Thomov Le Poussiéreux Posté(e) le 27 mars 2014 Partager Posté(e) le 27 mars 2014 Bonjour à toutes et à tous! Je furetais un peu dans les parages et quelle ne fut pas ma surprise de constater que la section "récits" du célébrissime Warfo était pratiquement déserte... Ne pouvant laisser perdurer une telle infamie, j'ajoute ma pierre à l'édifice collectif en postant un petit récit de mon cru qui m'a tout de même permis de décrocher la première place lors du dernier concours de récits du forum des Comtes Vampires. Je vous laisse au texte: [b][center]TROLLDRENGI[/center] [/b] Tout en se regardant dans le miroir de cuivre poli, il prononça tout bas quelques mots: -Je suis Dasil Craggenson, Nain de la citadelle de Karak-Azul. J'ai en ce jour deux-cent vingt-sept ans. [i]Deux-cent vingt-sept ans d'une vie honorable, à porter un nom honorable et à défendre une citadelle honorable. Deux-cent vingt-sept ans... Il ne pouvait se rappeler de tout, bien entendu, mais de certaines choses tout de même. Il se souvenait de la première fois où son père l'avait emmené pour travailler dans les galeries de tunnels sous la forteresse. Son Clan avait en charge la plupart des mines de ce secteur et en tirait une juste fierté. Dasil était quant à lui si fier ce jour-là qu'il avait cru que son cœur allait exploser! Il se souvenait de son premier salaire, naturellement. Il en avait bu une bonne part et avait soigneusement enfermé le reste, comme tout autre jeune Nain aurait fait à sa place. Il savait se montrer économe, ce qui était indispensable pour garder bonne réputation et ne pas faire honte aux siens. Faire honte aux siens...[/i] Il emplit une petite bassine d'eau claire et entreprit de se débarbouiller soigneusement le visage. [i]Deux-cent vingt-sept années. Il se souvenait du jour où son père était tombé pour son Roi, lorsque les Gobelins avaient tenté de prendre Karak-Azul. Les fourbes créatures avaient creusé d'interminables tunnels mal étayés pour contourner les fortifications et avaient fini par déboucher sur une galerie du Clan. Le combat avait été âpre pour les retenir jusqu'à l'arrivée des renforts; pour chaque Grobi qui tombait, dix prenaient leur place. Beaucoup avaient rejoins les Ancêtres ce jour-là. Dasil avait peine à croire qu'il vivait toujours quand les puissants Brise-Fer avaient mis l'ennemi en déroute. Il était couvert de sang, en bonne partie le sien, et sa pioche avait fauché plus de sept des créatures. Un fait d'arme respectable pour qui n'est pas un guerrier et une rancune de plus dans le Dammaz Kron du Clan, la première qui le touchait tout particulièrement. Son deuil avait duré près de dix ans, puis il avait laissé l'esprit de son père rejoindre Grungni pour qu'il puisse veiller sur ses descendants.[/i] Il tendit la main pour se saisir d'une serviette et épongea son visage ainsi que sa longue barbe brune dégoulinante. En relevant la tête, il croisa son propre regard dans la plaque de cuivre et resta quelques instants à se fixer lui-même. [i]Il était peu sorti de la citadelle, ce qui se passait à l'extérieur ne l'intéressait pas. Tout ce qu'il chérissait se trouvait autour de lui: un bonne paye, un travail honnête, ses semblables qui le respectaient et aussi l'autel de ses Ancêtres. Pourquoi donc irait-il courir le vaste monde? La place d'un Nain était auprès de ses frères, à se serrer les coudes et à bien faire son travail. Grungni Lui-même avait ouvert les montagnes pour que Ses fils y bâtissent leur foyer. Et puis y il eut cet émissaire de Karak Aux Huit Pics qui vint à la citadelle pour monter une expédition de secours aux Nains qui tentaient de reprendre la place aux Grobis et qui étaient assaillis de toutes parts. Dasil se prit alors à rêver qu'il pourrait enfin rayer une rancune bien particulière de son Dammaz Kron s'il parvenait à tuer suffisamment de Peaux-Vertes. Une occasion bien tentante... Il était resté trois jours à réfléchir avant de prendre sa décision et de préparer son paquetage. Quand l'expédition s'était mise en marche, il était du nombre.[/i] -Je suis Dasil Craggenson, se répéta-il, Nain de la citadelle de Karak-Azul. J'ai en ce jour deux-cent vingt-sept ans. Il prit une lame sur la tablette de pierre et en éprouva le tranchant sur son pouce. Satisfait, il entreprit de se couper précautionneusement les cheveux. [i]L'expédition faisait marche sur Karak Aux Huit Pics depuis plusieurs jours quand les éclaireurs signalèrent des traces de nombreux Peaux-Vertes tout proches. Il n'était pas question de passer sans leur donner l'assaut; tout le monde le savait et personne ne proposa de passer son chemin. Dasil fut intégré dans une unité de mineurs chargée d'emprunter les anciennes galeries qui courraient partout sous les montagnes et de prendre l'ennemi à revers. Il s'enfonça dans les ténèbres à la suite de ses camarades et ils progressèrent rapidement pendant près d'une heure avant d'atteindre le point d'où ils feraient leur sortie. Les pioches se mirent à frapper la roche et bientôt ils furent prêts à se lancer à l'attaque. Ce n'est qu'une fois complètement sorti du tunnel que Dasil l'aperçut finalement. Il avait déjà croisé un humain à la citadelle et avait même vu le cadavre d'un Troll une fois; mais rien n'aurait pu le préparer à la vision d'un géant.[/i] Ses mèches tombaient sur le sol dallé les unes après les autres, jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus qu'une longue ligne de cheveux partant du centre de son front et courant sur son crâne jusque dans sa nuque. Il se passa lentement les mains sur la tête pour en découvrir l'effet, et il fit la grimace. [i]Jamais il n'avait même imaginé qu'un tel être puisse exister... Bien sûr il avait écouté avec les autres les sagas qui racontaient comment les Nains avaient toujours combattu ces créatures, mais en voir une soi-même, même à bonne distance, était une toute autre expérience. Le monstre se dirigeait en titubant vers les lignes naines, balayant ses frères de sa massue disproportionnée. Les mineurs se ruèrent sur les lignes arrières des Grobis, les prenant totalement au dépourvu. Le Nain qui menait l'unité portait une puissante foreuse à vapeur, qui faisait un travail remarquable aussi bien sous terre que sur un champ de bataille. Dans un bruit de tonnerre, la machine frappait tous les Peaux-Vertes à portée, perçant leurs armures et broyant leurs os. Dasil faisait tomber sa lourde pioche sur ses ennemis encore et encore, avec les gestes sûrs et précis de qui à passé plusieurs siècles à frapper la roche de son outil. Puis, il vit que le géant tournait son attention sur eux. Sa grosse tête contrefaite pivota et il fixa un regard vide sur les mineurs. Puis, poussant un cri de guerre primitif, il entreprit de les rejoindre . Dasil était fou de terreur; c'était cette machine qui l'attirait ici, cette stupide machine et son bruit infernal. Il fallait qu'ils la fassent taire, et tout de suite! Il voulu parler à son supérieur, mais ils ne pu que bafouiller un incompréhensible chapelet de mots désordonnés, noyés dans le chaos général. Chaque instant qui passait faisait se rapprocher la mort, Dasil agrippa les vêtements de son frère et entreprit de le secouer aussi fort qu'il le pouvait. L'autre le repoussa d'une bourrade et continua son œuvre.[/i] Dasil plongea un tissu dans un bol où il s'imbiba de la vive teinture orange et s'en servit pour se frictionner la crête et la barbe. Sa précieuse barbe, toujours entretenue avec soin, mais sans excès. Elle avait une belle longueur à présent et il pouvait en être fier... Avant. [i]C'est alors que tout bascula; sans savoir ce qu'il faisait, malade de peur, il se saisit de son arme et l'abattit violement sur son compagnon. Le Nain s'effondra et la machine se tut enfin. Bien sûr, il était trop tard. Le géant était sur eux l'instant suivant et il massacra tout le monde. Deux mineurs seulement en réchappèrent; Dasil et un de ses cousins qui ne lui adressa pas un seul mot ni le moindre regard jusqu'à ce qu'il reprenne seul le chemin du retour.[/i] Le Nain trempa ses doigts dans le pot de graisse de sanglier et hérissa sa crête, bien droite et orange sur sa tête rasée. Il jeta un dernier regard au miroir de cuivre et son cœur se serra quand il se reconnut à peine. -Je suis un Nain de deux-cent vingt-sept ans, murmura-t-il d'une voix brisée, et je ne suis plus personne. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
XAW Posté(e) le 27 mars 2014 Partager Posté(e) le 27 mars 2014 Court et efficace! Une nouvelle qui fait plaisir à lire. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
CodoulePou Posté(e) le 28 mars 2014 Partager Posté(e) le 28 mars 2014 (modifié) Je plussoie XAW. La longueur est bien choisie, car on n'a pas le temps de s'ennuyer. La construction en alternance entre histoire et transformation capillaire du Nain est assez bien menée, voire remarquablement bien même. Voilà pour ce qui est de l'éloge. Concernant la critique – car il faut toujours – je dirais que la scène de bataille est un poil trop courte. On veut de l'épique, que diable ! Du sang, des tripes, de hauts faits d'armes ! Par ailleurs et bien que l'immersion psychologique soit bien menée, je pense qu'on ne ressent pas assez la douleur du personnage. Il faudrait probablement s'étendre dans le pathétique (donc l'expression de la douleur) en évitant le piège du ridicule, bien évidemment. J'avoue que c'est un dosage difficile à maîtriser et que tu le manies plutôt bien, mais cela pourrait être encore meilleur. Voili voilou, je t'encourage à écrire d'autres nouvelles sur l'univers battle, car on n'en voit que trop peu et que c'est un plaisir de commenter. Et si tu as envie d'un peu de challenge ou d'idées, je ne saurais que te conseiller d'aller faire un tour dans la section Travaux communs & Concours ClP, ahlala les Nains. PS: j'ai oublié de dire que le passage où le Nain s'étend sur le rapport à l'argent est limite cliché, mais bon ça ne nuit pas vraiment à l'ensemble Modifié le 28 mars 2014 par CodoulePou Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 30 mars 2014 Partager Posté(e) le 30 mars 2014 [quote]La longueur est bien choisie, car on n'a pas le temps de s'ennuyer.[/quote] Mais du coup, on ne ressent aucune émotion car on a pas le temps de se plonger dedans ! Ni de ressentir de la peine. [quote]On veut de l'épique, que diable ! [/quote] Pas forcément mais au moins quelque chose qui sort de l'ordinaire Franchement, c'est un bon fluff mais c'est également quelque chose d'autres : un bon plan pour une histoire. Tu as largement de la matière pour transformer ça en un texte sympa ! Je t'encourage même à le faire @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Thomov Le Poussiéreux Posté(e) le 31 mars 2014 Auteur Partager Posté(e) le 31 mars 2014 Merci pour ces réponses. La longueur du texte était en fait fixée dans le cadre du concours de récit annuel du forum des Comtes Vampires. On se retrouve chaque année avec plus de dix textes en lice alors si on ne met pas de limite personne ne lira l'ensemble des œuvres /> Je ne pense pas faire de suite à ce texte (à moins que plus tard, avec le développement de mon armée de Nains il me prenne l'envie de ressortir ce bon vieux Dasil Craggenson /> ) Si ça vous intéresse, je vous met le lien vers les autres textes dudit concours de récits; c'est que du bonheur! [url="http://whcv.forumactif.com/t5428-textes-du-concours-de-recits-millesime-2013"]Concours de récit 2013 CV[/url] Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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