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Les genres du Seigneur des Anneaux


Poupi

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Yop :)
ça fait pas mal de semaines que je n'ai plus posté par ici, mais je suis toujours vos travaux de la section création, et je m'éclate toujours à vous lire. A présent que mon année s'est terminée, j'ai repris quelques projets rapports de lecture de notre auteur préféré. L'heure m'est donc propice à une modeste tentative d'animation de la section background, sans trop d'illusions, puisque les dernières tentatives du Nouvel An avaient donné des sujets semi-avortés (m'enfin, on en avait peut-être ouvert un peu trop en trop peu de temps).

Bref, pour en venir au fond, je me suis dit que sur ce forum et en général, on évoquait très souvent les possibles inspirations de Tolkien dans le fond de son oeuvre (qu'il s'agisse de l'histoire racontée ou du message spirituel) mais moins les inspirations proprement formelles (le style, les genres littéraires qui sont au service de ce fond), et donc je me suis mis en tête de proposer quelques ouvertures de piste en la matière. Je prends peut-être des risques dans la mesure où la question des genres littéraires n'est pas de celle qui intéresse tout le monde, mais à travers ça, ce que je voudrais ouvrir, c'est une discussion sur [b]l'hétérogénéité[/b] formelle du Seigneur des Anneaux, en somme sur son caractère inclassable- et ça, je suis sur que tous peuvent y être sensible et donc s'exprimer dessus.

Donc, quelques lignes de considérations personnelles, avec mon style habituel et ses défauts :innocent: - je dois dire à ce sujet que ça fait quelques semaines maintenant que de façon générale, je n'ai rien posté sur Internet ; or l'écriture sur Internet requière un doigté assez particulier, différent des autres productions écrites auxquelles je suis habituées ; je m'excuse donc d'avance si ce que j'écris maintenant apparaît comme (encore :rolleyes: ) plus indigeste que d'habitude, je peux éventuellement le réécrire en partie ou entièrement si certains en manifestent le désir.



[b]Un patchwork harmonieux[/b]

En gros, la thèse que je voudrais défendre ici est la suivante : Le Seigneur des Anneaux, s'il appartient principalement au genre épique, contient de fait le mélange de genres littéraires extrêmement variés, et même franchement bigarrés, dont l'assemblage devrait susciter une certaine répulsion, ou en tout cas une difficulté d'adhésion du lecteur (un peu comme si on devait écouter en même temps deux musiques non-accordées) ; or, au contraire, il captive merveilleusement ce lecteur, et donne même une impression de très grande cohérence, du fait de l'incroyable travail « mythopoétique » de son auteur (pour reprendre le vocabulaire de ce dernier).
Je vais donc, dans un premier temps, donner des exemples d'inspirations littéraires qui me semblent extrêmement différentes, et qui pourtant cohabitent avec parfois une proximité qui devrait faire s'effondrer l'envoûtement du lecteur, mais qui ne gêne en fait en rien l'adhésion de ce dernier au récit. Ce premier propos quelque peu catalogueur se fera essentiellement par des comparaisons entre personnages, même si d'autres biais pourraient être choisis (comparaisons de lieux, par exemple).

-Je commence par une comparaison entre les deux paires de hobbits qui forment les principaux héros de l'histoire, en ceci qu'ils ont en commun d'être spécialement taillés pour permettre et même faciliter l'identification du lecteur : Sam et Frodon d'une part, Merry et Pippin d'autre part. Ce clivage est important, car il s'inscrit dans la structure même du roman, dont les différents livres, à partir des Deux Tours, suivent soit l'un, soit l'autre parèdre. Or, au-delà de leur apparente similarité d'univers, ces deux équipes me semblent vivre leur aventure de deux façons radicalement différentes.
Merry et Pippin, à l'instar de Bilbon, vivent leur voyage comme un « there and back again », comme un aller-retour initiatique qui les voit partir petits et revenir grands (au sens spirituel comme au sens figuré, puisque dans la fantaisie poétique du récit, leur mûrissement intérieur s'accompagne d'une poussée de croissance surnaturelle) ; pour le dire de façon rapide et caricaturale, lorsqu'ils partent, ce sont de petits cons, et lorsqu'ils reviennent, ce sont de grands monsieurs. Cela ne se vérifie pas simplement au commencement et à la fin de leur périple, mais tout au long de leurs aventures : ils parlent toujours de la Comté comme d'un pays où ils reviendront, et les livres qui les suivent fourmillent de détails logistiques qui, en plus de contribuer à l'illusion littéraire de réalisme, permet à leurs pérégrinations de toujours conserver leur statut d'aller-retour, en quelque sorte en déposant des balises tout au long du chemin, à l'instar d'un Petit Poucet qui finira toujours par rentrer chez lui, quitte entre temps à avoir affronté des monstres et être passé à l'âge adulte. L'épilogue confirme ce statut d'apprentissage de leur aventure, qui leur permet d'accéder à de prestigieuses fonctions au sein de la communauté ; d'une certaine façon, leur épopée est comparable à ces compagnonnages durant lesquels les jeunes artisans quittent les leurs, mais pour mieux revenir et accéder au statut de maître-artisan.
Frodon vit sa propre épopée de façon très différente, et je répète ici ce que j'avais dit au sujet de son statut d'orphelin : Frodon est celui qui va le plus loin dans l'aventure, à la fois géographiquement, charnellement (dans les stigmates qu'il reçoit de son aventure) et spirituellement. Or, on voit que Tolkien le « fabrique » justement comme un personnage dirigé à 100% vers l'avant, qui ne laisse rien derrière lui : ses parents sont morts, son oncle disparaît, et il vend Cul-de-Sac avant de partir. Dès le début du SdA, son aventure à lui ne se présente pas du tout comme un « There and back again », mais comme un voyage sans retour- et cette impression va crescendo tout au long du récit, jusqu'au paroxysme sublime sur la Montagne du Destin, lorsque lui et Sam énoncent à voix haute la vérité qui était sous-jacente durant tout le roman : il n'y aura pas de voyage retour. L'apparition providentielle des Aigles tire justement sa force de sa totale opposition avec cette vérité, qui a été clairement énoncée quelques pages auparavant mais qui a été implicitement répétée tout au long de l'aventure ; et de fait, il ne se sentira jamais vraiment « de retour » chez lui, et finira ses jours non auprès des siens, mais dans cet au-delà plus éloigné du Mordor encore que sont les Terres Immortelles.
Pour moi, il y a donc bien deux épopées radicalement différentes dans le Seigneur des Anneaux : une sorte de conte initiatique au sens de « roman de formation », illustré par Merry et Pippin, et une aventure mystique d'abandon de tout, où l'initiation n'est pas tant le passage de l'enfance à l'adulte que le passage de ce monde à l'autre, illustrée par Frodon (le statut de Sam étant plus nuancé). Pour conclure, on peut évoquer les sépultures respectives de ces personnages, le tombeau étant une marque d'appartenance et d'appropriation d'un chez-soi : là où Merry et Pippin sont enterrés dans une prestigieuse tombe de la Terre du Milieu (ce qui prouve que leur aventure les a fait grandir, mais garder les pieds sur terre), plutôt que le stupide « Frodo lives ! » des hippies qui découlait d'une totale incompréhension de l’œuvre (Frodon n'ayant pas accédé à l'immortalité), j'utiliserais volontiers le mystique « Nul n'a jamais su où se trouvait son tombeau » que le livre du Deutéronome emploie à propos de Moïse, le personnage mystique par excellence qui a vu Dieu face à face, et qui comme Frodon, n'appartient plus à aucune terre, à aucun chez-soi ou home sweet home (ce qui, dans le contexte juif du rapport à la Terre d'Israël, n'est pas rien). Frodon est bien plus l'héritier de ce personnage que du Petit Poucet, contrairement à Merry et Pippin.

-de façon plus succincte, je voudrais aussi évoquer rapidement la multitude de personnages qui contrastent franchement avec le caractère épique du Seigneur des Anneaux : il y en a qui sont complètement décalés, comme l'essentiel des personnages de la Comté, qui semblent tout juste échappés d'une comédie bourgeoise (les péripéties sur la tante pingre qui essaye de voler l'argenterie n'ont a priori rien à foutre au sein d'une œuvre qui parle de la lutte contre le Seigneur des Ténèbres et de la rédemption du monde) et d'autres qui ajoutent à la tonalité épique de l’œuvre une certaine complexité psychologique qui est bien plus l'apanage du roman moderne que des anciennes gestes d'autrefois ; ainsi, le simplisme psychologique d'Aragorn (qui, pour le dire de façon caricaturale, est trotro-fort, trotro-beau, trotro-sur de lui) contraste sévèrement avec les remous intérieurs d'une Eowyn qui doit démêler ses deuils et rancunes de ses sentiments intérieurs ou d'un Faramir qui raconte ses rêves comme s'il était allongé sur le divan d'un psychanalyste. Il est remarquable que Tolkien enrichisse son œuvre, qui se veut fondamentalement une référence à d'antiques épopées, de préoccupations qui relèvent d'une véritable modernité littéraire.

-enfin, il y a également une véritable hétérogénéité dans les genres historiographiques dont s'inspire le Seigneur des Anneaux- et je pense que c'est cette hétérogénéité qui est à l'origine de nombre de casse-têtes dans la communauté des « fans » du bouquin, qui ne peuvent que hésiter entre des lectures de type « hard fantasy » où doit primer le pied de la lettre, des lectures allégoriques et spiritualisantes, ou encore un décryptage de la narration interne du Seigneur des Anneaux comme une sorte de propagande pro-gondorienne. Je pense qu'en fait, cette variété dans les lectures correspond à une variété dans le texte même, où les différents éléments du récit ont des statuts historiographiques (c'est à dire de relation entre l'histoire et son écriture) très différents ; et que ces différents types de lecture peuvent se compléter et s'enrichir mutuellement, ne devenant ineptes que lorsqu'elles deviennent exclusives (les projets du type Le dernier anneau de Eskov me semblent être de bons exemples de stupidité en la matière). Ainsi, à l'intérieur du Seigneur des Anneaux cohabitent des êtres construits selon un rapport mythique à l'Histoire (Aragorn et l'héritage qu'il représente, Gandalf, ou, au-delà des personnages, la façon dont la Providence divine guide l'ensemble du récit) et des êtres construits selon un rapport beaucoup plus moderne et « réaliste » à l'histoire, et qui pourraient ainsi appartenir par exemple au cycle du Trône de fer de Martin : typiquement, les Rohirrims sont certainement le peuple le plus historiquement vraisemblable du roman, et de fait, les chroniques à leur sujet s'éloignent fortement du manichéisme relatif de l'Histoire de la Terre du Milieu (par exemple, il ne fait nul doute qu'ils ont des torts face aux Hommes Sauvages que Saroumane déchaîne contre eux, et que la lutte entre ces deux peuples ne correspond aucunement à un simple antagonisme entre le Bien et le Mal).

Bref, le Seigneur des Anneaux, s'il appartient d'abord au genre épique, véhicule en fait des inspirations littéraires extrêmement bigarrées, et pour le dire de façon extrêmement caricaturale, il s'agit d'un roman où le roi Arthur cohabite avec le Roi Barathéon, le Petit Poucet avec Moïse, ou encore le Cid avec Madame Bovary. Il devrait donc s'agir d'un montage grotesque et ubuesque qui s'effondrerait sans pouvoir exercer le moindre effet sur le lecteur autre qu'un rire moqueur ou une moue sceptique ; mais bien au contraire, Tolkien intègre ces éléments exogènes à son épopée avec tant de génie et de finesse que le tout forme au contraire un ensemble incroyablement cohérent, que seule pouvait accomplir sa « féerie », nouveau genre qui n'est pas une simple reprise du merveilleux, mais un renouvellement de ce dernier et un enrichissement par le croisement de sources littéraires variées et une véritable prise en compte de la modernité en littérature.
[b]

Une rencontre en interne des genres littéraires[/b]

Je voudrais maintenant aller plus loin, en disant que non seulement le Seigneur des Anneaux est construit par son auteur extérieur par la rencontre de genres variés, mais que cette rencontre s'incarne également à l'intérieur même du récit- et que ces rencontres en interne contribuent en fait à l'harmonie invraisemblable qui fait merveilleusement cohabiter des inspirations si bigarrées.
Pour appuyer ce propos, je vais simplement cataloguer quelques exemples répondant à ceux du paragraphe précédent.

-ce que j'affirme ici permet tout d'abord d'ajouter aux multiples lectures de l'épisode très riche de la bataille près d'Amon Hen (moment très décisif, où différents personnages scellent leur destin d'une façon ou d'une autres) une nouvelle signification, en quelque sorte de théorie littéraire : Frodon et Sam doivent quitter la Communauté parce que la quête qu'ils vont vivre n'appartient pas au même genre littéraire que les autres. Ils n'ont rien à faire avec la geste arthurienne d'Aragorn, ou l'initiation à l'âge adulte de Merry et Pippin, et doivent s'inscrire dans une certaine tradition de la recherche de l'absolu qui ne peut pas s'encombrer des soucis politiques, logistiques ou même écologiques qui marqueront les aventures de leurs Compagnons : les lieux et adversaires rencontrés par Sam et Frodon, comme Gollum ou Arachnée, sont ceux qui se prêtent le mieux à des lectures tendant vers une certaine intériorité pure, là où les aventures des autres Compagnons posent de façon plus essentielle l'enjeu de la relation au monde extérieur.

-on peut aussi lire sous un angle semblable la relation entre Aragorn et Eowyn (en plus des autres lectures possibles) ; au sujet de la généalogie dans le Seigneur des Anneaux, j'avais tenu le propos suivant : supposons qu'on se demande pourquoi Aragorn préfère Arwen à Eowyn. De façon interne, on peut trouver plein de justifications, allant d'un simple « Arwen elle est plus bonne !! » à de longues réflexions sur la psychologie des personnages. De façon externe, on pourrait répondre en parlant de la construction des personnages dans la narration même du récit : j'ai dit que dans le Seigneur des Anneaux, tous les personnages n'étaient pas conçu de la même façon, que les Hobbits étaient de bons instruments à identification alors qu'Aragorn était l'incarnation d'un idéal inatteignable, un personnage de tragédie. Arwen et Aragorn sont constitués de la même façon, Arwen aussi étant un personnage de tragédie, supérieure en beauté à toutes ses contemporaines (même si sa grandeur se voit moins que celle d'Aragorn, puisqu'elle est beaucoup moins présente dans le bouquin) ; Arwen et Aragorn sont donc, à proprement parler, faits l'un pour l'autre par leur auteur (on voit bien qu'ici, je parle de façon extérieure au récit). De même, comment expliquer l'amour final d'Eowyn et Faramir ? On peut trouver plein d'explications internes à la soudaineté de ce sentiment, et, de façon externe, fournir une lecture similaire à la précédente : Eowyn et Faramir sont deux personnages positifs, mais sans la grandeur ineffable d'Arwen et Aragorn ; leurs histoires respectives sont par ailleurs construites de manière semblable par Tolkien, qui les prive de leurs frères et de figure paternelle, et se voient sauvés chacun par un membre de la parèdre Merry-Pippin. Donc, idem, ils sont littéralement faits l'un pour l'autre par l'auteur.
Pour relier ça à la question plus précise des genres littéraires qui inspirent le Seigneur des Anneaux, on peut dire que fondamentalement, le désamour entre Aragorn et Eowyn tient à une sorte d'incompatibilité littéraire entre les deux personnages : Aragorn est un héros aussi sublime que les personnages de Corneille, là où Eowyn est d'une modernité psychologique qui ne peut trouver de répondant que dans le personnage de Faramir (là où le sublime d'Aragorn ne peut s'épanouir que dans celui d'Arwen). Je pense même que ce problème peut se lire de façon particulièrement belle et fine dans la déclaration d'amour d'Eowyn à Aragorn -un passage au demeurant particulièrement magnifique, et certainement la plus belle déclaration détournée dans la littérature depuis le « Je ne te hais point » cornélien : Eowyn veut accompagner les hommes à la guerre dans le Sud, et Aragorn s'y oppose. Au terme de la dispute, Aragorn essaye de trancher d'un ton sévère « Vous n'avez rien à faire dans le Sud », ce à quoi Eowyn répond en désignant ses compagnons pour le moins exotiques « Ces gens là non plus, ils n'y vont que parce qu'ils vous aiment ».
Une fois passé le ravissement de ce superbe moment de beauté littéraire, je suis convaincu qu'on peut (entre autres) relire ces quelques lignes comme l'affrontement des genres littéraires représentés respectivement par Aragorn et Eowyn, la grandeur épique et tragique face à la modernité psychologique (et il est à ce titre pertinent que le champion de ce dernier genre soit une championne). La déclaration biaisée d'Eowyn réunit parfaitement ces deux genres, et peut se lire selon l'un comme selon l'autre : elle pourrait figurer dans une pièce cornélienne, où les sentiments individuels sont sublimement mêlés à l'honneur des rois et au destin des empires, les empêchant de s'exprimer librement, mais aussi dans un roman moderne où les sentiments amoureux sont enchevêtrés dans une psychologie complexe et complexée, qui hésite à exprimer des sentiments qu'elle n'est pas sur de bien comprendre (et de fait, Eowyn découvrira que son adoration pour Aragorn était liée à des deuils et des rancunes dont elle devra se débarrasser). A travers Aragorn, c'est donc l'idéal épique qui affirme à la modernité littéraire qu'elle n'a rien à faire dans le Seigneur des Anneaux ; et à travers Eowyn, c'est la modernité littéraire qui justifie sa participation à cette épopée par une invocation de l'amour : la modernité littéraire à sa place dans l’œuvre épique du Seigneur des Anneaux parce qu'elle parle d'amour, et que dans le fond, l'épopée ne parle pas d'autre chose (n'est-ce pas mignon ?).

-en ce qui concerne la dernière hétérogénéité que j'avais relevé, celle dans les rapports à l'Histoire, la rencontre entre un rapport mythique à l'Histoire et un rapport moderne/scientifique est certainement l'une des plus explicites, étant donné les différents passages où différents personnages, notamment les Rohirrims, qui constituent le peuple le plus réaliste (et donc le plus barbare) du roman, s'étonnent de voir surgir devant eux des créatures et des événements qui semblent échappées du folklore et de la mythologie. Cette coexistence, qui se fait même coopération, entre le mythe et l'Histoire sérieuse, permet en fait de tisser à travers le Seigneur des Anneaux un rapport à l'Histoire particulièrement fin, qui ne relève ni du manichéisme purement transcendant auquel on essaye parfois de réduire l’œuvre, ni d'un cynisme froid comparable à celui qui se dégage du cycle du Trône de fer, par exemple, mais de convictions qui affirme sincèrement que le Bien et le Mal existent et se manifestent à travers l'Histoire, et même qu'il faut choisir son camp dans cet affrontement, tout en concédant avec lucidité que les entités politiques, sociales ou même individuelles ne sont pas bêtement réductibles à l'un ou l'autre principe.



Voilà, j'espère que ceux qui auront lu ça l'auront trouvé intéressant :) C'est vrai que l'angle choisi est particulier en ceci qu'il repose en apparence sur une nécessité de connaissances littéraires (les genres littéraires, pour s'y intéresser, faut les lire et les connaître), mais encore une fois, derrière ça, ce qui m'intéresse vraiment, c'est [b]le caractère inclassable et hétérogène[/b] du Seigneur des Anneaux, qu'on peut certainement ressentir et exprimer d'autres façons.


Bref, à vous les studios :) Modifié par Poupi
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Comme d'habitude c'est passionnant je trouve, et comme d'habitude à chaud j'ai assez peu de remarques à faire :)

Bon quand même ce passage on ressent une certaine fatigue :
[quote='Poupi']
quitte entre [u]tant[/u] à avoir affronté des monstres et être passé à l'âge adulte. L'épilogue confirme [u]s[/u]e statut d'apprentissage de leur aventure[/quote]

:P

Je noterais quand même que ce patchwork est plus ou moins bien conçu dans la mesure où certains passages s'intègrent mieux que d'autres à l'ensemble. Ainsi la chronique familiale qui ouvre l'histoire dans la Comté ne choque pas par rapport aux affrontements épiques du Livre V parce que la transition s'étale sur plusieurs centaines de pages. De même Eowyn, que tu décris (justement je trouve) comme un personnage de littérature moderne, et Aragorn, personnage épique, ne choquent pas côtes à côtes au sein de la fresque Rohanaise, croisant des influences allant de Beowulf à l'époque d'Harold.
Mais nombreux sont les lecteurs à avoir par contre trouvé surprenante la "parenthèse Bombadil", allant jusqu'à la considérer comme une pièce rapportée, voire dispensable. Isengar avait pondu quelque chose sur le caractère pourtant indispensable de Bombadil par rapport à l’œuvre dans laquelle il s'inscrit. Mais dans ce cas d'où vient ce sentiment ? Du style ?
Il est étonnant d'ailleurs que ce soit ce passage qui concentre la critique. Avec son mélange de chansons, de rêves et de merveilleux, il n'est pas si décalé par rapport au début des aventures de Frodo & Co. Au contraire du chapitre suivant sur les Hauts des Galgals, dans le plus pur style fantastique, style qu'on retrouve pourtant assez peu chez Tolkien, sauf peut-être brièvement avec Shelob.

On peut aussi parler du décalage entre l'épopée d'Aragorn qui est racontée comme telle (la Bataille du Pellenor bénéficie d'un narrateur omniscient la moitié du temps au moins, et même d'un chant à la fin) là où le "voyage de l'esprit" de Sam et Frodo se déroule naturellement avec une perspective interne la plupart du temps. Même le narrateur s'adapte donc au genre de récit.

Peredhil
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J'ai vu une visite sur mon profil, je me suis dit que ça avait un rapport avec une attente quelconque de ta part pour ton sujet...
lol.

[quote name='Poupi' timestamp='1370038777' post='2374192'] Frodon et Sam doivent quitter la Communauté parce que la quête qu'ils vont vivre n'appartient pas au même genre littéraire que les autres. [/quote]

Je crois que c'est un peu le centre de ta démonstration, ou du moins ce qui m'a marqué. Idem pour l'idée de la personnification des genres en Aragorn et Eowyn.

Ton exposé ne me convainc qu'à moitié. Je trouve d'abord que tu aurais pu insister davantage sur le nombre de genres tout en étant concis, cela aurait peut-être gagné en clarté et en force.
Du coup, à la lecture de la première partie, je me dis: Certes, il y a plusieurs genres. Mais en quoi est-ce incroyable? Tous les auteurs savent manier plusieurs plumes, gèrent le comique et le tragique... la question que tu poses, c'est que la cohabitation de ces genres définit en quelque sorte un Seigneur des Anneaux indéfinissable en termes de genre. Soit. Mais au final, ce qu'on retient du Seigneur des Anneaux, c'est un voyage initiatique épique, pas un livre sur les cuillers volées de Cul-de-Sac. Il y a une prééminence de ce genre, et la pluralité des groupes comme des thèmes n'y change rien. Ce n'est pas parce que le Seigneur des Anneaux est grandement, à mon sens, une œuvre qui parle d'amour que je dois le mettre dans le genre "roman d'amour".

Ensuite, ta vision externaliste et déterministe (Frodon et Sam doivent quitter la Communauté [i]du fait de leur genre littérair[/i]e...) assumée fait de ces genres des personnages à part. Tu n'as ni tort ni raison à mon sens, c'est juste un prisme de lecture inhabituel penché sur la "théorie littéraire". Je doute cependant de sa pertinence au regard de la façon dont l'auteur concevait son œuvre. Je pense que ce "patchwork" est davantage à situer dans la perspective chronologique interne et externe de l’œuvre: un tel voyage initiatique ne serait toujours demeurer au même point; par ailleurs le temps qu'a passé Tolkien sur le Sda explique certainement le soin porté à ces détails symbolisés par les cuillers de Lobelia. En avançant de manière spatio-temporelle, certains genres sont donc abandonnés, mais c'est l'inverse de ce que tu montres (à savoir des plaques terrestres de genre littéraire qui se meuvent et font [l'originalité] du SdA). Ces genres sont au service de l'histoire, pas l'inverse, or j'ai l'impression que tu ne le dis pas, un peu grisé par la théorie.

Une dernière remarque:
[quote name='Poupi' timestamp='1370038777' post='2374192']-de façon plus succincte, je voudrais aussi évoquer rapidement la multitude de personnages qui contrastent franchement avec le caractère épique du Seigneur des Anneaux : il y en a qui sont complètement décalés, comme l'essentiel des personnages de la Comté, qui semblent tout juste échappés d'une comédie bourgeoise (les péripéties sur la tante pingre qui essaye de voler l'argenterie n'ont a priori rien à foutre au sein d'une œuvre qui parle de la lutte contre le Seigneur des Ténèbres et de la rédemption du monde) et d'autres qui ajoutent à la tonalité épique de l’œuvre une certaine complexité psychologique qui est bien plus l'apanage du roman moderne que des anciennes gestes d'autrefois ; ainsi, le simplisme psychologique d'Aragorn (qui, pour le dire de façon caricaturale, est trotro-fort, trotro-beau, trotro-sur de lui) contraste sévèrement avec les remous intérieurs d'une Eowyn qui doit démêler ses deuils et rancunes de ses sentiments intérieurs ou d'un Faramir qui raconte ses rêves comme s'il était allongé sur le divan d'un psychanalyste. Il est remarquable que Tolkien enrichisse son œuvre, qui se veut fondamentalement une référence à d'antiques épopées, de préoccupations qui relèvent d'une véritable modernité littéraire. [/quote]
La diversité des personnages est certainement un des outils et un des arts de l'écrivain, mais ça n'a pas grand lien avec Tolkien spécifiquement. Quant au "simplissime" (je triche vu que tu as écrit simplisme) caractère d'Aragorn, c'est oublier ses doutes après la chute de Gandalf et avant de trouver le rejeton de l'Arbre Blanc, le fait qu'il soit bien plus décontenancé que "trotro fort" lorsqu'il quitte Eowyn, et son physique, qui ne semble pas être extrêmement "trotro beau" du moins à l'époque du Poney. Même Poiredebeurré a sa complexité: un crétin qui peut "voir à travers un mur de briques" dit Gandalf.

En conclusion, je dirais que si des genres se meuvent, c'est parce qu'ils sont bien incarnés par des personnages à certains moments, mais que cet aspect est renforcé par le premier sujet du roman, qui met en scène de petites personnes qui viennent sauver les grandes en devenant meilleurs (l'initiation), et par la richesse géographique (ethnologique) qui caractérise le deuxième sujet de l’œuvre: le voyage. Modifié par Tiki
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[quote]J'ai vu une visite sur mon profil, je me suis dit que ça avait un rapport avec une attente quelconque de ta part pour ton sujet...[/quote]
:rolleyes:
Héhé.
En fait, même pas, je fais ça tout le temps avec tout le monde, dès que je suis en train de taper un truc sur mon ordi avec Internet ouvert, lorsque je réfléchis et que mes doigts ont la bougeotte, ils font le tour de tous les forums et de tous les contacts où je traîne sur le net... Mais remarque, il y a peut-être une part d'appel à l'aide refoulé dans cette démarche, moi qui suis une âme tourmentée en quête désespérée de reconnaissance.... :whistling:

Sinon, sur le fond :
[quote]Je trouve d'abord que tu aurais pu insister davantage sur le nombre de genres tout en étant concis, cela aurait peut-être gagné en clarté et en force.[/quote]
Pas faux. J'avais à la base prévu un autre paragraphe sur la toute fin du roman, la libération de la Comté, qui voit surgir une sorte de contre-utopie digne de [i]La ferme des animaux[/i] ou du [i]Meilleur des mondes[/i], mais je m'étais dit que ça allait faire vraiment long pour un post sur forum internet...
Donc peut-être prévoir un propos encore plus "catalogue", avec une multitude d'exemples courts et pertinents pour montrer la diversité des genres ?
[quote]
Du coup, à la lecture de la première partie, je me dis: Certes, il y a plusieurs genres. Mais en quoi est-ce incroyable? Tous les auteurs savent manier plusieurs plumes, gèrent le comique et le tragique... la question que tu poses, c'est que la cohabitation de ces genres définit en quelque sorte un Seigneur des Anneaux indéfinissable en termes de genre. Soit. [/quote]
Ce n'est pas seulement ça, en fait ; et pour moi, la question de la pluralité des genres est en fait bien plus pertinente pour le Seigneur des Anneaux que pour n'importe quelle oeuvre.
Pourquoi ? Parce que écrire une oeuvre épique dans les 50's, ça n'a rien de naturel ni d'évident, il s'est passé une foule de choses en littérature depuis le temps des légendes arthuriennes. Or, Tolkien ne choisit pas d'ignorer ces choses, il les intègre à son oeuvre. Et même dans ses sources "anciennes", il choisit des influences variées voir contradictoires, et pour moi cela influe sur son ouvrage du niveau le plus macroscopique (cf le découpage en livres qui correspond non seulement à un découpage de personnages, mais aussi à un découpage de genres) jusqu'au niveau le plus microscopique (la déclaration d'amour d'Eowyn à Aragorn, par exemple).
Je pense sincèrement qu'aucune oeuvre ne peut apparaître aussi bigarrée que le Seigneur des Anneaux, et qu'il s'agit certainement du roman qui utilise le plus le croisement de genres différents.

[quote]Ensuite, ta vision externaliste et déterministe (Frodon et Sam doivent quitter la Communauté du fait de leur genre littéraire...) assumée fait de ces genres des personnages à part. Tu n'as ni tort ni raison à mon sens, c'est juste un prisme de lecture inhabituel penché sur la "théorie littéraire".[/quote]
C'est exactement ça.

[quote]un tel voyage initiatique ne serait toujours demeurer au même point[/quote]
Cela n'explique en rien la variation de genre ; on peut voyager tout en restant dans le même genre littéraire.

[quote]par ailleurs le temps qu'a passé Tolkien sur le Sda explique certainement le soin porté à ces détails symbolisés par les cuillers de Lobelia[/quote]
Idem. Il est d'ailleurs assez frappant que Tolkien rentre à fond dans ce genre de détails fort peu épique, alors qu'il préfère souvent éviter de donner les détails de scènes violentes qui colleraient mieux avec une oeuvre purement épique (la mort de Boromir, la torture de Frodon...). Encore une preuve que Tolkien est un génie extraordinaire doté d'une sensibilité admirable et Peter Jackson un misérable bôf avide de grosse baston :lol:
[quote]
Ces genres sont au service de l'histoire, pas l'inverse[/quote]
Ok, je vois bien le reproche. Pour ma maigre défense, dans mon esprit, c'est bien dans ce sens que ça va (les genres sont au service de l'histoire). J'insiste un peu sur le fait que le lecteur est captivé [i]en dépit de[/i] cette pluralité de genres ; je devrais peut-être aller plus loin et affirmer qu'il est captivé [i]grâce à[/i] cette pluralité de genres.

[quote]La diversité des personnages est certainement un des outils et un des arts de l'écrivain, mais ça n'a pas grand lien avec Tolkien spécifiquement.[/quote]
ça a un lien avec la diversité de ses influences "génériques", qui pour moi est spécifique à Tolkien, qui pousse cette diversité à un paroxysme unique en littérature (à mon humble avis, comme dirait l'autre).

Sur Aragorn :
Sa décontenance après son entrevue avec Eowyn me semble précisément aller dans le sens de ce que je dis, dans la lecture que je propose de cette confrontation comme confrontation de personnages qui n'ont rien à faire ensemble et ne devraient pas coexister au sein du même bouquin. Eowyn, à travers la justification de son départ à la guerre, a justifié son appartenance même au récit du Seigneur des Anneaux, et Aragorn, lui dont l'appartenance à cette épopée n'a jamais fait aucun doute, en est un peu décontenancé. Il s'agit là de ce que tu appelles mon interprétation "externaliste" ; sur le plan interne, sans doute que cette décontenance ajoute une nuance plus qu'appréciable à l'assurance habituelle d'Aragorn. Je pense en fait que les deux peuvent être mis en relation en considérant que cette (petite, il faut bien le dire) nuance psychologisante surgit chez Aragorn précisément après sa rencontre avec la modernité littéraire.
Sinon, plus généralement sur Aragorn (et entre autres sur sa laideur) j'avais aussi pondu ce sujet, pour parler des liens entre ses qualités physiques, généalogiques et spirituelles... http://www.warhammer-forum.com/index.php?showtopic=196511

[quote]Même Poiredebeurré a sa complexité: un crétin qui peut "voir à travers un mur de briques" dit Gandalf.[/quote]
Oui, mais Poiredebeurré a juste RIEN à voir avec Aragorn. Je vais pas détailler toutes leurs différences dans leur rôle au sein du récit, mais sur le plan strictement générique, vu que c'est ça qui m'intéresse aujourd'hui (caprice), il est d'un réalisme qui n'a rien d'épique ni d'aragonesque... Cela est peut-être intéressant parce qu'il est un jalon entre la comédie bourgeoise de la Comté et les épopées qui attendent nos héros, tout comme Bree est une étape du tout début de leur voyage. A la limite, il pourrait apparaître dans un roman d'aventures à caractère historique, genre Alexandre Dumas. Bref, il est un signe supplémentaire de la variété d'influences qui convergent dans le Seigneur des Anneaux.



Enfin, Tom Bombadil est sans doute le personnage le plus difficile à interpréter de façon interne au récit, mais le plus facile à interpréter de façon externe au récit, étant donné les renseignements biographiques qu'on a à son sujet : il a été directement incorporé au roman depuis les premiers textes dans lesquels il apparaissait (et où il n'avait aucun lien avec le légendaire), bref, il sort de textes qui ne sont même pas romanesques, et son incongruité générique se ressent à la lecture (même si cela ne remet pas en cause son appartenance finale et utile au patchwork du Seigneur des Anneaux).
[quote]
En conclusion, je dirais que si des genres se meuvent, c'est parce qu'ils sont bien incarnés par des personnages à certains moments, mais que cet aspect est renforcé par le premier sujet du roman, qui met en scène de petites personnes qui viennent sauver les grandes en devenant meilleurs (l'initiation), et par la richesse géographique (ethnologique) qui caractérise le deuxième sujet de l’œuvre: le voyage.[/quote]
Ok. Modifié par deathshade
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Pas convaincu par l'argumentation... Sans doute parce qu'on n'a pas la même vision de ce que recouvre le genre épique. L'épopée, ce n'est pas que la guerre, c'est aussi le voyage, qui est par définition initiatique. Ca va de Gilgamesh à L'Odyssée, de Virgile à Dante, de Beowulf aux Nibelungen. Toutes ces épopées ne se ressemblent pas, mais sont toutes des épopées malgré tout. Si on est bien d'accord que Frodo n'a rien d'un Héraclès, son voyage physique ET spirituel le rapproche fort de Dante. Frodo va au Mordor comme Dante aux Enfers, ce qui lui permet d'atteindre les Terres Immortelles comme Dante le Paradis.

Je lis que les Hobbits n'ont rien d'épique. Certes, au début, et les cuillers de Lobelia illustrent bien ça. Mais le SdA n'est rien d'autre que leur entrée dans l'épopée qui a déjà lieu, sans eux. Pour reprendre l'exemple de Merry et Pipin, ils démontrent lors de leur retour en Comté qu'ils sont devenus épiques, en organisant la résistance et en chassant les bandits. Après avoir rêvé de leur retour durant leurs voyages, et avoir retrouvé leur patrie dévastée quand ils reviennent enfin, ils s'attachent à la défendre. On peut faire le parallèle avec les deux derniers livres de l'Odyssée où Ulysse, après avoir trimé pendant 10 ans pour retrouver sa Pénélope, doit, une fois rentré, affronter les familles des prétendants massacrés. L'épopée est par définition nationale, et qu'est le SdA sinon l'expression de l'héroïsme hobbit, écrit par des Hobbits pour montrer au monde comment les Hobbits l'ont sauvé ?

L'autre exemple qui revient souvent est celui d'Eowyn. En quoi est-elle moins épique que Didon ? Comme elle, est est délaissée pour la seule raison qu'un meilleur mariage attend le héros ailleurs. Comme Enée doit épouser une princesse italienne pour sceller l'alliance avec son pays d'adoption, Aragorn doit épouser Arwen pour renouer avec ce qui a fait la grandeur de la monarchie des Dunedain. Ce qui n'empêche pas l'amour véritable, hein, mais si le passage de l'amour d'Aragorn et Arwen a été sorti du SdA pour être rejeté dans les Appendices, c'est à mon avis aussi pour cette raison-là. Pour revenir à Didon et Eowyn, elles ont un peu la même réaction : le suicide. Sauf que là où Didon ne va pas y aller par quatre chemins, Eowyn choisit une voie qui lui permet de bien finir.

Pour moi, à part le début dans la Comté, tout le SdA ou presque est épique. L'impression de "patchwork" résulte plus des différentes évolutions du concept épique que d'un réel changement de genre. Modifié par deathshade
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[quote]ans doute parce qu'on n'a pas la même vision de ce que recouvre le genre épique. L'épopée, ce n'est pas que la guerre, c'est aussi le voyage, qui est par définition initiatique. Ca va de Gilgamesh à L'Odyssée, de Virgile à Dante, de Beowulf aux Nibelungen.[/quote]
Je suis d'accord. Mais il y a épopée et épopée. voyage initiatique et voyage initiatique. Pour reprendre mes exemples, Moïse et le Petit Poucet, ça n'est pas la même chose. Pour reprendre les tiens, Dante et Achille, ça n'est pas la même chose.
Et encore une fois, je veux bien que de nombreux textes manient plusieurs genres ; je dis simplement qu'à mon sens, le Seigneur des Anneaux le fait plus qu'aucun autre.
Et il faut bien voir que je distingue deux sortes de "rencontre de genres" : le croisement de sources "antiques" différentes (le voyage de Frodon et celui d'Aragorn, par exemple), et la rencontre de genres antiques avec la modernité littéraire (Aragorn et Eowyn, par exemple).

[quote]Si on est bien d'accord que Frodo n'a rien d'un Héraclès, son voyage physique ET spirituel le rapproche fort de Dante.[/quote]
Eh bien, perso, un roman où Dante et Héraclès voyageraient ensemble, je me dirais "what the fuck ?!". Et pourtant, dans le SdA, ça passe nickel.

[quote]Je lis que les Hobbits n'ont rien d'épique. Certes, au début, et les cuillers de Lobelia illustrent bien ça. Mais le SdA n'est rien d'autre que leur entrée dans l'épopée qui a déjà lieu, sans eux. [/quote]
Est-ce que ça n'est pas exactement ce que je dis ?

[quote]Pour reprendre l'exemple de Merry et Pipin, ils démontrent lors de leur retour en Comté qu'ils sont devenus épiques, en organisant la résistance et en chassant les bandits.[/quote]
Je ne suis pas d'accord. Certes, il y a une dimension épique chez Merry et Pippin, mais il y a chez eux des traitements qui relèvent également d'autres genres. Les personnages de Merry et Pippin, lorsqu'ils reviennent de leur périple, ne ressemblent en rien à des héros de épopées ; je pense qu'il faut plutôt les rapprocher soit des contes racontant le passage à l'âge adulte, soit même en partie de personnages modernes de roman d'apprentissage (type [i]Les illusions perdues[/i] ou [i]L'éducation sentimentale[/i]). Je suis peut-être un peu trop affirmatif, mais quand je relis les derniers chapitres du SdA, je n'ai vraiment pas l'impression que Merry et Pippin sont devenus des héros, j'ai l'impression qu'ils sont devenus adultes. Genre, ils ne terminent pas emmenés sur l'Olympe, mais à écrire des bouquins d'histoire et de botanique : c'est plus digne d'un personnage de Balzac que de Homère.

[quote]Après avoir rêvé de leur retour durant leurs voyages, et avoir retrouvé leur patrie dévastée quand ils reviennent enfin, ils s'attachent à la défendre. On peut faire le parallèle avec les deux derniers livres de l'Odyssée où Ulysse, après avoir trimé pendant 10 ans pour retrouver sa Pénélope, doit, une fois rentré, affronter les familles des prétendants massacrés.[/quote]
Je pense que ce que tu dis est en partie juste, mais tu réduis Merry et Pippin à leur côté "bastonneur". Il y a dans leur histoire une dimension d'apprentissage et de passage à l'âge adulte qu'il n'y a pas dans l'Odyssée, pour reprendre ton exemple : Ulysse savait tout aussi bien manier son arc avant que après son aventure ; et de fait, les derniers livres de l'Odyssée sont des livres de reconnaissance du même, Ulysse doit prouver qu'il est le même en dépit des années passées, là où Merry et Pippin doivent prouver qu'ils ont muri, qu'ils ne sont plus les petits cons d'autrefois.
A voir également que la lutte contre Saroumane ajoute au derniers chapitres du SdA une histoire de contre-utopie du genre de Orwell ou Huxley. Donc on est toujours dans le mélange des genres.

[quote]L'autre exemple qui revient souvent est celui d'Eowyn. En quoi est-elle moins épique que Didon ? Comme elle, est est délaissée pour la seule raison qu'un meilleur mariage attend le héros ailleurs. [/quote]
Le traitement psychologique d'Eowyn est incroyablement plus moderne que celui de Didon. L'amour d'Eowyn est mêlé de deuil sublimé, voir de quête d'un père de substitution, etc, etc... Tu réduis le traitement des personnage au scénario du bouquin sans considérer la façon dont l'histoire est racontée ; oui, les ficelles scénaristiques du SdA sont de très vieilles ficelles ; mais la narration et la construction des personnages ne passe pas que par cela, et croise les sources anciennes tout en ajoutant un grand apport de la part de la littérature moderne.

[quote]Pour revenir à Didon et Eowyn, elles ont un peu la même réaction : le suicide. Sauf que là où Didon ne va pas y aller par quatre chemins, Eowyn choisit une voie qui lui permet de bien finir.[/quote]
Alors là, non. La démarche d'Eowyn n'est pas une démarche suicidaire, c'est une démarche de purgation de ses problèmes. Puisque je dis qu'il y a croisement d'inspirations anciennes et modernes, je pourrais m'amuser à dire qu'avec Eowyn, Tolkien invente la "psychothérapie épique", un peu moins coûteuse en euros que celle du divan, mais un peu plus dangereuse :lol:
Sincèrement, tes remarques précédentes me semblaient simplement réductrices ; là, je pense que tu fais carrément un contresens, et qu'il n'y a tout simplement pas de démarche suicidaire chez Eowyn.

[quote]Pour moi, à part le début dans la Comté, tout le SdA ou presque est épique[/quote]
Je nuancerais en disant que tout est globalement épique, avec toujours d'autres influences qui ne sont pas de simples déclinaisons de l'épopée. Le roman d'apprentissage, la modernité psychologique, la contre-utopie anti-communiste, tout ça n'est tout simplement pas inspiré de l'épopée.
Si la formule te plaît mieux, je peux aussi dire que Tolkien a enrichi l'épopée d'inspirations extérieures à elle...
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Du coup je me rends compte que mon message est un peu passé à la trappe dans ce déluge de sentimentalité [img]http://www.warhammer-forum.com/public/style_emoticons/default/laugh.gif[/img]

Un poil plus sérieusement, puisque c'est l'heure des remises en question, ça me fait voir à quel point il me reste du chemin à parcourir. La première chose qui m'a frappé chez Tiki et Poupi (dans le sujet sur Gondolin) c'était leur connaissance étendue de l'oeuvre de Tolkien. Or depuis un an j'ai beaucoup bouquiné, potassé, décortiqué, au point que pour ce qui est des ouvrages phares de Tolkien (Sda, Bilbo, Silmarilion) je pense aujourd'hui pouvoir rivaliser sur de nombreux sujets. Reste que la compréhension de l'oeuvre n'en est pas moins très imparfaite et incomplète malgré tout ce que j'ai pu lire. Témoin ce sujet où Poupi propose une théorie audacieuse à laquelle j'adhère immédiatement... jusqu'à ce que Tiki pointe son nez et défende un point de vue inverse... que je ne peux m'empêcher de trouver pertinent. Une vraie girouette quoi !
Bien sûr ça n'est pas grave et quand je parle de remise en question j'ironise : la littérature n'est pas mon champ d'étude et comparé à vous deux je ne suis qu'un novice (et Tolkien peut très bien n'être qu'un passage de quelques années, j'en ai eu d'autres...). Mais ça me laisse pantois cette malléabilité (à laquelle je ne suis pas habitué). [img]http://www.warhammer-forum.com/public/style_emoticons/default/happy.gif[/img]
[quote name='Poupi' timestamp='1370215889' post='2375363']
Pas faux. J'avais à la base prévu un autre paragraphe sur la toute fin du roman, la libération de la Comté, qui voit surgir une sorte de contre-utopie digne de [i]La ferme des animaux[/i] ou du [i]Meilleur des mondes[/i], mais je m'étais dit que ça allait faire vraiment long pour un post sur forum internet...[/quote]
Malgré ce que j'ai pu dire plus haut je continue de trouver ton idée passionnante, vraie ou non.

[quote name='Poupi']
Ce n'est pas seulement ça, en fait ; et pour moi, la question de la pluralité des genres est en fait bien plus pertinente pour le Seigneur des Anneaux que pour n'importe quelle oeuvre.
Pourquoi ? Parce que écrire une oeuvre épique dans les 50's, ça n'a rien de naturel ni d'évident, il s'est passé une foule de choses en littérature depuis le temps des légendes arthuriennes. Or, Tolkien ne choisit pas d'ignorer ces choses, il les intègre à son oeuvre. Et même dans ses sources "anciennes", il choisit des influences variées voir contradictoires, et pour moi cela influe sur son ouvrage du niveau le plus macroscopique (cf le découpage en livres qui correspond non seulement à un découpage de personnages, mais aussi à un découpage de genres) jusqu'au niveau le plus microscopique (la déclaration d'amour d'Eowyn à Aragorn, par exemple).
Je pense sincèrement qu'aucune oeuvre ne peut apparaître aussi bigarrée que le Seigneur des Anneaux, et qu'il s'agit certainement du roman qui utilise le plus le croisement de genres différents.[/quote]
Du haut de mes fables connaissances littéraires (bon j'exagère) j'ai tendance à te donner raison. As-tu des exemples en tête Tiki pour appuyer ton propos ?

[quote name='Poupi']
Idem. Il est d'ailleurs assez frappant que Tolkien rentre à fond dans ce genre de détails fort peu épique, alors qu'il préfère souvent éviter de donner les détails de scènes violentes qui colleraient mieux avec une oeuvre purement épique (la mort de Boromir, la torture de Frodon...). Encore une preuve que Tolkien est un génie extraordinaire doté d'une sensibilité admirable et Peter Jackson un misérable bôf avide de grosse baston [/quote]
Clair... mais en attendant le manque de détails fait râler le concepteur de profils pour jeux de bastons que je suis [img]http://www.warhammer-forum.com/public/style_emoticons/default/laugh.gif[/img] Des fois je me dis que je devrais faire ça avec Robert E. Howard (que je n'ai au demeurant jamais lu), ça serait plus facile.

[quote name='Poupi']
Enfin, Tom Bombadil est sans doute le personnage le plus difficile à interpréter de façon interne au récit, mais le plus facile à interpréter de façon externe au récit, étant donné les renseignements biographiques qu'on a à son sujet : il a été directement incorporé au roman depuis les premiers textes dans lesquels il apparaissait (et où il n'avait aucun lien avec le légendaire), bref, il sort de textes qui ne sont même pas romanesques, et son incongruité générique se ressent à la lecture (même si cela ne remet pas en cause son appartenance finale et utile au patchwork du Seigneur des Anneaux).[/quote]
Ah finalement je ne suis peut-être pas complètement oublié [img]http://www.warhammer-forum.com/public/style_emoticons/default/happy.gif[/img]

[quote name='Mîm' timestamp='1370273230' post='2375801']
L'épopée est par définition nationale, et qu'est le SdA sinon l'expression de l'héroïsme hobbit, écrit par des Hobbits pour montrer au monde comment les Hobbits l'ont sauvé ?[/quote]
Oui mais c'est assez décalé de ce point de vue. Que sont les Hobbits sinon une caricature tendre de l'Angleterre rurale et traditionnelle dont Tolkien regrettait la disparition ? On s'éloigne de l'épopée glorifiante parce que d'une part nous, lecteurs, n'appartenons pas à la société Hobbit et donc avons un recul qu'ils n'ont pas. Mais on s'amuse aussi avec les héros du manque perspective globale des Hobbits sur l'épopée qu'ils viennent de lire. Homère met en chanson l'Odysée et l'Illiade, pas Ulysse lui-même, or ce qui marque les Hobbits c'est plus la Bataille de Lèzeau que la Chute de Sauron. On s'éloigne assez de la mythologie anglaise qui était la motivation originale de Tolkien.

[quote name='Mîm' timestamp='1370273230' post='2375801']
Pour moi, à part le début dans la Comté, tout le SdA ou presque est épique.
[/quote]
Mais le récit est "enchassé" dans la Comté, introduction et conclusion, plus les appendices. Sans elle il perd beaucoup de son sens. C'est justement un écart majeur. Dans l'Odysée, dans Beowulf, le "chez-soi" n'a d'importance qu'en temps que chez soi, alors que, pour moi, la Comté met le reste de l'aventure en perspective. Ulysse comme Beowulf appartiennent au monde dans lequel ils évoluent. La Grèce d'Ulysse n'est pas différente de Troie, pas plus que la Suède de Beowulf ne l'est vraiment du Danemark de Hrotgar. Les Hobbits viennent d'un univers pacifié, moderne, avec des classes sociales plus proches des nôtres que celles du Moyen-Âge mais évoluent dans un monde violent et merveilleux très éloigné du notre. Je trouve qu'il y a là justement un décalage que l'on retrouve peu ailleurs, qui vient justement, comme le fait remarquer Poupi, du fait que le genre épique n'est pas (ou n'aurait pas été sans Tolkien pour le revisiter), un genre du Vingtième Siècle. Modifié par deathshade
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@Poupi
Je ne nie pas la différence de ton, je nie la différence de genre. Ton titre parle de genreS, moi je n'en vois qu'un : l'épopée (sauf, encore une fois, pour la début dans la Comté). Tu parles de "modernité psychologique" et de "contre utopie anti-communiste", ce ne sont pas des genres littéraires. Didon était "moderne psychologiquement" à l'époque de Virgile, Stace nous présente un Achille qui aurait fait ricaner Homère, la modernité psychologique est naturelle : tout auteur appartient à son siècle. Quant à la "contre utopie anti-communiste", l'épopée est par définition anti-communiste.

Juste histoire de défendre un peu mes exemples quand même : quand je parlais de Merry, Pipin et Ulysse, je m'intéressais effectivement uniquement à la composition de l'oeuvre : l'ajout d'une nouvelle aventure à la fin de la principale. Si tu veux une épopée qui symbolise le passage à l'âge adulte, je quitte l'Odyssée pour les Argonautiques. Quand Jason part à la conquête de la Toison d'Or, du lait lui coule encore du nez. Il revient marié (ou plus ou moins) et en homme ayant fait ses preuves, bref en adulte. Et sa fin n'a rien d'héroïque non plus, pour dire le moins...

Quant à Eowyn, je maintiens qu'elle se jette dans la bataille sans se soucier de sa vie. Partir en guerre et affronter un type réputé invincible, ça dépasse la thérapie psychologique, même puissance 10. M'enfin bon, ça a peu d'importance en fait.


@Peredhil
Angleterre tendre et traditionnelle, sans doute. Mais Tolkien n'imaginait sûrement pas l'Angleterre sous un vasselage étranger, comme l'était la Comté vis-à-vis de l'Arnor. La participation des Hobbits au SdA vaut à la Comté son indépendance, un accroissement de territoire et le respect des puissances étrangères (cf. le respect d'Aragorn à ne pas franchir les limites de la Comté). Pour reprendre l'image de Poupi, la Comté est passée à l'âge adulte. Merry, Pipin et Sam sont donc bien des héros (re)fondateurs.
Pour ta dernière remarque, tu as mis le doigt sur un élément anti-épique : les héros sont les narrateurs. Je ne connais pas d'autre épopée qui fasse ça. Ca induit effectivement un attachement à la petite patrie qu'on ne retrouve pas ailleurs, et donc un décalage plus grand entre le chez-soi et l'extérieur.
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[quote]Tu parles de "modernité psychologique" et de "contre utopie anti-communiste", ce ne sont pas des genres littéraires[/quote]
On va pas partir dans une discussion du type "qu'est-ce qu'un genre littéraire". Je veux bien nuancer mon propos en parlant de "caractéristiques génériques" plutôt que de genres, si ça te va mieux. Et encore, la contre-utopie nanti-communiste, je trouve que c'est vraiment un genre à part entière.

[quote]Didon était "moderne psychologiquement" à l'époque de Virgile[/quote]
Je suis pas d'accord du tout. Didon a une psychologie sommaire et simpliste typique de l'épopée à laquelle elle appartient (et ce n'est pas un reproche à l'épopée, hein). Eowyn est d'une psychologie bien plus riche, avec son aragornolâtrie teintée de quête du père disparu, son besoin de purger son deuil et sa colère, voir même le fait qu'elle tombe amoureuse de deux hommes différents au cours du roman...

[quote]la modernité psychologique est naturelle : tout auteur appartient à son siècle[/quote]
Je comprends pas ce que tu veux dire par là.

[quote]l'épopée est par définition anti-communiste[/quote]
Non, ne serait-ce que pour des raisons d'anachronisme. Il ne suffit pas d'exalter des valeurs opposées au communisme pour être anti-communiste, il faut être influencé négativement par ce dernier. Le règne de Saroumane dans la Comté, s'il ne se réduit pas à un pastiche tolkiennien de l'étatisme et du socialisme, incorpore entre autres ce pastiche.

[quote]Si tu veux une épopée qui symbolise le passage à l'âge adulte, je quitte l'Odyssée pour les Argonautiques. Quand Jason part à la conquête de la Toison d'Or, du lait lui coule encore du nez. Il revient marié (ou plus ou moins) et en homme ayant fait ses preuves, bref en adulte. Et sa fin n'a rien d'héroïque non plus, pour dire le moins...[/quote]
Ce que tu dis est juste, et l'exemple est particulièrement pertinent. Cependant, tu es toujours à citer le scénario, l'action du récit, et non la façon dont il est raconté, si bien que ton propos manque (à mon humble sens !) une partie de la pertinence de ce que tu cites. Ainsi, l'évolution de Merry et Pippin est marquée par une transformation caractérielle explicite dans la narration du récit (confiance en soi, capacités de réflexion et d'analyse...) qui à mon avis les démarque des récits purement guerriers où l'évolution du héros n'apparaît que par des signes extérieurs (acquisition de trophées, etc...). En ceci, je pense que les personnages de Merry et Pippin sont moins représentatifs d'archétypes épiques que d'autres types de récits, comme le conte initiatique ou le roman d'apprentissage.

[quote]Quant à Eowyn, je maintiens qu'elle se jette dans la bataille sans se soucier de sa vie. Partir en guerre et affronter un type réputé invincible, ça dépasse la thérapie psychologique, [/quote]
Je vois ce que tu veux dire, mais le sens finalement donné à ce geste est bien celui d'une thérapie psychologique hardcore. En ceci, Eowyn est très différentes de Didon, dont le geste suicidaire ne se voit conféré aucune valeur thérapeutique.
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[quote]On va pas partir dans une discussion du type "qu'est-ce qu'un genre littéraire". Je veux bien nuancer mon propos en parlant de "caractéristiques génériques" plutôt que de genres, si ça te va mieux. Et encore, la contre-utopie nanti-communiste, je trouve que c'est vraiment un genre à part entière.[/quote]
Ca me va mieux ^_^

[quote]Je suis pas d'accord du tout. Didon a une psychologie sommaire et simpliste typique de l'épopée à laquelle elle appartient (et ce n'est pas un reproche à l'épopée, hein). Eowyn est d'une psychologie bien plus riche, avec son aragornolâtrie teintée de quête du père disparu, son besoin de purger son deuil et sa colère, voir même le fait qu'elle tombe amoureuse de deux hommes différents au cours du roman...[/quote]
Un mari aimé et assassiné, un second mariage forcé, un exil, tout ça avant de se faire jeter une dernière fois. Elle ne se suicide pas seulement par désespoir, mais surtout pour faire du mal à Enée, en qui elle a cru. Psychologiquement, y'a de quoi dire sur Didon aussi. C'est selon moi un des personnages les plus riches de l'Enéide, plus qu'Enée lui-même d'ailleurs. Les personnages épiques peuvent avoir une vraie psychologie, mais leur conduite est toujours finalement dictée par l'épopée. Si Eowyn avait été aussi moderne psychologiquement, elle aurait pris trois cachets d'aspirine avant d'aller faire dodo, elle ne se serait pas ruée au combat.
Et puis je rechigne à faire d'elle un nouvel Oedipe, réduit par la psychologie à l'illustration d'un complexe de gamin ! :lol:

[quote]Je comprends pas ce que tu veux dire par là.[/quote]
On est forcément influencé par le monde dans lequel on vit, tout simplement. La jeune fille qui désobéit pour faire comme les hommes, c'est plus 20e siècle que 8e ACN, indubitablement. Mais pour en venir au style, que tu me reproches de ne pas évoquer, je trouve quand même qu'il reste épique : on n'a pas des pages et des pages retraçant tout ses déchirements et toutes ses hésitations, on n'a que le récit de ses actes et quelques déclarations bravaches. On n'a pas non plus de morale ou de jugement posé par l'auteur sur son geste, si ce n'est encore une fois par ses déclarations et ses actes.

[quote]Non, ne serait-ce que pour des raisons d'anachronisme. Il ne suffit pas d'exalter des valeurs opposées au communisme pour être anti-communiste, il faut être influencé négativement par ce dernier. Le règne de Saroumane dans la Comté, s'il ne se réduit pas à un pastiche tolkiennien de l'étatisme et du socialisme, incorpore entre autres ce pastiche.[/quote]
Je vois ce que tu veux dire. Mais je ne vois pas en quoi l'établissement de Saroumane dans la Comté est un pastiche du communisme... Tu peux développer stp ?

[quote]Ce que tu dis est juste, et l'exemple est particulièrement pertinent. Cependant, tu es toujours à citer le scénario, l'action du récit, et non la façon dont il est raconté, si bien que ton propos manque (à mon humble sens !) une partie de la pertinence de ce que tu cites. Ainsi, l'évolution de Merry et Pippin est marquée par une transformation caractérielle explicite dans la narration du récit (confiance en soi, capacités de réflexion et d'analyse...) qui à mon avis les démarque des récits purement guerriers où l'évolution du héros n'apparaît que par des signes extérieurs (acquisition de trophées, etc...). En ceci, je pense que les personnages de Merry et Pippin sont moins représentatifs d'archétypes épiques que d'autres types de récits, comme le conte initiatique ou le roman d'apprentissage.[/quote]
C'est pas faux. Mais il n'empêche que Merry et Pippin reviennent en armes aux couleurs du Rohan et du Gondor. Rien de comparable à une peau de bouc en or, on est d'accord, mais leur "passage à l'âge adulte" se manifeste par une taille accrue et un accoutrement guerrier, qui interpelle beaucoup les Hobbits d'ailleurs. On ne trouvera ça dans aucun conte.

[quote]Je vois ce que tu veux dire, mais le sens finalement donné à ce geste est bien celui d'une thérapie psychologique hardcore. En ceci, Eowyn est très différentes de Didon, dont le geste suicidaire ne se voit conféré aucune valeur thérapeutique.[/quote]
Tout est dans le "finalement". Rappelle-toi la première fois que tu as lu le SdA. Tu t'es dit "elle va se faire soigner" ou bien "elle cherche à se faire buter" ? Sa guérison est une conséquence de sa tentative de suicide, pas son but.
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On ne va pas se répéter sur Eowyn ; je pense que chacun de nous comprend le point de vue de l'autre. Peut-être que je peux juste insister sur un point que je n'ai pas beaucoup mis en avant dans mon précédent message : les personnages se construisent non seulement par eux-mêmes, mais aussi par contraste les uns avec les autres ; or, le contraste entre Aragorn et Eowyn est particulièrement fort, et il me semble receler quelque chose de générique : Aragorn semble échappé de ces genres où les hommes sont représentés comme meilleurs qu'ils sont, Eowyn est d'un "réalisme" humain qui paraît à mon sens incongru à côté de la grandeur d'Aragorn.
[quote]Et puis je rechigne à faire d'elle un nouvel Oedipe, réduit par la psychologie à l'illustration d'un complexe de gamin ! :lol: [/quote]
Une lecture n'est réductrice que si elle se prétend exclusive...

[quote]On est forcément influencé par le monde dans lequel on vit, tout simplement. La jeune fille qui désobéit pour faire comme les hommes, c'est plus 20e siècle que 8e ACN, indubitablement.[/quote]
Ah, ok. Là pour le coup, on va inverser les rôles, c'est moi qui vais nuancer la modernité que tu vois dans le travestissement : le coup de la femme qui se travestit pour faire comme les hommes, entre Mulan, la Papesse Jeanne, ou les femmes pirates dont j'ai oublié le nom, je pense que c'est un topos (oserais-je dire un fantasme ? :lol: ) qu'on peut trouver dans bien des récits. Et je vois mal Tolkien se faire chantre des revendications féministes modernes... Mais il y a peut-être une part de vérité dans ton argument.
[quote]
Mais pour en venir au style, que tu me reproches de ne pas évoquer, je trouve quand même qu'il reste épique : on n'a pas des pages et des pages retraçant tout ses déchirements et toutes ses hésitations, on n'a que le récit de ses actes et quelques déclarations bravaches[/quote]
Le dialogue entre Eowyn et Faramir est quand même superbe pour de psychologie des personnages ; se sont deux personnages aux histoires familiales quasiment identiques, et qui découvrent ensemble qu'ils sont littéralement faits l'un pour l'autre.
[quote]
On n'a pas non plus de morale ou de jugement posé par l'auteur sur son geste[/quote]
J'ai envie de te dire que justement, ça me semble plutôt moderne : Eowyn n'est pas comme Aragorn un personnage idéal, on est bien plus proche de la littérature "miroir au bord du chemin" qui se contente de refléter l'âme humaine sans forcément prétendre la juger.

[quote]Mais je ne vois pas en quoi l'établissement de Saroumane dans la Comté est un pastiche du communisme... Tu peux développer stp ? [/quote]
C'est une critique de l'étatisme (règles, etc...) et surtout de la prétention étatique à la redistribution des richesses (cf les impôts qui sont prélevés pour un pseudo-bien commun), qui passe aussi par une assimilation de la machinerie politique à la machinerie industrielle.
[quote]
Rappelle-toi la première fois que tu as lu le SdA. Tu t'es dit "elle va se faire soigner" ou bien "elle cherche à se faire buter" ? Sa guérison est une conséquence de sa tentative de suicide, pas son but. [/quote]
Eh bien, sincèrement, je trouve que le récit ne donne pas une impression de tentative suicidaire. Plutôt d'acte irréfléchi : ce n'est pas que son but est de mourir, c'est qu'elle n'a aucun but précis. Elle est attirée par le champ de bataille à cause des passions guerrières qui l'animent ; mais son mouvement n'est pas provoqué par l'attirance d'une fin, il est la conséquence de l'animation de la jeune femme.
Comparaison foireuse pour expliquer ce que je veux dire : certains mineurs vont être choqués d'apprendre ça, mais on peut avoir envie d'une femme sans désirer engendrer un enfant, simplement mû par son désir sexuel. Eowyn ressent le besoin d'aller sur le champ de bataille, mais pas pour mourir, exactement comme nous ressentons le désir de posséder une femme, mais pas pour engendrer.
Enfin, "exactement"... C'est une comparaison qui atteint facilement ses limites, inutile de la filer.
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[quote name='Poupi' timestamp='1371243676' post='2383044']
[quote]Mais je ne vois pas en quoi l'établissement de Saroumane dans la Comté est un pastiche du communisme... Tu peux développer stp ? [/quote]
C'est une critique de l'étatisme (règles, etc...) et surtout de la prétention étatique à la redistribution des richesses (cf les impôts qui sont prélevés pour un pseudo-bien commun), qui passe aussi par une assimilation de la machinerie politique à la machinerie industrielle. [/quote]
Quelle machinerie industrielle dans la Comté?
Quant à la confiscation des richesses, il va falloir des exemples plus précis que ça. Tout royaume a des impôts, et le Gondor rationne sa nourriture. Pas besoin du communisme pour ça.
C'est un exemple du dévoiement du pouvoir et de l'autorité, un thème traité dans le Seigneur des Anneaux, pas une critique du communisme... ce qui reviendrait d'ailleurs à une allégorie.

[quote name='Poupi' timestamp='1371243676' post='2383044']
Eh bien, sincèrement, je trouve que le récit ne donne pas une impression de tentative suicidaire. Plutôt d'acte irréfléchi : ce n'est pas que son but est de mourir, c'est qu'elle n'a aucun but précis. Elle est attirée par le champ de bataille à cause des passions guerrières qui l'animent ; mais son mouvement n'est pas provoqué par l'attirance d'une fin, il est la conséquence de l'animation de la jeune femme.
Comparaison foireuse pour expliquer ce que je veux dire : certains mineurs vont être choqués d'apprendre ça, mais on peut avoir envie d'une femme sans désirer engendrer un enfant, simplement mû par son désir sexuel. Eowyn ressent le besoin d'aller sur le champ de bataille, mais pas pour mourir, exactement comme nous ressentons le désir de posséder une femme, mais pas pour engendrer.
Enfin, "exactement"... C'est une comparaison qui atteint facilement ses limites, inutile de la filer.
[/quote]
Je crois que ton exemple est contre-productif. Le désir sexuel est quelque chose de très commun, concevable comme le désir de mort. On sait pourquoi on est attiré, et on sait ce vers quoi on se dirige.
Toi, tu dis qu'elle ne sait pas vers quoi elle va, que c'est vague. Or elle sait parfaitement qu'elle va à la mort. Aragorn le dit en la guérissant, il peut guérir son corps, pas son esprit. En décidant de se cacher et de se battre, elle ne se laisse pas porter par le cours naturel des choses, elle effectue un acte fort qui signifie qu'elle maîtrise sa vie. Et qu'elle la mène à son terme. Il peut y avoir la raison de prouver sa valeur également, mais fondamentalement elle veut autant retrouver les gens qu'elle aime que mourir à leurs côtés. Modifié par Tiki
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[quote]Quelle machinerie industrielle dans la Comté? [/quote]
Eh bien, la première chose que fait Sharcoux dans la Comté, d'après Chaumine, est de démolir un moulin pour un bâtir un plus grand et rempli "de roues et de machins étranges" qui permet de "moudre davantage et plus vite". Cette machinerie industrielle est associée à la machinerie étatique, le nouveau moulin étant la propriété du gouvernement et non du meunier. Et les moulins industriels se multiplient et "ils sont toujours à marteler et à émettre de la fumée et de la puanteur", à "déverser des ordures", si bien que "ils ont pollué toute l'eau"

[quote]Quant à la confiscation des richesses, il va falloir des exemples plus précis que ça.[/quote]
Eh du calme ! ;)
Pour te répondre sur le fond, les collecteurs d'impôts sont explicitement présentés comme des voleurs de grand chemin ; cf d'ailleurs ce que dis Chaumine : ils volent mais préfèrent appeler ça "ramassage pour une juste distribution" alors que leurs exactions aboutissent en réalité à un système très inégalitaire où les agents du système jouissent de toutes les denrées nécessaires tandis que le reste du peuple souffre de pénurie (bref, exactement comme dans 1984, pour prendre un exemple très célèbre).

[quote]C'est un exemple du dévoiement du pouvoir et de l'autorité, un thème traité dans le Seigneur des Anneaux, pas une critique du communisme... ce qui reviendrait d'ailleurs à une allégorie.[/quote]
Je suis d'accord pour dire que ça dépasse une simple critique du communisme, mais c'est aussi plus qu'une question de dévoiement : c'est vraiment la question de l'étatisme qui est posée ici. Ce n'est pas une allégorie ; une allégorie, c'est quand on représente une chose par une autre (par exemple, faire de l'Anneau un symbole de la bombe atomique, c'est de l'allégorie, parce qu'en soi, l'Anneau n'est pas une bombe atomique) ; ici, l'étatisme n'est pas représenté par autre chose, il est directement présent. Peut-être ai-je donner l'impression de penser que Sharcoux est un avatar de Staline ou je ne sais qui ; ce n'est pas ce que je voulais dire, je voulais dire que Saruman associait dans son personnage la machinerie industrielle et la machinerie étatique/politicienne (d'où ses discours sur le bien commun, etc...), et que c'est dans le nettoyage de la Comté que son caractère étatique se révèle le plus (là où avant, il est plus dans le rôle du politicien trompeur), par son usage des impôts et des Règles.
J'affirme par ailleurs qu'il est idiot de ne pas lier cela à l'anti-communisme de Tolkien, tout comme il est idiot de ne pas lier l'esthétique de Fangorn à son amour de la nature. Ce n'est pas de l'allégorie, c'est la présence de valeurs au sein de l’œuvre, et j'affirme que cette présence n'est pas allégorique, mais franchement explicite : quand on parle de "ramassage pour une juste distribution", ce n'est pas une allégorie des impôts de l'état, ce sont les impôts de l'état. Si ça peut m'aider à me faire comprendre, prenez la différence anglaise entre "like" et "as". Sharcoux ne se comporte pas "like" l'état moderne et socialiste, il se comporte "as" l'état moderne et socialiste. De même, Sylvebarbe ne se comporte pas "like"la nature, il se comporte "as" la nature (bon, dit comme ça, c'est un peu simpliste, m'enfin vous voyez c'que j'veux dire, quoi).
Et cela, donc, rapproche le Seigneur des Anneaux d'un autre genre qui n'a a priori rien à voir, celle de la contre-utopie politique, qui n'est pas un genre allégorique (avec le contre-exemple de la Ferme des Animaux, qui n'est pas représentatif du genre), qui n'est pas un genre où le danger politique est représenté symboliquement, mais un genre où il est directement présent dans l’œuvre (1984, Le talon de fer, Le meilleur des mondes, Fahrenheit 451... ce ne sont pas des ouvrages allégoriques, mais des descriptions littérales quoique anticipatrices).



Sinon, sur Eowyn, je comprends votre point de vue et je l'accepte ; je ressens juste sincèrement une impression de "oncongruité" entre les différents personnages du SdA, et notamment dans la rencontre entre Eowyn et Aragorn.
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[quote name='Poupi' timestamp='1371243676' post='2383044']
Ou les femmes pirates dont j'ai oublié le nom[/quote]
Sacrilège ! Et Anne Bonny ? Et Mary Read ? Rah là là...
(non en fait c'est pas mon fantasme mais ça m'intéressais juste parce que je me rappelais vaguement d'Anne Bonny et d'une autre alors j'ai fait une recherche wikipedia et je me suis dit : je vais partager)

[quote name='Tiki' timestamp='1371250756' post='2383090']
Quelle machinerie industrielle dans la Comté? [/quote]
[i]" Ils virent le nouveau moulin dans toute sa rébarbative et sale laideur : grand bâtiment de brique à cheval sur la rivière, qu'il polluait d'un débordement fumant et nauséabond." (SdA, VI, 8)[/i]

[quote name='Tiki' timestamp='1371250756' post='2383090']
Quant à la confiscation des richesses, il va falloir des exemples plus précis que ça. Tout royaume a des impôts, et le Gondor rationne sa nourriture. Pas besoin du communisme pour ça.[/quote]
[i]"Quand les bandits faisaient leur tournée de ramassage pour une 'juste distribution' : ce qui signifiait qu'il l'avait et pas nous." (SdA, VI, 8)[/i]

Le Gondor rationne et prélève pour la guerre, pour une forme de bien commun et parce qu'il est en guerre (c'est donc justifié). Là c'est différent : on voit bien que les Hobbits ne sont pas habitués aux impôts.

[quote name='Tiki' timestamp='1371250756' post='2383090']
C'est un exemple du dévoiement du pouvoir et de l'autorité, un thème traité dans le Seigneur des Anneaux, pas une critique du communisme... ce qui reviendrait d'ailleurs à une allégorie.[/quote]
On sait que Tolkien enfreignait parfois sa règle d'airain sur les allégories, ou jouait dans un terrain à mi-chemin entre l'allégorie et ce qu'il appelait "l'applicabilité". Si le Seigneur des Anneaux est une critique du pouvoir en général (au point que certains y voient un brûlot anarchiste de droite) ce passage est plus spécifique et s'attaque non pas au dévoiement du pouvoir en général (qui est bien l'un des thèmes centraux du livre : le pouvoir est dangereux par essence et la seule attitude raisonnable est de s'en débarrasser) mais à cette forme particulière qu'est l'étatisme, le communisme en est une forme mais il y en a d'autres. Applicabilité ? Je trouve que dans ce cas précis Poupi n'as pas tort : les ficelles sont trop grosses.

[quote name='Tiki' timestamp='1371250756' post='2383090']
Je crois que ton exemple est contre-productif. Le désir sexuel est quelque chose de très commun, concevable comme le désir de mort. On sait pourquoi on est attiré, et on sait ce vers quoi on se dirige.
Toi, tu dis qu'elle ne sait pas vers quoi elle va, que c'est vague. Or elle sait parfaitement qu'elle va à la mort. Aragorn le dit en la guérissant, il peut guérir son corps, pas son esprit. En décidant de se cacher et de se battre, elle ne se laisse pas porter par le cours naturel des choses, elle effectue un acte fort qui signifie qu'elle maîtrise sa vie. Et qu'elle la mène à son terme. Il peut y avoir la raison de prouver sa valeur également, mais fondamentalement elle veut autant retrouver les gens qu'elle aime que mourir à leurs côtés.
[/quote]
J'ai plutôt tendance à prendre le parti de Tiki ici, même si fondamentalement ça n'enlève rien pour moi à la modernité du personnage d'Eowyn.

Dzt : grillé par Poupi lui-même.
J'ajouterais juste que puisqu'on parle de style littéraire le Nettoyage de la Comté, par son coté plus champêtre mais aussi plus satirique (okay ce n'est pas un passage drôle mais le ton plus léger n'a rien à voir avec l'horreur de Mordor) me faisait plus penser à la Ferme des Animaux qu'à 1984. Je vois ce que tu veux dire sur le fond, sur l'intention qui est de peindre un étatisme de fiction et pas de caricaturer l'URSS en particulier, mais c'est la forme qui m'a fait faire ce rapprochement. Modifié par Peredhil
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[quote name='Poupi' timestamp='1371286502' post='2383165']
[quote]Quelle machinerie industrielle dans la Comté? [/quote]
Eh bien, la première chose que fait Sharcoux dans la Comté, d'après Chaumine, est de démolir un moulin pour un bâtir un plus grand et rempli "de roues et de machins étranges" qui permet de "moudre davantage et plus vite". Cette machinerie industrielle est associée à la machinerie étatique, le nouveau moulin étant la propriété du gouvernement et non du meunier. Et les moulins industriels se multiplient et "ils sont toujours à marteler et à émettre de la fumée et de la puanteur", à "déverser des ordures", si bien que "ils ont pollué toute l'eau"

[quote]Quant à la confiscation des richesses, il va falloir des exemples plus précis que ça.[/quote]
Eh du calme ! ;)
Pour te répondre sur le fond, les collecteurs d'impôts sont explicitement présentés comme des voleurs de grand chemin ; cf d'ailleurs ce que dis Chaumine : ils volent mais préfèrent appeler ça "ramassage pour une juste distribution" alors que leurs exactions aboutissent en réalité à un système très inégalitaire où les agents du système jouissent de toutes les denrées nécessaires tandis que le reste du peuple souffre de pénurie (bref, exactement comme dans 1984, pour prendre un exemple très célèbre).

[quote]C'est un exemple du dévoiement du pouvoir et de l'autorité, un thème traité dans le Seigneur des Anneaux, pas une critique du communisme... ce qui reviendrait d'ailleurs à une allégorie.[/quote]
Je suis d'accord pour dire que ça dépasse une simple critique du communisme, mais c'est aussi plus qu'une question de dévoiement : c'est vraiment la question de l'étatisme qui est posée ici. Ce n'est pas une allégorie ; une allégorie, c'est quand on représente une chose par une autre (par exemple, faire de l'Anneau un symbole de la bombe atomique, c'est de l'allégorie, parce qu'en soi, l'Anneau n'est pas une bombe atomique) ; ici, l'étatisme n'est pas représenté par autre chose, il est directement présent. Peut-être ai-je donner l'impression de penser que Sharcoux est un avatar de Staline ou je ne sais qui ; ce n'est pas ce que je voulais dire, je voulais dire que Saruman associait dans son personnage la machinerie industrielle et la machinerie étatique/politicienne (d'où ses discours sur le bien commun, etc...), et que c'est dans le nettoyage de la Comté que son caractère étatique se révèle le plus (là où avant, il est plus dans le rôle du politicien trompeur), par son usage des impôts et des Règles.
J'affirme par ailleurs qu'il est idiot de ne pas lier cela à l'anti-communisme de Tolkien, tout comme il est idiot de ne pas lier l'esthétique de Fangorn à son amour de la nature. Ce n'est pas de l'allégorie, c'est la présence de valeurs au sein de l’œuvre, et j'affirme que cette présence n'est pas allégorique, mais franchement explicite : quand on parle de "ramassage pour une juste distribution", ce n'est pas une allégorie des impôts de l'état, ce sont les impôts de l'état. Si ça peut m'aider à me faire comprendre, prenez la différence anglaise entre "like" et "as". Sharcoux ne se comporte pas "like" l'état moderne et socialiste, il se comporte "as" l'état moderne et socialiste. De même, Sylvebarbe ne se comporte pas "like"la nature, il se comporte "as" la nature (bon, dit comme ça, c'est un peu simpliste, m'enfin vous voyez c'que j'veux dire, quoi).
Et cela, donc, rapproche le Seigneur des Anneaux d'un autre genre qui n'a a priori rien à voir, celle de la contre-utopie politique, qui n'est pas un genre allégorique (avec le contre-exemple de la Ferme des Animaux, qui n'est pas représentatif du genre), qui n'est pas un genre où le danger politique est représenté symboliquement, mais un genre où il est directement présent dans l’œuvre (1984, Le talon de fer, Le meilleur des mondes, Fahrenheit 451... ce ne sont pas des ouvrages allégoriques, mais des descriptions littérales quoique anticipatrices).

[/quote]

Et selon toi, comment l'occupation des pays libres par Sauron se serait-elle manifestée, sinon de cette façon? Dénaturation du paysage et de la société, pillage, appropriation des richesses... c'est une image en petit de ce que Sauron aurait pu faire, comme Saroumane a toujours été un Sauron en petit.
Si ce que tu dis tient toujours, cela revient à dire que toute la machinerie de Sauron et Saroumane est assimilable au communisme (et d'autant mieux en ce qui concerne l'industrie, et bien d'autres choses)... et donc que les orques sont des communistes, puisqu'ils promeuvent cet état de fait. Je ne sais pas si tu t'appuies de Shippey, qui a écrit cette hypothèse sous la Guerre Froide. Mais c'est aller loin.
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[quote]Et selon toi, comment l'occupation des pays libres par Sauron se serait-elle manifestée, sinon de cette façon? Dénaturation du paysage et de la société, pillage, appropriation des richesses... c'est une image en petit de ce que Sauron aurait pu faire, comme Saroumane a toujours été un Sauron en petit.[/quote]
Ah non ! Ne recommence pas avec tes "et si..." ! :lol:
Je vais te refaire la leçon que tu détestes : une œuvre, elle est le fruit de décisions de l'auteur, qu'elles soient ou non motivées consciemment. Ce qui compte, pour la comprendre, c'est ce qui se passe, pas ce qui pourrait se passer. Par exemple, se demander ce qui se serait passé si Aragorn était parti avec Eowyn, c'est amusant pour jouer à imaginer des scénatios alternatifs ou de la fanfiction (activité fort respectable en soi), mais pour comprendre l'oeuvre du Seigneur des Anneaux, pour comprendre ses personnages, il vaut mieux au contraire chercher à comprendre pourquoi Tolkien ne fait pas s'épouser Aragorn et Eowyn. De même, comparer l'occupation effective de la Comté par Saroumane ou son occupation théorique par Sauron, c'est utile pour faire de la fanfiction, mais pour comprendre l'oeuvre du Seigneur des Anneaux, il vaut mieux au contraire chercher à comprendre pourquoi Tolkien fait s'effectuer cette occupation par Saroumane et non par Sauron.

[quote]Si ce que tu dis tient toujours, cela revient à dire que toute la machinerie de Sauron et Saroumane est assimilable au communisme[/quote]
J'ai l'impression que par assimilable, tu entends un peu "réductible à". Je ne le pense pas du tout. Mais je pense que Tolkien a une personnalité très forte et donc dotée d'une très forte cohérence interne, et que ses différents traits sont liées (spiritualité, psychologie, convictions politiques ou autres, etc...). Et par exemple, le personnage de Saroumane, comme l'ensemble de l’œuvre, rassemble en son sein des convictions sur des thèmes en apparence fort différent : la politique, l'écologie, le rapport au pouvoir, l'ontologie du Mal (Bien=Être, Mal=Néant, et plus Saroumane progresse dans sa damnation, plus il s'amenuise physiquement et psychiquement), etc...
Par ailleurs, son oeuvre traite de sujets éternels qui dépassent de loin telle ou telle réalité politique précise, mais qui peuvent s'y rapporter. Genre, si je lis un poème religieux qui affirme que toute vie est sacrée, "l'assimiler" à un pamphlet hostile à la peine de mort et à l'avortement me semble franchement réducteur. Mais si je note que que l'auteur a vécu à une époque marquée par de forts débats sur ces questions, et qu'en plus je relève un ou deux trucs du genre "même la vie du plus fragile ou du plus criminel est un fragment d'étincelle divine" ou je sais pas quoi du même style, il me semble pertinent d'évoquer ces sujets sans y réduire l’œuvre.

[quote]et donc que les orques sont des communistes, puisqu'ils promeuvent cet état de fait. Je ne sais pas si tu t'appuies de Shippey, qui a écrit cette hypothèse sous la Guerre Froide. Mais c'est aller loin. [/quote]
Je n'ai pas lu Shippey, mais perso, je n'irai jamais balancer un truc aussi simpliste que "orques=communistes".




Accessoirement, pour moi, Tolkien est bien un "anarchiste de droite", en tout cas ce qu'on entend par cette expression (que perso je pense inappropriée).
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Ce que Sauron aurait pu faire, c'est de la fanfiction? Ce n'est pas un joyeux délire comme Eowyn et Aragorn. C'est le sujet de l'histoire, un processus expliqué (la Bouche de Sauron prendra le contrôle de l'Ouest à Orthanc) contre lequel se battent les héros. Rien à voir avec une vague hypothèse. Sauron a un plan qu'il va appliquer, et la vraie fan-fiction de leur point de vue, c'est de croire qu'ils vont réussir à jeter l'Anneau dans l'Orodruin.
Pour faire plus simple, comment ça fonctionne en Isengard et en Mordor? Plutôt pareil. Or le fonctionnement de la Comté ne diffère pas non plus de ce qu'on peut voir en Isengard. Les trois sont identiques, que ce soit Sauron ou Saroumane qui occupe ne change rien. C'est le Mal qui occupe la Comté, avec la Saroumane's touch. Pourquoi l'isoler? Modifié par Tiki
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C'est vrai qu'il y a une différence entre Aragorn et Sauron : Aragorn ne finit pas avec Eowyn parce qu'il choisit Arwen. Tandis que Sauron ne peut mettre sous sa coupe les peuples libres parce qu'il est détruit.

Sinon c'est vrai que la conjonction de l'industrialisme et de la spoliation étatique peut en effet correspondre au régime soviétique (plutôt qu'au communisme). J'y rajouterais peut-être aussi le contexte de guerre : réquisition, rationnement, suspension des libertés, censure, propagande. Ca aussi ça fait parti du vécu de Tolkien. Et ça correspond à bien des démocraties en guerre, et a fortiori des dictatures en guerre.
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Plutôt d'accord avec Poupi pour le coup (enfin c'est souvent mais bon...)
[quote name='Poupi']
Accessoirement, pour moi, Tolkien est bien un "anarchiste de droite", en tout cas ce qu'on entend par cette expression (que perso je pense inappropriée).
[/quote]
Bah le seul terme qui y ressemble étant le "libertarien" américain qui est, à mon avis, à des kilomètres de la vision de Tolkien, mieux vaut rester sur ce vocable certes impropre mais qui au moins permet de savoir, plus ou moins, de quoi on parle.

[quote name='Tiki' timestamp='1371313798' post='2383324']
Ce que Sauron aurait pu faire, c'est de la fanfiction? Ce n'est pas un joyeux délire comme Eowyn et Aragorn. C'est le sujet de l'histoire, un processus expliqué (la Bouche de Sauron prendra le contrôle de l'Ouest à Orthanc) contre lequel se battent les héros. Rien à voir avec une vague hypothèse. Sauron a un plan qu'il va appliquer, et la vraie fan-fiction de leur point de vue, c'est de croire qu'ils vont réussir à jeter l'Anneau dans l'Orodruin.[/quote]
C'est rigolo on retombe toujours sur l'opposition "interniste"/"externiste" [img]http://www.warhammer-forum.com/public/style_emoticons/default/biggrin.gif[/img] Mais mon avis là tu te trompe Tiki : certes d'un point de vue interne le mariage d'Eowyn avec Aragorn est plus crédible que la chute de Sauron mais du point de vue de Tolkien ce mariage est envisageable (et envisagé au vu des HOME) alors que la victoire du bien est une composante indispensable du récit pour Tolkien le catholique (les victoires temporaires qui préfigurent la victoire finale, etc...).

[quote name='Tiki' timestamp='1371313798' post='2383324']
Pour faire plus simple, comment ça fonctionne en Isengard et en Mordor? Plutôt pareil. Or le fonctionnement de la Comté ne diffère pas non plus de ce qu'on peut voir en Isengard.
[/quote]
Là je pense tu te trompe encore. Au Toisième Âge Sauron c'est uniquement la peur qui tient son empire : c'est vrai de ses vassaux, des Orques et jusqu'au Nazgûls. Saruman c'est beaucoup plus divers : il y a la peur bien sûr (Grima, Hobbits), mais aussi le fanatisme (Uruks), le mensonge (Dunlendings) et la corruption (bandits). Au final Saruman est un bien meilleur personnage de politicien que Sauron au Troisième (avant bien entendu c'est moins vrai).

[quote name='Lucius Cornelius' timestamp='1371315702' post='2383335']
Sinon c'est vrai que la conjonction de l'industrialisme et de la spoliation étatique peut en effet correspondre au régime soviétique (plutôt qu'au communisme).[/quote]
Bouuuh sale rouge ! [img]http://www.warhammer-forum.com/public/style_emoticons/default/happy.gif[/img]

[quote name='Lucius Cornelius' timestamp='1371315702' post='2383335']

J'y rajouterais peut-être aussi le contexte de guerre : réquisition, rationnement, suspension des libertés, censure, propagande. Ca aussi ça fait parti du vécu de Tolkien. Et ça correspond à bien des démocraties en guerre, et a fortiori des dictatures en guerre.
[/quote]
Oui mais la monarchie en guerre qu'est le Gondor n'agit pas comme ça (ou du moins ça n'est pas montré à dessein), il en va de même en Rohan et ailleurs : on ne fusille pas Bombadil pour désertion alors que les Orques sont impitoyablement réquisitionnés pour une guerre dont il n'ont pas grand chose à faire. Saruman fait partie de ces personnages modernes du roman dont parle Poupi, à mon sens.

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[quote name='Peredhil' timestamp='1371409203' post='2383799']Oui mais la monarchie en guerre qu'est le Gondor n'agit pas comme ça (ou du moins ça n'est pas montré à dessein), il en va de même en Rohan et ailleurs : on ne fusille pas Bombadil pour désertion alors que les Orques sont impitoyablement réquisitionnés pour une guerre dont il n'ont pas grand chose à faire. Saruman fait partie de ces personnages modernes du roman dont parle Poupi, à mon sens.[/quote]Je parle de l'inspiration moderne du monde réel qui inspire Tolkien. Ce qui ne concerne pas ni le Rohan, ni le Gondor, qui ne s'inscrivent dans d'autre références. Saroumane et Sauron sont plus dans la veine guerre, totale, guerre psychologique, propagande, terreur, etc. J'entendais par là qu'au-delà du régime stalinien, ce sont les dictatures modernes, et même les démocraties modernes que l'on peut retrouver dans Saroumane. C'est plus une question d'époque que de régime politique finalement. Tolkien n'aime ni la guerre moderne, ni l'industrialisation, ni les machines, et ça, ça n'est pas typique que de l'URSS.
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Oui enfin la Comté n'est justement pas en guerre. Désolé quand je lis ça je ne vois pas un pays en guerre mais une caricature du collectivisme. Pourtant je ne vis ni dans l'un ni dans l'autre, je suis loin de considérer la France comme un pays socialiste et j'ai beaucoup plus de sympathie pour le second idéal que pour le premier (qui n'en est pas vraiment un il faut le dire), pas de biais de ce coté donc.
Et si on parle d'Histoire : Tolkien ne voyait pas d'un bon oeil la guerre telle qu'elle se déroulait à son époque, était très critique envers Churchill et regrettait que l'alliance avec l'URSS soit inévitable mais il n'a jamais remis en cause la guerre contre le nazisme en soi, preuve qu'il avait conscience que la guerre est parfois inévitable et que pour vaincre un état fasciste il faut y mettre les moyens. Par contre les prélèvements et l'état policier ça n'était pas vraiment sa "tasse de thé" [img]http://www.warhammer-forum.com/public/style_emoticons/default/wink3.gif[/img] Je ne vois pas comment tu peux voire dans Saruman une critique de la démocratie alors qu'il parvient au pouvoir via un coup d'état, assassinant un chef déjà non-élu, et que la démocratie est justement remise en place juste après sa mort. D'autant qu'être contre l'industrialisation et la guerre moderne (qui ne l'est pas ?) et plutôt sceptique sur le fonctionnement de la démocratie (et là encore...) ça n'empêche pas d'accepter une partie de la modernité plutôt que de tout rejeter en bloc.
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La Comté est occupée. Ce qui induit que ses ressources passent à l'occupant et qu'elle est administrée par la force et la collaboration. Ce n'est pas plus du collectivisme que dans n'importe quelle autre occupation.

A l'origine, les ressources étaient envoyées directement en Isengard. Quand Saroumane est venu, elle sont donc restées dans la Comté.

[quote]
Il [La Pustule] avait commencé, bien sûr, par [acheter] une masse de propriétés dans le Quartier du Sud, qu'il avait eues de son papa ; et il semble qu'il vendait un tas de la meilleure feuille, et qu'il l'envoyait en douce au loin depuis un an ou deux. Mais à la fin de l'année dernière, il avait commencé à envoyer des tas de marchandises, pas seulement de l'herbe. Les choses commencèrent à se raréfier, et l'hiver venait, aussi. Les gens s'en irritèrent, mais il avait une réponse toute prête. Un grand nombre d'Hommes, pour la plupart des bandits, vinrent avec de grandes charrettes, les uns pour emporter les marchandises au loin dans le Sud, d'autres pour rester. Et il en vint davantage. Et, avant qu'on sut où on en était, ils étaient plantés par-ci par-là dans toute la Comté ; et ils abattaient des arbres, creusaient, se construisaient des baraquements et des maisons exactement selon leur bon plaisir. Au début, les marchandises et les dommages furent payés par La Pustul; mais ils ne tardèrent pas à tout régenter partout et à prendre ce qu'ils voulaient" SdA VI, 8[/quote]
Quant au fait qu'il s'agit simplement d'une transformation de la Comté par le Mal, à l'image du Mordor et de l'Isengard:

[quote] " - C'est pire que le Mordor! dit Sam. Bien pire, en un sens. Ca vous touche au vif; parce que c'est chez nous et qu'on s'en souvient tel qu c'était avant que tout ait été ruiné.
- Oui, c'est le Mordor, dit Frodon. exactement une de ses oeuvres. Saroumane l'accomplissait, même quand il pensait travailler pour lui-même. Et ç'a été la même chose pour ceux que Saroumane a abusés, comme Lothon." SdA VI, 8[/quote]
La "redistribution" ("Ce sont tous ces "ramasseurs" et "répartiteurs", je pense, qui font des tournées pour compter, mesurer, et emporter à l'emmagasinage. Ils font plus de ramassage que de répartition, et on ne revoit plus jamais la plus grande part des provisions") dont les bandits se chargent est un prétexte creux (il en faut, car certains Hobbits, et notamment les collabos, s'en accommodent) d'accaparement des ressources, pas un vrai but et encore moins une once d'idéologie, sauf si on conçoit que l'occupation et le vol ont une idéologie. Modifié par Tiki
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[quote]Quant au fait qu'il s'agit [b]simplement[/b] d'une transformation de la Comté par le Mal, à l'image du Mordor et de l'Isengard:[/quote]
Tout est dans le simplement. Je trouve qu'ainsi, tu rends cette lecture (par ailleurs évidemment juste) exclusive de toute les autres. Genre "j'ai trouvé une interprétation qui marche, donc pas la peine d'en chercher d'autres". Non seulement le fait que, de façon interne à l'oeuvre, la transformation de la Comté est une transformation à l'image du Mordor n'exclut pas d'y lire une certaine contre-utopie politique, mais au contraire, cette transformation de la Comté en Mordor constitue précisément les principaux ressorts de cette contre-utopie.
Tu donnes plein d'explications internes qui sont très justes (c'est une occupation, etc...) ; cela n'empêche pas le fait qu'il y a dans la description de la Comté de Sharcoux des thèmes non seulement politiques, mais proprement régaliens et étatiste, comme la confiscation des richesses au nom d'une plus juste redistribution. Je ne pense pas que cela soit innocent de la part d'un anti-rouge comme Tolkien, et je pense qu'il est pertinent de le relever.
[quote]
Désolé quand je lis ça je ne vois pas un pays en guerre mais une caricature du collectivisme.[/quote]
Je pense que Peredhil a raison de dire ça ; sincèrement, quand on lit les chapitres 8 et 9 du sixième livre, on sait théoriquement (parce qu'on a lu le reste du bouquin) que ça correspond (de façon interne à l'histoire) à une situation d'occupation, mais dans la manière dont sont racontées les choses, la guerre et le thème de l'envahisseur extérieur sont bien moins mis en reliefs que la dénonciation de l'état coercitif.
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Si tu acceptes que la Comté est une transformation à l'image du Mordor, on en revient à un Mordor et à un Isengard communistes, non?

L'État régalien, coercitif, l'organisation étatiste, c'est le communisme? Si c'est mis en valeur (ce que j'accepte pour la forme même si tu ne le démontres pas...), c'est parce que ce n'est pas le fonctionnement des Hobbits. Mais ça n'est pas un parallèle au communisme. Simplement à l'Etat. Or Aragorn accordera finalement à la Comté la liberté politique que Saroumane confisquait: là est le bien. Quant au communisme, quelle en était la perception à cette époque par Tolkien et ses contemporains? Leurs connaissances n'étaient pas les nôtres sur l'échec du modèle. Et rappelons que l’État-providence a fait ses premiers pas au Royaume-Uni en 45 avec sa Sécu et Beveridge. Tolkien critiquait les travaillistes, selon toi?
Parler de communisme a peut-être autant de pertinence que de parler de démocratie. C'est anachronique.

Peut-être la "redistribution" est-elle par ailleurs un clin d’œil à la distribution des cadeaux lors des anniversaires, mais je n'en mettrais pas ma main à couper.
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Pour la forme on l'a déjà évoqué : les bandits qui collectent au nom d'une "juste distribution" (si ça ça sonne pas marxiste et si c'est un vocable étendu à tout état coercitif je veux bien partir au goulag) mais qui gardent en fait tout pour eux c'est flagrant. L'industrialisation n'est pas propre au communisme non plus (Tolkien le sait bien et la critique globalement) mais si la Comté originelle se modernise dès le début du Livre I, de même que l'Angleterre s'est industralisée sur au moins un siècle, ça n'a rien à voir avec l'industrialisation massive et accélérée que subit la Comté sous Sharcoux (comparable à celle de l'URSS?).
Ce n'est pas parce que nos propres élites intelectuelles sont restées aveugles et sourdes à ce qui se passait que celles outre-Manche en firent autant : Orwell débute "La Ferme des Animaux" dès 1943 (et quand bien même c'est tout de même 26 ans après 1917 qui préfigurait pourtant la suite...) et Churchill comme Tolkien n'ont pas attendus la fin de la guerre pour savoir à quoi s'en tenir sur le communisme d'URSS. Quant à la sympathie de Tolkien pour les travaillistes à mon avis tu peux la jeter aux orties.
Et comme le dit Poupi : ça ne veut pas dire que ta lecture interne est fausse (il en va de même pour la redistribution, pourquoi pas ?) mais que les deux peuvent être vrai.

De toute façon la Comté de Sharcoux, on se répète, n'est pas l'URSS de Staline. Mais elle est, pour moi comme pour Poupi, une critique d'un état collectiviste, mais aussi bien d'autres choses évidemment.
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