[Samedi] "Nessus" de José-Maria de Heredia

[Invité Absalom]

[center][b]NESSUS[/b][/center]

[center]Du temps que je vivais à mes frères pareil
Et comme eux ignorant d'un sort meilleur ou pire,
Les monts Thessaliens étaient mon vague empire
Et leurs torrents glacés lavaient mon poil vermeil.

Tel j'ai grandi, beau, libre, heureux, sous le soleil;
Seule, éparse dans l'air que ma narine aspire,
La chaleureuse odeur des cavales d'Epire
Inquiétait parfois ma course ou mon sommeil.

Mais depuis que j'ai vu l'épouse triomphale
Sourire entre les bras de l'archer de Stymphale,
Le désir me harcèle et hérisse mes crins;

Car un dieu, maudit soit le nom dont il se nomme !
A mêlé dans le sang enfiévré de mes reins
Au rut de l'étalon l'amour qui dompte l'homme.
[/center]
[center][b][url="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jos%C3%A9-Maria_de_Heredia"]José-Maria de Heredia[/url][/b]
Les trophées
"Hercule et les centaures"
[/center]
[center][img]http://img403.imageshack.us/img403/8123/bartabasl24.jpg[/img][/center] Modifié le 5 décembre 2011 par Absalom

[Invité Absalom]

Mon p'tit com' personnel :

J'ai été surpris de trouver dans ce poème du parnassien Heredia, une violence et une inquiétude que je n'avais jamais pensé associer à cet hybride Homme/Cheval qu'est le centaure.
On y entend donc les accents mélancoliques du monstre, prisonnier en lui-même c'est-à-dire nulle part puisqu'il n'est ni homme ni bête. Plus qu'un simple exercice redondant sur un thème rebattu (ici un "épisode" de la mythologie grecque), j'y vois donc une belle démonstration de santé d'un Parnasse qui n'est pas aussi scolaire et assoupi qu'on veut bien l'imaginer.

C'est amusant aussi de voir que la sophistication de la forme et son raffinement, la référence académique aux mythes grecs (un geste fort, semble-t-il, pour les Parnassiens écoeurés par la médiocrité intellectuelle de leurs contemporains) servent une thématique assez éloignée d'un idéal de civilisation lettrée : le regret de l'état de nature présentée comme une enfance de l'être. C'est anecdotique mais c'est amusant.

Je remarque également et cela avait échappé à l'adolescent que j'étais, que de nombreux mythes grecs sont habités par la question de l'animalité, de l'hybridation entre les espèces, comme si quelque de chose du devenir Humain opérait dans cette Grèce archaïque et cela ne se fait absolument pas dans un mode timoré : meurtre , rapt, accouplement divers, dévorations variées et crises de démence carabinées.
Hérakles en serait le "héros monstrueux" comme le nomme Heredia dans "Némée", premier poème de la série intitulée "Hercule et les centaures" auquel appartient "Nessus". D'après mes souvenirs de lecture, Herakles n'est pas le héros préféré des anciens grecs. C'est un assassin et un fou. Ils lui préféraient Thésée, maître d'une cité ou Ulysse le stratège (Je laisse aux plus lettrés que moi le soin de me contredire si besoin). Il est par conséquent amusant d'observer la place prépondérante que nous autres lui accordons dans notre imaginaire.
Il faut noter enfin qu'il y a comme une réponse à "Nessus" dans le recueil de Heredia. C'est le poème suivant et il est intitulé "La centauresse".

La photo précédente est une captation d'un spectacle de Zingaro trouvée sur Google Image (ouais je sais ...). Pour plus d'infos sur Heredia que j'ai pour ma part découvert il y a quelques semaines, j'ai mis un lien sur son nom à la fin du poème (Wikipedia...bon ça va hein )

A+ Modifié le 28 décembre 2011 par Absalom

[Lord Paladin]

Un peu tard, mais tout de même, je voulais te remercier pour ce poème assez inhabituel et il est vrai plutôt intriguant. L'analyse plutôt centrée sur le fond que sur la forme est à mon sens à la fois personnelle et justifiée et jette un éclairage particulier sur ce poème asse déroutant et quelque peu opaque à mon âme profane (Chose que je retrouve souvent chez les parnassiens).
Bref, merci pour ce petit moment de poésie.

Pal'

PS : Pour les liens, wikipedia est bien que souvent galvaudée, une excellente source d'informations, et pour les images je peux te recommander [URL=http://commons.wikimedia.org/wiki/Accueil?uselang=fr]wikimedia[/URL] qui fonctionne sur le même principe et bien que souvent un peu déroutante dans son organisation et assez formidable dans les ressources qu'elle offre. Modifié le 13 décembre 2011 par Lord Paladin

[Invité Absalom]

Merci à toi Pal'.
C'est vrai que je n'ai que très peu abordé la forme. C'est volontaire, tout simplement parce que je n'avais rien à en dire.
Je comptais même me contenter de la photo qui je trouve illustre très bien le poème (quelque chose de beau et d'inconsolable entre l'homme et l'animal ...si proches et si lointains sur la photo).

J'aurais peut-être pu être plus clair sur le mythe de [url="http://fr.wikipedia.org/wiki/Nessos"]Nessus[/url] . Là encore, l'appareil de notes m'a bien aidé...c'est vrai que sinon c'est un peu obscur. Cliquer sur son nom pour en savoir davantage sur ce centaure. La vieille anthologie que je possède ne mentionne pas du tout la tentative de viol . Bon ça va dans le sens du poème en tout cas.
Je crois que la difficulté du texte vient du fait que nous n'avons pas la même proximité avec le mythe grec que l'auteur (moi pas en tout cas). Le style me paraît assez limpide. Heredia est un illustrateur. Il isole du mythe un personnage ou une scène et en capture l'essence en un sonnet. C'est parfois de l'instantané et on peut être frustré de ne pas en savoir davantage (d'où l'intérêt des notes). En tout cas, l'interprétation de Heredia est souvent passionnante, comme par exemple, faire du monstre un mélancolique...je trouve ça génial. (j'essaie de finir le recueil cette semaine. J'ai un Kawabata à lire)
A+ Modifié le 13 décembre 2011 par Absalom

[Celt]

Je n'ai, hélas ! pas grand-chose à répondre (décidément, ce soir...), mais je tenais à simplement marquer ma lecture pour marquer le fait que non, définitivement, ces Chroniques sont loin d'être inutiles.
Merci Absalom, pour le poème, le commentaire, et bien sûr les développements (merci au Palouf de même, d'ailleurs, pour réagir). j'en apprends décidément beaucoup grâce à toi Modifié le 28 décembre 2011 par Celt

[Invité Absalom]

Merci à toi, Celt, pour ta lecture et ton com'. Du coup, j'ai relu mes propres com's et j'y ai trouvé pas mal de lourdeurs au niveau de style. J'ai modifié la tournure de quelques phrases.
Et les Samedis sont un exercice passionnant, qu'on en soit l'auteur ou pas. Je les lis tous même si je n'y réponds pas toujours.
A+