cracou2 Posté(e) le 2 mars 2014 Partager Posté(e) le 2 mars 2014 (modifié) Ecrire de la science fiction… Après la lecture de centaines d’ouvrages de science-fiction et d’ouvrages historiques, je me permets d’écrire un petit article destiné aux lecteurs et aux auteurs potentiels. Pour moi la pire erreur que peut commettre un auteur est de ne pas respecter la cohérence interne de l’univers qu’il met en scène. On lui pardonnera tout: négliger la physique, inventer des espèces absurdes, utiliser la téléportation, postuler l’existence de plans parallèles… si tant est qu’il suit les règles qu’il invente. Le lecteur prend plaisir à voir comment les personnages résolvent les épreuves qu’on leur inflige si tant est que les solutions sont logiques et surtout envisageables dans l'univers créé par l'auteur. Dans l’univers de [url="http://fr.wikipedia.org/wiki/John_G._Hemry"]La Flotte Perdue[/url] il est possible d’utiliser des portails pour se déplacer rapidement entre deux systèmes stellaires. Leur possession est donc un enjeu logique et majeur des livres. David Webber, dans la saga [url="http://fr.wikipedia.org/wiki/Honor_Harrington"]Honor Harrington[/url], maitrise fort bien la prise en compte des progrès technologiques, le temps de développement des armes et la mise en place de contremesures de la part des différents protagonistes. [url="http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Crois%C3%A9s_du_cosmos"]Les croisés du cosmos[/url], malgré l’âge canonique du livre (et l’immonde étron cinématographique qui en a été tiré) reste encore un exemple jubilatoire de cette logique poussée à l’extrême. Existe-t-il des exemples de mauvaises idées ? Des centaines et en premier lieu les séries télévisées où pour des raisons de temps de coût ou par paresse les scénaristes inventent un objet délirant bien utile sans se rendre compte que leur invention est capable de détruire leur propre série. Relisez [url="http://fr.wikipedia.org/wiki/Redshirts_-_Au_m%C3%A9pris_du_danger"]Redshirts[/url] (de John Scalzi, le même que l’auteur de l’excellent Vieil homme et la guerre) et son inénarrable parodie de Star Trek pour bien en prendre conscience. Pensez aussi au cycle de [url="http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Aube_de_la_nuit"]l’Aube de la Nuit[/url] (Peter Hamilton) qui commence bien mais qui devient tellement touffu que l’auteur est obligé de faire un deus ex machina monstrueux dans le dernier ouvrage. Cet article a donc pour but de bévues les erreurs les plus courantes et de vous proposer quelques exemples. Par manque de temps je proposerai plus ou moins régulièrement de nouvelles mises à jour de cet article qui doit donc être considéré comme un travail en cours... Les causes des erreurs sont multiples mais sont bien souvent liées aux connaissances des auteurs, qui sont-elles même bien souvent une conséquence de leurs études et du biais induit par leur nationalité. Quelques causes sont : [b]Le biais de nationalité[/b]. Un auteur anglais sera fortement marqué par la bataille de la Somme ([url="http://wh40k-fr.lexicanum.com/wiki/30_centim%C3%A8tres_d%27Acier_%28Roman%29"]30 Centimètres d’acier[/url], série des fantômes de Gaunt), les chenilles enveloppantes issues des [url="http://fr.wikipedia.org/wiki/Mark_V_%28char%29"]Mark V de la première guerre mondiale[/url])… Un auteur américain imaginera une assemblée d’une autre galaxie avec un mode de fonctionnement typiquement anglo-saxon avec des phrases comme « je présente une motion », je soutiens » ou « je seconde cette motion » qui n’ont aucun sens pour un européen non habitué aux règles américaines de débats parlementaires. [b]Leur manque de formation dans la chose militaire[/b]. Les auteurs ont souvent un talent de conteur mais n’ont pas la moindre compétence militaire et plaquent dans un monde de science-fiction ce qu’ils connaissent de la guerre, c’est-à-dire pas grand-chose. Ils utilisent donc un mélange de techniques et de connaissances glanées dans la [url="http://www.ospreypublishing.com/"]lecture des Ospreys[/url] (dans le meilleur des cas) ou dans les films de guerre sur les deux guerres mondiales (dans le pire des cas). [b] Leur désintérêt pour la vraisemblance[/b]. Dans le cas d’ouvrages de commande l’auteur peut ne pas avoir la moindre marge de manœuvre : dans les livres Star Wars ils n’ont pas le droit de tuer un protagoniste mais doivent forcément les intégrer. Ils doivent créer une immense menace qui doit disparaitre à la fin du livre et surtout ne pas introduire d’élément significatif qui pourraient rendre l’écriture du roman suivant plus compliquée. Certains auteurs sont par contre fort connus pour leur respect scrupuleux des postulats. Weber ([url="http://en.wikipedia.org/wiki/Safehold"]Série Safehold ou Sanctuaire[/url]) ou Forstchen ([url="http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_R%C3%A9giment_perdu"]Le Régiment Perdu[/url], première série) poussent assez loin le souci du détail. Weber n’hésite pas à vous imposer 50 pages sur les techniques de combat des carrés de piquiers inspirés des tercios espagnols ! Après cette brève introduction....[b]Erreur n°1 : Incohérence dans les échelles de temps[/b] Parlons un peu des Astartes (Space marines de l’univers de Warhammer 40.000). Leur âge canonique est très souvent rappelé : « sergent depuis 80 ans », « capitaine depuis près de deux siècles », « un dreaghnought vénérable depuis des temps immémoriaux ». En même temps chaque ouvrage (le cycle les grandes batailles de l’Astartes ou le cycle d’Uriel) indique les effectifs initiaux et le nombre de survivants. Le taux de perte sur un seul engagement dépasse le plus souvent 30%... Confronter ces deux informations, même en supposant le nombre d’engagements faible, provoque une grave incohérence. Pour bien s’en convaincre il suffit de repenser à l’organisation de la 8th Air Force endant la deuxième guerre mondiale : un taux de perte de 5% lors d’une mission aérienne était considéré comme catastrophique et insoutenable à long terme. Un équipage de bombardier lourd (anglais ou américain) devait réaliser un tour d’opération de 25 missions avant d’avoir le droit à 6 mois de repos…. et bien peu atteignaient en 1943 ce score avant d’être abattu. Il ne faut donc pas dire que tel char est considéré comme une relique ancienne et à la page suivante allègrement détruire ces reliques par dizaine : comment alors justifier leur existence même ? Modifié le 2 mars 2014 par cracou2 Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
cracou2 Posté(e) le 2 mars 2014 Auteur Partager Posté(e) le 2 mars 2014 [b]Erreur N°2 Absence de prise en compte de la dimension psychologique[/b] Supposer que les hommes sont des automates obéissants faisant ou pas preuve d’initiative revient à nier des décennies d’études sur le comportement humain. Je vous conseille la lecture très édifiante de livres comme Sous le feu : La mort comme hypothèse de travail, (Col. Michel Goya, Tallandier, 2014) ou Sous le feu, Réflexions sur le comportement au combat (du même auteur mais disponible en ligne sur le site du ministère de la Défense). Sans même rentrer dans le détail du Stress Post Traumatique qui mériterait en lui-même tout un ouvrage, je vais résumer quelques points importants en simplifiant au besoin mon propos. Placé dans une situation inhumaine (bombardements continus dans les tranchées en 1916, corps à corps dans le Pacifique en 1944…) un humain réagit en fonction de son éducation, de sa culture, de son entrainement et de son niveau d’intégration dans un groupe (un soldat est moins à même de craquer s’il se sent solidaire des membres de sa section). Dans certains cas le soldat n’arrive plus à supporter la pression et son corps réagit de manière totalement inconsciente sans que l’on puisse parler de lâcheté. Dans certains cas les effets sont impressionnants : [media]http://www.youtube.com/watch?v=SS1dO0JC2EE[/media] La prise en compte de la psychologie du combattant date de la première guerre mondiale avec la création du terme de « Shell Shock » ou de « combat psychose » qui l’on traduira très imparfaitement par « obusite ». Au début le soldat touché est considéré comme un lâche et risque d’être fusillé pour l’exemple. Au fil du temps les médecins se rendirent compte que presque tous les hommes pouvaient être touchés par des symptômes extrêmement variés : une peur irrationnelle, une apathie totale, des tendances suicidaires, une paralysie traumatique, un refus d’obéissance même lorsque le soldat a déjà prouvé à maintes reprises son courage. Ce constat provoqua la mise en place d’études statistiques visant à répondre à des questions comme « au bout de combien de temps un combattant risque-t-il de craquer ? » « quelle est la vitesse optimale de rotation des unités au front ? »... Les leçons de ces études furent fort édifiantes ( [url="http://pwencycl.kgbudge.com/Bibliography.htm#Hastings_2007"]pour plus de précisions[/url]) : - Dans la majorité des cas un soldat peut se remettre en deux ou trois jours de repos. - Plus le traitement est différé et réalisé à l’arrière des lignes moins la guérison est probable - La présence de camarades en qui le soldat a confiance aide à la guérison - Plus le temps de présence au front augmente plus le risque du syndrome du « old sergent » apparait. C’est typiquement un sous-officier ou un officier de grande valeur, courageux, respecté, compétent qui change brusquement : il devient fataliste, désabusé, est physiquement à bout, devient téméraire, imprudent voir suicidaire. Ce comportement est perçu comme difficile ou impossible à traiter. - Un soldat de plus en plus compétent pendant ses 30 premiers jours au front. Après 100 jours le risque devient significatif. Après 140 à 180 jours un soldat devient inutilisable même sans symptôme évident - La rotation des troupes en première ligne permet d’augmenter le nombre total de jours au front avant l’apparition des symptômes. - Les commandants et officiers peuvent aussi craquer, ce qui les pousse à donner des ordres irrationnels - 98% des soldats vont subir ces symptômes. Les 2% restants sont des sociopathes parfaitement à l’aise dans le combat. Ils sont extrêmement dangereux et peuvent rester indéfiniment au front. Voici quelques extraits d’ouvrages (les liens sont plus haut) concernant des cas dans le Pacifique : [i]In a rear-area hospital, O.P. Smith inspected combat fatigue cases, of which Okinawa generated thousands. He watched a doctor treating a Marine in whose foxhole a mortar round had landed. "No man could have portrayed fear as this man did. He kept gurgling 'Mortar, mortar, mortar.' The doctor asked him what he was gong to do now. He replied: 'Dig deeper. Dig deeper.' The doctor told hem to go ahead and dig. The man got down on his knees and [/i] [i]In our group, after the crew has flown from 100 to 130 combat hours or from 10 to 15 missions, they begin to notice that they are losing their natural zest and eagerness for combat flying. As the condition develops, there are manifestations of mental, emotional and physical tiredness, and changes in personality. Variably there is a preoccupation, moodiness, brooding, moroseness and irritability. The flyer is usually tense and appears to always be worried. He notices that he is unable to rest adequately and has trouble sleeping. When he does sleep, he is frequently awakened by dreams and nightmares. The next morning he finds that he is just as tired as when he went to bed. Instead of taking one day to recover from a combat mission, it takes three or four. There is weight loss on an emotional basis. As an experienced squadron commander put it, he could recognize the condition at a glance by the haggard, hangdog expression in [men's] eyes.[/i] Et maintenant que voyons-nous dans nombre d’univers de science-fiction ? Des régiments qui combattent pendant des années. Des soldats avec 10 ans de front… Bref ![b]Erreur n°3 : Absence d’une chaine de commandement[/b] Un commandant peut gérer un nombre fini de problèmes. Depuis les débuts de l’humanité – et probablement pour une bonne raison - chaque niveau hiérarchique a l’habitude de commander ou de communiquer avec au plus dix personnes ou « éléments ». Un capitaine de compagnie gère son propre supérieur, les unités commandées (entre deux et quatre sections ou groupes), les unités rattachées (mortiers, tireurs d’élite…) et les supports disponibles (artillerie…). Il dispose pour cela d’une section de commandement avec un second, un sous-officier pour gérer les munitions etc… Un colonel dispose lui d’une compagnie complète pour gérer l’unité. Il a un assistant, un état-major dédié qui gère le personnel, renseignement, le ravitaillement, la planification, les communications et le soutien feu… et il a pourtant bien du mal à coordonner les actions de ses troupes. Dans l’univers de Warhammer on rencontre le plus souvent une organisation régimentaire sous la forme de colonel / commandant (éventuel) / capitaine (éventuel)/ sergent. Cela veut dire qu’un colonel a bien souvent des dizaines d’unités directement sous ses ordres… ce qui est totalement ingérable pour un humain normal. Les univers Stargate / Star Wars / Babylon 5 sont eux bien plus cohérents dans l’approche de la chaine de commandement. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Illuminor Szeras Posté(e) le 13 mars 2014 Partager Posté(e) le 13 mars 2014 Très sympa ce petit rappel des erreurs à ne pas commettre. D'une manière générale, ces conseils s'appliquent à toute œuvre de fiction : posez et expliquez les règles que vous voulez, mais respectez-les jusqu'au bout. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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