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Utopie


CodoulePou

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Salut à tous,
je profite d'un petit devoir de Français pour vous faire partager cette petite utopie. (la consigne était : décrivez une utopie ou une dystopie)Attention : ce n'est pas une critique délibérée d'un quelconque mode de vie occidental. Et aussi, cest un one-shot.
Perosnnellement, je ne suis pas très satisfait de la fin (enfin la critique finale) mais je ne trouve pas comment l'améliorer (idées bienvenues :innocent: ). Tous les commentaires (constructifs) font plaisir, alors n'hésitez pas.
Sur ce, bonne lecture à vous.


C’était une tour, élancée et majestueuse, qui se dressait au sommet d’une grande île ; et sans son sommet de verre et d’acier, on aurait pu la prendre pour un volcan avec son panache de fumée. Elle s’étalait sur un pic rocheux – et faisait corps avec la masse de granit. Ce granit était d’une solidité à toute épreuve, et conférait à l’édifice des fondations si stables que nul n’avait jamais craint sa chute. Des étages émaillaient le bâtiment, perturbant l’impression de continuité de l’environnement ; mais c’était quand même un beau bâtiment, et la seule vue de ses hautes flèches infligeait une humilité béate à quiconque les contemplait. Revêtue d’une chaste robe grise, la tour siégeait sur son rocher, contemplant la mer alentour avec une insolence morne.

Le dernier jour avant la mort. Après cinquante-neuf ans et trois cent soixante-quatre jours à œuvrer pour le bien de la cité, Ithîr devrait mourir. Pour le bien de tous. Son dernier acte de bienfaisance envers un peuple à qui il devait tout. Son peuple. Demain, il passerait la dernière porte, et se jetterait dans la centrale – qui brûlerait son corps et permettrait à la cité de fonctionner grâce à l’énergie libérée – comme tant d’autres avant lui, comme tant d’autres après lui. Il avait connu une vie semblable à chaque citoyen : élevé en communauté, le jeune homme avait voulu rendre service en étant un élève assidu (car c’était son devoir). A l’aube de sa quinzième année, lui et tous ceux de sa génération avaient découvert les plaisirs de l’occupation et s’étaient donnés corps et âmes à leur besogne. Après avoir expérimenté les postes d’agriculteur, de pêcheur, de balayeur, de nettoyeur, d’ouvrier et une dizaine d’autres savoirs-faire, Ithîr avait été sélectionné pour donner naissance à un futur citoyen. Les hommes et les femmes se croisaient rarement, et la Nuit du Devoir (tel était son nom) constituait un des seuls réels moments d’échanges, ceux-ci se limitant habituellement à la coexistence pure et simple.
Sa vie était alors consommée de moitié ; on l’affecta à des tâches moins exigeantes. La diversité des travaux et leur changement rythmé (à chaque anniversaire) n’entama en rien son ardeur, et c’est toujours avec dévotion qu’il devint technicien, nourrice, secrétaire, dactylo, professeur… Cette période de sa vie offrit à l’adulte qu’il était plus de contacts intergénérationnels qu’il n’en avait jamais eu (il avait toujours travaillé avec ceux qui étaient de son année). Une fois de plus, il fut choisi pour un rôle bien particulier, celui d’administrateur. Au nombre de cinq, ces citoyens se dévouaient pour le reste de leurs vies à régir les affaires courantes ; et rares étaient ceux qui parvenaient à se sacrifier dans la centrale, faute de survivre au quinquennat. Heureusement, leur nombre était faible et les autres (généralement professeurs ou secrétaires) réussissaient à alimenter la centrale, qui alimentait elle-même la Mère de Tous, vulgairement appelée Ève.

Ayant eu la chance de survivre, Ithîr devrait se sacrifier le lendemain. Il avait été d’une force incroyable et sa situation l’honorait ; seulement il n’avait pas envie de mourir. Cette [i]envie[/i] le déroutait, car cette sensation était nouvelle pour lui. Bien sûr, il avait déjà éprouvé l’envie de se sustenter ou de se reposer, mais cette envie là était totalement imprévue et il ignorait comment la satisfaire : son devoir était de mourir, et il ne pouvait se dérober. Cette envie était si insolente, si irritante, qu’elle fit naître une petite idée dans la tête du vieil homme. Cette petite idée finit par grossir, enfler, et occuper tout son esprit. Lors de sa nomination, on lui avait révélé un code secret qui permettait d’accéder à une toute petite salle ; ordre avait été donné de ne l’utiliser qu’en dernière extrémité. La chose lui avait parue si incongrue, tout nouvel administrateur qu’il était, que l’existence de cette salle était vite sortie de sa tête.
Seulement aujourd’hui, tout était si différent. Enfin, rien n’avait changé à part lui, mais le peu de temps d’existence qui lui restait le poussait à l’action. Il tergiversa (décidément, cette journée sortait de l’ordinaire) et finit par se décider. Il se coula dans les couloirs, saluant d’un mouvement de tête les connaissances qu’il croisait, et arriva face à la petite porte métallique, surmontée d’un boîtier où il tapa les quatre chiffres qui le séparaient du contenu mystérieux de cette pièce. Le panneau d’acier coulissa.
Ithîr fit un pas, puis toussa (beaucoup de poussière s’était accumulée). En fit un autre. Re-toussa. Claqua des mains (tiens, la lumière ne s’allume pas). Tâtonna et appuya sur l’interrupteur (un petit peu archaïque). Attendit que la poussière retombe. Contempla, éberlué, les amoncellements de livres qui s’étalaient du sol au plafond. Prit le plus proche (qui s’intitulait [i]Tout, rien, et le reste[/i]). S’assit par terre. Ouvrit la première page et lut les maladroites lettres manuscrites.
« Ce pays est celui des gens qui… (qui quoi ?) … qui attendent leur mort dans la soumission à un être mort depuis des temps immémoriaux, et dont les restes régissent encore un peuple dans la plus parfaite ignorance. » Le vieillard relu plusieurs fois le passage, tentant de saisir le sens de ce charabia. Quelques mois plus tôt, il eût trouvé cela absurde, mais ces phrases résonnaient aujourd’hui avec un perturbant écho de vérité. Il replongea dans sa lecture. Il devait s’arrêter de tant à autres pour essayer de comprendre des mots qu’il n’avait quasiment jamais prononcés (quant à déceler le rapport entre [i]néo-collectivisme[/i] et [i]conditionnement mental[/i], il ne fallait même pas y penser).
C’est au crépuscule que le mort en sursis referma délicatement le carnet et, fort d’une vision nouvelle, se préparait à alerter ses congénères sur l’illusion dans laquelle ils vivaient. A l’instant même où il se leva, l’ouverture par laquelle il était entré se referma sèchement. Cherchant une autre issue, il leva les yeux et vit l’écran s’allumer. Une pupille noire s’afficha, profonde et impénétrable, entourée d’un iris turquoise d’une chaleur glaciale. L’image était cernée par quelques cils qui donnaient un air inoffensif à l’ensemble. Une voix suave s’éleva.
« L’heure approche Ithîr, j’espère que tu es heureux de ton sacrifice. Ta génération se réjouit de ta longévité.
— Je ne mourrai pas. Je sais tout.
— Tes idées ne te sauveront pas de la centrale.
— Toi seule à besoin de la centrale pour fonctionner, et quand les citoyens seront alertés, plus aucun n’acceptera de se sacrifier pour toi ! Tu nous utilise !
— Je vois que tes lectures ont été instructives, mais personne ne croira un homme à la veille de son sacrifice, et ta manifeste démence nécessite certainement une accélération du processus.
Un temps.
— Je ne sortirai pas de cette pièce, n’est-ce pas ?
— Pourquoi t’en empêcherais-je ? Ne suis-je pas la Mère de Tous, qui sauve le peuple et assure sa pérennité ?
— Sa pérennité ? Tu n’es qu’un ordinateur, et bien que j’aie du mal à saisir le sens de ta création, une chose est sure : tu ne nous protège de rien. Mais cette pièce, pourquoi ne l’as tu pas détruite ? Chacun de ces ouvrages représente un danger pour ton existence, et la centrale n’aurait aucun mal à dévorer ces pages. Pourquoi ?
— Eh bien… Aux temps de ma création, vos ancêtres étaient pour la plupart de doux rêveurs qui ne se préoccupaient pas de leur situation matérielle, et le délitement de la communauté commença par une famine, faute d’hommes pour produire. Cependant, un génie proposa de créer un robot qui ne laisserait pas les humains s’écarter de leur objectif – la survie. Depuis, j’assure votre descendance, immature que vous êtes. Mon programmeur croyait que les idées se transmettaient par les airs, et que le seul moyen de les contrôler était de les garder en sécurité, écrites sur des livres que personne ne devrait ouvrir. La bibliothèque que tu vois là est l’héritage de savants naïfs et de curieux dans ton espèce. Sur ce, je te souhaite une belle fin de journée avant ton anniversaire. »

L’écran s’éteint et le silence s’installa après un bref crépitement. Ce système qui avait été pour lui sa raison de vivre, l’objet de ses efforts, lui apparaissait maintenant comme une coercition qui empêchait aux individus de se rendre compte de leur situation. Et le « chacun » avait été effacé au profit du « tous ». Une idée qui paraissait noble, mais effaçait tout son sens à la vie. Jusqu’à présent, il avait vécu pour la cité, pour la remercier de lui avoir offert l’existence, et lui avait consacré tous ses efforts. Mais ce dévouement lui avait été instillé par Ève, qui s’en servait pour interdire aux gens de ressentir des émotions, des envies… En lisant, il avait découvert l’amour. Il ne comprenait pas quel être pouvait être assez cruel pour empêcher ses pairs de ressentir une émotion aussi formidable. Il ne comprenait pas qu’on accuse ces [i]sentiments[/i] de la ruine des peuples. Il ne comprenait pas que des générations entières soient régies par une intelligence dénuée d’émotions. Il ne comprenait pourquoi la cité survivait, alors même que son existence n’avait aucun intérêt pour ceux qui y prenaient part. Il ne comprenait pas, mais savait qu’Ève ne voulait pas son bien, et attendit la mort avec détermination. Et avec un livre.
Quand la porte s’ouvrit, il avait lu trois livre de plus. [i]La Vie et la Mort[/i], [i]La Guerre et la Paix[/i], et [i]La Dictature pour les Nuls[/i]. Il sortit, et ne vit personne car c’était la nuit. Sans même chercher à alerter quiconque, car il se savait surveillé, il marcha jusqu’à la porte de la centrale, écrivit « LIBERTE » sur la porte, et entra.


A vos claviers !
ClP, another boring day on my way
[EDIT 28/03] MaJ du dialogue Modifié par CodoulePou
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  • 1 mois après...
Ça me parait plus une dystopie qu'une utopie, donc ton titre est faut, mais bon...

[quote]Ithîr avait été sélectionné pour donner naissance à un futur citoyen.[/quote]

Un seul citoyen? Je n'ai pas de vision d'ensemble de ton système mais si c'est bien comme cette phrase le laisse imaginer (un enfant par couple) ça doit pas tenir longtemps. En effet si tu as un enfant par couple, au bout de 60ans (une génération entière au bout de laquelle la population est entièrement renouvelée) la population est divisée par 2 puis par 2 au bout d'une autre génération et ainsi de suite.

Sinon ça peut être intéressant mais ce n'est pas assez développé je pense.
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