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[Samedi]Croquis de cloître I


Lord Paladin

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Bien que vous ayant déjà parlé de cet auteur si cher à mon coeur, je ne peux m'empêcher de revenir un instant sur E. Verhaeren pour partager avec vous ce moment de calme et de tranquilité que m'offre à chaque fois, le premier des croquis de cloître.

[center][img]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/55/Bucuresti_cloister_2008.jpg/800px-Bucuresti_cloister_2008.jpg[/img][/center]

Mais trêve d'inutiles paroles, commençons par vous laisser lire le texte en question (enregistrement audio disponible en cliquant sur le titre).

[center][size=4][url="http://fileden.com/files/2011/12/25/3243049/My Documents/Croquis de cloitre I.wma"]Croquis de cloître (I)[/url][/size]

Dans un pesant repos d'après-midi vermeil,
Les stalles en vieux chêne éteint sont alignées,
Et le jour traversant les fenêtres ignées
Etale, au fond du choeur, des nattes de soleil.

Et les moines dans leurs coules toutes les mêmes,
- Mêmes plis sur leur manche et mêmes sur leur froc,
Même raideur et même attitude de roc -
Sont là debout, muets, plantés sur deux rangs blêmes.

Et l'on s'attend à voir leurs gestes arrêtés
Se prolonger soudain et les versets chantés
Rompre, à tonnantes voix, ces silences qui pèsent ;

Mais rien ne bouge, au long du sombre mur qui fuit,
Et les heures s'en vont, par le couvent, sans bruit,
Et toujours et toujours les grands moines se taisent.[/center]


Je vous propose maintenant une seconde lecture plus analytique afin de mettre au jour certains ressorts poétiques à l'oeuvre dans ce poème, je vous livrerais donc tout d'abord une première analyse de la forme poétique avant de me plonger plus avant dans le texte lui même.

[size=3]Les piliers[/size]

Tout d'abord, remarquons qu'il s'agit d'un sonnet dans la plus vieille tradition de ce terme puisqu'on y trouve l'alternance si élégante des rimes masculines et féminines, deux premières strophes en rimes embrassées et deux tercets "à l'italienne" c'est à dire là encore en rimes embrassées AAB-CCB.

Hormi la rime en "eil" de la première strophe toujours difficile, il est à noter que la plupart des rimes sont suffisantes voir riches, notamment "ignées", ce qui ajoute inconsciemment à la facture délicate et ciselée de l'oeuvre. Toutefois, les rimes ne sont guères tendues ce qui provoque un certain sentiment de répétition et de lenteur qui n'est pas sans se mettre en écho avec la torpeur évoquée dans le texte.

[size=3]L'ombre et la lumière[/size]

Le texte tout entier repose sur une tension savamment entretenue entre l'ombre et la lumière, entre l'extérieur où le monde s'agite et se secoue et cet intérieur baignant dans une atmosphère de simple éternité. Cet affrontement silencieux apparait de manière clair dans la première strophe avant de passer en sous-entendu discret mais présent dans le reste du poème : c'est l'opposition entre les stalles éteintes et tranquillement rangées et le jour enflammant les fenêtres et marquant sa présence festive et puissante jusque sur l'autel divin.
Toutefois, malgré cette apparente folie, le rythme est très lourd, très construit, tout les alexandrins sont du rythme le plus classique : 6//6, on voit là s'élever la roche sobre et dure de la cathédrale.

À ce soleil, les moines opposent le silence et l'immobilisme. Mais surtout, cultive cette apparence de statues qui se répéte dans plusieurs figures de styles : Tout d'abord la répétition du mot "même" que l'on retrouve 5 fois dans la strophe, dont une fois à la rime, avec cet écho dans blême. Ensuite, le champs lexical utilisé : "raideur", "roc" ,"planté".
Mais devant cette raideur dans le texte et le sens, on voit se lever une grande liberté de forme. Pas un des quatres alexandrins ne prends le même ryhtme... 4/4/4, 3/3//3/3, 4//2/3/3 et 2/2/2//2/4 enfin. C'est un défilement de vagues et de contrevagues sans schéma discernable, c'est a vie qui s'épanouit sous l'apparence de la sévérité et du silence.
Cet effet n'est d'ailleurs pas sans rappeler un passage du Zarathoustra de Nietzsche : "On appelle « uniforme » ce qu'ils portent : que ce qu'ils cachent dessous ne soit pas uniforme !"(So sprach zarathustra, De la guerre et des guerriers).
Ici l'apparence est uniforme quand le rythme et la vie ne le sont point, poursuivant ainsi ce jeu de tension d'une manière plus discrète et subtil.

La tension apparait enfin dans l'opposition entre les deux tercets : le premier appel le mouvement mais le laisse en suspends de même que le rythme. Ainsi, en écho au geste soudain figé du moine ou au chants que l'on s'attend sans cesse à voir commencer, les vers s'arrêtent et reprennent sans cesse, phrase laissée en suspend à la fin du premier vers, rejet de "rompre" entre le second et le troisième, etc. Et toujours le rythme suit une chevauchée erratique. Pour aboutir finalement à la dernière strophe qui réalise en quelque sorte la conclusion de la tension en la faisant tout simplement disparaître derrière la tranquillité des moines.

Car dans ce dernier tercet, le rythme oscille une dernière fois pour finalement retrouver la torpeur qu'il avait au début du poème. Le mouvement finit par s'arrêter tout à fait. La sonorité même du poème s'adoucit pour prendre des tons plus coulants faits de sons roulés(r), fricatifs(f,h,s,x) ou spirants(j,l) [pas sur de moi pour le coup, je suis pas bon en phonétique]. Pour aller s'arréter finalement au pied des moines sur le dernier vers, majestueux et ample, se refermant soudain tel le sportes de l'église sur cette dernière vision des moines statufiés et figés dans la rigueur et le silence de Dieu.

[size=3]L'odeur des roses[/size]

Alors, après ce long traitement un brin académique de cette oeuvre, je concluerai sur une note plus personnelle en tentant d'expliquer mon choix et les raisons qui me font aimer ce poème plus qu'un autre. Tout d'abord, c'est le calme et la tranquillité qui ressortent au final de ce petit morceau de poèsie qui me font apprécier sa lecture, sans doute aussi est-ce dû à mes longues rêveries dans les cloîtres, endroit que je trouve étonnamment adapté au repos et à la songerie quand bien même il serait placé au coeur d'une grand-ville. C'est enfin cette lutte tranquille des moines avec eux même qui se réfléte dans le texte et dans le rythme pour créer cette tension si particulière et que je trouve être sans doute, une excellente description de la rudesse de la vie monacale, à mi chemin entre Dieu et les hommes.


Pour lire tout les croquis :
[url="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_verhaeren/croquis_de_cloitre_i.html"]Croquis de cloître [I][/url]
[url="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_verhaeren/croquis_de_cloitre_ii.html"]Croquis de cloître [II][/url]
[url="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_verhaeren/croquis_de_cloitre_iii.html"]Croquis de cloître [III][/url]
[url="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_verhaeren/croquis_de_cloitre_iv.html"]Croquis de cloître [IV][/url]

Pal' Modifié par Lord Paladin
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  • 6 mois après...
Tiens, comme je m'ennuyais et que je suis tombé sur un micro, je vous ai fait un enregistrement audio de ce poème (et de deux autres que j'ai écrit disponible par le même moyen... saurez vous les retrouver ?)
Il suffit de cliquer sur le titre.

N'hésitez pas à critiquer l'enregistrement, il est aussi là pour cela !

BISOUX à tous et bon noël

Pal'
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