cavaliers et alla aux côtés de Jänisa.

-Olpo ! Olpo, vous m’entendez ?!
-Aaaaaah… mais putain, mais quel con ! Bon… sang ! Quel putain de con de merde !

Le fait que ce brave officier s’en retournait à ses jurons habituels rassura un moment le général de division, avant qu’il ne porte le regard vers sa blessure. Une flaque de sang que le sable peinait à aspirer se formait autour d’elle. Le visage de son ami devint d’un pâle inquiétant. Il n’y avait plus rien à faire, sinon à attendre la venue des infirmiers. Normalement, ils seraient là en moins d’une heure. Pas avant. Le pire était à venir pour Olpo. Mais en attendant, il continuait de s’insulter de tous les noms.

-Bordel de bordel de bordel de merde ! Mais… quel con ! Bon sang !
-Tenez le coup, Olpo ! On va vous conduire à un médecin, vous en avez vu d’autres !
-Ah mais putain… ! Vous l’croyez ça ?! J’vais crever d’ma propre… connerie !
-Vous allez vous en sortir ! Vous m’entendez ?!

A ces mots, il eut l’instinct de lui flanquer une violente claque. Ahuri face à cette réaction, Jänisa se retint de continuer. Layël fut tout aussi hébété d’avoir agi de la sorte. Cela avait eu au moins le mérite de calmer l’officier. Il essaya de se rassurer en se disant que ce geste déplacé pouvait offrir un repos somme toute très relatif à son palpitant. Faux espoir.

-Quel con ! Bordel… ! Mais quel sale con !


Methronis courait. Il courait au-devant de son unité. Ylias pouvait avoir la tête haute, ses hommes avaient rempli leur mission. Son uniforme laissait à désirer. Le voilà qu’il abhorrait fièrement une veste couverte de poussière, trempée de sueur et taillée en plusieurs endroits. Même son bicorne avait perdu de sa splendeur, et il ne restait du bel officier qu’un sabre minable. Cabossé, rayé de toutes parts, le sang qu’il avait arraché était devenu glue, et avait ainsi recueilli le sable qui volait tout autour. Ylias ne semblait pas s’en être rendu compte. Emporté par cette dernière course qui lui apporterait gloire et répit, il essayait également de se distinguer. Ou plutôt d’apparaître. D’apparaître aux yeux de celle qui lui était si magnifique. Heleonor était passée plusieurs fois près de lui, mais jamais elle ne lui accorda le moindre regard, alors que le pauvre homme suppliait ne serait-ce qu’un coup d’œil. C’était à se demander s’il courait à rattraper les rebelles ou bien à attirer l’élue de son cœur. Enfin, peut-être pas. Les sentiments qui l’agitaient étaient confus. L’amour était une chose. Le charme en était une autre, et le lieutenant savait faire la distinction. Quoiqu’il puisse en dire, la cavalière était loin de le laisser indifférent. Néanmoins, il aurait à y penser plus tard. Pour le moment, il y avait à rester attentif aux ordres. Puisqu’engagés dans une manœuvre qui n’avait pas été initialement prévue, il fallait impérativement se tenir prêt à tout autre mouvement. Que ces Ariniens savaient courir vite. Ylias s’était-il déjà hâté de la sorte ? Ou était-ce la fatigue qui donnait à tout effort une allure d’exploit. Il faisait chaud. Ses yeux étaient en larmes, essayant vainement de chasser la poussière qui s’y était infiltrée. Curieusement, ce fut à ce moment là qu’il inclina son nez vers une de ses aisselles. Aucun doute. Le jeune et beau lieutenant puait à en faire fuir un phoque. Il ne put s’empêcher de rougir de honte, priant alors que personne n’eut remarqué sa réaction quant à son geste. Il tenta de se rassurer en se disant qu’il ne devait certainement pas être le seul dans cette situation. Mais lorsqu’il se rendit compte que son visage était à ce point trempé, il réalisa qu’avec la sueur qu’il s’acharnait à essuyer, toute la poudre qu’il avait soigneusement disposé le matin même avait dû être chassée, laissant à la vue de tous ses boutons dont il avait tant horreur. Comment pouvait-il penser à de telles futilités en pareille situation ? Sûrement parce que cet officier n’était autre qu’Ylias Methronis, et qu’il y avait des préoccupations qui l’angoissaient au point d’éclipser le danger encore bien présent de cette fin de bataille.

-Messieurs ! Levez donc les talons ! Levez-les !
L’intonation avec laquelle cet ordre avait été donné ne laissait aucun doute quant à celui qui l’avait émis. Quel autre général de brigade pouvait cavaler le bras droit en l’air et donner ses instructions en se servant d’une trompe de sa propre facture ? Hulyis fi Nat chevauchait son poney, le si célèbre « Petipo », protégé comme ils le pouvaient par son escadron personnel. Ce général vantait les mérites de son petit cheval en prétendant qu’il était nettement plus attentif que ses congénères et qu’il avait autant de fougue et de rapidité que les autres, tout en offrant une « manœuvrabilité conséquente ». Quant à son bras levé, il affirmait que cela offrait à sa circulation sanguine une meilleure fluidité. Plus intellectuel que vrai général, Hulyis était décidemment un être aussi excentrique que passablement fêlé. En un mot, on disait qu’il avait un « pet au casque ». Menant toute l’infanterie de sa brigade, Ylias remarqua qu’il n’avait plus ses lunettes. Ni sa petite barbe. Se pouvait-il que… ? Non. Aucun doute, ce ne pouvait être lui. Il en avait pourtant l’uniforme, il en avait pourtant la cape, et il en avait même le bicorne, mais cet individu n’était pas le général de brigade. D’ailleurs, à voir avec quel gêne il chevauchait le poney, il n’y avait plus aucune hésitation à avoir là-dessus. Cependant, les troupes ne semblèrent pas s’en rendre compte. Fallait-il en imputer la faute à la précipitation avec laquelle ils pourchassaient l’ennemi ? Ou encore qu’ils n’avaient que peu l’habitude de voir leur général de près ? Ylias se laissa à penser qu’une petite partie devait s’en moquer éperdument.

-Hop, hop, hop ! Avec moi, braves brigadiers !

Methronis avait-il bien entendu ? Etait-ce la voix du bon fi Nat ?

-Pressons donc prestement le pas, messieurs !

Se couvrant le visage de sa main, Ylias aurait souhaité s’épargner la vision de ce général cinglé. Il était là, courant avec son infanterie, presque en sous-vêtement, puisqu’ayant laissé son uniforme. Il y avait de quoi rire. Fi Nat avançait en montant les genoux avec une telle absurdité qu’on l’aurait pris volontiers pour une danseuse folklorique. La raison en était toujours la circulation sanguine, ce qui ne l’empêchait nullement d’accompagner ce burlesque déplacement de son bras, bien en l’air, vautré dans le ridicule. On disait dans l’armée, et notamment au sein de sa brigade, que malgré son aspect on ne peut plus étrange, c’était un génie. Si on pouvait douter de s’être dédoubler de la sorte, au moins, l’étendue de ses troupes avait pu bénéficier de sa présence, même factice. La communication entre les régiments étant ce qu’elle était, ceux qui avaient la chance de le voir en caleçon ne pouvaient en informer leurs camarades, et au final, l’ensemble des unités se sentait comme rassuré par la présence de celui qui connaissait la stratégie à son niveau le plus intellectuel. Sa brigade était habituée à ses pitreries, mais elle le lui pardonnait aisément : le ridicule d’apparence cachait souvent une adroite tactique. Finalement, c’était lorsqu’il était « normal » que ses troupes étaient inquiètes. Néanmoins, ce qui était valables pour ces soldats ne l’étaient pas pour les autres, n’ayant pas à être confronté à de telles situations. Ainsi, on riait ouvertement sur cette brigade, récoltant les moqueries que suscitait son général, mais ne bénéficiant presque jamais des encouragements qu’elle méritait pourtant après tel ou tel succès. Seuls les officiers supérieurs étaient en mesure d’apprécier le travail de fi Nat. Même Jänisa le considérait comme un « stratège hors normes ». Seul Khendra détestait ses procédés bien trop hasardeux et donc dangereux pour la survie des soldats. La formule le protégeait intelligemment des quolibets, tout en confiant à ses proches le respect qu’il portait envers Hulyis. Mais Ylias n’était pas un officier supérieur. Lançant un sourire à son sergent, il vit celui-ci éclater de rire, et il en fut suivi par toute l’unité. Passé cet amusement, le lieutenant se rendit à l’évidence. La fatigue l’avait quitté. A l’avenir, il se jura de garder une petite dose de fi Nat lorsqu’il perdrait à nouveau ses forces. Cette absurdité l’avait requinqué.

-Allez les gars ! On les défonce !

Ça, ça avait été un énième encouragement du sergent. Il devait certainement se douter que ses paroles touchaient également son supérieur, lequel se remit à penser à ce qu’il faisait. Au final, l’infanterie ne faisait que repousser les insurgés, et ceux-ci étaient fauchés par des escadrons montés déchaînés. De toute manière, la course allait bientôt s’arrêter. Les cavaliers de Khendra encadraient désormais la masse rebelle. Toute retraite était impossible. Le plan de Layël avait parfaitement fonctionné. A cette pensée, le poil d’Ylias s’hérissa. Ledit plan n’avait pas était suivi de tous avec l’exactitude qu’exigeait habituellement le général de division. L’erreur de placement que le lieutenant avait commise en début de bataille n’allait pas tarder à lui accorder la visite de son capitaine, ou pire, de son commandant. Le commandant Aloïs Hanatol était celui qui était chargé d’évaluer les jeunes officiers, qui prenait personnellement en main leurs études, alternant tantôt des dissertations éprouvantes à des travaux pratiques, douce manière d’appeler par là des affrontements sanglants de la trempe de celui-ci. En clair, si Methronis voulait devenir capitaine, et donc pouvoir ainsi accéder au Collège Militaire, seule porte qui ouvrait au grade de major, précédent celui de commandant, tout dépendait du jugement implacable de cet officier. Or, pour une première, il n’y avait rien à redire quant au manque de discernement dont avait fait preuve Ylias. Hanatol n’était pas quelqu’un de détestable, loin de là, il aurait pu tomber sur nettement pire. Néanmoins, s’il s’était montré attentif et disponible, ses élèves pouvaient sentir à quel point il exigeait une discipline irréprochable. Ylias n’avait plus qu’à espérer que sa conduite pendant la bataille elle-même serait en mesure de le racheter. Après tout, son unité avait tenu bon, et il avait de son propre sabre défendu les batteries d’artilleries. Bon, deux canons d’une d’entre elle avaient été sabotés. En fin de compte, il n’y avait pas vraiment de quoi le consoler. Qu’allait donc penser Heleonor ? A peine eut-il songé à elle que l’intéressée passa devant lui. Toujours aussi superbe, elle ordonna à son escadron de passer au petit trot, puisque les Ariniens venaient d’être arrêtés. Retirant son casque, elle délivra sa magnifique chevelure brune. Inclinant la tête vers l’arrière en jouant avec ses yeux d’émeraude, elle avait ce petit sourire de fierté, voir de condescendance, qui caractérisait tous les membres de la cavalerie. Ce faisant, elle croisa le regard d’Ylias. Et bien évidemment, ce dernier prit ledit sourire pour son compte. Quittant instantanément ses inquiétudes pour un océan aussi lyrique qu’onirique où sa douce sirène l’invitait à le rejoindre, il ne vit pas que les fantassins s’étaient arrêtés. Au pas de course, la face abhorrant une banane de joie et les yeux levés au ciel, il s’en alla percuter violemment un des insurgés. A peine eut-il le temps de se réveiller que celui-ci lui flanqua un coup de poing si puissant que le lieutenant alla s’écraser quelques pas plus loin, le nez dans le sable, le postérieur en évidence. L’Arinien reprit place parmi les siens, voyant que les soldats du Ryendul se tenaient prêts à l’abattre. Mais les gémissements d’incompréhension du pauvre officier leur donna de quoi sourire. Le sergent se désigna de lui-même pour aller le relever. Peinant à ouvrir les yeux, la scène qu’il observa un court instant termina de l’achever. Ne pouvant supporter le regard moqueur de tous ces hommes, et surtout d’Heleonor, le voilà qu’il était devenu tel fi Nat. Déjà secoué, il n’avait pas besoin d’avantage pour sombrer dans l’inconscience. Son subalterne le maintint, le giflant une à deux fois pour le réveiller, il comprit que son supérieur avait été terrassé tant par la fatigue que par le choc, le tout ajouté à la honte. C’était de la compétence des infirmiers, mais il respirait sereinement et n’était pas blessé. Le tirant par le bras, le sergent confia son fusil à un soldat et offrit son épaule au lieutenant. Le silence s’était installé depuis. Le général de brigade Vilnius Khendra s’apprêtait à parler.

-Ariniens ! Par l’autorité qui m’a été confiée par l’archiduc Hranel le Haut, allié du Sultan El-Nadjab d’Arinie, je vous êtes aux arrêts. Considérez-vous comme les prisonniers de la division Layël, celui-là qui prendra soin de statuer dans les plus brefs délais sur votre sort. D’ici là, méditez donc sur les notions de rébellion et de repentance.

A ces mots, il se tourna vers la brigade de Jänisa. Voyant l’agitation qui animait sa cavalerie, il comprit que quelque chose s’était passé. Un cercle d’homme entourait un blessé. Prenant ses jumelles, Vilnius eut la triste vision de voir l’oncle ‘Po à terre, Hénolyte à ses côtés. Attentif à ne pas attirer l’attention de sa brigade et de celle de fi Nat sur cette tragédie, il fit approcher l’un de ses cavaliers.

-Köelias, allez à la rencontre du général de division. Faîtes lui savoir que nous attendons sa décision quant au charmant destin qui attend ces charmantes personnes, chuchota-t-il, insistant sur son élocution si habituelle, et donc si rassurante.
-Immédiatement.

Le cavalier quitta la brigade et fila en direction de celle de Jänisa. La situation ainsi figée, Vilnius galopa vers son collègue. Fi Nat était là-bas, sur son poney, étrangement immobile. Se rapprochant de lui, Khendra se rendit bien compte qu’il ne s’agissait pas dudit général.

-Vous auriez l’obligeance de m’expliquer le port de cet uniforme ? demanda-t-il au soldat-acteur.
-Ordre du général fi Nat, monsieur… répondit le cavalier, baissant la tête.
-Ne vous en faîtes donc point, ami Khendra ! Me voici, me voilà !

Hulyis fi Nat courut vers le général, n’étant ni gêné de sa course, ni de sa tenue.

-Vous pouvez m’expliquer ?
-On ne peut plus simple ! Vous voilà ébahi, n’est-ce pas ?
-Pas autant que je suis inquiet de votre réponse. A quoi rime tout ça, fi Nat ? redemanda Khendra, cette fois-ci sur un ton presque menaçant. A quelle autre pitrerie vous êtes vous attaché ?
-Mais mon cher collègue, ne voyez vous donc pas le génie de la manœuvre ?
-J’en vois surtout son absurdité !
-Que dites vous là, n’est-il point admis parmi tous les cercles intellectuels que c’est la présence charismatique de l’officier supérieur qui est à même de pousser ses soldats au combat ? répliqua le général, buste dressé, bras croisés.
-Admettons.
-Eh bien voilà que ma brigade en a deux ! Haha, que dites vous de cela ?
-Qu’heureusement que la politesse a été inventée, puis imposée, sinon je prendrais plaisir à discuter à ma manière de vos manières ! La prochaine fois qu’il vous vient une idée aussi insensée, prévenez en au moins l’état-major !
-Et pourquoi là donc ? Cela ne le concerne nullement.
-Cela le concerne, que oui ! Je n’ose imaginer la fureur de Layël quand il va apprendre que toutes ses estafettes ont fait erreur sur la personne ! Votre manœuvre, comme vous dites, a manqué de gêner toute la communication entre nous !
-Il fallait bien que j’essaye !
-En risquant l’issue de la bataille ?
-Allons donc, parlons en de l’issue, sans ma brigade la votre aurait mal finie !
-Je vous demande pard… ?!

Vilnius s’arrêta là. Il avait levé le ton et tous les soldats l’écoutaient. Hors de question de faire spectacle devant la troupe.

-On en rediscutera, termina-t-il, donnant un coup d’étrier si sec à son cheval que celui-ci décolla au galop.

Le général de division se rapprochait de lui, et Khendra avait bien l’intention de ne pas attendre plus longtemps. En quelques foulées, ils furent côte à côte.

-Mon général !
-Général Khendra, mes félicitations, accueillit Hénolyte, inclinant la tête.
-On peut se mettre un peu à l’écart ?
-Oui, on fait ça, ça vaut mieux.

Assez éloignés pour que les gardes du corps ne puissent entendre leur conversation, les deux officiers commencèrent aussitôt à discuter de ce qui était arrivé à Olpo et du sort des prisonniers.

-Jänisa s’est tiré une balle dans la cuisse.
-Hein ? ne sut que répondre Vilnius, s’attendant à tout sauf à cette réponse.
-Une maladresse au moment de remettre son pistolet dans sa fonte. Ses hommes lui ont fait un garrot, mais sans exagérer, crois-moi, ça pisse le sang, continua Hénolyte, fixant le sable.
-Tu as fait appeler les dispensaires ?
-Dés le début de la bataille. Ils devraient être là sous peu.
-Tu crois qu’il va s’en sortir ?
-J’en sais rien. Je l’ai quitté, là, il était mal. On le laisse avec les siens, nous, on a un travail à finir.
-A tes ordres, rajouta le général de brigade, redressé.
-On ramène tout ce petit monde à Nobdael.
-Tu comptes en faire quoi ? Tu sais qu’on a aucune force de police avec nous…
-C’est pour ça que de toute manière on n’aurait pas pu les mettre en prison. Ou alors, dans des camps comme on fait en Baptorel, et ce n’est pas la politique que l’on doit appliquer. Non, on va plutôt leur faire très peur durant toute la marche, et on les relâchera après ça.
-Les morts ?
-Qu’ils les amènent avec eux.
-Nos propres morts également ?
-Certainement pas. Tu as le nombre de pertes ?
-J’attends un rapport des mes officiers.
-Fi Nat, comment ça a été ?
-Tu savais que cet abruti n’avait rien trouvé de mieux que de donner son uniforme à un de ses cavaliers et de se balader en caleçon sur le champ de bataille ? répondit Vilnius, aussi sarcastique qu’agressif face à l’imbécilité criminelle de son collègue.
-Ah oui ? Il m’en avait parlé une fois, je redoutais le jour où il mettrait cette idée en pratique.
-Tu le savais ?
-Oui, mais pas qu’il allait le faire aujourd’hui.
-Tu aurais pu l’en dissuader ! Tu vois bien le danger pour la coordination de nos troupes !
-Je te répondrais volontiers que d’un, essayer de convaincre cet académicien revient à accomplir à un exploit, et que de deux ça n’a pas si mal fonctionné.
-Pardon ? fit Khendra, bouche bée.
-S’il avait été dans une autre position oui, ça aurait été dangereux. Mais à part te soutenir, il n’avait pas d’ordres particuliers. Qu’il ait soutenu son infanterie de la sorte ne me dérange pas. Et j’étais trop loin pour voir le moral des siens, il en est seul juge. Pour ma part, je vois les faits : fi Nat est un excellent général et la bataille est un succès.
-Ah… intéressant ton point de vue…
-Allez au travail, on relève la troupe et on rentre à Nadbael.
-Attends ! On a eu Bibadjab ?

Le général de division ne répondit pas. Il était déjà parti. Vilnius ne le connaissait que trop bien pour comprendre ce qu’il en était. Il lui restait à obéir. Et à éviter de se fâcher à nouveau avec fi Nat. Quel abruti, pensa-t-il au moins mille fois en revenant vers sa brigade. D’ailleurs, où était-il maintenant ? Etait-ce lui ou son cavalier déguisé sur la colline, là-bas ? Décidément, quel abruti.

Hulyis fi Nat avait bien remis son uniforme et le pied à l’étrier. Laissant ses soldats, il s’en était parti en avant, appelé par quelque intérêt scientifique. Il avait bien compris que Bibadjab n’avait pas été pris. Cette bataille, si victorieuse qu’elle fût, n’était pas un succès. Et comme pour confirmer ses doutes, il descendit de genou au sol, et le regard scrutant le moindre grain de sable. Une trace. Une autre. Plusieurs encore. Aucun doute, plus il les suivait, plus il était certain qu’il s’agissait là de cavaliers aux chevaux non ferrés qui battaient la retraite. Leur position était trop excentrée pour qu’il puisse s’agir des forces montées qui avaient fondu sur la brigade d’Olpo. Et elles se dirigeaient clairement vers l’ouest. Revenant vers Petipo, il lui dit ces mots, comme s’il s’adressait là à un collègue.

-D’après ce que j’ai vu sur la géographie de l’Arinie, le prochaine village est Vharnoia. On est d’accord hein, j’y enverrai monsieur Sharvüs. On va voir ma petite nièce ?

La question fut accompagnée d’une petite tape à l’encolure. Même ce poney semblait inquiet du comportement de son maître. Modifié par Kael
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  • 2 semaines après...
J'avoue quand même que ce passage m'a fait rire :P

Mention spécial au gars dont la balle perfore la cuisse !! Bon ce passage est pas mal par contre j'ai trop de mal avec les noms et à différencier aussi les rôles de chacun dans l'armée !! Un petit coup de résumé pourrait être pas mal !!

@+
-= Inxi =-
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Si fait monsieur le modo', si fait ! :wub:

[i]Résumé des chapitres I et II :

L’armée envoyée par le puissant archiduché du Ryendul en Arinie n’a pas tarder à engager la confrontation avec les rebelles, hostiles à la main mise de cette partie du Triumvirat de Dran-Thelor sur leur terre ancestrale. En effet, le généralissime Hranel le Haut, malgré son âge, a décidé de poursuivre ses politiques qu’il prétend nécessaire à « l’entraide visant à la prospérité et à la paix entre les peuples ».
Ainsi, deux divisions ont traversé le désert de Maraen pour enfin arriver en Arinie.
L’une d’elle, menée par le très célèbre général Hénolyte Layël, a été chargée de contrer les insurgés du désert de l’émir El-Bibadjad. Épaulé par trois brigades d’exceptions, chacune dirigée par les généraux Vilnius Khendra, Hulyis fi Nat et Olpo Jänisa, l’ordre de bataille, initialement inapproprié, est changé au dernier moment par la prévenance du général de division.
Au beau milieu de l’affrontement, quelques jeunes figures se distinguent. Parmi elles, le héros de ce récit, Ylias Methronis, jeune lieutenant d’infanterie, qui parvient à surmonter sa timidité et à faire face à son baptême du feu. L’officier d’artillerie Mezehn Siorti, grand ami d’Ylias, se montre également compétent et confirme sa réputation d’artilleur aussi cinglé qu’insomniaque. Enfin, Heleonor fi Vranael conduit parfaitement son escadron de cavalerie dans une manœuvre audacieuse, clef de voûte de la stratégie de Layël.
La bataille se termine donc en victoire, mais beaucoup reste à élucider.
Si le général de division a réussi son pari, il n’a pu capturer l’émir rebelle, même si Hulyis fi Nat pense avoir une idée d’où le chef des insurgés a pu s’enfuir. Le sort des prisonniers semble leur être favorable, la politique ryendulienne refusant tout excès de violence, mais qu’adviendra-t-il des relations entre l’armée et la population locale ? Aussi, le si apprécié par la troupe, Olpo Jänisa survivra-t-il à l’accident absurde dont il a été à la fois l’auteur et la victime ? Ylias parviendra-t-il à se remettre de ses blessures et à faire reconnaître sa valeur, notamment auprès d’Heleonor ? Comment vont réagir les deux autres archiduchés du Triumvirat, à savoir Eltaj et Treföne, face à cette politique belliciste ? Et pour finir, est-ce que Mezehn aura droit à son café, qu’il surnomme si tendrement « kawa » ?

Nous sommes en 3549, en Arinie, et ce récit ne fait que commencer. [/i]


Et hop, on en profite pour un autre petit dessin !

[url=http://www.hiboox.fr/go/images/divers/11062707144482515,9648ee6f823457d7fa8a7a4c1cc5c2a9.jpg.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2611/9648ee6f823457d7fa8a7a4c1cc5c2a9.jpg[/img][/url]
[i][size="1"]Batterie d'artillerie ryendulienne (illustration réalisée par [color="#FF0000"]le lion rouge[/color])[/size][/i]


La suite très très très vite ! Modifié par Kael
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Allez la suite !

On passe au chapitre III, dont j'ai déjà écrit 25 pages (et que je n'ai pas encore fini :whistling: )


[u][b][size="5"]CHAPITRE III : Voilà comment ça va se passer[/size][/b][/u]


Nadbael.
Il devait être près de midi, à en croire la chaleur. Pourtant la fenêtre était ouverte, mais la fraîcheur n’était pas au rendez-vous. La lumière du jour était si intense que la pièce aux murs d’ordinaires si blancs prenait des allures de poussin. Même les quelques meubles semblaient fondre. Les gravures représentant les paysages ariniens étaient presque effacées, ne laissant aux cadres que de simples feuilles jaunies garnies de ces légères ondulations qui criaient leur soif. A côté d’un lit de facture modeste, fait d’un matelas de paille et n’ayant pour couverture qu’un drap dont la blancheur laissait à désirer, et ne servant finalement qu’à compléter cet ensemble rustique. Une petite table de nuit était à sa droite. Une table, plutôt un tas de brique joliment empilé afin de pouvoir y poser une chandelle dont la cire s’en était évadée et un vase dans lequel des fleurs déposées dès la veille avaient déjà rendu l’âme. Un uniforme de lieutenant était posé sur une chaise à la solidité douteuse, visiblement repassé et plié avec soin. Un sabre et un pistolet s’y trouvaient également, ainsi qu’un bicorne qui avait encore un peu de poussière et de sable, infime mais indélogeable partie de ce qui l’avait recouvert.
Ylias Methronis était allongé dans ce lit. Cela faisait maintenant plus de deux heures qu’il était réveillé. Il évitait de trop bouger, sentant les pointes de la paille, et se contentait d’écouter ce qui lui parvenait de la rue. Le lieutenant ignorait totalement où il se trouvait. C’était à l’évidence la ville de Nadbael, les troupes du général Layël l’ayant ramené à leur point de chute. Néanmoins, à part cette information qui lui paraissait évidente, il n’avait aucune idée quant à ce lieu. Un hôpital ? La chambre que l’intendance lui avait désignée ? Rien de tout ceci ? L’infirmier qui était venu ce matin n’avait pas eu à répondre à cette question, puisque le jeune officier venait tout juste d’ouvrir les yeux et de telles interrogations n’étaient venues que par la suite. Il n’avait vu de la ville que quelques rues, les parcourant avec sa compagnie afin de trouver quelque taverne où ils pourraient se reposer suite à leur longue marche. Puis le rassemblement des troupes rebelles d’El-Bibadjab avait sonné le début des opérations quant à leur répression. Bref, Ylias ne connaissait absolument rien de cette cité du sud. Il entendait à l’extérieur le brouhaha des passants, des roues des chariots sur des pavés irréguliers, les vantardises des marchands sur leurs produits et le chant d’un ou deux mendiants qui se prenaient pour des musiciens. Il ignorait totalement avec quels instruments les mélodes qui lui parvenaient étaient jouées. Sans doute une sorte de flûte, mêlée à une voix qui n’était pas vraiment faîte pour cet art. Impossible pour Methronis de comprendre le moindre mot de ce qu’il percevait. L’arinien faisait partie de ces langues qui nécessitaient d’être né arinien pour la parler. Par deux fois déjà, des cloches avaient retenti. Curieusement, leur son semblait lui rappeler celles de Dran-Thelor, voir même du Ryendul. Etait-ce là l’œuvre des colons venus s’installer ici et que l’armée devait protéger ? C’était possible, mais ces clochers n’avaient pas sonné l’heure. Deux fois elles s’étaient élancées dans un concert d’une ou deux minutes. Le Tirumvirat abritait de nombreuses communautés religieuses de tous dieux. Il se pouvait très bien que les colons aient établi des temples dédiés à des entités qu’Ylias, qui n’avait jamais été particulièrement porté sur la question, ne connaissait pas. Poussant un soupir, il porta la main sur son nez. Il était encore douloureux. Cependant, il pouvait le bouger, et s’il ne le touchait pas, il ne ressentait qu’une petite gêne. Son œil droit était abritait en revanche une douleur sourde et permanente. Cligner des yeux lui était pénible. Sans avoir besoin de miroir, il n’y avait pas de doute possible : il devait avoir un beau cocard. A croire que le poing de cet Arinien avait particulièrement été puissant pour cogner si fort. Enfin, en dehors d’une petite migraine, il se sentait tout de même mieux que la veille. Pendant son sommeil, il avait entendu des voix. Le lieutenant n’aurait su dire qui lui avait rendu visite, mais cette personne était sûrement celle qui lui avait amené ces quelques fleurs. Elles n’étaient pas fameuses. Même en les imaginant encore fraîches, c’était là un bouquet d’herbes avec quelques pâquerettes bien pâlottes. L’attention était pourtant là, et Ylias aimait à croire que cela pouvait venir d’Heleonor. Il pouvait toujours y croire. Souriant comme un bêta, il fut d’autant plus surpris lorsque la porte s’ouvrit avec fracas.

-Glaïeul !

Le bond qu’avait fait Ylias avait été d’une telle violence que son crâne avait percuté le mur. Retenant un cri qui aurait succédé à celui de sa surprise, il reconnut évidemment la voix de Mezehn. Vêtu de son uniforme noir et abhorrant ses célèbres lunettes teintées, il se précipita au chevet de son ami.

-Alors comme ça, gros malin, t’as rien trouvé de mieux pour t’offrir une journée peinard ? Hein ? fit-il, ayant pris dans sa course la malheureuse chaise et s’étant tout aussi rapidement assis dessus.
-Ah… mais putain, t’es obligé d’être comme ça ?
-Et pourquoi glaïeul d’abord ?

[url=http://www.hiboox.fr/go/images/divers/ee304,0d9e2a3c8793337b2d0ffa73b1b41d98.jpg.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2711/0d9e2a3c8793337b2d0ffa73b1b41d98.jpg[/img][/url]
[i][size="1"]Rue de Nadbael (image originale : porte de Marrakesh en 1870)[/size][/i]




L’homme qui avait parlé venait tout juste de franchir la porte. La refermant lentement et se déplaçant à la même vitesse, Ylias n’eut pas de mal à reconnaître Antonïn Hunap. Une longue blouse blanche et un uniforme ressemblant en tous points à ceux des fantassins constituaient sa tenue. Un nez proéminent, des yeux enfoncés dans de lourdes cernes, des cheveux blonds en pagaille et une barbe mal rasée laissant un bouc mal travaillé, voilà le visage d’un des médecins les plus connus de toute l’armée. Antonïn appartenait au corps médical de la division, fournissant un des leurs par bataillon. Lui, il s’occupait naturellement de celui du commandant Aloïs Hanatol. Il avait une réputation très singulière. On le voyait presque constamment une cigarette à la bouche, et plus exactement, avec tout ce qui pouvait se fumer. D’une allure molle, il s’exprimait comme s’il était toujours endormi et ce qui l’éveillait un temps soit peu était ses célèbres « pauses-clopes ». Chirurgien compétent, Antonïn était loin d’être exceptionnel. Pour ainsi dire, il se contentait de faire son travail et c’était pour lui déjà beaucoup.

-Je sais pas, j’devais choisir entre « bouh » et « tada », répondit Siorti, le plus naturellement du monde.
-Hmmm…
-Oui, et y’avait pas une quatrième option ?
-Laquelle ?
-Celle qui consistait à ouvrir calmement la porte en ayant toqué avant ?
-Oh, comme ça s’rait mal me connaître ! répliqua Mezehn, commençant à piquer le flanc du lieutenant avec son doigt et ponctuant chacun de ses gestes par un classique « hé ».
-Mais arrête !
-Vous croyez que ça peut se fumer le glaïeul ?
-Euh, ch’ais pas.
-Merde, ça va tenir la tronche pendant toute la journée… fit Antonïn, allant se poser sur le rebord de la fenêtre.
-J’peux savoir ce que vous venez faire ici ?
-C’est lui t’a soigné.
-Ah. Pardon, je savais pas.
-‘cun soucis.
-Et alors, ça va ?
-T’as l’air d’aller.
-Euh… niveau diagnostic, ça se pose là !
-Je t’ai ramené à l’infirmerie dés qu’on est arrivé à Nadbael, et j’peux te dire que t’avais vraiment mauvaise mine. Il t’a pas loupé ! On dirait une taupe ! ajouta Mezehn, tout sourire.
-Merci l’ami… ah, et… désolé pour tes deux canons.
-J’ai pu en sauver un !
-Comment ?
-En le vendant à un couillon d’Arinien !
-T’as fait ça en plein jour ? s’exclama Ylias, les yeux grands ouverts.
-Mais non, j’ai pas pieuté d’la nuit, et en me débrouillant un p’tit peu, j’ai trouvé acquéreur.
-Et comment tu vas justifier ça au commandant ?
-J’ai fait ça avec son autorisation. Le pognon s’en est retourné à l’état-major, avec une pitite commission pour bibi !
-Ouais, enfin, quand même… faudra que tu m’dises comment t’as trouvé tes clients !
-‘moi qui lui ai filé le nom d’un gars que j’ai eu hier, réagit Antonïn. Une poussée d’hémorroïdes bien comme il faut. Et y’a fallu que ça tombe sur moi…
-Ah, ben tout de suite c’est moins glorieux !
-Mais carrément, t’es chiant Antonïn, t’as tout foutu en l’air !
-Ouais, et toi t’as cru que ton histoire tiendrait debout, idiot ! lança Methronis en riant.
-Eh ben moi, j’me la coule pas à la douce !
-C’est facile pour toi, t’es insomniaque.
-Tu sais que c’est pas bon pour toi, hein… minute conseil médical.
-Merci doc’ !
-Ouais, t’inquiète. Bon, ben, pause-clope hein ! s’écria Hunap, sortant magistralement de ses poches briquet et cigarette.
-Tu fumes à la fenêtre, d’accord ?
-T’inquiète la belette, j’y suis sur ta fenêtre. Et puis, j’suis ton médecin, alors hein, ça va !
-Quand est-ce que je pourrais sortir ?
-Ah ben dés maintenant, faut me libérer les locaux, répondit Antonïn, allumant d’un geste rituel le doux tabac roulé.
-T’es sûr ?
-T’as pas le choix de toute façon, l’ami. J’devais te dire qu’Hanatol file l’emploi du temps de la semaine à quinze heures pétante !
-Et pilepoil, hein, héhé, ne sut quoi rajouter Antonïn pour rester dans la conversation.
-Et merde, et il est quelle heure ?
-Treize heures mois le quart !
-Et il est loin le rendez-vous ?
-Faut compter quinze minutes à pied d’ici, répondit Mezehn, pensif.
-Bon alors j’ai à peine le temps de m’habiller !
-Euh ouais, tu peux sortir, mais va bouffer un morceau en ville avant. T’as rien avalé d’puis hier. Et c’ton médecin qui t’le dit ! lança le chirurgien, entre deux bouffées.
-Y’a de quoi se laver ?
-Ouais. Mezehn, tu veux bien aller en bas ramener un seau d’eau et du savon ?
-Et pourquoi moi ?
-T’es le plus près de la porte.
-Eh putain ! fit l’artilleur, se relevant d’un coup et sortant de la pièce.
-C’est tout ce qu’il y a pour se laver ?
-Y’a pas de flotte dans ce pays…
-Et comment ça va à l’hôpital ?
-Tu y es.
-Oui, mais je voulais dire suite à la bataille ?
-Cinquante six morts, quatre cent quatre vingt neuf blessés. Pas d’officiers tués. J’ai vu pire.
-Quelle brigade a subi le plus de perte ?
-J’dirais la tienne. A ce que j’ai compris, répondit Antonïn en marquant une pause lui permettant une énième bouffée, c’est sur le flanc droit que ça a morflé sévère, non ?
-On peut dire ça, oui.
-Bon, ben voilà. ‘fin bon, j’en suis pas à ma première amputation, hein. Ah !
-Quoi ?
-En parlant de ça, y’a Jänisa qui a dit adieu à sa jambe.
-Jänisa ?!
-Ouais. Et même un peu plus. Ils ont dû couper au niveau de la moitié de la cuisse. Ca pissait tellement le sang qu’ils ont même dû y’aller au fer chauffé pour cautériser la plaie. Il est encore en vie, le bougre !
-Au fer chauffé ? Mais comment ça a été possible ? demanda Ylias, ne croyant pas que l’armée puisse perdre un héros comme l’oncle ‘Po.
-Ah ben, quand faut y’aller faut y’aller. Recoudre le moignon mignon, ça marche pas toujours. Et le tonton, il a même pas voulu de chloroforme ! T’imagine… ?
-Comment ça s’est passé ?
-J’viens t’le dire.
-Mais non, comment il a été blessé ?
-Ah, ça, j’en sais rien. J’ai pas posé la question. J’pensais à autre chose.
-C’est fou ça… tu crois qu’il peut s’en sortir ?
-J’te dirais ça à la fin d’la semaine, mais bon, c’est pas moi qui ait fait l’opération, et tant mieux, hein. Bon, revenons en à c’qu’on disait.
-Euh… oui ?
-Ca se fume ou pas un glaïeul ? Modifié par Kael
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Bon, ben allez, suite !

Au même moment, au palais du sultan, une agitation se fit sentir. De chaque couloir, de chaque tour, de chaque pièce, de chaque recoin de cette richissime demeure, l’on pouvait voir des soldats et des fonctionnaires courir de toutes parts. Il y avait là tout le personnel nécessaire au commandement des deux divisions du Ryendul envoyées si loin pour assurer le bon déroulement des installations coloniales. Ainsi, aux côtés des gardes, on trouvait des diplomates, des émissaires, des secrétaires, des attachés, et tant d’autres encore. L’imagination administrative n’avait pas de limites concernant les fonctions de chacun. Et il y en avait énormément. Plus que la simple direction de deux armées, si imposantes eussent-elles été, ce palais réunissait en son sein les piliers de la nouvelle Arinie. Ce projet imaginé depuis Tranniae n’avait ni plus ni moins l’ambition de transformer ce petit royaume des terres arides en un puissant vassal au service de la volonté du généralissime Hranel le Haut. De fait, le maréchal Izidor Thenraenis avait sans le nom la fonction de vice-roi, quoique le système ducal empêchait tout rapprochement avec la notion monarchique. Pacifier une région et l’amener à devenir un satellite au service d’une grande puissance impliquaient un travail colossal, répondant à tous les théâtres d’opérations sur lesquels se jouaient la politique du Triumvir. A commencer par l’armée, évidemment, l’institution sans laquelle rien ne serait possible, mais qui était parfaitement insuffisante. Ce n’était pas le première fois que des États modernes s’étaient essayés à des conquêtes aussi hypocrites, cachées sous bien des prétextes aussi mélodieux que « l’entraide entre les peuples » ou « l’assistance humanitaire ». A chaque fois que le cabinet militaire s’était retrouvé à devoir gérer ces affaires sans autre appui que ses propres ressources, ce fut de remarquables échecs. Dés lors, on y associait tous les groupes acteurs de ces pièces politiques et économiques. Le conseil colonial s’occupait bien sûr des ressortissants ryenduliens qui avaient fait le courageux choix de s’installer ici. Le comité local prenait en compte les besoins et les remarques quant à la « bonne entente avec l’allié ». La commission diplomatique se chargeait d’entretenir le dialogue avec les pays voisins du Ryendul et de l’Arinie, intéressés ou inquiets par le déroulement des opérations. Les délégations ecclésiastiques étaient les seules en mesure de traiter du délicat sujet religieux, et notamment d’assurer l’amitié fraternelle entre les différentes voies dogmatiques du Panthéon. Le concile économique était le maître de toutes les relations commerciales et établissait chaque jour une liste impressionnante de contrats portant sur des marchandises qui n’avaient même encore été acheminés dans les entrepôts. Enfin, et on pourrait presque l’oublier, le Sultan El-Nadjab s’essayait encore à conserver une autorité, ou plutôt sa faculté de nuisance afin de s’agrandir aux dépens du traité qu’il avait signé en ce jour du vingt-huitième kaerdil de l’an 3547. Cet accord entérinait l’alliance entre le Ryendul et l’Arinie, et ses termes disposaient clairement que la souveraineté du petit État dépendait désormais exclusivement de la volonté de l’Archiduché. Ses droits les plus régaliens étaient confondus avec ceux qu’octroyaient Tranniae et le Sultan n’avait plus qu’un rôle symbolique. Néanmoins, les autorités signataires n’étaient pas dupes. Ce n’était pas un traité. C’était un contrat. L’Arinie avait été tout bonnement cédée pour la somme extraordinaire de cinquante trois millions de denariites, le quart des recettes annuelles du Ryendul. Et en soit pourquoi ? Pour un droit. Ce droit n’était pas insignifiant : il empêchait toute intervention militaire étrangère sous couvert du droit international. Le traité ne stipulait d’ailleurs aucunement une telle transaction, et bénéficiait donc d’un caractère officiel absolu. Cependant, les faits étaient là. L’autorité du Sultan n’avait jamais été réellement conséquente, et en dehors de Nadbael, il aurait été curieux de dire que l’Arinie était dés lors sous son emprise. De ce fait, le pays restait donc hors de portée des ryenduliens, et ce malgré la coquette somme. C’était là sans compter l’atout principal de première entité de Dran-Thelor. Les frontières dégagées, l’armée serait l’instrument de la discipline, quitte à ce que cela soit pour la première fois qu’un « sentiment national » puisse émerger. Le généralissime n’ignorait pas qu’une telle action pourrait aisément avoir des figures de conquêtes, et que pour les tribus du désert, l’accord signé n’avait aucune valeur. Il fallait donc impérativement que la mise sous tutelle progressive du pays se fasse le plus en douceur possible, d’où l’importance capitale accordée aux représentations du peuple arinien et de l’extrême considération qu’il était faîte de ses préoccupations. Hranel le Haut, salué par tous, malgré son âge avancé, par sa clairvoyance et sa mansuétude, voulait là une conquête valorisée par les Ariniens eux-mêmes, seul moyen pour lui de s’assurer durablement de la place. Il fallait que les résultats de l’occupation soient à ce point positifs que non seulement l’ancien Sultan n’aurait pas à être regretter, mais qu’en plus, la venue des Ryenduliens eut été synonyme de sécurité et de prospérité. Enfin, tout ceci n’était que théorie. Pour le moment, c’était surtout une accumulation de fonctionnaires telle que le pays n’avait encore jamais vu. Si la plupart avait accompagné les deux divisions des généraux Layël et Völneth, certains étaient arrivés depuis quelques mois, au compte goûte, chargés de missions individuelles en vu de préparer la venue militaire, ou bien encore d’autres étaient des colons d’origines ayant choisi de s’en retourner de cette manière vers l’État. Celui-ci avait les moyens de les rémunérer, d’autant qu’un bienfait indéniable était de ce fait généré. Aussi curieux que cela pouvait paraître, l’éloignement des citoyens vis-à-vis de leurs terres d’origines leur donnait une vision idyllique des structures étatiques. En clair, ils étaient trop loin pour voir les problèmes, pas assez pour perdre les valeurs sur lesquelles le Triumvirat, et plus particulièrement le Ryendul, se fondait. Voilà donc que l’occasion était belle de former une communauté dévouée envers son généralissime. Mais là encore, ce n’était que théorie, voir fantaisie pour beaucoup. C’était dire la tâche considérable qu’attendaient ces fonctionnaires.
En face du palais, désormais appelé « Résidence ryendulienne », se trouvaient les plus beaux quartiers de Nadbael. La bonne société, si elle n’avait pas déjà fui, y avait trouvé domicile. Espacés, propres, parcourus par les figures appréciées, le sud de la cité était comme un îlot de richesse et d’opulence au beau milieu d’une misère bien présente, tout juste contenue par une milice excédée. Les demeures ancestrales qui encadraient ces grandes avenues tentaient vainement de reproduire les styles les plus en vogue au sein de Dran-Thelor. Les officiers ryenduliens n’avaient pas manqué d’ailleurs pas de remarquer que les peintures eltajiennes avaient eu nettement plus de succès ici que les bâtiments quelques peu plus « administratifs » de le leur propre archiduché. Là aussi, les choses devraient changer.
En attendant, une pause n’était jamais de refus. Assis sur la terrasse d’un café, un homme évidemment étranger lisait tranquillement le journal. Protégé de ce rude soleil par un parasol de qualité, les jambes croisées, prenant appui sur cette table de fer décorée de mosaïques accueillait un bouquet de fleurs fraîches, une carafe d’eau et une petite assiette remplie de biscuits sucrés. Son costume était typiquement celui d’un intellectuel du nord. Délaissant les sombres couleurs pour laisser place à un pantalon et un gilet beige, sa chemise blanche avait le col haut des bourgeois, serré par une lavallière bleue sur laquelle rebondissait une épingle argentée, faisant échos à ses boutons de manchettes, cet homme avait vite compris que le soleil se montrait plus clément envers ceux qui portaient des teintes claires. Si la tenue en disait beaucoup, le visage en disait encore plus. Les cheveux bruns plaqués et séparés par une raie nette, une petite moustache qui peinait à être autre chose qu’un duvet, une mouche accolée à son nez aquilin, ses yeux noisettes, cachés derrière de fines lunettes, parcouraient de gauche à droite sa lecture. Le journal qu’il lisait n’était autre que « Notre ère », dont la maison était vouée aux intérêts du Ryendul, avec une légère, mais tout de même prononcée, tendance vers le souverainisme face à Dran-Thelor. En gros titres, on parlait du mariage du duc de Yastivol avec une aristocrate de Treföne, de quoi agiter tous les commérages et rumeurs que ce journal, pourtant de qualité, ne pouvait éviter. De temps en temps, l’homme levait les yeux, regardant parmi les passants. Attendait-il quelqu’un ? Du moins, il était attentif. Le travail qu’il occupait demandait sans doute qu’il se montre disposé à aller saluer l’un de ses supérieurs ou bien toute autre personnalité d’importance du moment. Alors qu’il s’en remettait à sa lecture, ayant alors perdu sa ligne et en lisant une qu’il connaissait déjà, un autre homme se rapprocha de lui. Attendant une nouvelle inspection afin de ne pas interrompre l’activité de celui dont il cherchait la conversation, il en profita pour jeter un coup d’œil sur la page des sports.

[url=http://www.hiboox.fr/go/images/divers/aa691,d7249a336258fefbdb99792488c6418f.jpg.html][img]http://images4.hiboox.com/images/2811/d7249a336258fefbdb99792488c6418f.jpg[/img][/url]
[size="1"][i]Palais de Nadbael (image originale : cour de l'Alhambra)[/i][/size]


-Ca par exemple ! Ce cher monsieur Kähleï !
-Monsieur fi Sonënti, comment vous portez vous ce jour ?

Ce monsieur Kähleï avait le visage en sueur. Ce qui avait dû être une élégante coupe de cheveux s’était transformée sous la chaleur en une pagaille. Même ses favoris châtains touchant de la pointe son menton étaient trempés. Il passait d’ailleurs régulièrement sa main devant ses yeux bleus pour en dégager l’acide sueur qui l’agressait. D’apparence gênée, cet homme avait fait l’erreur de tout débutant : son costume était entièrement noir, à l’exception de la si classique chemise blanche et d’une lavallière verte nouée en nœud papillon. Ce rappel des couleurs de l’armée était-il volontaire ? Si oui, ce genre d’attentions pouvait être apprécié des supérieurs hiérarchiques, totalement acquis à la cause militaire.

-Vous avez couru, on dirait, non ? demanda fi Sonënti, posant son journal.
-Non, non, c’est juste cette chaleur ! J’étouffe !
-Eh bien asseyez-vous, j’allais justement commander du thé. Hep ! Garçon ! invita l’homme, levant la main en direction d’un des serveurs.
-Oh, de l’eau me conviendrait mieux, je meurs de soif… répondit Kähleï en prenant place, faisant crier la pauvre chaise de métal ainsi traînée. Euh, excusez-moi… je…
-Que dites-vous là ? Si vous prenez de l’eau fraîche, non seulement elle me coûterait une fortune ici, mais en plus, ce serait tout autant de sueur, et vous en dégoulinez mon pauvre !
-Comment une fortune ?
-Vous n’avez pas idée à quel point c’est dur ici de trouver de l’eau, alors de là à l’imaginer avec des glaçons ! Allez, je vous invite.

Á ces mots, un garçon arriva. Habillé d’un costume traditionnel, on ne pouvait s’empêcher de penser que c’était là quelque peu exagéré. Cela avait le mérite d’amuser les nouveaux venus, que ce fut le sarouel ou le turban.

-Sadiq désire ?
-Un de tes thés noirs, mon garçon ! Et amène moi donc la note !
-Si fait, sadiq.

Le garçon inclina la tête, et s’en retourna vers l’intérieur du café, dont la fraîcheur était un soulagement pour tous. Ce Fi Sonënti souhaitait peut-être défier la température, au grand malheur de son interlocuteur.

-Non, faîtes moi confiance, un thé vous désaltérera au mieux.
-Je… bon, oui, je vous fais confiance, ne sut que dire Khäleï, ne voulant en aucun cas offenser celui qui l’invitait.
-Bon, alors, dites moi. C’est aujourd’hui votre premier jour ?
-Oui. Les bureaux n’étaient pas encore au point hier, et ils ont bien voulu m’accorder un jour pour me reposer de cet éprouvant voyage. Néanmoins, et vous les connaissez sans doute bien mieux que moi, en une nuit nous voilà avec des locaux flambants neufs !
-Ah, ben quand il s’agit du secrétariat du conseil colonial !
-Cela m’étonne tout de même. N’est-ce pas l’instance qui a exercé en premier ?
-C’est exact. Mais que voulez-vous, quand tout s’est installé, ils ont fait au mieux. Or, et c’est là la raison officieuse qu’ils ne vous diront jamais, c’est que la salle était encore hier dangereusement peu stable, répondit l’homme, décidemment plus expérimenté et se plaisant à jouer les enseignants.
-Comment ça, « peu stable » ?
-Notre ami et allié le Sultan El-Nadjab a eu pour ancêtre un très regretté souverain qui a eu la bonne idée de construire cette dite salle sur pilotis.
-Sur pilotis ?
-Sur pilotis.
-Mais sur pilotis sur quoi ?
-A un mètre du sol, dans la troisième cour, juste au-dessus d’un petit étang. Ah oui, y’aura des moustiques, ajouta-t-il, amusé.
-Et ce n’était pas solide ?
-Ils ont entendu « crac » il y a maintenant trois jours. Ils ont compris d’où ça venait, et manque de chance, trois jours plus tard vous étiez là. Vous auriez pu avoir la politesse d’arriver un peu plus tard pour leur laisser le temps de se rendre compte à quel point ce palais est truffé d’inepties dans ce genre ! réprimanda fi Sonënti ironiquement, et voyant le thé arrivé.
-Le thé, Sadiq.
-Et la note, elle arrive à pied ?
-Tout de suite après le service, Sadiq.
-T’as intérêt, oui. Bon, où j’en étais ?

Le jeune serveur fit lever la tellière et en un clin d’œil, la chaude boisson vint remplir les deux petits verts ouvragés dans un parfait arc de cercle dont la maîtrise avait dû acquise avec maints échecs brûlants. Déposant ladite tellière sur le plateau, il s’inclina de nouveau et repartit à l’intérieur.

-A votre promotion !
-Merci… enfin, ce n’est pas vraiment une promotion.
-Et quoi donc est-ce alors ? Allez y, buvez, buvez, n’attendez pas que ça refroidisse. Un sucre avec ? proposa fi Sonënti, la main désignant un récipient couvert en porcelaine.
-Je vais essayer sans, d’abord. C’est plus sain. Du moins, c’est ce que me dit toujours ma sœur, répondit timidement Khäleï, tendant lentement le verre fumant vers les lèvres.
-Oui, vous m’en aviez parlé. Où déjà ?
-A notre escale dans le désert de Maraen. Vous étiez venus avec toute une délégation pour discuter de la situation arinienne.
-Oui, oui ! Exact, c’est exact. Le thé ?
-Oui ?
-A votre goût ? N’hésitez pas à y mettre un peu de sucre. Moi, je trouve que sans, c’est de l’eau chaude et rien d’autre. J’en remets !
-Vous en aviez mis ?
-Je suis un habitué, le brave Shilom en met toujours un.
-Vous venez donc souvent ?
-Quand je suis arrivé ici, ça remonte à… presque deux ans maintenant, j’avais eu le vain espoir de rentrer chez moi pour chaque repas. Ma femme ne supporte pas que je puisse dépenser de l’argent pour quelque chose qu’elle pourrait faire. Mais avec le temps, j’ai vite compris que ce qui avait été initialement un bon moyen pour ne pas me presser inutilement, est devenu finalement le seul moment de la journée où je n’ai pas ma famille sur le dos !
-Ah, vous êtes venu en famille ?
-Je n’en ai pas eu le choix. Si seulement je n’avais que ma femme ! J’ai mes deux fils aussi, si vous saviez à quel point ils sont « pompes à fric ! », pardonnez moi l’expression, mais c’est cons-ta-mment la même chose, déclara l’époux et le père insatisfait, montrant par là qu’il appréciait également parler de… lui. Vous avez des enfants, je crois ?
-Euh… non, je suis venu avec ma fiancée ici. Très bon, le thé, très bon !
-Sans sucre ? Vous m’étonnez. Votre fiancée ? Vous voulez dire que vous l’avez amené ici sans que le mariage ne vous y force ?
-C’est que… je crois que nous nous aimons, voilà tout.
-Monsieur Khäleï, à votre fidélité ! lança fi Sonënti, finissant d’un trait son thé avant de s’en resservir un autre, non sans avoir déposé deux morceaux de sucre.
-On espère tout de même trouver un prêtre de Khaliopé pour nous marier.
-Et lorsque ce sera chose faîte, vous viendrez me trouver ici, je vous paierai un bon tajine, et je vous amènerai dans les lupanars les plus propres de toute la ville !
-Aimable à vous, mais… je ne pense pas que cela soit nécessaire, répondit le jeune homme, embarrassé.
-Vous rangez ça dans un coin de votre tête, et on reparlera. Alors, outre la politesse et la promesse d’un thé, quoique sans sucre, il y a autre chose qui vous a fait venir jusqu’à moi. Vous voulez qu’on parle de votre premier jour ?
-Oh… je ne crois pas que cela soit…
-Bon, déjà, racontez moi comment s’est passé votre matinée !
-Plutôt bien. Mais vous savez, ils m’ont juste fait visiter le palais, je n’ai pas pu encore réellement commencer.
-Oui, mais vous allez pas tarder, fit remarquer fi Sonënti, avant de poursuivre. Tout le palais ?
-Euh… je crois.
-Non, non, malheureux, vous y seriez encore ! Vous avez dû seulement voir les parties « occupées ».
-Comment ça ?
-Le haut commandement ne pourrait pas mettre son administration sur toute l’étendue de ce foutu labyrinthe. Enfin, vous avez vu la commission, je suppose ?
-La commission diplomatique ?
-Précisément.
-On m’en a montré la salle. Très belle, je dois dire.
-Bon. Même si elle est pas au même étage que le secrétariat du conseil colonial, venez m’y trouver à l’occasion. Je vous offrirai un thé !
-Sans sucre ? tenta Khäleï dans un trait d’esprit.
-Ca, c’est vous qui voyez.
-Vous auriez l’heure ? Je viens de m’apercevoir que j’ai oublié ma montre…
-Il est treize heures trente, répondit le diplomate en sortant une magnifique montre à gousset de son gilet.
-J’ai quinze minutes avant la reprise !
-Ca ne commence pas à quatorze heures ?
-Si, mais j’aime bien être ponctuel.
-Vous êtes en face du palais !
-Question d’habitude.
-Par les dieux !
-Quoi donc ?
-Que vous allez changer ici !
-Euh…
-Un autre thé ?

Le jeune secrétaire n’eut pas le temps de répondre. L’attention de ces deux fonctionnaires fut attirée par une agitation citadine. Les passants se pressaient les uns aux autres, laissant place à deux lignes de soldats, tout droit sortis du palais. Ainsi écartés, la voie était désormais dégagée.

-Vous savez ce qui arrive ?
-Sans doute le bon général de division.
-Lequel ?

Le son d’un cor, suivi d’un fifre et accompagnés par de monotones tambours, annoncés là la venue d’un personnage d’importance. Une centaine de fantassins aux uniformes flambants neufs et à la mine sombre encadrée un carrosse tout aussi impressionnant. Malgré la chaleur, ils ne semblaient pas le moins du monde gêné par leurs vestes blanches à col haut et à boutonnage d’or, ou bien par leurs pantalons verts de pur laine. Plus remarquable encore, ils portaient le shako caractéristique de la grenaderie. C’étaient donc là des grenadiers. Les plus braves de tous les braves. Une infanterie d’élite exclusivement composée de soldats vétérans ayant prouvé leur valeur. Au combat, ils étaient les seuls à être capable d’employer ces armes si mortelles qu’étaient leurs grenades. La précision, mais également le courage, qu’exigeaient l’utilisation de ces projectiles instables rendaient honneur à cette troupe dont le commandement ne pouvait revenir qu’à un officier supérieur, généralement un colonel ou un major. La présence de deux chevaux blancs attelés au carrosse ne laissait plus de doute quant à l’origine de son occupant. Leur démarche, à la fois élégante et incroyablement martiale, était la marque évidente qu’ils avaient été dressés par un maître d’écurie ryendulien. En l’occurrence, ledit maître avait dû être particulièrement talentueux, tant ces deux magnifiques coursiers obéissaient au moindre signe que le cocher esquissait. Celui-ci portait un uniforme classique, sans extravagances. Néanmoins, sa main droite empoignant fermement les rênes, la gauche ne lâchant pas un fouet inutile, et son regard froid et pourtant si attentif à ce qu’il faisait, tout ceci en disait long sur lui.

Si Khäleï s’était levé, fi Sonënti n’en avait rien fait. Le petit garçon avait ramené la note, et pendant qu’il admirait ce spectacle qui lui était quotidien ces temps-ci, le diplomate régla l’addition, non sans laisser un pourboire laissant envisager qu’il reviendrait et qu’il fallait au gérant ménager son personnel afin de ne pas le perdre.

-De toute évidence, il doit s’agir du général Völneth, dit calmement le client en se resservant du thé.
-Vous dites ? répondit Khäleï, n’ayant pu entendre en raison du bruit.
-Il doit s’agir du général Völneth !
-Edmyl Völneth ? demanda le secrétaire, dressé sur la pointe des pieds pour apercevoir l’officier.
-Vous en connaissez d’autres ?
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Bon alors au début le résumé ça allait bien puis ensuite tu redécales l'action ailleurs et j'étais de nouveau perdu !!

Donc le plus de l'histoire là c'est que ça se passe dans une zone assez désertique et c'est plutôt original !! Et de contexte à ces mois-ci ! Bon bref !! En tout cas poste pas aussi vite parce que tu vas (et je pense que c'est trop tard) larguer tout le monde !

@+
-= Inxi =-
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  • 1 mois après...
Comme promis... ;)
Le petit résumé fut bien utile, penser à en faire régulièrement permettrait de perdre moins de lecteurs en route, je pense !
La suite reste dans la continuité du début. On a toujours cet aspect explicatif très prononcé, ici sur le système politique et colonial. Perso, j'aime beaucoup, mais ça ne m'étonnerait pas que je soit un cas un peu à part. Gare donc à ne pas noyer le lecteur sous des tonnes d'explications géopolitiques qui ne sont pas absolument nécessaires ;)
(J'ai pas dit qu'il fallait les enlever !)
Un autre point marquant est la capacité que tu as à rendre les dialogues vifs, clairs, et naturels en rapportant presque uniquement les paroles échangées. Les répliques, même si elles ne sont pas accompagnées du nom de ceux qui les prononcent, peuvent être replacées avec certitude par le lecteur dans la bouche d'un personnage. Je suis vraiment admiratif, et je n'avais jusqu'alors rencontré cette capacité à manier le dialogue que chez Alain Damasio (Auteur fabuleux au passage, si tu ne le connais pas encore, je t'invite à le lire).
Sinon attention à ne pas trop te perdre dans des intrigues parallèles, ça devient rapidement prise de tête, pour l'auteur comme le lecteur. Mais la encore, tout est affaire de mesure, et pour le moment, pas de soucis ;)
Les images sont une bonne idée, aussi ! Et j'ai toujours aimé le coup de crayon du lion rouge...
Dernier point avant d'aller me coucher : On s'attache petit à petit à tes personnages, et ca, c'est bien joué :good:

Bon allez, la suite ! Modifié par prophète ybraesil
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