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[40K] Fragments


Gulix

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Voici un texte que j'ai écrit il y a quelques temps déjà, pour un concours pour le JDR Deathwatch. On y retrouve donc la deathwatch, mais sous un angle de vue légèrement différent de ce que l'on voie d'habitude.
Tout commentaire est bienvenu et apprécié, ça me permettra de bosser sur la révision finale de ce texte.
Pour ceux qui préfèrent, une version PDF est dispo [url=http://www.gulix.fr/blog/spip.php?article255]sur mon site[/url].

[b]Fragments[/b]
L’aube se lève sur la deuxième lune d’Androïa. Dans six heures terrestres, cet astre sans nom retrouvera la froideur des ténèbres. Ce rythme immuable dure depuis toujours.

A l’intérieur de la station de surveillance Nokimen, le serviteur connu sous le seul sigle de XDWAS‑16964 se réveille. L’éclairage intérieur de la station suit le rythme de la lumière extérieure. Les cellules photosensibles qui remplacent ses yeux lui donnent le signal de démarrer son service, qu’il a rempli un nombre incalculable de fois depuis sa renaissance ici. Renaissance ou naissance, en fait, il ne le sait pas. Aucune trace de son passé n’a persisté dans sa mémoire. Son existence a maintenant comme unique but de veiller au bon fonctionnement et à l’entretien de la station. Les mécanismes qui composent pour moitié son corps mi-humain mi-machine démarrent et sortent de leur état de veille. Les chenilles qui lui permettent de se déplacer se mettent en branle. Les câbles qui lui ont permis de se recharger en énergie pendant son sommeil se rétractent automatiquement. Il peut quitter son aire de repos pour se diriger vers les cellules des frères combattants.

La cellule cinq est plongée dans les ténèbres. Les implants oculaires du serviteur lui permettent d’y discerner deux silhouettes. A l’étroit dans la pièce exigüe, un homme se recueille à genoux. Il porte ses longs cheveux couleur aile de corbeau en queue de cheval. Sur la peau pâle de sa nuque ressort un tatouage, une épée pourvue d’ailes, qui trahit son appartenance au chapitre des Dark Angels. Ses prières vont sans doute au combattant étendu sur la couchette. Pourvu d’une abondante pilosité, sa nudité est cachée par une peau de loup étendue sur son corps. Un bracelet de runes est passé à son poignet droit, et une hache de bataille est allongée à son flanc. Les capteurs indiquent que la vie a quitté ce corps. Le veilleur en termine avec ses prières, se lève, et quitte la pièce après un dernier geste de la main vers la dépouille. Il passe près du serviteur puis s’éloigne. Celui-ci connaît ses instructions et ne pénètre pas la cellule occupée. Les autres cellules sont vides mais ne nécessitent que peu d’attention. Il laisse la cinquième en l’état et n’y reviendra que lorsque quelqu’un déplacera la dépouille.

Le chemin du serviteur le mène au couloir nord. Sur sa gauche se trouve une porte imposante, ronde, sur laquelle est gravé le symbole de l’Ordo Xenos. De nombreux sceaux y sont apposés. Pour protéger ceux qui y pénètrent, ou prévenir toute évasion de ce qui se trouve derrière ? Sa programmation ne l’autorise pas à franchir la porte, ni même à s’en intéresser. Non entretenue, on y décerne les outrages du temps. Un Space Marine vient de pénétrer dans le couloir et s’en approche. Il porte précautionneusement un lourd coffret métallique. Malgré son armure de la Deathwatch, il arbore encore les couleurs de son chapitre d’origine, les Iron Hands. De sous son casque, il jette un regard rapide vers le serviteur, avant d’utiliser une clé antique et de saisir les instructions lui permettant d’ouvrir la porte sur le terminal encastré dans le mur. Le soldat ouvre la porte et s’enfonce dans les ténèbres, la porte se refermant derrière lui.

Quelques mètres plus loin dans le couloir nord, sur la gauche, s’ouvre une porte automatique. Elle conduit à l’infirmerie où se poursuit la tournée d’entretien. La pièce baigne dans une lumière vive. Sur la table centrale est allongé un soldat, nu. Il est inconscient, mais un de ses deux cœurs semble encore battre. Son flanc est marqué de nombreuses blessures. Autour de lui s’affaire un de ses compagnons. Les traits fins, de longs cheveux bruns encadrant son visage, il arbore une mine sombre et grave. Il ressemble au veilleur aperçu quelques instants plus tôt. Il n’a pas pris le temps de retirer son armure de combat, uniquement ses gantelets. Ses bras sont recouverts de sang jusqu’aux coudes. Il tente par tous les moyens de sauver son frère d’armes, et a besoin pour cela d’un maximum de dextérité.

Sur le chemin du serviteur se trouve une armure abîmée. Les talismans qui l’ornent trahissent l’origine de son possesseur, sans doute un Space Wolf. Est-ce celui qu’il a pu apercevoir plus tôt, gisant dans la cellule ? Sa mémoire s’embrouille. Ses sens s’alertent alors que ses capteurs ne détectent pas l’obstacle et le font aller droit à travers … rien. Le souvenir s’est estompé et sa progression dans la pièce n’est pas entravée. Il se rappelle maintenant l’avoir contournée, mais était‑ce il y a quelques jours, quelques années, plusieurs siècles ? La mémoire saturée de l’hybride mélange les souvenirs entre eux, et les confond avec l’instant présent. Il ne sait plus à quand remontent ces souvenirs. Son parcours d’entretien quotidien ôte toute trace du passage du temps dans la station, et la routine de ses déplacements joue avec sa mémoire.

L’automate poursuit son chemin dans l’infirmerie. L’endroit est vide maintenant, seule trône au centre la table d’opérations. Le silence règne ici, mais c’est ce qu’il a toujours connu. L’ouïe ne fait plus partie de ses sens, et il n’a pas conscience de ce manque. Il n’imagine même pas ce que peut être un bruit.

Son passage dans l’infirmerie prend fin, et il rejoint le couloir nord par la porte automatique. Sur le mur, une marque irrégulière lui ravive un souvenir. Un jeune guerrier, le visage glabre, les cheveux blonds coupés courts, se tient contre le mur. Il porte l’armure de la Deathwatch, sur laquelle on devine son rang de leader d’escouade. Le poids des responsabilités semble peser sur lui. Son front repose contre le mur, des larmes coulent sur son visage. De la rage et de la colère coulent dans ses veines. Ne parvenant pas à contenir ce trop-plein d’émotions, il serre le poing et l’abat sur le mur. La douleur lui permet d’ignorer pour quelques instants les troubles qui le parcourent. Se tenant le poignet droit, il passe la porte automatique menant à l’infirmerie, où il disparaît de la vue du serviteur. Celui-ci poursuit son chemin vers la salle commune, au fond du couloir, et passe près de la nouvelle marque sur le mur qui rompt la monotonie du lieu.

Cette anomalie ne sera pas réparée par lui, cela ne fait pas partie de ses attributions. Et sans doute que personne ne la corrigera, elle fait désormais partie intégrante de l’histoire de la station. Une ouverture dans le couloir mène à une pièce bien plus large que celles qu’il a déjà traversées aujourd’hui. Deux tables et quatre bancs métalliques sont parfaitement alignés dans la salle commune. De nombreux guerriers s’y sont restaurés. Certains y ont festoyé, d’autres y ont veillé leurs frères perdus. De nombreux échanges y ont eu lieu.

Une estafilade marque la deuxième table. Le souvenir de son origine est encore présent dans les souvenirs du serviteur. Il voit le Space Wolf de dos, reconnaissable à sa chevelure hirsute et à la peau de loup jetée sur ses épaules. Une grande chope ornementée est posée devant lui. De l’autre côté de la table, légèrement décalé, se trouve un autre guerrier, musculeux, chauve, et porteur d’un œil bionique. Plongé dans des documents étalés sur la table, il écoute d’une oreille distraite l’histoire que clame son vis-à-vis. Habillé d’une toge couleur crème, le guerrier aux longs cheveux noirs passe près de la table et lance à l’orateur ce qui semble être une invective. Du peu qu’il puisse en juger, le serviteur ressent du mépris dans son attitude.

L’homme-machine ne voit pas la réponse adressée au Dark Angel. La chope est levée vers lui dans un geste de salut, avant que son propriétaire n’en boive la majeure partie du contenu. Le geste est pris pour un affront car, quelques instants après que la pinte ait été frappée sur la table, une épée au pommeau représentant le Lion est dégainée et abattue de son tranchant sur la table. Le geste est violent et précis, et suffit à renverser la chope et ce qu’il reste de boisson sur la table, sans toutefois l’abîmer. D’un mouvement d’où transpire une grande puissance, le Space Wolf se lève et toise son opposant, qui lui retourne un sourire condescendant. Avant que le premier coup ne soit porté, le conflit est stoppé net par le jeune soldat blond. Dans un élan d’autorité, il plaque le guerrier au teint pâle contre le mur, et interpose son corps entre les deux hommes. Le guerrier de Fenris ramasse son bien, se retourne et s’en va. Le sergent aboie des ordres à son subalterne, qui se dégage sans répondre, un filet de sang à la commissure des lèvres. Le serviteur s’occupe de la partie souillée de la table. Le guerrier chauve n’a pas bougé lors de l’altercation. Il continue de manger la bouillie synthétique de rigueur dans la station. Avant de se replonger dans ses documents, il jette rapidement un œil au serviteur. Mais ce dernier n’a pas à s’intéresser aux occupants des lieux, juste à leur garantir un état impeccable des installations et à se faire discret. Telle est sa programmation.

Le souvenir s’estompe. Ses systèmes lui indiquent que les tables n’ont pas besoin de son attention aujourd’hui. Alors qu’il passe entre les bancs inoccupés depuis si longtemps, il en profite pour activer ses instruments d’aspiration qui permettront à ce lieu de ne pas se voir recouvrir de poussière. De nouveaux occupants pourraient arriver d’un jour à l’autre.

Face à lui apparaît maintenant le sas d’entrée de la station. Il ne garde aucun souvenir de son arrivée ici. Est-il arrivé par ce sas ? Est-il revenu à la conscience entre ces murs, prisonnier à jamais ? Il ne le sait pas, et ne le saura sans doute jamais. La question ne reste jamais longtemps à la surface de son esprit. Il n’a pas à penser à ça. Il n’a aucun souvenir de personnes entrant par ce sas. Mais il se rappelle un départ, celui de quatre frères d’armes, arborant chacun son origine mais également leur lien commun à travers les armoiries de la Deathwatch. Tous unis par un même sermon, un même destin. Malgré leurs différences, leurs conflits, unis dans la même bataille. Derrière le sas se cache sans doute l’ennemi, mais il ne peut voir à travers les mètres d’adamantium qui composent les portes.

Le parcours programmé dans sa routine quotidienne l’amène ensuite vers une zone constituée de quelques sièges tournés vers un antique écran. C’est ici que les escouades passées par la station planifient leurs opérations. Divers terminaux sont reliés à l’écran, et permettent de contrôler les sécurités internes et externes de la station. On peut également accéder à des engins de communication de secours, en dernier recours. Tout cela est logé dans une partie de la mémoire du serviteur, dans le cas où il serait le seul occupant lors d’une intrusion. Mais il n’a encore jamais approché ces terminaux. Quand il fixe cet écran, un souvenir rejaillit à la surface de son esprit. Le guerrier chauve qu’il a déjà aperçu est penché sur un des terminaux. Il y rentre de nombreuses données. L’armure qu’il revêt comporte de nombreuses modifications bioniques. S’agirait-il d’un intérêt pour les créations du Dieu-Machine qui l’ont amené à également s’intéresser à l’homme‑machine ? A ses côtés se trouve le jeune guerrier blond, sans son armure. Il semble lui dicter les instructions à communiquer aux machines. A deux pas derrière eux se tient, droit, le guerrier Dark Angel. Lui aussi a revêtu son armure de combat, et il porte son casque sous son bras droit. Il est armé pour le combat, et porte également un sac au contenu invisible au serviteur.

Le sergent d’escouade reste quelques instants penché sur un terminal, pensif, puis se retourne vers ses deux compagnons et les étreint longuement chacun. Cela ressemble fortement à un adieu. Aucune parole n’est échangée, mais les regards en disent long. Les deux soldats enfilent leur casque, saisissent leurs armes et quelques affaires posées près de l’entrée. Le serviteur ressent par ses capteurs l’ouverture du sas d’entrée. Son itinéraire le dirige vers une pièce située à l’opposé. Les soldats quittent son champ de vision, mais il sait que deux d’entre eux ont quitté la station.

Il se trouve maintenant dans l’armurerie. Sur sa gauche, il retrouve l’infirmerie. A travers une épaisse vitre de verre, il peut distinguer la table d’opérations, vide. Sur sa droite, de nombreux râteliers d’armes proposent ce qui se fait de mieux comme équipement dans l’Imperium. Le meilleur équipement pour les meilleurs combattants. Il en manque certaines, emportées au combat par des frères qui ne sont jamais revenus, ou laissées là où elles ne servaient plus. Le jeune sergent se tient face à cet arsenal. Il porte cette fois son armure ouvragée de la Deathwatch, le symbole des Ultramarines apposé sur son épaulière droite. Dans ses mains, il tient une épée au pommeau représentant un lion. Le serviteur se rappelle l’avoir déjà vu plantée dans une table de la salle commune. Le soldat la tient avec appréhension. Puis il décide de fixer le fourreau à sa ceinture. Il enfile ensuite un imposant réacteur dorsal. Il va sans doute tenter de porter la mort au cœur des lignes adverses, de jouer sur la surprise. Un pistolet bolter et plusieurs grenades de type inconnu complètent son arsenal. Il regarde encore quelques instants le mur d’armes, mais son choix est fait, il enfile son casque et se dirige vers le sas. Au passage, il pose une main sur le serviteur, qui ressent ce contact. Est-ce un souvenir ou l’instant présent ?

Ses systèmes n’arrivent pas à analyser cette information, peu importante par rapport aux tâches qui lui incombent. Son parcours quotidien s’achève dans quelques mètres. Dans l’espace réduit qui lui sert de zone de repos, il va pouvoir recharger ses accumulateurs et patienter quelques heures avant que son service ne reprenne. Il refera le même chemin, et sa mémoire défaillante lui fera de nouveau revivre ses fragments de mémoire. Un jour, une nouvelle escouade reviendra. Peut-être parmi elle se trouvera un guerrier ayant déjà fréquenté la station. Mais il y a peu de chances que lui s’en rappelle. D’autres souvenirs viendront remplacer ceux-ci, et l’histoire de l’escouade Florentus XXIII disparaîtra pour toujours de l’esprit du serviteur XDWAS-16964.

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