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[WHB][VO] Critiques Nouvelles Warhammer Fantasy Battle


Schattra

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Salut à tous! Le sujet que j'ouvre à présent est un peu particulier, dans le sens qu'il ne sera pas dédié à la revue d'un ouvrage particulier de la Black Library, mais bien à un format de récit: la nouvelle.

Pourquoi un tel choix ? Pour plusieurs raisons, la première étant ma récente acquisition d'une douzaine de recueils de nouvelles estampillés BL, traitant à la fois des univers de Fantasy (Lords of Valour, Way of the Dead, Realm of Chaos, The Cold Hand of Betrayal, Death & Dishonour, Tales of the Old World, Les Épées de l'Empire) et de 40K (Crucible of War, Into the Maelstrom, What Price Victory, Shadows of Treachery, Let the Galaxy Burn). Étant finalement venu à bout de tous ces ouvrages (pour certains avec difficulté), je me suis dit que créer un sujet par livre n'aurait que peu d'intérêt, les liens entre les différentes histoires regroupées dans un volume spécifique étant inexistants. Démarrer un seul sujet, ou plutôt trois (un pour chaque univers, l'Hérésie d'Horus étant considéré comme un univers distinct), m'a semblé être un choix plus pertinent.

Une autre raison est que la nouvelle a un statut particulier pour la BL : il s'agit en effet de « l'antichambre » du roman, l'étape que tout écrivain a à franchir avant de se voir confier la responsabilité de la rédaction d'un récit de 100.000 mots. Même les auteurs les plus établis de la maison (Abnett, McNeill. Werner, King, Mitchell...) ont fait vivre, combattre et mourir leurs premiers personnages dans ce format. Mais si certains ont été jugés dignes par les éditeurs de la BL de se frotter à l'écriture d'un roman (une confiance pas toujours récompensée à sa juste mesure), d'autres n'ont pas eu cette chance: beaucoup d'appelés... peu d'élus.

De ces candidats malheureux, malchanceux ou tout simplement peu tentés par la perspective de travailler pour la BL, ne restent que les nouvelles publiées par cette dernière pour prouver qu'ils ont un jour collaborés à l'enrichissement des univers de GW, avec des résultats plus ou moins probants. Se pencher sur les nouvelles de la BL, c'est donc parcourir en filigrane l'histoire de cette dernière, une entreprise que je trouve (à titre personnel) assez intéressante.

Enfin, ces nouvelles, parce qu'elles ont été écrites par des auteurs aux parcours professionnels, aux intérêts, à la maîtrise du fluff et aux styles très différents, permettent d'envisager le background de Fantasy et de 40K sous des angles très variés: si les romans de la BL, particulièrement depuis quelques années, sont assez uniformes dans le style et le fond, les nouvelles, surtout les plus anciennes, ont en revanche bien plus de chances de surprendre et de dépayser leur lecteur.

Comment est organisé ce sujet :

Les nouvelles sont classées par ordre alphabétique d'auteur (prénom nom: les écrits d'Anthony Reynolds apparaissent donc avant ceux de Dan Abnett). La critique en elle-même est précédée de quelques informations qui pourront être utiles (ou pas) au lecteur: le titre de la nouvelle, le nombre de pages, le recueil ou le magazine dans lequel elle a été publiée et l'année de la première publication.

Le sujet promettant d'être assez long, je fais usage de balises spoiler afin de faciliter la navigation. Cliquer sur la première balise suivant le nom de chaque auteur vous permettra d'accéder à une liste des titres de ses nouvelles chroniquées. Chaque chronique dispose en outre de sa propre balise spoiler. Enfin, et si la nouvelle s'y prête (en cas de twist final particulièrement réussi, par exemple), la sous-partie Intrigue pourra être partiellement ou totalement dissimulée.

Les nouvelles récemment chroniquées sont signalées par l'emploi de la couleur rouge (Auteur + Nom de la nouvelle). Les mises à jour (s'il y en a eu) sont signalées par un message récapitulatif une fois par semaine.

 

L'univers de Warhammer Fantasy Battle étant vaste et diversifié, j'ai eu recours à des balises pour permettre au lecteur d'identifier plus facilement les auteurs et les nouvelles ayant donné dans les sous-franchises suivantes :

 

  • logo-bb.png: Blood Bowl 


J'essaierai aussi de relever les éléments les plus utiles pour le fluffiste assidu (cela peut aller d'une pratique digne d'être notée: « les Orques se brossent les dents après chaque repas », jusqu'à un lieu/bâtiment important pour toute une race: « le plus grand casino d'Altdorf s'appelle Ranaldland », en passant par des anecdotes savoureuses sur la vie de personnages bien connus: « Tyrion a eu de l'acné jusqu'à ses 70 ans »)1.


1 : Certains auteurs à la connaissance des canons du background plutôt limitée ne s'étant pas gênés pour faire progresser ce dernier de manière plus ou moins anarchique, certains ajouts fluffiques sont à prendre avec une pince hydraulique.


Ouvrages critiqués (par ordre chronologique de parution) :

 

  • Recueils Warhammer Fantasy Battle :

 

ignorant-armies-2.png wolf-riders.jpg?w=500&h=774 red-thirt.png realm-of-chaos.jpg.gileads-blood.png.lords-of-valour.png.silver-nails-1.png.Way of the Dead.les-epc3a9es-de-lempire.png.the-cold-hand-of-betrayal.jpg tales-of-the-old-world.png.invasion.png.death-dishonour.jpg war-unending.png age-of-legend.png death-on-the-pitch_extra-time.png.undeath-acendant.png.empire-at-war.png.
Cliquez sur une couverture pour accéder au sommaire du livre.

 

  • Recueils événementiels Black Library (Black Library Celebration, Summer of Reading, Advent Calendar...) : 

 

black-library-games-day-anthology-2011_2012.png.black-library-games-day-anthology-2012_2013.png.black-library-weekender-anthology-i.png.black-library-weekender-anthology-ii.png.

Cliquez sur une couverture pour accéder au sommaire du livre.

 

  • Publications récurrentes (Inferno!, Hammer & Bolter) :

 

couverture-annee-1.png.couverture-annee-2.png?w=500&h=716.inferno-annee-3.png.inferno-annee-4.png.inferno-annee-5.png.inferno-annee-6.png.inferno-annee-7.png.inferno-annee-8.png.year-one.jpg.Year Two.inferno-year-1.png?w=537.

Cliquez sur une couverture pour accéder au sommaire du livre.


Nouvelles critiquées (203) :

Adam Troke (1)

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Andy Hall (2) logo-bb.png

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Alec Worley (1) logo-bb.png

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Andy Hoare (2)

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Andy Jones (2)

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Andy Smillie (1)

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Anthony Reynolds (3)

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Ben Chessell (3)

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Ben Counter (1)

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Ben McCallum (1)

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Brian Craig (9)

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Brian Maycock (2)

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C. L. Werner (12)

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Charles Davidson (1)

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Chris Pramas (1)

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Chris Wraight (4)

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Dan Abnett (11)

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Darius Hinks (3)

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David Annandale (1) logo-bb.png

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David Earle (1)

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David Griffiths (1)

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David Guymer (2) logo-bb.png

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Frank Cavallo (2)

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Gav Thorpe (9) logo-bb.png

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 Gordon Rennie (4)

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Graeme Lyon (3) logo-bb.png

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Graham McNeill (6)

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Guy Haley (1) logo-bb.png

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Ian Winterton (1)

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Jack Yeovil (5)

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James Peaty (1)

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James Wallis (4)

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Jesse Cavazos V (1)

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John Brunner (1)

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Jonathan Green (7)

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Jordan Ellinger (1)

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Josh Reynolds (14) logo-bb.png

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  • 3 mois après...

Laurie Goulding (2)

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Mark Brendan (1)

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Matt Forbeck (1) logo-bb.png

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Matt Ralphs (1)

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Matthew Farrer (1)

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Mike Lee (2)

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Mitchel Scanlon (1)

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Nathan Long (5)

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Neil Jones (1)

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Neil McIntosh (3)

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Neil Rutledge (1)

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Nick Kyme (6)

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Nicola Griffith (2)

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Paul Kearney (1)

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Paul S. Kemp (1)

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Peter Garratt (1)

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Phil Kelly (1)

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Philip Athans (1)

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.s

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  • 2 semaines après...

Ralph T. Castle (1)

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Rani Kellock (1)

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Richard Ford (2)

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Rick Wolf (1)

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Rjurik Davidson (2)

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Rob Sanders (1)

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Robbie MacNiven (1) logo-bb.png

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Robert Allan (1)

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Robert Baumgartner (1)

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Robert E. Vardeman (1)

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Robert Earl (8)

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Robert Rath (1) logo-bb.png

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Robert Waters (1)

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Robin D. Laws (2)

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Ross O'Brien (1)

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Sandy Mitchell (2)

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Sarah Cawkwell (2)

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Simon Jowett (1)

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Simon Spurrier (1)

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Simon Ounsley (1)

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Sean Flynn (1)

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Steve Baxter (2)

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Steven Eden (1)

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Steven Savile (2)

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William King (8)

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Schattra, scribe bénévole

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  • 4 semaines après...

Hello Rhydysann, et merci pour ton message! J'espère pouvoir continuer à faire grossir ces sujets de compilations au fur et à mesure de mes lectures. Ce n'est pas le matériel de base qui manque, et la résurrection d'Inferno! est un signe que le court format reste une valeur sûre pour la Black Library. Il n'y a plus qu'à, quoi...

 

Schattra, du pain de la prose sur la planche tablette

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Encore une fois merci pour les retours.
Sinon pour la nouvelle Blood Bowl, attention WHB n'est pas BB (enfin officiellement). J'aime autant l'un que l'autre mais les deux sont bien différents. Exemple les loups-garous n'existent pas à WHB. Bon on en a eu dans une nouvelle de gotrek et Felix c'est vrai mais ce ne sont pas des loups tels quels. 


Pour le comique/parodie je n'ai pas lu la nouvelle mais encore une fois l'univers se veut assez déjanté comme tu le dis. Mais libre a toi de faire ta propre interprétation de l'univers. Je te conseille néanmoins les quatre romans BB de Matt Forbeck qui je pense sont plus dans l'optique que tu te fais de BB par exemple. WHB et BB pouvant "cohabiter" assez bien.

 

Quoi qu'il en soit à quand une traduction en VF de toutes ces nouvelles BB !!!

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Ajout des nouvelles et des illustrations de l'Infernabulum! #1:

 

  • A Fool's Bargain (B. Maycock)wfb_the-deep.png
  • The Ambassador (G. McNeill)
  • The Gifts of Tal Dur (N. McIntosh)
  • Debts of Blood (N. McIntosh)
  • The Deep (R. Davidson)

 

 

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Ajout des nouvelles et illustrations du recueil Ignorant Armies

 

  • Geheimnisnacht et The Laughter of Dark Gods (W. King)ignorant-armies-2.png
  • The Reavers and the Dead (C. Davidson)
  • The Other (N. Griffith)
  • Apprentice Luck (S. Flynn)
  • A Gardener in Parravon (B. Craig)
  • The Star Boat (S. Baxter)
  • The Ignorant Armies (J. Yeovil)
Modifié par Schattra
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  Le 11/07/2019 à 20:50, Rhydysann a dit :

Quoi qu'il en soit à quand une traduction en VF de toutes ces nouvelles BB !!!

Développer  

 

J'ai arrêté d'espérer en  ce qui me concerne. Que ce soit les nouvelles de BB ou les romans AoS ou autres, les traductions sont trop peu nombreuses et anarchiques dans leur choix pour s'y fier. Du coup je me suis mis sérieusement à la lecture en anglais. C'est laborieux au début mais on ne manque pas de sujets dans le format cours ce qui permet de s'y mettre doucement mais sérieusement; et quel fierté d'arriver au bout de quelques jours à la fin de la nouvelle et de se dire: non seulement j'ai compris l'histoire mais en plus j'ai apprécié de la lire en anglais et je comprend de mieux en mieux :)

C'est LE conseil que je donne depuis quelque temps à tous les jeunes que je croise qui commencent le hobby et veulent se mettre aux romans. Apprenez l'anglais les jeunes. Cela vous permettra de profiter d'autant plus des univers GW (et accessoirement ça sera toujours un plus sur votre cv).

 

Et merci donc à Schattra pour nous faire profiter de toutes ces reviews succulentes et truculentes :D

Modifié par Lami
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Il est certain que pouvoir lire l'anglais est le meilleur moyen de profiter au mieux de l'offre de la Black Library, en particulier des plus anciennes publications de cette dernière, qui ne seront sans doute jamais traduites si elle ne l'ont pas encore été.

 

Merci @Lami pour ton soutien, en espérant que la suite te plaise! 

 

Ajout des nouvelles et illustrations du recueil Wolf Riders 

  • Wolf Riders (W. King)wolf-riders.jpg?w=500&h=774
  • The Tilean Rat (S. Mitchell)
  • The Phantom of Yremy et The Way of the Witchfinder (B. Craig)
  • Cry of the Beast (R. T. Castle)
  • No Gold in the Grey Mountains (J. Yeovil)
  • The Hammer of the Stars (P. Garratt)
  • Pulg's Grand Carnival (S. Ounsley)
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Ajout des nouvelles et illustrations du recueil Red Thirst :

  • red-thirt.pngRed Thirst (J. Yeovil)
  • The Dark Beneath the World (W. King)
  • The Spells Below (N. Jones)
  • The Light of Transfiguration (B. Craig)
  • The Song (S. Baxter)
  • The Voyage South (N. Griffith)
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  • 3 semaines après...

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du recueil de nouvelles Swords of the Empire, traduit (ce qui est rare pour une anthologie de courts formats) et publié en nos vertes contrées par feu la Bibliothèque Interdite sous le titre Les Épées de l’Empire, en l’an de grâce 2006. Près de quinze ans plus tard, nous voilà à discuter – enfin surtout moi – d’un ouvrage traitant d’un univers disparu, sortie par une émanation de la BL l’étant tout autant. Voilà qui ne nous rajeunit pas.

 

Dans l’attente de contenu « frais » à critiquer, et dans l’espérance que la Black Library donne une suite à la Warhammer Horror Week qui avait marqué la première semaine de Mai 2019, je me suis donné pour objectif de passer enfin le cap des 100 nouvelles critiquées pour Warhammer Fantasy Battle, si possible à temps pour réagir rapidement en cas de prévision exacte de sortie de la WHW II. En repassant en revue les candidats possibles pour ce middle speed reviewing, je me suis souvenu, avec une émotion non feinte, de ce petit recueil que j’avais récupéré dans une Fnac quelconque au milieu des années 2000. Et je dois avouer que ces Épées de l’Empire1 se situent à part du reste des recueils et ouvrages de GW-Fiction lus depuis mon début dans la carrière, car il s’agit du premier livre de ce genre sur lequel j’ai posé la main. Si l’expérience ne m’avait pas plu, je doute que la question de la 100ème revue se poserait aujourd’hui, et je dois donc beaucoup aux six histoires rassemblées sous cette couverture magnifiquement évocatrice pour le joueur de l’Empire que j’étais et demeure2.

 

Au programme de cet épisode, nous nous retrouvons donc avec de longues nouvelles ayant toutes pour point commun de se dérouler dans l’Empire, ou de mettre en scène des personnages venant de la plus grande nation du Vieux Monde. La condition n’est certes pas très contraignante à remplir, mais donne une certaine uniformité à cet ouvrage. Les contributeurs à ce dernier s’avéreront plus ou moins connus de la part du lecteur, des têtes d’affiche comme Dan Abnett (du temps où il écrivait encore pour WfB), Jonathan Green et C. L. Werner, aux plus confidentiels Robert Earl, James Wallis et Gordon Rennie. Notons tout de même que tous ces auteurs ont eu plusieurs romans publiés par la BL au cours des années 2000, ce qui permettra aux intéressés de creuser plus amont si le cœur leur en dit. Pour ma part, je me contenterai de leur relater, au meilleur de mes capacités limitées, de quoi retournent les histoires compilées dans ce livre. Il serait de bon goût qu’elles soient toutes impériales de maîtrise et d’inventivité, mais seul l’avenir nous le dira…

 

1 : Comme j’ai lu ce titre en français, il restera à jamais ‘Les Epées de l’Empire’, alors que j’ai tendance à désigner les autres ouvrages publiés par la BL sous leurs titres originaux. Cela dit, la connaissance de ces derniers permet de réaliser la présence de jeux de mots pas forcément traduits dans la langue de Molière, comme ce ‘Rest for the Wicked’ qui est devenu ‘Pas de Répit pour les Braves’.

 

2Cadia Nebelheim stands.

 

les-epc3a9es-de-lempire.png

 

Les Chasseurs de Vampires // Vampire Hunters - R. Earl :

 

Bienvenue à Novograd, petit village kislevite blotti dans la nature sauvage de cette contrée septentrionale. Nous arrivons juste à temps pour surprendre un trio de natifs confinés dans l’auberge locale, absorbés par l’activité reine de la mauvaise saison : écouter la tempête secouer les maisons tout en fantasmant sur sa mort prochaine et se cuitant à la vodka pour passer le temps. Voilà bien toute l’âme indomptable du Kislev résumée en quelques mots. Plongés dans cette introspection profonde et alcoolisée, nos personnages sont surpris par les coups donnés sur la porte de leur gîte par une force mystérieuse. Délaissant un instant la mastication de sa moustache, autre passe-temps très populaire dans le pays, l’aubergiste Grigori1 va s’enquérir de la cause de ce raffut pendant que ses compagnons dégainent leurs couteaux à saucisson, dès fois que ce serait Peppa Pig qui viendrait demander l’hospitalité. À l’extérieur, ce sont deux voyageurs assez bien mis, Calixte Lesec et son valet Viento, qui demandent à s’abriter de la tempête. Après avoir hésité un moment, car, comme tout homme civilisé, Grigori à entendu parler de la déplorable réputation des Lesec (remontant jusqu’à leur patriarche, Noisy), le tavernier finit par laisser les visiteurs entrer après qu’ils aient prononcé le mot magique : « nous avons croisé Petrokov sur la route ». Car Petrokov est le fils de Grigori, et s’il est parti en direction de la capitale au cœur de l’hiver, c’est pour y chercher de l’aide. En effet, Novograd a un problème. Un gros, vorace et nudiste problème.

 

Une fois à l’intérieur, les nouveaux venus confirment qu’ils sont bien venus pour aider les locaux à se débarrasser de leur nuisance vampirique, car c’est bien de cela dont il s’agit, avec une confiance et une désinvolture qui ne leur attire pas les faveurs de Grigori. Pressé de questions par les mercenaires, il donne une description de l’individu suspect collant parfaitement avec le portrait type d’un Stryge (grand, baraqué, naturiste, avec une tête de chauve-souris), et accepte de mener ses hôtes dans les cavernes servant de repaire à la bête dès le lendemain. Sur la route dès potron minet – mais pas avant que Grigori ait pris son petit-déjeuner complet à base de porridge et de thé au miel (de Lustrie), car c’est le repas le plus important de la journée – les trois hommes progressent dans la poudreuse toute la matinée, et finissent par arriver devant les Dents de l’Ours, percées par un réseau de grottes dans lesquelles les locaux ont vu disparaître le vampire avec une proie sous le bras il y a quelques semaines…
 

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Soumission solide de la part d’un Robert Earl pas encore obnubilé par les aventures de Florin et Lorenzo (bien que la paire Calixte – Viento s’avère assez semblable à son équivalente bretonienne dans ses relations maître – serviteur), ce Chasseurs de Vampire permet au lecteur de découvrir le Vieux Monde dans toute sa dureté, tant climatique que « sociologique », et de prendre la mesure du fameux tempérament kislévite, garant de la survie de ce peuple plus exposé que les autres aux déprédations des forces du mâââââl. Bénéficiant d’une intrigue bien trouvée et mise en scène, notamment le passage de la grotte et l’approche angoissante du Stryge, qui n’aurait pas dépareillée dans une nouvelle de Warhammer Horror, cette histoire met à profit les éléments constitutifs de la GW-Fiction que sont l’action, le suspense et le grimdark, pour un résultat des plus convaincants. À placer parmi les modèles du genre.

 

1 : Qui a contracté cette sale habitude il y a quarante ans, et qui en a quarante-deux. On vieillit vite à Kislev, c’est connu.

 

2 : On suppose que Viento a mis la langue pendant leur séance de base jumping en amoureux ?

 

Ils l'ont écrit:

 

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Charcuterie Ambulante // Meat Wagon - C. L. Werner :

 

Votre attention s’il vous plaît. La nouvelle qui va suivre comprenant un nombre élevé de personnages nommés (plus ou moins) importants pour notre intrigue, nous vous remercions par avance de suivre attentivement les présentations qui vont vous être faites de notre casting. Vous aurez été prévenus.

 

Et nous voici donc catapultés dans un relais routier minable sur la route reliant Erengrad à Zandri en passant par Nuln, où une belle bande de personnages attend que leur personnel de bord ait fait le plein et chargé les plateaux repas. Les écouter un instant suffit au lecteur sagace pour deviner où chacun se positionne sur l’organigramme de la nouvelle d’action med-fan1. Nous avons ainsi, par ordre d’apparition : le joueur de cartes (en os, because why not2)/escroc/joli cœur Feldherrn, le gras, riche, désagréable et xénophobe marchand de vodka Emil Steinmetz, sa « fiancée »/chaufferette achetée en soldes à son vieux père Lydia, et son garde du corps couturé et patibulaire, Ravna (surnommé un demi car il utilise une épée bâtarde). À cela, nous nous devons d’ajouter la Baronne von Raeder, vieille fille maniérée et hautaine, mais se baladant avec une rapière au côté, et le jeune ingénieur Nain Fergrim Pointefer, transportant avec lui des caisses frappées de runes auxquelles il tient comme à la prunelle de ses yeux. Pour finir, un mot sur les chauffeurs de ces messieurs-dames : l’Ostlander au fouet et aux chicots pourris, Ocker, et son comparse Strigani à tête de fouine et à moustache pleine de miettes (un signe sûr que c’est un filou… ou une fouine qui vient de tomber sur une baguette), Bresh. Pfiou, une bonne chose de faite.

 

Tout ce petit monde se dirige donc vers Nuln et doit cohabiter pour quelques heures, même si des tensions se manifestent déjà au sein du groupe. Le voyage du coche est cependant interrompu avant son terme par un fiacre-stopper planté au bord de la route. Reconnaissant un Répurgateur à la forme de son chapeau, les deux gredins tenant les rênes, et que le lecteur avait surpris quelques temps auparavant à échanger des remarques lourdes de sens hors d’écoute de leurs passagers, sont d’abord tentés de l’écraser, mais Mathias Thulmann (car c’était lui) avait habilement prévu le coup en demandant à son homme de main et tortionnaire particulier, Streng, de se positionner stratégiquement avec une arbalète chargée à proximité. Si Thulmann joue du pouce sur les grands chemins, c’est que son cheval à perdu un fer et qu’il a donc besoin d’être dépanné jusqu’à la forge la plus proche. Ne prenant pas les dénégations polies des conducteurs pour argent comptant, il s’installe donc posément dans la diligence, laissant son acolyte suivre cette dernière avec leurs chevaux, et propose un tour de table amical pour briser la glace entre les compagnons de voyage. Venant d’un type qui peut vous condamner au bûcher si vous éternuez de façon bizarre, pas sûr que cela fonctionne beaucoup.

 

En tous cas, cette rencontre fortuite n’empêche pas Ocker & Bresh de dérouler la suite de leur plan, et donc d’amener leur véhicule jusqu’au charmant petit village de Mureiste, Sylvanie. « Dites donc, c’est étrange que nous fûmes allâtes en direction du Nord-Est alors que la logique voullasse que nous nous dirigeassionnèrent vers le Sud-Ouest » commente ce finaud de Thulmann, à qui on a appris le Reikspiel littéraire et la géographie au Temple de Sigmar. Il ne faut donc pas s’étonner que notre héros dégaine une de ses pétoires de service lorsque l’équipage annonce une pause de quelques minutes à ses passagers, et interdise en des termes non incertains aux ruffians de bouger de leur siège. Cette situation des plus tendues (Streng étant venu appuyer les dires de son employeur avec sa propre arbalète) dégénère cependant tout à fait lorsque les habitants de Mureiste arrivent en masse taper au carreau du fiacre, et pas pour demander s’ils peuvent laver le pare-brise, non non. Car les locaux sont des goules, elles ont faim, et de bien mauvaises manières. Dans le tumulte qui s’en suit, notre compteur de mort horrible se déclenche enfin, grâce à la participation active d’Ocker, qui prend un carreau dans le bide de la part de Streng en tentant de dégainer son tromblon, tombe de son siège, se fait rouler dessus par la voiture qui s’emballe, et dévorer vivant par les relations professionnelles des son collègue. Pas mal pour un début. Bresh, de son côté, réussit à faire décrire des cercles à l’attelage devenu fou jusqu’à ce que le poison des cannibales fasse effet et terrasse les chevaux3. Le coche se renverse, manquant d’écraser Pointefer, mais ne faisant pas d’autres victimes que les chausses de Steinmetz, dont le transit intestinal est accéléré par la vue des goules. Toutefois, tous nos personnages, y compris Bresh, que Thulmann amène manu militari avec lui pour qu’il s’explique, réussissent à se réfugier dans le temple de Sigmar local, et à en barricader les portes.

 

Dès lors, il s’agit pour nos héros de s’organiser. Pendant que ses camarades fortifient leur position ou sanglotent dans leur coin, le Répurgateur torture un peu son suspect, arrivant à tirer de ce dernier la promesse d’une mort abominable délivrée d’une main de Maître par ce dernier. Il ne faut pas longtemps à Thulmann pour comprendre que les goules ne sont qu’un avant-goût d’une nuit très agitée qui s’annonce, et le zélote va donc prêter main-forte à ses acolytes, qu’il positionne à des endroits stratégiques dans l’attente du prochain assaut. À la tombée du jour, une chauve-souris géante vient déverser des litres de guano sur la grand-place où patientent les Muriestois, avant de se poser et de se changer en, je vous le donne en mille, Ozzy Osbourne. Ou presque. En vampire Stryge. Après s’être fait briefer sur les derniers événements, et avoir repris quelques forces en sirotant le messager4, il lance ses ouailles à l’attaque du monument, en leur indiquant de penser à faire le tour, cette fois-ci. Si la marée de viande écumante (voir « ils l’ont écrit ») ne parvient pas à faire autre chose que trembler les portes dans un premier temps, les nerfs fragiles de cette fiotte de Steinmetz manquent de condamner la team Sigmar lorsque le pleutre décide d’aller libérer Bresh dans l’espoir que ce dernier parvienne à le sauver. Malheureusement pour lui, et pour son nouvel obligé, Lydia donne l’alerte à Thulmann avant que le Strigani n’ait eu le temps de lui planter un couteau dans le dos. Privé de l’avantage de la surprise, les vingt centimètres d’acier du ruffian ne font pas le poids ni la longueur face à l’épée bénite du Répurgateur5, et le malappris se fait posément transpercer la gorge par son adversaire, qui peut aller redonner un coup de main très bienvenu à ses comparses.

 

C’est le moment que choisit le Stryge pour faire son entrée dans la place, par la fenêtre s’il vous plaît. Chemin faisant, il charcute horriblement la pauvre Baronne von Raeder6, pulvérise un banc et éventre Steinmetz, faisant un peu de ménage dans notre casting. Ses tentatives de griffer à mort Thumann sont cependant mises en échec par le jet d’eau bénite qu’il se prend dans la figure (ça brûle), et par les gros débuffs de zone que lui inflige le sol consacré du lieu saint dans lequel il se trouve. C’est ça aussi de ne pas demander à ses goules de raser le temple de Sigmar du village en temps et en heure. Devant tant de diableries, ou peut-être l’inverse, le vampire décide d’aller prendre l’air, entraînant avec lui ses hordes de groupies décérébrés. L’occasion pour les défenseurs de souffler un peu et de faire leurs comptes, le pauvre Ravna, méchamment tailladé par un ongle sale de goule, n’en ayant plus pour très longtemps…

 

C’est alors que Pointefer se souvient que le contenu de ses caisses n’est autre que de la poudre à canon. Gag. Jouant leur va-tout, les survivants envoient donc le Nain et le mourant poser une mèche dans les décombres de la diligence, pendant que Thulmann tente de distraire le Stryge. Cela marche tellement bien que, lorsque l’héroïque Ravna se sacrifie pour mettre le feu aux poudres, le buveur de sang est encore occupé à envoyer des gros doigts, ou griffes dans son cas , au Répurgateur depuis le sommet de la diligence. Bilan des courses : un centre ville dévasté, une vingtaine de goules déchiquetées, et un vampire en piteux état, que Thulmann achève d’un coup d’épée en plein cœur en punition de son tapage nocturne7. Ici s’achève notre histoire, les deux chasseurs de sorcières décidant de repartir avec leurs montures (habilement garées dans le temple par Streng un peu plus tôt), même déferrées, plutôt que de s’éterniser plus longtemps dans ce patelin paumé qu’est Mureiste. Et Thulmann de donner ce conseil avisé aux trois survivants de notre échappée belle (voyez si vous pouvez les identifier) : « je suis sûr que ça va marcher ».

 

On savait Werner particulièrement à son aise pour la mise en scène de nouvelles d’actions sérialisées, qu’il s’agisse pour lui de suivre une traque du chasseur de primes Brunner, ou une purification expresse dispensée par le zélé Mathias Thulmann. Cette réputation n’est pas usurpée ici, car cette Charcuterie Ambulante tient beaucoup mieux la route, et c’est heureux, que la diligence empruntée par nos héros pour se rendre à Nuln. En plus de bénéficier d’une atmosphère tendue tout à fait appréciable, en grande partie grâce au rythme soutenu imposé par l’auteur, et les quelques descriptions gore à souhait qu’il glisse au fil des pages, cette nouvelle parvient également à faire « vivre » (et mourir, dans beaucoup de cas) sa belle brochette de personnages de façon naturelle et équilibrée, et emprunte avec bonheur au genre du western, dont Werner est un fan assumé. La fameuse scène de l’attaque de la diligence par les Indiens, ou, plus proche de nous, l’attente tendue des 8 Salopards, partagent ainsi des similarités fortes avec le siège de temple de Sigmar par un Stryge et ses goules, preuve que dans la pop culture, tout est dans tout et inversement. Au final, encore une nouvelle solide à mettre au crédit d’un des chasseurs de lignes les plus réputés du Vieux Monde plutôt que du Far West, et une très bonne introduction du personnage de Mathias Thulmann aux non-initiés, si nécessaire.

 

1 : Et dans une certaine mesure, de déterminer qui a le plus de chances de mourir dans d’atroces souffrances au cours des prochaines pages.

 

2 : Même si le matériau utilisé me semble un peu saugrenu. Sans compter de la taille du squelette nécessaire pour tailler des cartes d’une taille suffisante. Sans doute un moyen pour les forces impériales de monétiser les cadavres d’Orques qui s’accumulent comme des feuilles mortes en automne après la Waaagh ! hebdomadaire.

 

3 : Qui n’ont pas reçu de nom et que je n’inclue donc pas à ma liste, à grand regret.

 

4 : Don’t shoot the runner, but drink them? Yes you can.

 

5 : Annule les sauvegardes invulnérables des Démons, coup fatal sur les sorciers à cœur noir.

 

6 : Dont le tort fut d’être une femme répudiée indépendante, et donc indigne de confiance pour ce misogyne de Thulmann.

 

7 : Non sans avoir balancé la petite réplique qui va bien juste avant, ici librement empruntée à ‘Le Bon, La Brute et le Truand’ (déjà pastiché par Werner dans sa série ‘Brunner, Bounty Hunter’.

 

Ils l'ont écrit:

 

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L'Affaire de la Cellule Écarlate // The Case of the Scarlet Cell - G. Rennie :

 

Les temps sont rudes à Altdorf pour la devineresse décrépite Varra, qui peine à extorquer de quoi payer son loyer et acheter du mou à son chat à la populace locale. En cause, l’absence de la moindre petite catastrophe depuis quelques temps, qu’il s’agisse d’une Waaagh ! Orque ravageant l’arrière-pays, d’une invasion des hordes chaotiques depuis le Nord, ou même une épidémie de peste noire, comme au bon vieux temps de Mandred. Ce sont des événements de ce genre qui donne l’envie aux braves quidams de claquer quelques pièces dans la lecture de leur avenir, et la paix relative dont bénéficie l’Empire au moment où notre histoire prend place ne fait donc pas les affaires de notre pythie au rabais. Aussi, lorsque le traditionnel rideau de perles marquant l’entrée de son cabinet se met à bruire, annonçant l’arrivée d’un gogo client en puissance, Varra se dépêche de prendre un air pénétré et de scruter les profondeurs mystérieuses de sa boule de verre (le cristal, c’est cher). À défaut d’avoir de vrais pouvoirs de divination, un simple coup d’œil au nouveau venu aurait peut-être pu sauver la voyante amateur du triste destin qui l’attend. Lorsque Varra daigne en effet lever les yeux sur son visiteur pour s’enquérir de la raison des ses grognements courroucés, il est trop tard pour elle. Fondu au rouge…

 

Quelques heures plus tard, c’est l’impeccable Zavant Konniger, Sage-Détective (c’est écrit sur sa carte de visite) qui se rend sur le lieu de ce qui s’est avéré être un crime (sans blagues), suivi de son fidèle serviteur halfling Vido. Si l’illustre personnage a daigné descendre dans la rue des Pythonisses, c’est qu’il réfléchit à prendre l’affaire que lui propose le marchand Gustav von Hassen, fondateur du Comité de vigilance des citoyens d’Altdorf, initiative populaire mise sur pied il y a quelques mois pour aider les autorités incompétentes à mettre fin aux déprédations d’un tueur en série sanguinaire connu sous le nom du Boucher de Reikerbahn (le quartier le plus mal famé d’Altdorf). Bien que le charcutier en question ait fini par être appréhendé, envoyé en prison, jugé et exécuté, von Hassen semble prêt à payer les coquets émoluments demandés par Konniger pour bénéficier de sa légendaire gnose. Dès lors, ce dernier se fait un devoir de visiter les quartiers de la pauvre Varra, éparpillée façon puzzle dans son F3. Le regard acéré de notre enquêteur ne met pas longtemps à remarquer que la victime n’a ni les yeux, ni la langue dans sa poche, ni à leurs emplacements habituels d’ailleurs, et conclut donc que le meurtrier devait avoir des motivations bien spécifiques. En effet, voler les yeux et la langue d’une devineresse semble obéir à une logique particulière.

 

Sur le chemin du retour, dans le fiacre que Konniger et Vido partagent avec von Hassen et son jouvenceau de neveu, Sigmund, le Sage-Détective n’a pas longtemps à attendre pour tirer les vers du nez de son nouvel employeur, qui révèle deux faits très intéressants à l’enquêteur. Le premier est que le meurtre de Varra n’est que le dernier d’une série en cours, ayant vu un Archilecteur salace perdre cœur (et la vie) dans le lit d’une prostituée de luxe, et pas moins de trois sorciers des collèges de magie perdre la tête (et le contenu de leur boîte crânienne) au cours des dernières semaines. La seconde est relative au fameux Boucher de Reikerbahn, dont la population a été privée de l’exécution publique pour la simple est bonne raison que le suspect était un cultiste de Khorne déjà bien avancé sur le chemin de la mutation (professionnelle ou pas), plus semblable à une bête qu’à un homme, et doué d’une capacité de régénération extraordinaire. Pensez à Wolverine croisé avec Jack l’Éventreur et vous aurez une bonne représentation du joyeux drille. N’ayant rien pu tirer de lui, ni aveu, ni confession, ni parole intelligible, les autorités décidèrent de le brûler dans l’enceinte de sa prison pour clore l’affaire une fois pour toutes.

 

Une fois rendu à son domicile, Konniger commence à phosphorer avec son efficacité habituelle, faisant remarquer à son domestique que von Hassen, pour concerné qu’il ait l’air d’être par le salut du petit peuple, dissimule sans doute ses véritables motivations, comme l’indique… l’absence de chevalière à sa main droite. Imparable. Cela dit, il faut à notre héros amasser davantage d’indices et de preuves sur cette affaire, et la paire part bientôt en direction de la Kaiserplatz à la rencontre d’une vieille connaissance, travaillant comme geôlier en chef dans la prison municipale de Mundsen, où le Boucher a passé ses dernières heures. Bien aidé par la corruption quasi-totale de son interlocuteur, et pendant qu’il déguste une savoureuse saucisse dans la taverne de la Robuste Matraque, Konniger ne met pas longtemps à convaincre le maton qu’il est dans son meilleur intérêt de lui faire faire une visite guidée de la cellule où était enfermé Boubou, même si les Répurgateurs de Sigmar ont formellement interdit à quiconque d’y pénétrer depuis l’exécution…
 

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Adaptation très convaincante d’une enquête de polar bien noir dans l’univers de Warhammer, L’Affaire de la Cellule Écarlate permet à Gordon Rennie d’entraîner son lecteur dans le tumulte d’Altdorf, depuis ses tavernes animées et son riche quartier marchand jusqu’aux prisons les plus glauques et au tristement célèbre Reikerbahn, ce qui en fait une nouvelle incontournable pour tout amateur de fluff qui se respecte, ainsi que pour les rôlistes à l’affût d’informations (quasi) officielles pour enrichir leurs parties. Mettant à profit son aisance narrative pour plonger son public dans son propos, par exemple en alternant les passages suivants Konniger et Vido avec ceux racontés du point de vue du tueur (ce qui permet de comprendre son douloureux parcours et ses motivations) ou des ses victimes, convoquant avec maestria des descriptions de la vie d’Altdorf, dialogues efficaces (à défaut d’être savoureux) et scènes d’actions rythmées, le tout parsemé de quelques trouvailles gores et saillies humoristiques, Rennie livre ici l’une des toutes meilleures aventures de son héros fétiche, qui tombera malheureusement dans un relatif anonymat3 lorsque son auteur décidera d’arrêter sa collaboration avec la Black Library. Donc, profitez-en car il y en pas des milliers, ni des centaines, ni même des dizaines comme celle-là4 !

 

1 : Ce qui est certes dégoûtant (en plus d’être dégouttant) mais très utile pour les banques de sang d’Altdorf.

 

2 : Insaisissabilité renforcée par les dons « anti-magiques » accordés à la suite de la consommation du cœur, cerveaux, yeux et langue de ses victimes précédentes.

 

3 : Même si le brave Josh Reynolds sortira Zavant de sa pré-retraite le temps de quelques nouvelles au cours des années 2010.

 

4 : Et en français, je pense que c’est même l’une des seules.

 

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Pas de Répit pour les Braves // Rest for the Wicked - J. Wallis :

 

Altdorf, et ses rues bruissantes de vie, ses marchés bien achalandés, ses honnêtes citoyens faisant leurs courses… Et, bien entendu, ses forces de police luttant au jour le jour contre les déprédations des mauvais sujets de l’Empereur, ou, dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, celles de dangereux immigrants, comme ce Kislévite à moustache de Kislévite (ok) et aux yeux de Kislévite (plus dur), qui se fait courser comme un lapin par nos héros, les officiers des Lices Dirk Grenner (aka Astérix) et Karl Johansen (aka Lucky Luke1), qui cherchent ainsi à boucler une enquête de trois mois de façon probante. Manque de bol pour les Starsky et Hutch impériaux, leur course poursuite les amène jusqu’aux portes de la ville, où le cortège de Leopold von Bildhofen, Comte Électeur du Middenland, fait son entrée en grande pompe. Le périmètre de sécurité étant strictement maintenu par la garde civile, nos héros ne peuvent que constater la disparition de leur proie dans la foule massée pour l’occasion… jusqu’à ce que le suspect moustachu trouve intelligent de passer en courant devant le cheval de l’Électeur, pile au moment où ce dernier reçoit un carreau en pleine encolure (le cheval, pas le bonhomme). La suite est assez facile à prédire : la bête s’emballe et part au triple galop dans les rues pavées d’Altdorf, en direction de la Königplatz (à ne pas confondre avec la Kaiserplatz) et de son marché bondé. Serait-ce la fin de ce bon vieux Leopold ? NON, car les héroïques Johansen et Grenner subtilisent deux montures à leurs balourds de collègues, piquent des deux et parviennent in extremis à se saisir de l’aristocrate avant que son destrier n’aille s’emboutir dans un food truck, avec des résultats dévastateurs. Malgré leur intervention salutaire, ce snob de von Bildhofen remercie à peine ses sauveurs, et repart avec sa troupe jusqu’à son Air BnB.

 

De retour au poste, les officiers doivent à présent amadouer la colère de leur patron et chef des Lices d’Altdorf, le Général Hoffmann, devant le capotage complet de l’opération Kosachok. Ce fiasco a toutefois libéré le duo, qui peut enquêter sur la tentative d’assassinat dont l’influent aristocrate vient de faire les frais. Ayant déjà reçu le résultat des expertises du laboratoire alchémico-légal avec lequel les Lices travaillent, qui a établi que le carreau était d’origine tiléenne, Johansen et Grenner partent en direction de la petite Tilée pour creuser la piste d’un assassin étranger engagé par un mystérieux commanditaire pour se débarasser de von Bildhofen. L’héritier du Comte étant son frère Siegfried, marié à une Tiléenne, c’est donc vers ce dernier que les premiers soupçons se portent. Après une rencontre fructueuse avec le signor Argentari, parrain de la pègre italienne tiléenne locale, les deux équipiers filent jusqu’à la Marianstrasse, où leur indic leur a confié que se trouvait le tireur d’élite recruté pour effectuer ce sale boulot. Bien qu’ils parviennent sur place avant que ce dernier n’ait pu retenter sa chance, profitant du passage du Comte Électeur à la sortie de la messe, ils perdent l’élément de surprise lorsque Grenner ne parvient pas à enfoncer la porte de la planque du premier coup. S’en suit un face à face tendu entre les officiers et leur suspect, qui se prend la dague de jet de Johansen dans l’estomac pour commencer, mais riposte en logeant un carreau dans la poitrine de ce dernier. Ce tilean stand-off, qui aurait pu durer longtemps vu la stupidité des participants2, est toutefois interrompu par une boule de feu impromptue, qui ravage la piaule et réduit le sniper en cendres. Comprenant que cette intervention enflammée était probablement celle du commanditaire, peu soucieux de laisser les enquêteurs interroger le tueur à gages, Johansen indique à son partenaire qu’il serait judicieux qu’il aille rendre une visite de courtoisie à la DGSI impériale, une cellule de la Reiksguard (en civil) enquêtant sur les complots et manigances agitant l’entourage de l’Empereur. Cette organisation moyennement secrète (puisque un simple officier des Lices sait qu’elle existe et où elle opère3), du nom d’Untersuchung, s’est faite une spécialité d’enquêter sur les mages renégats, et pourrait donc aider l’enquête à progresser. Pendant que son collègue passe aux urgences se faire recoudre, Grenner se rend donc sur place.

 

Là, il se fait poliment mais fermement éconduire par ses interlocuteurs, qui ont l’air d’en savoir beaucoup plus qu’ils ne veulent bien en dire sur cette affaire, et ne consentent qu’à lui expliquer la différence entre une boule de feu et une explosion flamboyante. Car non, ce n’est pas la même chose. De retour au poste, Johansen est toutefois briefé par Hoffmann, qui a reçu les infos refusées à son sous fifre par fax pigeon voyageur, sur la situation très délicate dans laquelle ils doivent opérer. La sorcière pyromane se révèle être une certaine Emilie Trautt, mage flamboyante passée libérale depuis quelques années et concubine notoire du fils de Leopold von Bildhofen, Udo, qui passe du coup suspect #1 de l’enquête. Cependant, l’Untersuchung a formellement interdit à ses collègues d’intenter quoi que ce soit envers Trautt, qui pourrait mener le Bureau des Légendes d’Altdorf à de plus gros poissons. Cela n’empêche toutefois pas les Lices de monter un plan audacieux pour protéger le mal-aimé Leopold de ses persécuteurs…
 

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Pastiche assez transparente de la série policière classique des années 80, mettant en scène des flics débrouillards aux méthodes non conventionnelles mais efficaces pour combattre le crime, Pas de Répit pour les Braves souffre des grosses ficelles parodiques utilisées par l’auteur, d’un duo de héros pas vraiment attachants, et de l’intégration assez grossière de l’Untersuchung (que Wallis mettra au centre de son roman La Marque de la Damnation) à l’intrigue pour des raisons relevant selon moi du teasing pur et simple. Si on peut reconnaître à cette nouvelle un rythme enlevé et une enquête potable, même si pas vraiment spectaculaire en termes de rebondissements4, ainsi que quelques détails fluffiques sur Altdorf et ses forces de po-Lices, à prendre avec des pincettes car reprises par personne d’autre depuis, la Black Library a beaucoup mieux à offrir en termes de nouvelles « policières » se déroulant dans le Vieux Monde, à commencer par L’Affaire de la Cellule Écarlate dans la même anthologie, supérieure sur tous les points à Pas de Répit pour les Braves.

 

1 : Comprendre que le premier est un petit blond raleur, et le second un grand brun à la gâchette facile.

 

2 : Ainsi, l’assassin parvient à se surprendre lui-même lorsque sa manœuvre de diversion à l’encontre de Johansen le mène à regarder également dans la direction vers laquelle il pointait son arbalète, permettant à l’officier de lui balancer un pied de chaise dans la tronche en toute impunité.

 

3 : Rendant son utilisation de mot de passe alambiqué à l’entrée un peu ridicule.

 

4 : En même temps, avec deux suspects identifiés en tout et pour tout, difficile de faire planer longtemps un suspens étouffant. Wallis avait fait beaucoup mieux ceci dit avec sa série Dieter Brossmann (‘The Dead Among Us’ et ‘The Bretonnian Connection’).

 

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La Cloche de Nagenhof // The Nagenhof Bell - J. Green :

 

Notre histoire commence avec un paragraphe descriptif expliquant en quelques lignes aussi imagées qu’un mur de classe maternelle1 que, par une nuit sombre et sinistre, frappée par un temps sombre sinistre, et digne du sombre et sinistre dieu de la mort (qui est sombre et sinistre) Morr, un bâtiment sombre et sinistre – le temple de Morr de Nagenhof – est sur le point d’être témoins d’évènements… sinistres et sombres. Ha ! Vous ne l’avez pas vu venir, celui là ! Et, de fait, un trio de ruffians est surpris par le lecteur déjà un petit peu blasé par les effets stylistiques sombres et sinistres de Jonathan Green, très à l’aise dans son rôle de MJ pour CE2, en train de hisser une cloche en haut du beffroi du temple. Le groupe est mené par la figure contrefaite mais très musclée du bossu Otto, recueilli à sa naissance par le prêtre local, Ludwik, après que sa bohémienne de mère soit venue mourir en couches dans son presbytère. En même temps, what did you expect d’un temple de Morr ? Moi je dis que ce n’est pas du tout un fail, à l’inverse de la tentative de Green de pomper discrètement des idées dans des classiques de la littérature. Mais revenons-en à nos bourdons. Otto et ses comparses sont parvenus à installer la nouvelle cloche, qui luit d’un éclat verdâtre peu engageant, à la place de l’ancienne, et le bossu a tôt fait de se débarrasser de ses complices désormais inutiles, dont il empile les cadavres dans la crypte de son lieu de travail. Voilà qui termine le prélude de notre histoire, qui sera, comme vous l’avez compris, sombre et sinistre.

 

Trois jours plus tard, la bande de mercenaires du charismatique (c’est lui qui le pense en tout cas) Torben Badenov est à pied d’œuvre dans la taverne de la Main de Gloire de Nagenhof, tenue par un de leurs anciens frères d’armes, le manchot Dietrich Hassner. Rangé des voitures depuis dix ans, date à laquelle il a perdu la main, Dietrich se voit malgré tout proposer par Badenov de reprendre du service pour aller faire les quatre cents coups dans le Vieux Monde, comme à la bonne époque. Autour de lui, ses compagnons se pintent généreusement à la bière, et il me faut vous les présenter sans plus attendre, par ordre de participation active à la suite de la nouvelle. Commençons par le nobliau maussade mais futé Pieter Valburg, recruté dans la bande à la suite des événements relatés dans Heart of Darkness, qui l’ont vu venger la perte de sa fiancée. Nous avons ensuite le Kislévite à tête de fouine Oran Scarfen, le jeune et incertain Stanislav Hagar, et le colossal trappeur Yuri Gorsk (qui ne servira à rien, vous pouvez donc l’oublier). Ces plaisantes retrouvailles sont toutefois interrompues par un angélus d’un genre un peu particulier, à la fois lancé à l’heure indue de 9h53, et sonné par une cloche à la sonorité…euh…clivante. Sortis hors de la taverne pour s’enquérir de la source de ce raffut, les ivrognes décident, l’alcool aidant, d’aller jeter un œil dans le temple de Morr d’où provient ce vacarme.

 

Dans le temple en question, Otto vient d’avoir une petite discussion avec son père et Père, Ludwik, tout juste rentré d’une veille mortuaire dans l’arrière-pays. Le vieil homme était sur le point de filer une trempe de tous les diables à son fils adoptif pour avoir oublié ses corvées de taillage des cierges, balayage des feuilles et exterminage des rats, qui semblent avoir pullulé en son absence, lorsque le lancement du carillon funeste l’a averti d’un problème bien plus pressant. Un rapide coup d’œil à la crypte, grouillante de vermine et contenant deux cadavres bien mâchonnés par cette dernière, lui a en effet permis de constater que la cloche que les habitants de la ville avaient conservé comme souvenir de leur victoire contre les Skavens il y a dix ans, avait disparu. Pas plus bête que le lecteur de la BL moyen, Ludwik a compris que c’est elle qui sonne désormais, et que c’est son infernal bedeau qui tire sur la corde, dans tous les sens du terme. L’explication de texte entre les deux hommes ne s’est toutefois pas passée aussi bien que le prêtre l’avait espéré, le bossu ayant finalement compris que l’ecclésiastique était son vrai père (qui avait abusé de sa mère), et réglé son complexe d’Œdipe de façon littérale en balançant Ludwik du haut du beffroi, dans un remake essoufflé (le contraire d’inspiré) de Notre Dame de Paris. Car Otto a décidé qu’il était un furry, et compte bien se faire adopter par une nouvelle famille aimante de Skavens, qu’il convoque en faisant sonner la cloche hurlante municipale. Question : pourquoi ? Réponse : La Mer Noire. En tous cas, les ratons ont l’ouïe fine, et la marée murine qui a empli les rues de Nagenhof fait présager du pire pour les braves péquenauds.

 

Nous faisons alors un crochet dans les égouts de la ville, où une cohorte de Skavens menée par le chef de meute Nikkit Skar se dirige vers la crypte du temple, emportant avec elle le Rat Ogre Mâchecrâne. Vous pouvez oublier ces noms dès à présent, car ils ne reviendront plus de la nouvelle, Skar ayant bouclé son cameo et Mâchecrâne redevenant un Rat Ogre anonyme après cela. Contentons nous de nous préparer à un peu de baston sombre et sinistre.

 

Du côté des gentils, la bande de Badenov, suivie par Dietrich, est arrivée devant le temple, a constaté l’heure du décès de Ludwik, écrasé sur le pavé, ainsi que l’infestation ratière dont semble souffrir le lieu de culte. Prouvant à nouveau que son supérieur est une andouille, Pieter a la bonne réaction de monter dans le beffroi pour faire cesser le carillon, alors que Badenov souhaitait simplement poursuivre l’état des lieux. Toutefois, l’arrivée de l’avant-garde Skavens met un terme définitif à son projet, et il résout à la place de retenir les hommes rats à l’intérieur du temple en compagnie de Dietrich, pendant qu’Oran, Stanislas et Yuri y mettront le feu pour empêcher les mutants d’envahir la cité. Aussitôt dit… pas tout de suite fait. D’une part car les Nagenhofer ne se laissent pas immédiatement convaincre de la nécessité d’incendier leur patrimoine culturel, et qu’il faut un beau discours inspirant de la part de Stanislas pour les y pousser (l’approche injurieuse d’Oran ayant bizarrement donné des résultats contrastés). D’autre part car, après avoir contenu à grand-peine les premières vagues Skavens, Badenov et Dietrich se retrouvent confrontés à un Rat-Ogre très en colère, ce qui les pousse à une prudente retraite dans le beffroi. Heureusement pour eux, les assaillants sont aussi abrutis que notre héros, et ne profitent pas de l’occasion pour s’échapper du bâtiment en flammes, et préfèrent lancer leur monstre sur les talons des mercenaires. Un escalier qui s’effondre plus tard, Badenov est contraint de laisser Dietrich s’expliquer en tête à tête avec Mâchecrâne pendant que lui essaie de se rendre utile en s’enquérant du silence radio de Pieter. Ce dernier, d’abord surpris et presque garrotté à mort par Otto, a toutefois fini par prendre le dessus sur son assaillant, et l’a pendu par le cou jusqu’à ce que mort s’en suive, mettant fin à ses projets d’adoption. Aidé par son incapable de boss, il parvient à décrocher la cloche infernale de sa poutre porteuse, l’envoyant écraser le Rat Ogre en contrebas juste avant qu’il ne puisse donner le coup de grâce à Dietrich, qui mourra avec la satisfaction du devoir accompli. Ceci fait, il ne reste plus à nos deux loustics qu’à effectuer un petit saut de la foi dans une charrette de foin astucieusement positionnée par leurs comparses pour compléter leur mission, et la ruine totale du temple. Il serait cependant litigieux de revendiquer une victoire totale pour l’Empire, la cloche hurlante ayant cassé les oreilles (et pas que) de Nagenhof n’étant pas retrouvée dans les décombres fumantes le lendemain…

 

Tristement égal à lui-même, Jonathan Green livre avec La Cloche de Nagenhof une nouvelle aventure des plus insipides de sa bande de mercenaires fétiche. Pénalisée par le manque d’inspiration de l’auteur, qui recycle péniblement un classique de la littérature pour meubler son intrigue, ainsi que par le style lourd de Green (champion du monde des « comme (si) » et « eh bien »), l’histoire ne brille ni par le fond (mais pourquoi est-ce qu’Otto pensait qu’il serait accueilli à pattes ouvertes par les Skavens ?) ni par la forme (mais pourquoi est-ce que Green informe le lecteur que Dieter a perdu sa main en combattant Mâchecrâne dix ans plus tôt seulement deux lignes avant que les deux personnages ne se rencontrent à nouveau2 ?). Comme à son habitude, Badenov se révèle être un abruti fini, guidé par la sagacité de l’indispensable Pieter Valburg plutôt que par ses propres réflexions brumeuses, et quant au reste de sa bande, elle sert essentiellement de décor humain au drame qui se noue à Nagenhof, démontrant les lacunes qu’a l’auteur à faire évoluer un groupe de personnages de façon crédible et intéressante. Tout le monde n’est pas Dan Abnett ou C. L. Werner. En définitive, on retiendra simplement que Jonathan Green pourrait poursuivre Assassin’s Creed en justice pour plagiat du saut de la foi3, et que le titre de l’omnibus collectant les nouvelles de la bande de Badenov, « les damnés et les morts » tire son origine de la remarque que se fait son leader minimo à la fin de La Cloche de Nagenhof. Ce qui n’est pas lourd, certes.

 

1 : Comprendre qu’il y a beaucoup d’images mais qu’elles sont vraiment pas terribles.

 

2 : C’était pourtant un moyen facile et efficace de faire monter un peu la tension avant l’affrontement. Si Green avait écrit l’Hérésie d’Horus, on aurait appris que l’Empereur était le père de ce dernier au livre 59, pendant une discussion anodine entre Pépé et ses Primarques dans l’ascenseur les menant au téléporteur du Palais Impérial.

 

3 : La nouvelle ayant été publiée en 2001, 6 ans avant la première édition du jeu.

 

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Les Epées de l'Empire // Swords of the Empire - D. Abnett :

 

« Cher journalle en pô de shèvre, si je prens la plume aujour dui, bien ke je ne soyes pa un skribhe, mésun chevalié de la Reiksguard, cé ke j’en nai greau et ke le monde doigt savoir. »  Ainsi commence l’histoire narrée par velin caprin interposé par notre narrateur, Jozef von Kassen, qui, pour tromper les longs mois de l’hiver kislévite, s’est mis en tête de chroniquer par le menu les aventures l’ayant amené à squatter avec ses hommes la stanitsa de Kzarla. C’est donc à la chronique d’une chronique, exercice meta en diable, que l’auteur de ces lignes se prête ici, sur un support bien moins classe qu’un parchemin de biquette je le reconnais, mais nécessité fera loi.

 

Notre récit débute à Altdorf, où von Kassen est chargé par ses supérieurs d’escorter la vadrouille d’Udo Jochrund, maître sorcier du Collège Lumineux et spécialiste de la magie tribale kislévite, sur son terrain de prédilection. Accompagnés d’une vingtaine d’hommes d’armes, notre héros doit assurer la sécurité de sa charge pendant qu’elle recensera les fascinantes traditions chamaniques des peuplades du grand Nord, entreprise qui semble occuper la plus grande partie des étés de Jochrund. Von Kassen, qui est une âme simple, se méfie d’abord des pouvoirs occultes dont son compagnon de voyage dispose, mais la pédagogie dont ce dernier fait usage pour convaincre son protecteur un peu concon qu’il n’a rien à craindre, et la gentillesse manifeste de l’érudit1, finissent par gagner la confiance du soldat. Commence alors un périple long de plusieurs mois, permettant à l’expédition de visiter quantité de communautés kislévites, au lecteur d’apprendre pas mal de choses sur nos personnages (à commencer par l’intérêt fort et sincère que porte von Kassen à tout ce qui à trait aux chèvres2) et sur la culture locale, à Jochrund de collecter des tonnes d’échantillons et de témoignages, et à Abnett de remplir facilement une vingtaine de pages, ou une peau de chèvre entière dans le cas de son héros. Ceci dit, le périple n’est pas sans rencontrer quelques difficultés occasionnelles, comme la fois où les aventuriers ont dû batailler pendant une heure pour repousser l’assaut de brigands locaux, pour un résultat sans appel – mais un peu surprenant si on prend compte la longueur de l’affrontement – de quatre morts à zéro3.

 

Les choses deviennent un peu plus sérieuses lorsque la petite troupe atteint le village septentrional de Svedora, nommé ainsi à cause du chapeau traditionnel que tous les hommes célibataires avec collier de barbe portent. Eprouvés par des mois de marche à travers les plaine du Kislev, les impériaux ont une allure plutôt miteuse, ce qui mène le krug local à leur barrer la route d’un air menaçant. Von Kassen parvient toutefois à dissiper ce fâcheux malentendu, gagnant la confiance de son homologue, un beau gosse à l’armure et l’épée étincelantes, et à la moustache soyeuse, du nom de Subarin. Accueillis en grande pompe par leurs hôtes, les voyageurs savent qu’il ne leur reste que peu de temps pour faire demi-tour, l’arrivée prochaine de l’automne menaçant de les isoler pour la mauvaise saison dans une stanitsa de troisième ordre. Aussi, c’est avec une lassitude non feinte que von Kassen s’entend réclamer par le sorcier un nouveau délai, pour aller visiter une ultime communauté située à quelques jours de voyage au Nord de Svedora.

 

Guidés par un trio de guerriers locaux, dont Subarin qui souhaite apparemment concrétiser sa bromance naissante avec von Kassen, les impériaux parviennent à leur destination, Kzarla, mais non sans avoir essuyé une embuscade de la part d’une bande de Kuls agressifs, et perdus quelques membres de l’équipée au passage. Après avoir à nouveau négocié leur entrée dans le village auprès du krug local, les riders de l’extrême sont envoyés crécher dans une yourte à l’extérieur de la communauté, qui est sur le point de célébrer un rituel important pendant lequel aucun étranger n’est toléré intra muros, exception faite de Jochrund et de son assistant, Sigert. Le comportement maniaque de sorcier a cependant alerté von Kassen, et lorsqu’il assiste à ce qui ressemble beaucoup à une procession sacrificielle emmenant une accorte damoiselle locale jusqu’à l’île où se situe le temple local, le preux chevalier ne peut rester dans sa tente à se saoûler au koumiss, comme ses camarades. Faisant fi de l’interdit, il se précipite donc dans le village, épée à la main…
 

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Dan Abnett poursuit sur la lancée (et les lanciers) des Cavaliers de la Mort avec Les Epées de l’Empire, récit d’aventures dans les steppes du Kislev mettant un noble héros aux prises avec les infâmes forces du Chaos, qui peuvent parfois revêtir des traits familiers. Parvenant à nouveau à embarquer le lecteur dans l’exotisme de cette civilisation méconnue sous bien des aspects, l’auteur combine avec maestria action trépidante, intrigue satisfaisante et immersion fluffique poussée. C’est propre, c’est net, c’est Abnett à son meilleur en matière de nouvelles siglées Warhammer Fantasy Battle, et en plus, c’est traduit en français : que demande le peuple ?

 

1 : Ne jamais sous-estimer le pouvoir du mystérieux sourire de (la) Jochrund.

 

2 : Ainsi, il prend bien soin de préciser que le départ s’est fait à la St Talve, le patron de l’agnelage, information notable sans aucun doute. Après tout, comme il le dit lui-même : « tout ce qui compte aujourd’hui pour moi peut se mesurer en chèvres ».

 

3 : À moins que le différent n’ait été réglé par une partie de Blood Bowl, ce qui reste une possibilité.

 

Ils l'ont écrit:

 

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***

Voilà qui conclut cette chronique long overdue, comme disent nos amis anglais, d’un recueil historique de nouvelles WFB, qui a plutôt bien accusé le passage des années, si vous voulez mon avis. Passée l’adaptation que nécessite le « retour » à la VF, j’ai trouvé la traduction d’un niveau satisfaisant, bien loin des scories et coquilles fréquentes dans les ouvrages contemporains. Merci à la Bibliothèque Interdite1 d’avoir réalisé un travail sérieux à ce niveau, le contraire ayant pu avoir des conséquences fâcheuses pour le plaisir de lecture. Quant aux nouvelles en elles-mêmes, elles sont majoritairement d’un bon niveau (je vous laisse soin d’identifier les deux exceptions), et permettent de découvrir ou s’immerger dans l’univers sauvage, sombre et malgré tout héroïque, du Monde qui Fut à travers la prose de quelques uns des auteurs les plus doués de la Black Library de l’époque, et aux côtés des têtes relativement connues du Vieux Monde que sont Mathias Thulmann, Zavant Konniger et la bande de Badenov. Si vous êtes nostalgiques du fluff du premier jeu de batailles fantastiques de Games Workshop, et que vous souhaitez vous payer une petite virée dans cet attachant panier de crabes (chaotiques, pour certains), ce petit opus vaut définitivement les quelques euros pour lesquels on peut le trouver d’occasion. Et si vous êtes nouveau sur l’axe Altdorf-Talabheim, Les Epées de l’Empire peut constituer une bonne introduction à la production littéraire dont le Vieux Monde a bénéficié avant sa fin malheureuse, et vous donner envie d’aller plus loin avec vos auteurs favoris de l’anthologie2. Bref, une vieillerie comme on les aime, qui s’est bonnifiée avec le temps et la destruction de sa franchise d’origine pour gagner une délicate patine de nostalgie. Vous m’en lirez des nouvelles !

 

1 : Ou plutôt Kaneda, créditée pour la traduction de cet ouvrage sur la page de garde.

 

2 : Malheureusement, si vous ne lisez pas l’anglais, le choix se réduira à ‘La Marque de la Damnation’ de James Wallis, ‘Mort ou Damné’ de Jonathan Green, et/ou ‘Les Cavaliers de la Mort’ de Dan Abnett. Le dernier est un vrai classique ceci dit.

 

Schattra, au commencement étaient les épées...

Modifié par Schattra
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Ajout des nouvelles du recueil Les Épées de l'Empire // Swords of the Empire :

  • les-epc3a9es-de-lempire.pngLes Chasseurs de Vampires // Vampire Hunters (R. Earl)
  • Charcuterie Ambulante // Meat Wagon (C. L. Werner)
  • L'Affaire de la Cellule Ecarlate // The Case of the Scarlet Cell (G. Rennie)
  • Pas de Répit pour les Braves // Rest for the Wicked (J. Wallis)
  • La Cloche de Nagenhof // The Nagenhof Bell (J. Green)
  • Les Epées de l'Empire // Swords of the Empire (D. Abnett)

 

Schattra, "et de 100"

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  • 1 mois après...

Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez à cette époque, il y a cinq ans? Peut-être vous rappelez-vous avoir poussé un soupir de soulagement en apprenant la démission tardive de Sepp Blatter de la présidence de la Fifa, ou un grognement surpris en découvrant que ce bon à rien de Donald Trump se présentait une nouvelle fois à l’élection présidentielle américaine (aucune chance qu’il n’aille ne serait-ce que jusqu’aux primaires républicaines, ceci dit…). Vous avez peut-être eu la chance de participer à un mariage princier en Suède, ou la malchance d’être inondé dans votre appartement de Tbilissi. Mais, pour un grand nombre des lecteurs de ce sujet, le mois de Juin 2015 a surtout été marqué par la disparition pure et simple du Vieux Monde, tel que relaté dans le cinquième et dernier tome de la série End Times, ‘The Lord of the End Times’. Voilà une nouvelle peu anodine et une « progression » du background conséquente, surtout de la part de Games « surtout ne touchons à rien » Workshop. Nous ne savions pas à l’époque qu’il s’agissait pour Nottingham de faire rase d’un glorieux mais encombrant passé, et que le petit frère de Warhammer Fantasy Battle ne tarderait pas à pointer le bout de son nez masque (Stormcast Eternals oblige). Bref, Juin 2015 peut être marqué d’une pierre – dont je laisserai à chacun le soin de déterminer la couleur – dans l’histoire du Hobby, et c’est précisément ce qui nous amène à notre sujet d’aujourd’hui.

 

Bienvenue donc dans cette chronique du recueil ‘Age of Legend‘, sélectionné par votre serviteur pour accomplir son devoir de mémoire en ce WFB Commemorative Month, ou quelque chose comme ça. Même si, j’en gage, beaucoup des amateurs du Vieux Monde ont l’impression que ce grand bouleversement est encore tout récent, de l’eau a coulé sous les ponts et de nombreux hobbyistes ont rejoint la communauté sans avoir personnellement connu ce monument des wargames medfan. Et cela ne va pas aller en s’améliorant, croyez-moi, même si la sortie attendue de The Old World pourra peut-être donner un coup de jeune à la franchise historique de Games Workshop. De mon côté, je me suis donc dit que l’occasion était bonne de consacrer une chronique à un recueil WFB, dont je dispose encore d’une bonne réserve. Et quel meilleur choix que cet ‘Age of Legend’, qui est à la fois la dernière anthologie généraliste publiée par la BL pour cet univers (2012), et met en avant le Vieux Monde dans toute sa gloire la plus grandiose, brutale et/ou kitsch? Deux bonnes raisons de passer cet ouvrage à la moulinette critique, afin de nous remémorer la bonne vieille époque des socles carrés, des bonus de rangs et des tests de stupidité. On savait vivre en ce temps là.

 

Au programme, batailles, magie, trahison, héroïsme, fatalité, artefacts légendaires et hauts faits glorieux, grâce aux récits que l’on espère inspirés des dix auteurs convoqués au sommaire. Et là aussi, c’est à une page de l’histoire de la BL et du Vieux Monde que nous avons affaire, avec des noms qui vous seront sans doute familiers si vous pratiquiez déjà à l’époque: Thorpe, Counter, Werner, Kyme, Reynolds ou encore Cawkwell, renforcés pour l’occasion par Hoare, Kemp et Athans. Nous ne devrions donc pas être trop dépaysés. Partons sans plus attendre dans le Monde qui Fut, pour une virée commémorative ou éducative sur ce qui faisait de cette planète dysfonctionnelle à souhait un théâtre mémorable pour nos petits bonshommes…

 

age-of-legend.png

 

 

A Small Victory – P. S. Kemp :

 

a-small-victory.png?w=300&h=487Nehekhara, dans les alentours de Bhagar, par une nuit torride quelques millénaires avant Sigmar. Notre héros du jour, Masud, court entre les dunes en essayant tant bien que mal d’éviter les nombreux pièges qui parsèment sa route : les pentes pentues, les cailloux caillouteux, les planches de bois d’arbre, et les zombies frigorifiés1. Summum de l’horreur et de la désolation, il vient de rencontrer le cadavre animé de sa chère et tendre Naemah, embusquée, boulottée et recrutée par les hordes de morts sans repos au service de celui qui n’est pour le moment connu que sous le titre d’Usurpateur, Nagash la Ganache. Elle était la raison pour laquelle Masud s’était risqué à tenter la traversée du désert (pendant laquelle il a rencontré Cher et Steve Seagal), ne pouvant supporter d’être séparé de sa dulcinée, même par une marée de morts vivants affamés. Ayant pris un coup au moral à la suite de cette découverte, Masud erre donc comme une âme en peine entre les zombies, les goules et les fennecs de l’erg nehekharan, jusqu’à qu’un faux pas le fasse s’étaler de tout son long, avec des conséquences tragiques, mais floues. C’est le moment pour nous de faire un petit flashback…

 

Nous voilà donc sur les murs de Bhagar, quelques heures plus tôt, où Masud avait donné rendez-vous à son frère Fadil, officier de cavalerie dans l’armée du prêtre-roi local. Notre tourtereau, qui avait appris récemment que Naemah lui avait fait bond et était partie sur les routes avec sa famille en direction de Quatar, avait en effet besoin de son frangin pour quitter Bhagar et partir à sa poursuite, maintenant que les autorités ont interdit à quiconque de sortir de la ville. Non dissuadé par les conseils de prudence prodigués par son aîné, Masud était parvenu à convaincre ce dernier de lui filer un coup de main, et avait réussi à partir de la cité, prochaine cible sur la to kill liste de Nagash, en se faisant passer pour un prêtre d’Usirian. Ces malheureux ecclésiastiques avaient en effet suscité l’ire, assez compréhensible, du prêtre-roi et des habitants de Bhagar, par leur incapacité à empêcher les morts de revenir à la vie, ce qui était pourtant leur boulot. Chassés sans ménagement de la cité, ils étaient donc les seuls à pouvoir en franchir les murs, ce qui fit les affaires de Masud. Gagnant au passage quatre followers aussi silencieux qu’inutiles, le Dom Juan des pyramides s’était donc enfoncé dans le désert à la poursuite de son aimée, évitant autant que faire se peut l’avant-garde putréfiée et belliqueuse2 du Nécromancien. La suite et conclusion de cette course d’endurance nous est connue.

 

Retour à la nuit difficile de Masud, qui se réveille de sa mauvaise chute avec un bon mal de crâne et un gros mal de gorge. Pas de quoi l’empêcher de retourner vers Bhagar cependant, mué par le sentiment impérieux qu’il doit prévenir ses concitoyens du danger qu’ils courent, l’armée de Nagash étant plus proche qu’ils ne peuvent l’imaginer. Plus près de la cité, Fadil mène ses troupes montées à l’assaut de la première vague putride, espérant améliorer les chances de défenseurs en re-tuant le plus de zombies possible avant que le siège ne débute. Il lui faudra cependant mettre du cœur à l’ouvrage, car c’est une véritable légion de cadavres ambulants qui trace sa route en direction de la ville…

 

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Petite nouvelle à petit twist final, cet ‘A Small Victory’ de Paul Kemp est donc petit sur tous les plans. Si une (petite) plongée dans une époque et une culture peu mises en avant par la Black Library peut piquer l’intérêt du lecteur, ce bref aperçu de Nehekhara au moment de sa crise démographique la plus aiguë ne se compare pas au travail de Mike Lee dans sa trilogie ‘Nagash’, que je conseille donc en premier chef aux amateurs de sable et de palmiers. Pour le reste, c’est une (mes)aventure basique et convenue que Kemp met ici en scène, qui pourra peut-être surprendre le lecteur pendant un demi-paragraphe quand au sort du commandant Masud.

 

1J’en veux pour preuve qu’ils passent la nouvelle à claquer des dents, au grand déplaisir du héros, qui trouve ça terrifiant. Sans doute un cryophobe décomplexé.

 

2 : On peut en effet affirmer qu’elle cherche la Bhagar.

 

Bloodraven – S. Cawkwell :

 

bloodraven.png?w=300&h=484Ce n’est pas la grosse ambiance chez les Nains de Karak Ghulg, forteresse prospère mais isolée dans le grand Nord des Montagnes du Bord du Monde. Nos braves Dawi doivent en effet composer depuis quelques semaines avec les assauts répétés et insistants d’une horde de maraudeurs de Khorne, bien décidés à passer les sujets du Roi Skaldi Ironjaw au fil de l’épée, pour le fun. La nouvelle commence d’ailleurs avec l’arrivée devant le noble souverain d’une estafette bien mal en point, annonçant dans un dernier râle à son suzerain que le dernier avant poste de Karak Ghulg a été pris par l’ennemi. Les choses sérieuses vont donc pouvoir commencer.

 

En attendant que les affreux cultistes aient fini de s’habiller et de se maquiller en coulisse (ce n’est pas si facile que ça d’enfiler une peau de bête du bon sens du premier coup, c’est vrai), nous soutirons quelques informations utiles pour la suite de notre histoire d’un échange, lugubre, entre Skaldi et son fils aîné Eldgrim. On apprend principalement que le premier préfère son benjamin, Felbjorn, au pauvre Eldgrim, qui ne lui en tient pas plus rigueur que ça. Felbjorn est parti accompagner une colonne de civils en direction de la forteresse alliée la plus proche, et son vieux pôpa se fait bien du souci à ce sujet, maintenant que la route du retour est coupée par une bande de malotrus homicidaires. Il faut toutefois à notre Roi faire contre mauvaise fortune bon cœur, et continuer à exercer ses fonctions régaliennes, comme par exemple, recevoir les émissaires envoyés par le chef adverse, une sombre (mais blonde) brute du nom de Bothvar, faire une proposition au Thane. Ce qui n’est pas gagné, d’une car les ambassadeurs ont le champ lexical d’une palourde analphabète, et de deux car leur chef, un petit comique du nom de Von, refuse catégoriquement de laisser son épée au vestiaire, comme les règles de la bienséance le demandent pourtant. Le fameux bon sens nain, et l’humeur conciliante de Skaldi, permettent cependant à l’entrevue d’avoir lieu, après que le garde de faction ait ingénieusement recouvert la garde du braquemart du barbare avec du chatterton (une invention naine peu connue mais fort pratique), empêchant Von de dégainer… ou en tout cas, de dégainer rapidement.

 

Comme on pouvait s’y attendre, la discussion ne donne rien de bien intéressant, jusqu’à ce que la délégation chaotique se souvienne qu’elle a apporté un petit cadeau à son hôte : la tête tranchée de Felbjorn, qu’elle balance aux pieds de Skaldi. Ce dernier, qui venait sans doute de faire passer la serpillière, prend très mal la chose, et les trois ruffians sont exécutés sans autre forme de procès1. On se doute bien que le moral des Nains, déjà aussi près du sol que ces derniers, a encore perdu quelques centimètres après ce coup du sort. Il est donc temps d’aller prendre des nouvelles de l’autre faction de l’histoire, occupée à ripailler joyeusement dans son camp dépenaillé en attendant la prochaine bataille. Bothvar, qui vient juste de corriger un prétendant un peu trop ambitieux d’une bonne paire de claques, est enchanté de la venue soudaine de son crush absolu, Valkia la sanglante, qui apprend à son champion comment réaliser un corbeau de sang grâce à l’aide précieuse de la dernière victime expiatoire du golgot de Khorne. C’est assez simple mais de très bon goût : il suffit de sortir les poumons de la victime à l’extérieur de sa cage thoracique après lui avoir fracassé les côtes. Et Valkia tient absolument à ce que tous les Nains de Karak Ghulg adoptent cet uniforme, morts ou vifs, lors de l’assaut sur la forteresse. C’est la mode à Nouille-Orque, paraît-il.

 

Vient ensuite l’assaut tant attendu sur le bastion des fils de Grugni, qui se passe très mal pour eux. J’en veux pour preuve que l’un de leurs canons explose tout seul au premier tir (alors qu’une petite Rune de Forge n’a jamais tué personne, précisément), et que leur porte2 cède sous les coups du bélier ennemi en un temps record. Pendant que son père rumine de sombres pensées bien au chaud dans son hall, c’est Eldgrim qui se tape le sale boulot de tenter de repousser la vague khorneuse, sans grand succès3. Pendant que ses séides, rendus positivement fous par la présence de Valkia, se ruent sur les défenseurs comme des chiens enragés, Bothvar suit les instructions de sa boss – trop occupée à faire des selfies duckface avec Locephax (le Prince Démon de Slaanesh dont elle a monté la tête sur son bouclier, après la tentative de manspreading de trop de ce dernier) pour participer à la bataille – et « corbeaute » tous les nabots lui tombant sous les paluches, au grand effroi d’Eldgrim, qu’un rien dérange4. La situation dégénère totalement pour les Nains lorsque le couple infernal dégaine son special move, un flutter jump avec Bothvar dans le rôle de Mario et Valkia dans celui de Yoshi. Déposé sur les remparts par les bons offices de sa n+1, le chef de guerre commence à tailler dans la masse, tandis que de son côté, Valoche engage Eldgrim en combat singulier, après avoir poussé quelques défenseurs au suicide5. Confronté à un personnage nommé spécialiste du corps à corps, le brave Capitaine ne fait pas de vieux os, faisant du vieux Skaldi un (na)inphelor (un orphelin, mais à l’envers). Les derniers barbus massacrés puis époumonés (et pas nécessairement dans cet ordre), malgré leur résistance acharnée – big up au Nain qui jette son dentier sur les chaoteux en signe de défiance – les crâneurs de Khorne peuvent enfin s’en rouler une sur le pallier des nabots. C’est mérité.

 

Ne souhaitant pas s’arrêter en si bon chemin, Bothvar entraîne ensuite ses troupes plus en avant dans le Karak, après avoir défoncé la porte intérieure de ce dernier presque à mains nues (comprendre qu’il s’est jeté dessus pendant une bonne minute avant que ses hommes n’aient apporté le bélier, ce qui a dû lui faire mal au crâne). Confrontés à quelques canons à flammes stratégiquement positionnés, une poignée de Tueurs complètement enrunés – dont l’un parvient à abîmer l’armure de Valkia –, puis à la botte ultime de Skaldi, une chorale a capella, M. et Mme Brutal massacrent cependant tout sur leur passage, finissant par le Roi en personne, dont la mâchoire de fer se montrera impuissante contre les mains baladeuses de la démone, qui arrachera le cœur de sa victime avant de le donner à son champion en gage de reconnaissance. C’en est donc fini de Karak Ghulg, même si Skaldi a envoyé le Livre des Rancunes local en sécurité avant son dernier carré héroïque et musical. Il n’aurait pas dû se donner cette peine, notez, car je doute que les envahisseurs sachent lire. Mais, après tout, les bons comptes font les bons ennemis.

 

Les familiers de l’époque Hammer & Bolter se souviennent sans doute que je n’avais pas été tendre avec les Space Marinades de Sarah Cawkwell publiées dans ce magazine (et mon opinion n’a pas changé depuis : c’était vraiment pas top). Mon jugement sur ce ‘Bloodraven’ ne sera pas aussi sévère, ce qui renforce la théorie émise en conclusion de la critique de ‘Born of Blood’ que Cawkwell a plus d’affinité avec le med-fan que le grimdark futuriste. Nous sommes en effet en présence d’une nouvelle tout ce qu’il y a de plus correcte, au vu des standards habituels de la Black Library, et exempte des nombreux problèmes de fond et de forme qui étaient la triste caractéristique des aventures des Silver Skulls chéris de Sarah Cawkwell. Sans particulièrement impressionner, ‘Bloodraven’ se révèle lisible d’un bout à l’autre de ses soixante pages, sans qu’il ne prenne au lecteur une envie folle de balancer le livre/la tablette par la fenêtre, ce qui est un progrès certain (si si).

 

Ce premier constat posé, on peut rentrer davantage dans les détails des points forts et points faibles/bizarres de cette longue nouvelle. Je dois ainsi reconnaître que le début de ‘Bloodraven’ m’a vraiment intéressé, l’auteur parvenant à distiller une atmosphère tendue et sinistre de bon aloi, jusqu’au moment où Valkia vient donner des cours de loisirs créatifs à Bothvar et sa bande. À partir de ce moment, et donc du début du siège à proprement parler, j’ai eu plus de mal à m’intéresser au sort des personnages, tant il semblait acquis que les Nains allaient se faire mettre minable par leurs assaillants. Toute cette partie m’a d’ailleurs semblé très longue, les scènes de combat se multipliant à l’envie sans apporter grand-chose à l’intrigue, Bothvar et Valkia étant proprement invulnérables. Dommage que Cawkwell n’ait pas mis un peu d’eau dans son vin de sang en permettant aux défenseurs de faire rendre gorge à Bothvar (le candidat idéal pour une mort héroïque et violente, du fait de son statut d’antagoniste n’étant pas un personnage nommé du fluff), ou de casser un ongle à sa Dominatrix6. Au chapitre des choix que je trouve discutables, j’ajouterai également la mentalité totalement défaitiste des Nains7, l’influence plutôt slaaneshi que khorneuse de Valkia sur ses groupies, et le peu d’intérêt du rite du corbeau de sang pour la conclusion de l’histoire (ça fait joli, mais c’est tout), alors que je m’attendais à ce que l’époumonage des Dawi serve à transformer Bothvar en démon, ou à faire basculer Karak Ghulg dans les Royaumes du Chaos. Rien de bien méchant, surtout comparé au reste du corpus de Sarah Cawkwell, mais juste de quoi mesurer la distance qui sépare cette dernière du peloton de tête des contributeurs de la BL.

 

1 : Comme je sais que cela vous tracasse, oui, Von réussira à dégainer son épée avant de se prendre un coup de marteau de guerre dans le buffet. Un petit miracle qui illustre bien la puissance des Dieux Sombres.

 

2 : En bois… Ils cherchaient les problèmes aussi j’ai envie de dire.

 

3 : Il faut dire qu’il manie la combinaison, fort peu naine, de deux épées au combat. Et les traditions alors, jeune homme ?

 

4 : Eldgrim manque d’ailleurs de s’écraser comme une bouse aux pieds de ses propres remparts en tirant à l’arquebuse sur le profanateur de cadavres, sans tenir compte du recul de sa pétoire. Quel maître d’armes.

 

5 : En fait, je soupçonne que les Nains qui se sont jetés du haut des murs à son arrivée l’ont fait après que Locephax leur ait sorti une blague particulièrement salace sur leur maman. On ne plaisante pas avec ça chez les Dawi.

 

 

6 : Dont l’armure ébréchée par un valeureux Tueur ne servira donc à rien dans la nouvelle.

 

7 : À rapprocher du gros coup de blues de la Chanoinesse Brigitta de l’Ordre de la Rose de Fer (‘Bitter End’), confrontée aux avances très beauf de ce fripon de Huron Sombrecoeur. On dirait donc que les personnages de Cawkwell ont lu le script de leur nouvelle avant d’y prendre place, ce qui déprime un peu les futurs perdants.

 

City of Dead Jewels – N. Kyme :

 

city-of-dead-jewels.png?w=300&h=483Le Prince Darin est mort. Ça nous fait une belle jambe, me direz-vous. Mais ce qui est un détail pour vous veut dire beaucoup pour les compagnons du défunt Royal, qu’il nous faut présenter sans tarder. Premier à prendre la parole, Hegendour, garde du corps du petit prince, a fait tomber la chemise (de mailles) et la coupe corporate, et prêté le Serment du Tueur pour évacuer la honte d’un travail mal fait. Se sentant également un peu coupable de la mort de son chef, le Gardien des Portes (manager Martelier, pour les rustres parmi vous) Magnin se passe les nerfs en cherchant des poux au Ranger Raglan, qu’il a pris en grippe de longue date en raison de l’elfophilie supposée de son clan. Ajoutons à ce riant, ou presque, tableau le Prospecteur Vorgil et le Maître des Runes en contrat de professionnalisation Skalf, et le tour de table (ou ici, de bière) est terminé.

 

Passons maintenant au théâtre de notre nouvelle, qui, comme vous l’aurez sans doute deviné, sagaces lecteurs, a beaucoup à voir avec une cité de joyaux morts1. Et en effet, c’est bien dans le patelin bucolique en diable de Karak Azgal, f.k.a. Karak Izril a.k.a. la cité des joyaux, que se déroule notre histoire. Plus précisément dans les niveaux inférieurs de la forteresse, où peaux vertes et Skavens se battent comme des chiffonniers pour les places de parking disponibles, depuis que les légitimes propriétaires de l’immeuble ont été refoulés sur le balcon par ces nuisibles. Et qu’allaient donc faire Darin et ses copains Nains dans cette galère, vous entends-je demander ? Eh bien, le Prince avait juré à son vieux père et Roi, Durik, d’abattre un Troll particulièrement trollesque, aperçu en train de troller dans les tunnels du Karak. Cette mission un peu particulière nécessitant l’appui de spécialistes, c’est donc naturellement que nos survivants se sont retrouvés désignés volontaires pour accompagner l’héritier de la véranda de Karak Azgal dans son excursion verminicide. Qui s’est donc très mal terminée pour lui.

 

Poussés par un honneur inversement proportionnel à leur taille, les aventuriers ont tenu à poursuivre leur mission même après le trépas de leur chef, traînant le cadavre de ce dernier derrière eux pour faire bonne mesure. La dissension a toutefois gagné le petit groupe, certains (Raglan) souhaitant remonter à la surface pour aller chercher des renforts, tandis que d’autres tiennent absolument à se farcir la bête dont Darin avait promis la tête à son paternel. Ce passionnant et passionné débat est toutefois interrompu par l’arrivée d’un monstre aussi massif que flou, qui pousse Haagen Daz à charger bille en tête pour expier sa faute. Mal, ou bien, ça dépend des points de vue, en prend à notre Tueur, qui finit prestement sectionné en deux par une paire de mâchoires invisibles, et recraché sans cérémonie aux pieds de ses petits camarades. Ce n’est toutefois que le début, ou plutôt la continuation, des ennuis pour ces derniers, qui se font ensevelir par un éboulis déclenché par leur mystérieux visiteur, sans doute un peu plus qu’un simple Troll, à y réfléchir…

 

Pendant que nous laissons nos Nains se creuser 1) la cervelle et 2) un tunnel vers l’air libre, je vous propose une série de flashbacks expliquant un peu le contexte de cette quête. Premièrement, nous suivons la formation du petit groupe de traqueurs, missionnés par un Durik absolument certain que la bête chassée n’est pas le dragon Graug le Terrible (la preuve, il porte une cape faite avec sa peau), depuis son départ de la salle du trône de la machine à café (c’est la dèche) jusqu’au trépas de Darin, lors d’une participation involontaire de la fine équipe à une bataille rangée entre Gobelins et Skavens. Le Prince a été victime de la lame suintante d’un rassassin, qui a pu se glisser jusqu’à sa victime après que ce kéké de Magnin ait chargé dans le tas en gueulant « YOLO LA FAMILLE », brisant la formation défensive des Nains. Il y a des baffes avec rune majeure de discipline qui se perdent. Et en parlant de rune, la deuxième série de flashbacks est centrée sur Skalf, qui doit passer son grand oral de BTS Chaudronnerie, sous l’œil sévère du Philippe Etchebest de la forge. Sa mission est simple : fracasser un moellon de karadurak, le minerai de gromril, d’un seul coup de marteau. Pour cela, plus que de gros biscotos, il faut prononcer les mots magiques d’un air pénétré, ce qui n’est pas facile du tout. Résultat des courses, le vieux maître part à la bataille en laissant son novice détruire méthodiquement tous les outils de l’atelier dans ses vaines tentatives. Et comme tous les vieux maîtres, il s’arrange pour mourir tragiquement avant que son apprenti ait terminé sa formation, laissant Skalf reprendre ses fonctions de fraiseur-rémouleur en chef de Karak Azgal, et donc à participer à la descente fatale de Darin…sans avoir réussi à faire du gravier de karadurak. C’est la honte.

 

Revenons au présent, et à notre groupe de survivants, réduit à un simple trio, Vorgil ayant pris un gros rocher sur le coin du nez. Skalf, Magnin et Raglan n’ont pas le temps de tergiverser longtemps avant qu’une bande de peaux vertes, sans doute attirée par le bruit, ne leur tombe dessus. Pendant que ses deux compagnons, qui ont fini par s’apprécier, vendent chèrement leur vie pour ralentir la biodiversité locale, Skalf se glisse dans une crevasse ouverte par l’éboulement, qui le mène jusque dans la salle du trésor de, je vous le donne en mille, Graug le Terrible. Il faut croire que Durik a tué le petit neveu du célèbre dragon, Greg le Pas Terrible. Après avoir résisté à la tentation de piquer une tête, Picsou-like, dans le magot du saurien, Skalf cherche désespérément une arme pour se défendre contre les assauts du gros lézard, réveillé par l’arrivée du Nain. Coup de chance, il repère dans le bric à brac le cadavre du célèbre Daled Brise Tempête, dont la non moins célèbre hache runique pourrait faire l’affaire. Il lui faut pour cela libérer la relique des gantelets en gromril du héros décédé, ce qu’il parvient à faire grâce aux enseignements de son maître (après tout, le gromril n’est que de la karadurak qui a fait des études). Ceci fait, le destin de Graug est scellé, quelques vigoureux coups de hache permettant à Skalf d’occire la pénible bestiole, comme raconté dans les légendes. Un bonheur n’arrivant jamais seul, notre héros, de retour au bercail avec la tête de sa victime en remorque, apprend de la bouche des Marteliers du Roi que ce dernier a fait une rupture d’anévrisme peu de temps après le départ de l’expédition de son fils, ce qui a éteint de fait sa lignée. Partant, les Nains de Karak Azgal ne voient aucun problème à faire de Skalf Marteau Noir (car c’était lui) leur nouveau souverain. Après tout, il a tué un vrai dragon, lui.

 

Nick Kyme applique la recette gagnante du développement du lore avec ‘City of Dead Jewels’, qui détaille un événement de l’histoire naine familier aux connaisseurs de cette race : la victoire de Skalf sur Graug le Terrible dans les sous-sols de Karak Azgal. C’est déjà suffisant pour me rendre cette nouvelle sympathique, du fait de mes tendances de fluffiste obsessionnel2, mais je dois dire que Kyme parvient à livrer une histoire non seulement intéressante par son sujet, mais prenante dans sa construction et son déroulé (ce qui est dans son cas loin d’être acquis). Entre les flashbacks insérés dans la narration, le choix de représenter la quasi-totalité des « classes » de guerriers nains parmi la petite bande de dédrakkiseurs de Darin, et la bonne représentation de la mentalité Dawi (importance de la parole donnée, résilience extrême doublée d’un fatalisme exacerbé, conscience amère que l’âge d’or est passé à jamais), les raisons d’apprécier cette quête souterraine ne manquent pas. Sans doute une des nouvelles les plus abouties ayant les Nains comme protagonistes (en mettant de côté le cas particulier de M. Gurnisson), ‘City of Dead Jewels’ mérite donc la lecture si vous vous intéressez à ces vaillants petits gars.

 

1Expression poétique admirable mais un peu absconse tout de même car j’ai du mal à voir ce qu’un joyau vivant pourrait être. Je ne veux même pas le savoir en fait.

 

2 Je note au passage que Kyme ne s’est pas contenté de donner un peu de profondeur (haha) à Skalf, mais il a aussi révélé que le tueur de dragon et le Maître des Runes ayant donné son nom à une rune majeure sont le même Nain (ce qui n’était pas indiqué dans le fluff précédemment si je ne m’abuse). C’est bien trouvé de sa part, je trouve.

 

The Last Charge – A. Hoare :

 

The Last ChargeLe lecteur se retrouve dans la cité bretonnienne de Brionne, à l’aube de la page la plus sanglante de son histoire, c’est à dire le siège mené par le Maître des Bêtes Rakarth en 19741. Histoire de montrer à quel point sa nouvelle est chiadée, Hoare la fait précéder d’un petit paragraphe chargé d’introduire son propos avec toute la classe et le mystère que quelques lignes écrites à la manière d’un chroniqueur du XIIIème siècle2 (et en italiques, parce que plus c’est penché, plus c’est classe et mystérieux, c’est bien connu) peuvent apporter à une nouvelle d’heroic-fantasy. Et voici donc l’histoire de la cité de Brionne, bien-aimée du Duc Corentin… (traduction littérale de la dernière phrase de ce mini-prologue si tu ne frétilles pas d’anticipation sur ton siège ami lecteur, tu es un nécron avec la gueule de bois).

 

Bref, comme vous l’avez compris, c’est Corentin le citéphile qui endosse la défroque du héros dans ce compte-rendu bancal de la chute de Brionne. Visiblement inspiré par le personnage de Reinhardt Metzger, chevalier grabataire et cardiaque se découvrant une vocation de chasseur de vampires à la veille de la retraite ('Curse Of The Necrarch'), Corentin est une relique ambulante ayant tout vu, tout combattu et tout exterminu au cours de sa longue carrière martiale. Arrivé au point de quasi péremption pour ce qui concerne les choses de la guerre (et pour les bretonniens, ça passe systématiquement par des rhumatismes aux genoux3), notre paladin grisonnant se rend dans la chapelle du Graal de son château pour demander à la Dame du Lac de lui accorder une dernière bataille digne de ce nom avant qu’il ne commence à sucrer les fraises.

 

Magnanime, cette dernière consent, par demoiselle interposée, à sa requête. Mais un peu troll dans l’âme, elle ne se contente pas d’envoyer à son champion une petite manticore constipée ou quelques centaines d’orques en maraude, préférant plutôt le confronter à l’armada de Rakarth (que j’ai plutôt du mal à considérer comme un instrument de la Dame du Lac, mais les voies divines sont impénétrables). Sympa pour les pécores de Brionne, qui auraient sans doute préférés être laissés en dehors de ce dernier tour de piste. Mais bon, il s’agissait (d’après la manière dont Hoare présente son histoire) pour la déesse de donner une petite leçon d’humilité à Corentin, un noble dessein qui vaut bien qu’on lui sacrifie quelques milliers de manants.

 

La suite et le gros de la nouvelle sont consacrés à la préparation narrative de la bataille entre hommes et elfes, climax guerrier qui demande pas mal d’espace et passe par plusieurs étapes. Le débarquement des druchiis d’abord, qui donne à Hoare l’occasion de détailler la puissance de l’ost de Rakarth, puis la mobilisation des défenseurs de Brionne, afin d’équilibrer les descriptions. Vient ensuite l’entrevue entre les deux généraux, le Maître des Bêtes exposant ses conditions à son adversaire, qui s’empresse évidemment de les refuser avec toute la morgue chevaleresque dont il est capable, condamnant de fait les défenseurs à l’annihilation en cas de défaite (ce qui n’empêchera pas Brionne de se relever après le départ des pillards comme quoi les elfes noirs ont une grande gueule et peu de patience – ). Après une nuit passée en prières sur les remparts, malgré son grand âge, ses articulations douloureuses et les suppliques de ses conseillers, Corentin se réveille juste à temps pour le début de l’assaut druchii, qui a vite fait de déborder les défenseurs.

 

On note au passage que le héros de Hoare est un curieux mélange d’impétuosité suicidaire et de résignation désespérée: empêché par ses propres chevaliers de mener la glorieuse sortie qui apparemment constituait sa seule stratégie, sous prétexte de préserver la vie du général dont Brionne a besoin pour espérer triompher, Corentin sombre dans une apathie évidemment peu productive, et contemple d’un air détaché son élite se faire décapsuler par les hydres de Rakarth, puis ses miliciens déserter les murs au premier monstre venu. Conclusion: ne mettez jamais un cyclothymique à la tête de votre garnison les enfants, c’est contre-productif.

 

Arrivé à ce stade de déroute avancé, notre malheureux duc enfourche sa monture et part seul à la rencontre des assaillants. Enfin. Il se dirige lentement vers les portes défoncées de sa cité, sourd au tumulte de la bataille et aux cris d’agonie de ses sujets, tandis que défilent devant ses yeux les souvenirs d’une vie de batailles au service de la Dame et du Royaume. Ça va chier sévère. On tourne la page pour lire la suite, et… Fin de l’histoire. Oh. Retour en arrière pour voir si on n’a pas sauté la conclusion dans notre impatience… Ce sont des choses qui arrivent. Mais non, il faut bien se rendre à l’évidence, 'The Last Charge' se termine bien sur ce plan du vieux héros chevauchant vers son destin. Au lecteur d’imaginer la suite. Andy, t’est vraiment gonflé.

 

Avec le recul, ce parti-pris de favoriser la dimension philosophique (grosso modo: le héros a compris qu’il aurait mieux fait de demander une retraite paisible qu’une dernière bataille glorieuse, et son sort passé cette réalisation n’est pas important) sur la dimension narrative (et voici quelle fut la fin du duc Corentin, finalement occis par l’ennemi après avoir décapité 28 corsaires, éventré 12 furies, empalé 3 hydres de guerre, tabassé à mains nues une sorcière suprême et craché dans l’œil de Rakarth), traditionnellement privilégiée par les auteurs de la BL, se défend.

 

Il aurait pu faire mouche si Hoare avait mieux mené sa barque, et laissé des indices aux lecteurs quant à son intention de conclure sa nouvelle de manière plus « détachée » que la moyenne. Malheureusement, tout indiquait au contraire un dénouement classique, avec un héros se frayant un chemin dans l’armée ennemie à la pointe de l’épée et un narrateur retranscrivant les moindres moulinets de cette dernière comme s’il était installé sur la croupe du destrier du noble paladin. Du coup, lors de ma première lecture de 'The Last Charge', j’ai vraiment eu l’impression que Hoare, manquant de place, avait dû terminer sa nouvelle en catastrophe, juste avant l’épique final promis depuis les premières lignes de l’histoire. Bref, des ambitions louables sabotées par une mise en place trop classique et convenue, pour un résultat final tristement bancal. Dommage Andy.

 

1 : Siège qui se terminera par une victoire nette des visiteurs après que les hydres druchii aient fracassé les portes de la ville (LA Elfes Noirs V7).

 

2 : Les lecteurs ayant joué à Medieval II Total War sont appelés à se référer au baratin grandiloquent débité par le moine chauve pendant la cinématique d’introduction.

 

3 : Je suis sûr que ça a quelque chose à voir avec cette manie de tomber à genoux pour prier au début de chaque bataille. À force, ça doit bousiller les rotules.

 

The Ninth Book – G. Thorpe :

 

the-ninth-book.png?w=300&h=482Parti avec 200 volontaires servir dans la légion étrangère d’un Empire divisé comme jamais par la querelle des π Empereurs1, le capitaine mercenaire Kurya Slavonich se retrouve pris dans un blizzard tenace dont Kislev a le secret. Plutôt que de mourir gelé dans la steppe ou de couper par les mines de la Moria, deux options respectables à tout point de vue, il décide d’emmener ses hommes dans une forêt toute proche, où ses éclaireurs ne tardent pas à découvrir un manoir de chasse abandonné. Bien que le naturaliste2 de la bande, un certain Lushka, fasse à plusieurs reprises part de ses soupçons quant à la salubrité de cet Air BnB providentiel, absence de lierre aux fenêtres et de toiles d’araignée sous les plafonds à l’appui, il faut plus que les soupçons d’un militant écolo pour convaincre les mercenaires frigorifiés de rebrousser chemin.

 

Nous suivons donc Kurya et sa bande visiter leur nouveau pied à terre, très semblable à une maison de vacances dont le propriétaire aurait rejoint la ville à la fin de la belle saison. Certes, la présence de quelques cadavres écorchés au dernier étage de la bâtisse vient quelque peu refroidir l’ambiance, mais après tout, chacun à le droit à ses hobbies, fut-ce l’anatomie appliquée. Épuisé par cette rude journée de marche, Kurya finit par piquer un petit roupillon dans la suite princière de son squat, qu’il a remporté à chifoumi contre son second Piotr quelques minutes plus tôt. Si si. Il ignore cependant qu’une mystérieuse et méprisante présence a suivi la progression de sa troupe depuis les profondeurs de la forêt, balançant son lot de remarques dédaigneuses sur la brave bande de boyards en maraude, tout en salivant sur leur potentiel sanguin. Il est donc acté qu’un vampire philosophe et misanthrope baguenaude dans les sous-bois, ce qui n’est pas une super nouvelle pour Slavonich et ses bonniches.

 

Le sommeil du juste de notre héros est brutalement interrompu sur ces entrefaites par un cri perçant provenant de la salle principale du manoir, où le gros de la troupe s’est installé. Un mouvement malheureux a en effet ouvert un passage secret près de la cheminée de la pièce, ce qui est suffisamment terrifiant pour pousser Lushka et ses cons de disciples à prendre leurs cliques et leurs claques et aller faire du camping dans la forêt, là où ils seront à l’abri de ces terribles portes dérobées. Pas de chances pour eux, ils feront bientôt la connaissance d’une bande de Maraudeurs du Chaos, menés par un Élu ceint de son écharpe tricolore3, et qui lâchera ses molosses affamés sur les hipsters alors que leur contre-soirée ne venait qu’à peine de commencer. Cette arrivée impromptue met notre vampire persifleur sur les dents (haha), car il comprend que les servants des Dieux Sombres en ont après la même chose que lui : un bouquin très spécial, gardé dans la crypte du manoir, où Piotr a entraîné quelques hommes pour une petite session de pillage.

 

Car en effet, c’est là que menait le fameux passage secret qui a conduit à la mort (indirectement, certes) Lushka et ses gars. Il ne faut pas longtemps à nos pilleurs de tomb- archéologues free lance pour soutirer à la dynastie locale, qui répond au nom obscur de von Carstein, tous ses bijoux, reliques et autres objets de valeur… dont un grimoire relié de peau humaine, gardé sous le coude par un cadavre resté à 1% de batterie depuis sa mise en bière, et qui accueille donc très défavorablement la tentative de vol à l’arraché dont il fait les frais de la part des Kislévites. Cela n’empêche absolument pas ces derniers de décapiter le pauvre petit vieux pour sa peine, et de repartir à la surface avec leur butin bien mal acquis.

 

Au rez-de-chaussée, les choses se sont toutefois précipitées. Un sombre inconnu au charisme diabolique s’est en effet présenté devant la porte, et a envoyé une telle œillade à Kurya que ce dernier l’a invité à entrer dans sa piaule, ce que le nouveau venu tenait à ce qu’il fasse (les vampires sont polis, après tout). Usant de son charme irrésistible, le mystérieux voyageur convainc sans mal le capitaine mercenaire de conclure un marché un peu particulier : son aide contre l’attaque des maraudeurs du Chaos, dont on voit déjà poindre les torches multicolores à l’horizon, en échange du bouquin que Piotr a ramené de sa virée dans les catacombes. TOUT CELA EST BIEN MYSTÉRIEUX ALORS. Kurya, qui est littéralement tombé amoureux de son hôte à ce stade, accepte également sans broncher d’aller défendre le terminal Sud du manoir, laissant la lumière et le statut d’« homme » providentiel à son invité. Et celui-ci ne va guère prendre de gants pour honorer sa part du marché, puisqu’il réanime OKLM toute la smala von Carstein pour venir lui prêter main forte lorsque les mercenaires commencent à donner des signes de fatigue, ce qui permet aux défenseurs de souffler un peu. Il faudra toutefois à notre vampire mettre la main à la pâte pour venir à bout des importuns, et en particulier de l’Élu de l’opposition, un peu trop costaud pour les sacs d’os convoqués par notre vampire. Rien toutefois que ce beau gosse de Vlad l’Emballeur (car c’était lui) ne puisse gérer en l’espace d’un demi-paragraphe. La routine quoi. Ceci fait, et les hordes du Chaos en fuite, il ne reste plus à Mr Good Deal qu’à empocher sa récompense, que Kurya lui remet traînant un peu des pieds, mais un marché est un marché. Le mercenaire ne peut pas imaginer les conséquences tragiques que cette transaction aura dans les années à venir, après que ce cancre de Vlad ait réussi à percer les secrets du 9ème Livre de Nagash, et matché sur Tinder avec une certaine Isabella de Sylvanie…

 

Gav Thorpe joue sur ses points forts avec ‘The Ninth Book’, en livrant une histoire plus intéressante pour son sujet (les origines de Vlad von Carstein) et les éclaircissements fluffiques apportés par l’auteur que pour ses qualités narratives. On sent bien à la lecture que Thorpe maîtrise son sujet, et sait exactement ce qu’il cherche à accomplir avec cette nouvelle, c’est à dire révéler les motivations qui ont poussé l’un des antagonistes les plus célèbres du Vieux Monde à lancer sa carrière politique, avec le succès que l’on sait. Thorpe sait également que ce point de vue et ces informations intéresseront une grande partie de son public, ce qui n’est pas donné à tous les auteurs de la BL, et particulièrement les nouveaux-venus au sein de cette dernière. On peut également souligner qu’en plus de maîtriser l’aspect « géopolitique », Thorpe démontre qu’il connaît son personnage, en insistant bien sur l’aura de séduction et de charisme dont Papa von Carstein bénéficie, et qu’il utilise à son avantage pour parvenir à ses fins, ce qui est tout de même plus intéressant qu’un vampire4 se contentant d’être plus fort, plus rapide et plus endurant que le reste du casting de la nouvelle (même si on a également droit à une démonstration de ce type en fin de récit, histoire de répondre au cahier des charges). À mes yeux, cette bonne performance de fond compense largement la banalité de la forme, ‘The Ninth Book’ n’étant pas particulièrement inventif, prenant ou mémorable dans son exposition.

 

1 : Comprendre qu’il y en avait en au moins 3, mais souvent plus.

 

2 : Le naturiste de la bande étant, lui, mort de froid moins de dix kilomètres après le départ de la troupe du Kislev profond.

 

3 : Les légendes racontent qu’il s’agissait de Joachim Son-Forget, décidément dans la dèche après un tweet malheureux de plus.

 

4 : Notons également que l’auteur maîtrise ses classiques vampiriques, en appliquant la règle « d’hospitalité sollicitée » à Vlad von Carstein (il ne peut pas entrer dans un bâtiment sans avoir été invité). Ce qui peut expliquer pourquoi notre anti-héros a dû attendre des siècles avant de pouvoir mettre la main sur le précieux grimoire.

 

The Gods Demands – J. Reynolds :

 

the-gods-demand.png?w=298&h=485Place à de l’épique avec un grand E, en l’occurrence, le récit des dernières heures du siège de Hergig par les hordes du Seigneur des Bêtes Gorthor. Les protagonistes demeurent donc inchangés par rapport à la première publication de l’autre Reynolds (ne pas oublier Anthony, spécialiste Bretonnie et World Eaters de la BL), Hommes-Bêtes et Impériaux se mettant joyeusement sur le coin du museau pour la possession des ruines fumantes de la capitale provinciale du Hochland.

 

J‘ai déjà eu l’occasion de dire ici mon intérêt pour les nouvelles développant et donnant corps au fluff officiel (dans le cas de Hammer & Bolter, on pensera à 'Charandis' et 'Feast Of Horrors'), et je ne pouvais donc considérer 'The Gods Demand' qu’avec un a priori favorable (doublement favorable même, mon passif de joueur de l’Empire et des Hommes-Bêtes concourant en outre à fausser mon jugement d’habitude si impartial -humour-). J’attendais beaucoup de cette histoire, et dois reconnaître que je n’ai pas été déçu par cette dernière, Josh Reynolds étant parvenu à insuffler dans son propos la dimension héroïque nécessaire à tout récit estampillé Time Of Legends. Ce succès repose en grande partie sur les mises en scène et description soignées des deux figures centrales de la nouvelle, Gorthor et Mikael. Le premier exsude une aura de grandeur funeste tout à fait appropriée, contrastant vivement avec le pragmatisme borné et animal de ses sous-fifres, dépeints par Reynolds comme une arme à double tranchant dont le Seigneur des Bêtes doit se servir avec précaution. En effet, le statut d’Élu des Dieux de Gorthor apparaît comme une source plutôt limitée de légitimité sur les chefs de sa horde, à moins de décapiter les plus remuants parmi ces derniers à une fréquence soutenue. Et quand les chamanes se mettent à leur tour à ruer dans les brancards, la situation devient incroyablement délicate pour le Seigneur des Bêtes, dont le génie stratégique doit céder devant les pulsions névrotiques de ses suivants (greuh, on fonce).

 

Sa Némésis est, quant à elle, décrite comme un leader à la résolution fanatique, refusant obstinément de reculer face à l’envahisseur bestial. On retrouve donc le Mikael cruel et impitoyable sommairement dépeint dans les Livres d’Armée de l’Empire, proche à bien des égards de la folie affligeant Marius Leitdorf. Reynolds va même jusqu’à suggérer à mots couverts que cette impétuosité sanguinaire pourrait être causée par les enchantements imprégnant les crocs runiques, hypothèse séduisante qui ne demande qu’à être développée plus avant dans le futur.

 

Logiquement conclu par l’affrontement final entre les deux généraux au moment où le siège est rompu par l’intervention des chevaliers du Soleil, 'The Gods Demand' satisfera autant le fluffiste à la recherche d’informations sur l’organisation d’une horde d’Hommes-Bêtes et/ou la cour du Hochland que le lecteur en quête d’une nouvelle nerveuse et maîtrisée. Les clins d’œil adressés par Josh Reynolds à ses modèles littéraires (en particulier les références à l’œuvre de Lovecraft) et aux joueurs de Warhammer (pumbagors en furie, long fusil presque efficace) achèvent de faire de cette deuxième contribution à la Black Library une réussite indéniable.

 

Plague Doktor – C. L. Werner :

 

plague-doktor.png?w=300&h=463Alors qu’ils cheminaient gaiement dans la cambrousse impériale, le duo mal assorti constitué du médecin disgracié et alcoolique Manfred Grau et de son garde du corps disgracié aussi et ancien chevalier de la Reiksguard Ernst Kahlenberg, tombe sur une scène macabre. Un cadavre atrocement griffé se trouve en effet sur la route, entouré par les affaires abandonnées de la carriole qui l’emmenait vers la ville la plus proche. C’est un coup de chance pour nos héros, que les temps difficiles (nous sommes à l’époque de la Grande Peste) ont forcé à devenir des Angelika Fleischer avant l’heure, et donc à récupérer les objets de valeur des charniers et communautés abandonnées pour les revendre au plus offrant. Bien que le noble et droit Kahlenberg, dont le tort aura été de se ranger du côté des manifestants demandant du pain à l’infâme Empereur Boris l’Avide, et donc de se faire à moitié piétiner par ses frères d’armes lorsque les forces de l’ordre sont intervenues, ne goûte pas à ces activités honteuses, il a cependant contracté une dette d’honneur envers le beaucoup plus moralement flexible Grau, et se plie donc aux ordres de ce dernier. C’est ainsi que nos marcheurs font l’acquisition d’une panoplie complète de docteur de la peste, déshonorable profession que le macchabée du bas-côté exerçait avant de rencontrer un destin tragique. Songeant probablement à revendre l’attirail à un cosplayer gothique sur le chemin de Japan Expo, Grau range l’ensemble dans le coffre de sa Kangoo, et les deux compères repartent de plus belle.

 

Rapidement rendus dans la petite ville d’Amorbach, dont les traditionnelles huttes de boue ont été classées au patrimoine imputrescible de l’humanité, ils cheminent entre les cahutes vides, sans s’apercevoir qu’ils sont épiés par quelque chose ressemblant fort à un Skaven, jusqu’à parvenir sur la grand place/terrain vague de la cité, où une foule en colère agonit d’injures un pauvre prêtre de Sigmar. Le prosélytisme de l’homme d’église passe en effet très mal auprès des péquenots, qui accusent Ziggie de leur avoir porté la poisse et être responsable de l’épidémie de peste bubonique à l’œuvre à Amorbach. Ce spectacle piteux ne laisse pas Kahlenberg de glace, et le palouf déshonoré s’empresse de voler au secours du prêtre isolé avant que les marauds ne commettent l’irréparable. Plus doué pour fendre des crânes que pour calmer les esprits, Kahlenberg est à son tour pris à parti par la foule, et aurait fini martyre sans l’intervention salutaire de Grau, que les Amorbacher ont pris pour le docteur de la peste qu’ils attendent depuis des lustres, après qu’une main baladeuse ait fait tomber la panoplie collectée quelques pages plus tôt de la charrette du duo. Sentant une ouverture et une opportunité, Grau marche à fond dans la méprise, et profite de son nouveau statut pour s’octroyer le meilleur lit de la ville ainsi qu’un minibar bien rempli, avant de commencer sa tournée le lendemain. À nouveau, la probité de Kahlenberg s’accommode mal du mensonge éhonté de son employeur, mais comme ce dernier lui a de nouveau sauvé les miches, il ne peut pas dire grand-chose.

 

Le jour suivant, comme convenu, Grau – en grande tenue d’apparat, canne cormoran comprise – accompagné de son garde du corps ronchon, part remplir son office, commençant par la maison de l’homme le plus important de la ville par disparition de tous les autres avant lui : le bedeau. C’est sa fille qui vient ouvrir, son père étant à l’article de la mort, et pas très loin de passer à la caisse, d’après la mine cadavérique qu’il arbore. Cela n’empêche pas l’ingénieux Grau de vendre un peu de rêve à la jouvencelle éplorée (et également contaminée, ce qui fait refuser à notre intègre praticien un paiement en nature), en lui indiquant d’attacher un crapaud sous les aisselles du malade pour aspirer les humeurs bilieuses qui l’affligent. Moi je dis, ça se tente (le crapaud n’est pas d’accord ceci dit). Cette bonne œuvre accomplie, les deux larrons quittent leurs patients, après leur avoir conseillé de régler le problème de rats dont leur domicile semble affligé, comme en témoigne la cavalcade persistante à l’étage de la maison…

 

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Soumission surprenante de la part d’un auteur chevronné comme C. L. Werner, ‘Plague Doktor’ donne l’impression d’un récit tronqué et inachevé, la faute en revenant à la brutalité avec laquelle l’histoire se conclut, sans que rien ne laisse présager un tomber de rideau aussi rapide pour notre paire de magouilleurs. Si l’on peut arguer que cela renforce le côté nihiliste et cruel du Vieux Monde, où les protagonistes ne sont à l’abri d’une fin prématurée que s’ils ont un profil dans un Livre d’Armée quelconque (et encore), le compte n’y est pas en matière de construction et d’équilibre de la nouvelle. Il aurait en effet été préférable que Werner introduise davantage la menace Skavens au début de son propos, où fasse interagir ses héros avec leurs Némésis avant l’embuscade fatale dont ils sont les victimes, plutôt que de les faire sortir de scène sans sommation ni préparation. C’est d’autant plus dommage que l’homme au chapeau a prouvé à maintes reprises qu’il était maître dans l’agencement et le cadencement de ce genre de nouvelles d’action (voir la série des ‘Brunner, Bounty Hunter’), et avait posé les bases d’un délicieux quiproquo quelques pages auparavant, dont je m’attendais à ce qu’il soit au cœur du dénouement de l’intrigue1 (les villageois se rendent compte que Grau est un charlatan, provoquant sa fuite, ou quelque chose comme ça). La seule réhabilitation possible que je vois pour ce ‘Plague Doktor’ serait d’apprendre que Grau et Kahlenberg sont des personnages utilisés par Werner dans sa trilogie sur la Grande Peste, et desquels il aurait souhaité se débarrasser une fois pour toutes. Là, oui (et encore, je demande à voir lire). Pour l’heure, et ne considérant cette nouvelle que pour ses propres mérites, je dois reconnaître qu’elle ne fait pas partie des meilleures réalisations de son auteur.

 

1 : D’une certaine manière, c’est bien le cas (Grau et Kahlenberg se font tuer parce qu’ils ont été pris au sérieux par tout le monde, même les Skavens), mais c’est vraiment trop « brutal » à mon goût.

 

The City Is Theirs – P. Athans :

 

the-city-is-theirs.png?w=300&h=485Nuln, un matin d’automne de 1707. Comme vous l’avez déjà compris si vous êtes incollables sur l’histoire de l’Empire, ça sent le sapin pour notre héros, le Comte Electeur d’Averland Brutus Leitdorf (ancêtre probable de qui vous savez), que l’on voit dire adieu à sa fille, Gisele, avant de commencer une dure journée de travail. Et si vous n’avez pas révisé vos Livres d’Armée, fieffés garnements que vous êtes, apprenez qu’un certain Gorbad Griff eud’Fer est en train de taper à la porte de la cité avec quelques centaines de milliers de copains. Beaucoup trop pour les défenseurs impériaux, dont la tâche sera de ralentir au maximum l’avancée des peaux vertes pour laisser le temps aux civils de traverser le Reik et de mettre le plus de distance entre la métropole assiégée et eux. Pour l’heure, Brutus a pris place au sommet de la tour de l’astronome local, et tient absolument à tirer le meilleur parti des deux euros qu’il a déboursé pour que le maître des lieux l’autorise à utiliser son télescope. Il reçoit donc les rapports, allant du défaitiste au désastreux, de ses lieutenants avec un œil détaché, et surtout attaché à l’objectif de la lunette, où il cherche sans doute l’inspiration nécessaire pour se sortir de ce beau pétrin.

 

Fort heureusement, la fortune finit par sourire à Brutus lorsqu’un collègue de l’astronome, un alchimiste asthmatique et insolent du nom d’Isaak Meitler, arrive à se traîner jusqu’en haut du perchoir du Comte, avec une drôle de malette sous le bras. Cette dernière contient deux fioles de verre contenant un « ex-plo-sif1 » extrêmement puissant aux dires de son heureux possesseur, et donc capable de faire partir le problème d’infestation de Nuln en fumée, de façon très littérale. Petit problème, la substance est tellement puissante qu’il faut trouver un moyen de la projeter sur l’ennemi à plus de quatre cents mètres, faute de quoi les torts (et les dégâts) seront partagés. Après mûre réflexion, la fine équipe de Brutus (lui-même, l’astronome, l’alchimiste, le Baron Leberecht, qui-passe-son-temps-à-râler-mais-est-sympa-dans-le-fond, le maître artilleur de Nuln, et un chevalier estafette qui passe une tête toutes les quinze pages et donne son avis de temps en temps) décide d’opter pour un envoi par Colissimo et par trébuchet, après avoir soigneusement emballé la première fiole dans du papier bulle pour éviter qu’elle ne se brise au décollage. Et ça marche. Ou presque. Car par un fâcheux coup de déveine, le projectile percute un plongeur de la mort en plein ciel, avec des effets spectaculaires, incluant la destruction d’une bonne partie de l’enceinte orientale de la ville. Que voilà un effet secondaire fâcheux.

 

Profitant du tumulte et du nuage de poussière (agrémenté d’une pluie de morceaux d’Orques) s’étant abattu sur la ville pour battre en retraite au niveau du pont sur le Reik, Brutus (qui a tellement aimé sa séance d’astronomie qu’il est reparti avec le télescope de son hôte sous le bras) et ses grouillots doivent se résoudre à organiser la destruction de l’ouvrage d’art pour stopper la marée verte. C’est là qu’ils font la rencontre d’une réfugiée Halfling du nom de Kätzchen, légèrement traumatisée par la dévastation de son Moot natal et la vision persistante de la participation involontaire de sa famille à Top Ork Chef, en tant que ramens plutôt que candidats. Dotée du solide bon sens et de l’érudition toute relative de la paysanne qu’elle est, au fond, Kätzchen convainc Brutus de lui remettre la deuxième fiole pour… faire un truc avec. J’imagine. En tout cas, elle reste derrière le gros des troupes, jusque là plus occupées à évacuer les bibliothèques de l’université qu’à combattre les envahisseurs, pendant que Leitdorf repart vers la citadelle à petites foulées, son fidèle télescope à la main, et que Leberecht prend la tête de la colonne des réfugiés. Malheureusement pour notre brave hobbit, son escapade furtive sur les toits de Nuln finira mal, puisque Kätzchen croisera la route d’une Archnaroc baveuse et affamée2 avant d’avoir pu mener à bien sa mystérieuse mission. Tenant à réussir sa sortie, l’altruiste Halfling enverra un gros clin d’œil à Brutus (oui c’est peu crédible, mais c’est bien ce qui est dit) avant de laisser tomber son flacon, réduisant la partie orientale de la ville, l’université, le pont et un quart de l’armée de Gorbad – qui demandait sans doute un trop gros cachet pour apparaître dans la nouvelle – en confetti. Et Brutus de conclure, avec une petite larme au coin de l’œil, que la cité, ou ce qu’il en reste, est désormais aux mains de l’ennemi. D’où le titre. Voilà voilà.

 

Bien souvent, les nouveaux auteurs de la BL font preuve d’un style et d’une vision de leur sujet différents du standard de la maison, avec des résultats variant du rafraîchissant au déroutant. Je pencherai davantage vers la deuxième option pour ‘The City Is Theirs’, handicapé selon moi par plusieurs choix d’Athans dans lesquels je ne me retrouve pas (sans que ces derniers soient condamnables en eux-mêmes, comme une violation pure et simple du background établi peut l’être). Pour commencer, j’ai trouvé bizarre que l’auteur décide de ne pas utiliser le personnage nommé le plus célèbre de son époque (Gorbad Griff eud’ Fer3) dans une nouvelle écrite pour un recueil Time of Legends, et où il avait donc toute latitude pour apparaître. C’est son armée, après tout. Athans va même jusqu’à avancer l’idée que Gorbad n’existe pas, ce qui est un point de vue intéressant, mais pas adapté à la ligne éditoriale du bouquin auquel il contribue. À la place du plus grand chef de guerre Orque de tous les temps, nous nous retrouvons donc avec une petite bande d’Impériaux plus ou moins risibles, et beaucoup moins passionnants à voir évoluer que le géant vert sur son cochon vénère.

 

Un autre reproche que je ferai à cette nouvelle a d’ailleurs trait à Brutus et Kätzchen, les deux héros de notre histoire. Le premier est monté sur courant alternatif en termes de caractère, apparaissant parfois comme un seigneur hautain et froid, capable de lever la main sur un subalterne ayant légèrement mis en doute son honneur, parfois comme un boy scout prêt à rendre service à tout le monde et acceptant sans problème que ses sujets lui manquent de respect. Son amour déraisonnable pour les télescopes, pendant que sa cité est en train de se faire incendier par des milliers de peaux vertes, ne m’a pas non plus aidé à sympathiser avec ce personnage, qui semble tenir un petit grain qu’il a peut-être refilé à son lointain descendant Marius. Kätzchen, de son côté, ne semble être jamais être sortie de son trou, et fait plus Pygmée des Terres du Sud que Halfling du Moot, si on me demande mon avis. Enfin, l’inclusion d’armes nucléaires (parce qu’en toute franchise, ce que Meitler apporte avec lui, c’est de l’uranium enrichi) dans le background de Warhammer, même si cela n’a finalement pas d’impact significatif, m’a semblé un peu étrange. Comme le résultat du siège était connu d’avance, Athans aurait pu explorer d’autres pistes pour justifier son intérêt pour cet événement qu’une utilisation presque réussie de la bombe atomique par les défenseurs.

 

Bref, je suis resté sur ma faim avec ‘The City Is Theirs’, qui est plus une curiosité littéraire pour les archéo-fluffistes impériaux d’humeur magnanime (public de niche s’il en est) qu’une lecture recommandée pour les amateurs de lore.

 

1J’en déduis à l’air étonné que prennent les personnages de la nouvelle au moment où Meitler lâche sa bombe (façon de parle) que les Nains n’avaient pas encore laissé passer le brevet de la poudre noire dans le domaine public.

 

2 : Ce qui manquera de faire défaillir de trouille ce voyeur de Leitdorf (il faut bien que ce téléscope serve à quelque chose, pas vrai), très probablement arachnophobe, dans une habile transposition de ‘Tintin et l’Etoile Mystérieuse’ dans le Vieux Monde.

 

3 : Parce que soyons honnêtes, des célébrités du Monde qui Fut du début du 18ème siècle, il n’y en a pas des masses.

 

The Second Sun – B. Counter :

 

the-second-sun.png?w=300&h=485Dans un coin perdu du Nord de la Norsca (Nornorsca?), l’explorateur impérial Sigtaal Whitehand fait ses adieux à son cheval, victime des éléments et de l’environnement hostiles de cette contrée peu hospitalière. Après avoir taillé une bavette dans la dépouille de l’animal, il reprend sa route et finit par arriver sur un glacier, où il surprend la cérémonie funéraire d’une bande de locaux patibulaires et mutiques, consistant à balancer les cadavres, et presque cadavres, car les Norses sont des gens pratiques qui n’aiment pas remettre à demain ce qui peut être fait aujourd’hui, de leurs proches dans une fissure du sol, ressemblant fortement à une bouche hérissée de dents/stalactites pointues. L’office terminée, la tribu repart, laissant Sigtaal seul face à la crevasse béante.

 

Notre héros, qui a sillonné le Vieux Monde, et même au-delà, à la poursuite de connaissances occultes, est persuadé d’être arrivé au bout du voyage de sa vie, car il sait que sous la glace sommeille un être capable de répondre aux questions qu’il se pose depuis des années. Mais pour pouvoir accéder au Deep Thought du monde de Warhammer, quelques travaux d’excavation sont nécessaires. Fort heureusement, Sigtaal ne s’est pas contenté de venir avec une pelle, mais est surtout un sorcier proto-flamboyant1 de grand pouvoir, dont la botte secrète est la convocation du Second Soleil, qui est très exactement ce que son nom indique qu’il est. Ayant endossé pour l’occasion son identité secrète de Malofex, son alter ego arcanique2, Sigtaal commence à incanter, et parvient après des efforts considérables à faire fondre le glacier, ce qui aura des conséquences calamiteuses sur le niveau des océans, j’imagine. Résultat plus important et plus immédiat, ce soudain coup de chaud révèle la forme titanesque et rocheuse d’un dragon-ogre oublié là par un cryothérapeute tête en l’air. Et ce dragon-ogre n’est autre que le célèbre Kholek Suneater, à qui Sigtaal/Malofex a quelques questions à poser.

 

Malheureusement pour notre interviewer de l’extrême, Kholek est colère ce jour là. Loin de remercier le sorcier pour l’avoir libéré des glaces, où il disposait semble-t-il d’une bonne connexion internet et d’un abonnement au câble, car il n’a pas raté une miette de la conquête du monde par les jeunes races, il refuse tout net de répondre à ses questions, éteint le Second Soleil à mains nues3, et gobe Sigtaal (Malofex, sentant le vent tourner, est sagement reparti dans la huitième dimension, laissant son hôte physique se dém*rder tout seul) sans sourciller. Ne reste du passage de notre héros dans le grand Nord que son masque de cosplayer de l’extrême et son journal de bord, qui seront récupérés bien des siècles plus tard par une expédition financée par le Collège Flamboyant d’Altdorf, et ramenés dans la capitale.

 

C’est là que nous faisons la rencontre de notre second protagoniste, le jeune sorcier de feu Henning Mohr, chargé par le Grand Maître Ulzheimer d’enquêter sur l’affaire Sigtaal Whitehand. Après quelques heures à craquer le code utilisé par son prédécesseur pour écrire ses notes, Mohr acquiert la conviction que Whitehand a réussi à conjurer un sort d’une puissance extraordinaire (le fameux Second Soleil), dépassant ce que les Maîtres de l’Ordre sont capables d’invoquer malgré leur entraînement et leur expérience. Après avoir porté ses conclusions à son maître de thèse, qui passe ses journées juché sur une plateforme en haut d’une tour à contempler les flammes de son barbecue personnel à la recherche de visions de l’avenir, Mohr reçoit une recommandation de la part de ce dernier pour aller poursuivre ses recherches dans le sous-sol du Collège, là où est conservé le légendaire, et très dangereux, ‘Apocrypha Incandescent’. Accueilli froidement mais chaudement (you know what I mean) par l’esprit désincarné d’un vieux Maître défunt faisant office de bibliothécaire, Mohr se plonge dans la lecture du tome, qui vient corroborer son hypothèse, et lui révéler que Whitehand et Malofex, le créateur du Second Soleil d’après l’Apocrypha Incandescent’ sont la même personne. Rejoint par Ulzheimer, qui s’inquiétait de ne pas voir reparaître son élève, dans les archives interdites, Mohr briefe son mentor sur ses dernières trouvailles, et lui annonce qu’il est proche de découvrir qui Whitehand cherchait à contacter lors de son dernier voyage en Norsca. Cela pourra toutefois attendre demain, Ulzheimer tenant à ce que son disciple prenne un peu de repos, et insistant pour le raccompagner jusqu’à la surface…

 

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Petite nouvelle plus intéressante par ce qu’elle apprend du Collège Flamboyant que par l’histoire qu’elle raconte (qui, malgré l’inclusion de quelques personnages nommés et la révélation finale qu’elle contient, ne fait pas vraiment avancer le schmilblick), ‘The Second Sun’ aurait pu jeter les bases d’un arc narratif intéressant, si Counter lui avait donné une suite5. Comme cela n’a pas été le cas avant la Fin des Temps, nous en sommes quitte pour quelques éléments de fluff bien sentis (malgré quelques problèmes au niveau des dates), un tête à tête assez peu transcendant avec Kholek Suneater, et un rappel sans frais que tout est pourri au sein de l’Empire. Sympathique mais pas enthousiasmant.

 

1L’histoire se déroule en 1730, quelques siècles avant que Teclis ne vienne fonder son institut à Altdorf.

 

2 : Qui ne craint qu’une seule chose, la xiatique.

 

3 : Ce qui est scandaleux quand on y réfléchit. Le type s’appelle tout de même Suneater, je m’attendais à mieux de sa part.

 

4 : À la question « qu’ont-ils à gagner dans cette histoire ? », la réponse doit être ceci.

 

5 : On constate que l’auteur s’est montré particulièrement intéressé par le thème du sorcier impérial qui passe au Chaos, puisque son unique roman pour Warhammer Fantasy Battle a été consacré à Von Horstmann, le Hiérophante qui murmurait à l’oreille des dragons du Chaos.

 

Aenarion – G. Thorpe :

 

aenarion.png?w=300&h=488Tout commence par quelques paragraphes qui n’auraient pas dépareillés dans la section background du dernier Livre d’Armée Hauts-Elfes, Thorpe retraçant rapidement de sa prose emphatique l’origine de la guerre entre les démons et les Zoneilles. Cette introduction se termine sur un avertissement sans frais : ce qui suit n’est rien moins que le moment le plus important de cette guerre, et donc de l’histoire de Warhammer, et donc de l’histoire de Games Workshop, et donc de l’histoire de l’Angleterre, et donc de l’histoire du monde. Il n’est pas trop tard pour faire demi-tour, lecteur impudent.

 

Nous voilà donc à la gorge de Caethrin, pas loin de la forge de Vaul. Une armée elfique est réunie pour faire ce qu’elle fait depuis une bonne centaine d’années : poutrer du démon. Particularité de l’ost d’Ulthuan, il ne semble n’être composé que de nobles et de princes, chacun stuffé comme un Sud-Coréen sur World of Warcraft. La horde démoniaque compense par un écrasant avantage numérique, qui, on s’en doute, ne va pas peser lourd face à l’awesomeness généralisée de ses adversaires. Et en effet, la bataille qui s’ensuit tient plus du massacre de bébés phoques sur la banquise arctique que de l’affrontement équilibré. Caledor invoque des Soleils Violets apocalyptiques sur 2+ relançables, Eoloran brandit une version upgradée de la Bannière du Dragon Monde (tous les démons dans un rayon de 50 pas se prennent 15D6 touches de force 19), Idraugnir carbonise des centaines d’adversaires à chaque attaque de souffle, la moindre flèche elfique se révèle être une grenade vortex et tout le monde a le coup fatal héroïque. Et Aenarion, me demandez-vous ? Eh bien, mes amis, Aenarion se fait chier, car il ne trouve pas le plus petit démon majeur à se mettre sous la dent.

 

D’ailleurs, cette absence lui semble assez suspecte, et il en fait part à ses conseillers lors du traditionnel pot d’après bataille (laquelle se termine sur le score sans appel de 865.942 à 0 pour les locaux1). Caledor en profite pour remettre sur le tapis une discussion qui traîne depuis un petit siècle, la création d’un vortex qui permettrait de se débarrasser une fois pour toutes des démons. Ce à quoi Aenarion répond que, minute papillon, t’es pas un peu fada de vouloir bannir la magie d’Ulthuan, étant donné que sans ça, on se serait fait exploser dans les grandes largeurs depuis belle lurette ? Et Caledor de contrer en disant que c’est le seul moyen de régler le problème définitivement, puisque les démons re-spawnent avec une régularité de mob dans une zone de didacticiel. Non franchement, sauf ton respect mon roi, tu me donnes le feu vert et je te concocte un enchantement aux petits oignons en deux temps, trois mouvements2. Ces agréables mondanités sont brutalement interrompues par l’arrivée d’un messager, qui vient confirmer le pressentiment d’Aenarion : l’armée écrasée par les Elfes dans la journée n’était qu’une diversion, le véritable objectif des démons était Averlorn, qui a été ravagé par les rejetons du Warp. Plus grave, toute la smala du Roi Phénix est supposée avoir péri dans la catastrophe, ce qui plonge l’auguste souverain dans le désespoir et le lecteur dans l’incompréhension.

 

De deux choses l’une : puisqu’Ulthuan est saturée de magie et que les démons sont libres de se matérialiser où bon leur semble (et sous-entendu que les Elfes soient au courant de ce point de détail, ce qui devrait être le cas étant donné que Caledor n’est rien de moins que le plus grand mage Elfe de tous les temps), soit Aenarion a commis une erreur stratégique impardonnable en prenant toute son armée avec lui et en laissant le reste du territoire à la merci des démons (auquel cas, bien fait pour sa tronche), soit il existait jusqu’à récemment une règle de fair play implicite entre les belligérants, stipulant qu’on avait pas le droit de s’en prendre aux villes non défendues (ce qui serait chevaleresque de la part des démons). Quoi qu’il en soit, Aenarion pète une durite, fracasse son trône, déchire sa bannière3, se met une coquille duf de dragon sur la tête et s’en va en hurlant que vraiment, c’est trop injuuuuuste et puisque c’est comme ça, il va aller chercher l’Epée de Khaine sur l’Île Blafarde et devenir Smaug (« I will become Death »). Ses conseillers tentent de lui faire comprendre que c’est peut-être pas la meilleure idée qu’il ait eu, Caledor se fendant même d’un petit poème prophétique en vers de huit pieds pour l’occasion. Las, Aenarion enfourche Idraugnir et part pour le Nord, à la rencontre de son funeste destin !

 

C’est à partir de ce moment que la nouvelle bascule dans une autre dimension, Thorpe reprenant les codes de l’épopée mythique pour terminer son récit. Exemple gratuit : pendant son voyage, Aenarion est abordé à quatre reprises par des démons lui conseillant de faire demi-tour (c’est sûr que quand les responsables de la mort de toute ta famille viennent te voir pour te supplier de ne pas faire quelque chose, tu te dépêches de leur obéir), ce qui donne lieu au même dialogue répété et légèrement adapté quatre fois de suite. Après avoir essuyé une tempête, frôlé la noyade et rembarré le fantôme de sa femme, Aenarion atteint enfin son objectif et extrait la Faiseuse de Veuves de sa gangue de pierre. Et Gav Thorpe d’achever son oeuvre par le genre de petite phrase satisfaite dont il a souvent l’usage : « Le sort des Elfes venait d’être scellé. »

 

Fin.

 

Une overdose de grandiloquence qui ne réconciliera certainement pas les Elfes avec ceux qui les trouvaient déjà pompeux et vains, et risque au contraire de faire sensiblement progresser la proportion des elfophobes parmi les lecteurs de la BL. À réserver à un public averti, ou avide de voir jusqu’à quel niveau Mr Thorpe peut élever son emphase. Ceux-là ne seront certes pas déçus.

 

1 : Oui, vous avez bien lu, les démons n’ont tué aucun Elfe. Qui a dit que leur Livre d’Armée était fumé ?

 

2 : Je vulgarise le propos, le dialogue original étant autrement plus chiadé que ma misérable prose. N’est pas Gav Thorpe qui veut.

 

3 : Oui, celle qui dissout les démons à cinq cent mètres à la ronde. Heureusement qu’Aenarion n’était qu’un sale gosse incapable de gérer la contrariété, sinon Warhammer aurait été encore plus déséquilibré qu’il ne l’est aujourd’hui.

 

***

 

 

Et voilà qui conclut cette critique de ‘Age of Legend’, dernier recueil de nouvelles publié pour Warhammer Fantasy Battle. Si, comme c’est généralement le cas pour ce type d’ouvrage collectif, la qualité des histoires rassemblées ici varie assez largement, on doit reconnaître à Christian Dunn que la ligne éditoriale de cette anthologie n’est pas mensongère, et que les événements couverts dans ce bouquin sont bien légendaires pour une bonne partie d’entre eux. Appréciant à titre personnel que la GW-Fiction vienne compléter et enrichir le background présenté sommairement dans les suppléments de jeu, je ne pouvais qu’accueillir favorablement ce recueil, qui contient un certain nombre de nouvelles (‘The Last Charge’, ‘The City of Dead Jewels’, ‘The Ninth Book’, ‘The God Demands’, ‘Aenarion’) positionnée sur ce créneau.

 

Saluons également le cosmopolitisme de ‘Age of Legend’ qui parvient à aborder la plupart des races et des factions majeures de Warhammer Fantasy Battle (dommage pour les Hommes Lézards, les Elfes Sylvains et les Royaumes Ogres) à travers ses récits. Le seul regret qui me reste après avoir lu ce livre est sa publication tardive dans l’histoire de la franchise, dont le riche background aurait pu donner lieu au lancement d’une série de recueils de nouvelles Time of Legends, en plus de la gamme de romans que nous connaissons. Bref, si vous êtes nostalgiques du Monde qui Fut et souhaitez vous replonger dans sa glorieuse histoire, ce bouquin est sans doute ce qu’il vous faut.

 

Schattra, regrets éternels

 

Modifié par Schattra
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Ajout des nouvelles du recueil 'Age of Legend' :

  • age-of-legend.pngA Small Victory (P. S. Kemp)
  • Bloodraven (S. Cawkwell)
  • The City of Dead Jewels (N. Kyme)
  • The Last Charge (A. Hoare)
  • The Ninth BookAenarion (G. Thorpe)
  • The Gods Demand (J. Reynolds)
  • Plague Doktor (C. L. Werner)
  • The City Is Theirs (P. Athans)
  • The Second Sun (B. Counter)
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Tout d'abord comme d'habitude merci pour le retour (WHB !)
Sinon j'ai quand même l'impression que la plupart des nouvelles n'ont pas l'air super-intéressantes ou sont complètement WTF. (Aenerion/Sac de Nuln sans Gorbad/La nouvelle sur Rakarth/Small victory en tête)
Même si la nouvelle de Thorpe sur Vlad me fait mais alors vraiment envie.

 

  Citation

Le seul regret qui me reste après avoir lu ce livre est sa publication tardive dans l’histoire de la franchise, dont le riche background aurait pu donner lieu au lancement d’une série de recueils de nouvelles Time of Legends, en plus de la gamme de romans que nous connaissons.

Développer  

Plutôt d'accord.

 

Au niveau de la nouvelle portant sur Aenarion j'ai l'impression mais je ne suis peut-être pas objectif que tout ce qui touche à ce personnage en matière d'écrit BL bah ce n'est pas intéressant. 
Je prie toujours une traduction en VF qui n'a que très peu de chances d'aboutir vu que c'est un recueil et non des romans. Peut-être avec la publication de The Old World qui sait.

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Salut @Rhydysann et merci pour ton retour! J'essaierai de faire des retours sur des nouvelles WFB à intervalles réguliers, c'est un univers qui me plaît toujours beaucoup et qui mérite d'être connu de la part des amateurs de GW-Fiction, même si la BL ne le met plus vraiment à l'honneur. 

 

  Le 17/06/2020 à 21:18, Rhydysann a dit :

Sinon j'ai quand même l'impression que la plupart des nouvelles n'ont pas l'air super-intéressantes ou sont complètement WTF. (Aenerion/Sac de Nuln sans Gorbad/La nouvelle sur Rakarth/Small victory en tête)

Développer  

 

En fait je dirais qu'il y a des nouvelles intéressantes d'un point de vue narratif/scénaristique, des nouvelles intéressantes parce qu'elles mettent en scène des personnages et des époques que l'on n'a pas l'habitude de croiser dans des bouquins de la BL, et des nouvelles qui combinent les deux ('The Gods Demand' et 'City of Dead Jewels' par exemple). Du coup, je suis un peu plus indulgent envers certaines nouvelles que je l'aurais été dans d'autres situations. 

 

  Le 17/06/2020 à 21:18, Rhydysann a dit :

Au niveau de la nouvelle portant sur Aenarion j'ai l'impression mais je ne suis peut-être pas objectif que tout ce qui touche à ce personnage en matière d'écrit BL bah ce n'est pas intéressant.

Développer  

 

Je n'ai pas lu les romans de Thorpe sur le gonze, je ne peux pas juger de la chance ou malchance que ce héros mythique a eu avec la BL jusqu'ici. Mais clairement, ce ne doit pas être facile de le rendre intéressant pour le lecteur. On sait déjà quelle est sa destinée, il est proprement invulnérable et en plus c'est un Haut Elfe (avec toute la pompe et la gravité que cela implique). C'est un problème assez récurent pour les personnages centraux de Time of Legends d'ailleurs (Nagash, Sigmar, Malekith...): ils ont une fâcheuse tendance à être honteusement surpuissants. 

 

  Le 17/06/2020 à 21:18, Rhydysann a dit :

Je prie toujours une traduction en VF qui n'a que très peu de chances d'aboutir vu que c'est un recueil et non des romans. Peut-être avec la publication de The Old World qui sait.

Développer  

 

Oui, je pense qu'une éventuelle traduction de ce recueil est tout en bas de la to do list des éditeurs de la BL... Je crois que seul 'Les Epées de l'Empire' a été traduit en français du temps de la Bibliothèque Interdite. Il semblerait que la public français ne soit pas réceptif à ce type d'ouvrage...

 

Schattra, en attendant The Old World

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  Citation

C'est un problème assez récurent pour les personnages centraux de Time of Legends d'ailleurs (Nagash, Sigmar, Malekith...): ils ont une fâcheuse tendance à être honteusement surpuissants. 

Développer  

Franchement je n'ai pas ressenti cela pour Nagash et Malékith. Au contraire tout ce qui est bon à savoir est à prendre. Et Malékith est clairement le plus intéressant de tous. La série sur la déchirure fait d'ailleurs partie des bons ouvrages de Thorpe. Je n'ai pas encore lu Sigmar donc je ne vais pas m'avancer.


Mais a contrario Aenarion c'est un peu le superman de la BL WHB mais sans la kryptonite... Après si on aime les personnages qui retourne à tour de bras des seigneurs démons pourquoi pas...

Modifié par Rhydysann
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  • 7 mois après...

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de 'Death on the Pitch : Extra Time', entreprise littéraire extra ordinaire pour l'auteur de ces lignes. C'est en effet la première fois que je traite d'un ouvrage de la Black Library entièrement consacré au noble sport du Blood Bowl. Pour ma défense, ce type d'opuscule n'a jamais constitué le cœur des publications de la maison d'édition de Nottingham, tout comme ce jeu de ballon (à pointes) n'a jamais été celui de Games Workshop. Toutefois, s'il est une qualité que Blood Bowl peut revendiquer, c'est le peu commun engouement qu'il a réussi à créer et à soutenir parmi sa communauté de joueurs et d'enthousiastes, ce qui a permis à ce jeu de négocier avec succès plusieurs traversées du désert, notamment entre ses troisième et quatrième éditions, séparées par un véritable gouffre de 26 ans. Aujourd'hui, la franchise semble mieux se porter que jamais, avec un suivi régulier de la part de la maison mère, plusieurs jeux vidéos à son actif, et une nouvelle version publiée en novembre 2020, et qui a donné lieu à la (re)sortie du présent ouvrage1.

 

"Qu'est-ce que Blood Bowl?" me demanderez-vous peut-être pour commencer. Eh bien, pour schématiser grossièrement, c'est une adaptation du football américain dans l'univers de Warhammer Fantasy Battle. On doit cette pastiche, devenue culte, au vénérable Jarvis Johnson, qui coucha les premières règles de ce jeu de plateau d'un style particulier sur l'astrogranit en 1987. Il convient ici de souligner que si Blood Bowl reprend les références, les races, les lieux et l'histoire de WFB, il ne s'intègre pas vraiment dans ce que l'on peut appeler la réalité canonique du Monde Qui Fut. En effet, les relations entre les différentes factions représentées à Blood Bowl ne furent jamais si cordiales qu'elles purent conclure de faire une trêve le temps d'organiser une ligue ou un tournoi (sans compter les difficultés logistiques inhérentes à un match entre des Hommes Lézards et des Nains du Chaos, par exemple). Ce qui a permis à la dimension parallèle de Blood Bowl de continuer à vivre alors que le Vieux Monde mit le pied en touche en 2015, comme chacun sait. Pour vivre heureux longtemps, vivons cachés? 

 

Nous retrouvons sur la feuille de match de cette copieuse anthologie (14 nouvelles, plus de 250 pages) beaucoup de têtes et plumes connues de l'amateur éclairé de la prose BLesque (Josh Reynolds, Gav Thorpe, Guy Haley, David Guymer, David Annandale2), ainsi que quelques spécialistes de la littérature sportive de la GW Fiction : Matt Forbeck (auteur de la quadrilogie 'Blood Bowl'), Andy Hall, dont toute la carrière pour la BL se résume aux deux nouvelles incluses dans cette anthologie, et Graeme Lyon, également double contributeur d'icelle. Enfin un trio de nouveaux auteurs (McNiven, Rath et Worley) viennent compléter ce rooster hétéroclite, mais que l'on espère tout de même qualitatif. Sera-ce le cas? Eh bien, il n'y a qu'une seule manière de s'en assurer...

 

1 : Comme le titre le laisse un peu deviner, 'Death on the Pitch : Extra Time' est une réédition de 'Death on the Pitch', agrémenté de deux nouvelles supplémentaires : 'The Freelancer' et 'Dismember the Titans'. La seconde ayant été initialement publiée dans 'Inferno #3' en 2019, la soumission de Robert Rath est techniquement la seule pure nouveauté que cette prolongation apporte à l'aficionado. La BL n'ayant pas retiré de la vente le premier recueil, qui est vendu le même prix que son successeur, il faut faire preuve de vigilance pour éviter de faire une mauvaise affaire en ligne...

 

2 : Pour ce qui est, sauf erreur de ma part, sa seule nouvelle liée à Warhammer Fantasy Battle. 

 

death-on-the-pitch_extra-time.png

 

Manglers Never Lose - J. Reynolds :

 

manglers-never-lose.pngTyros Bundt, coach des Presque célèbres Middenplatz Manglers, et confronté à un problème de taille à quelques heures du début du match décisif de son équipe contre les Haakenstadt Screechers, dans les phases finales du Doom Bowl de Drachenstadt. Son joueur star, le Blitzer Marius Hertz, a en effet été retrouvé nu, violacé, en compagnie de deux pom-pom girls Elfes, et surtout, totalement et irrémédiablement mort, comme l’habile diagnostic du Doc Morgrim ne tarde pas à le confirmer. Après avoir passé quelques minutes à se bercer d’illusions sur une résurrection miraculeuse de son poulain, et constaté que beaucoup de personnes devaient lui en vouloir (4 types de poisons différents utilisés, tout de même1), Bundt passe en mode manager et charge Morgrim d’aller lui dégotter un Nécromancien raisonnablement capable et aux tarifs abordables, pendant que lui se chargera d’apporter le cadavre du Blitzer jusqu’au stade. En effet, l’effectif des Manglers a été sévèrement diminué au cours des premiers matchs du tournoi, et sans la présence de Marius au coup d’envoi, l’équipe devra déclarer forfait, ce qui est contre l’éthique sportive de Bundt et les traditions de l’institution. Après tout, Manglers never lose2 !

 

Après quelques péripéties (et un illustre caméo), le coach parvient à amener le cadavre flasque et plus vraiment étanche de Marius jusque dans les vestiaires gagnés de haute lutte par les Manglers contre l’adversité et les équipes rivales au début du Doom Bowl. Le temps que Morgrim arrive avec son spécialiste, Bundt a le temps de découvrir que son joueur a été soudoyé par le coach de l’équipe adverse, qui a de plus envoyé deux fans Orques rappeler au Blitzer qu’il compte sur lui pour ne pas opposer de résistance aux Screechers lors du prochain match. Résultat des courses : Marius écope d’une nouvelle blessure mortelle dans l’algarade, mais vu son état, cela ne s’avère guère dommageable. À toute chose, corruption est bonne ceci dit, car le pécule mal gagné du parjure permet à Bundt de s’attacher les services du Nécromancien de Morgrim3, qui ne paie pas de mine (les plumes de pigeon teintes en noir pour imiter le corbeau, ça fait cheap), mais parvient à transformer Marius en Zombie baveux mais docile à temps pour le début du match. Comme l’exige la tradition sportive, Bundt livre un discours enflammé à ses joueurs (vivants) avant qu’ils entrent sur l’astrogranit, ce qui permet de découvrir que Marius Hertz a été victime d’une véritable cabale de la part de ses coéquipiers, qui avaient (presque) tous une bonne raison de vouloir sa mort, pour des causes sportives (« il était trop perso »), morales (« il a déshonoré ma sœur, mes frères, mes cousins, leur chèvre… »), financières (« il m’a laissé son ardoise au bar ») ou personnelles (« il me fouettait avec sa serviette sous la douche »). Au moins, l’abcès est crevé. Dommage qu’il ait fallu que Marius le devienne également.

 

Il sera cependant temps plus tard de régler ses comptes et d’inculquer un peu d’éthique aux survivants (et de trouver un nouveau sponsor, le chevaleresque ‘Errance Magazine’ appréciant moyennement être représenté par un athlète mort vivant), car c’est désormais l’HEURE DU MAAAAAATCH ! Eh bien que la nouvelle se termine avant la fin du temps réglementaire, les choses semblent bien se passer pour les Manglers, qui peuvent compter sur la résistance écœurante de Marius pour scorer (touchdown sans bras et à cloche-pied, la grande classe), et sur les bons offices de Franco Fiducci pour relever les pertes à la mi-temps. Avec de tels atouts, ce serait malheureux que les Manglers ne fassent pas honneur à leur réputation de gagneurs !

 

Josh Reynolds nous sert une nouvelle comme il sait si bien les écrire et nous si bien les aimer : drolatique, érudite (les clins d’œil et easter eggs de vieux fluff parsèment le récit), bien construite et diablement rythmée. En plus de tout cela, on retrouve dans ce ‘Manglers Never Lose’ la figure familière et livide de Franco Fiducci, perdue de vue pour ma part au détour d’un ‘Hammer & Bolter’ il y a quelques années, ce qui fait de chouettes retrouvailles. Dans la droite ligne de l’impayable ‘Dead Man's Party’, cette nouvelle est un carton plein qui vient rappeler à point nommé, et malheureusement à titre « posthume » (maintenant que Reynolds est parti voir ailleurs si l’encre était plus verte), que la BL a eu beaucoup de chance de compter Josh Reynolds parmi ses contributeurs.

 

1 : Sans compter le couteau retrouvé dans son estomac, que Morgrim n’a pas relevé dans son autopsie car, après tout, ce que font les humains avec la coutellerie et leur système digestif ne regarde qu’eux.

 

2 : Except when they do. Ce qui arrive finalement assez fréquemment.

 

3 : Un certain Franco Fiducci, déjà croisé par Erkhart Dubnitz dans la série de nouvelles consacrées par Reynolds au très saint et très violent Ordre de Manann.

 

Fixed - R. McNiven :

 

FixedBien qu’il ait mené son équipe à la victoire contre une opposition farouche d’Hommes Lézards, Garr Greyg des Nordland Rangers a écopé d’une sale blessure à la cuisse pendant le match, victime d’un contact rugueux avec le Kroxigor adverse. Opéré contre son gré par le médecin des Rangers, l’alcoolique mais efficace Frisk, le meilleur Blitzer que le Nordland ait connu (it’s something) se remet doucement dans le calme dépouillé de son manoir, en attendant de pouvoir 1) participer à la finale contre les East End Boyz, pour une place en ligue majeure la saison prochaine, 2) trouver un moyen de rembourser ses dettes au Vampire Grizmund, qui lui a fait comprendre en des termes non incertains qu’il attendait que son dû lui soit payé avec impatience.

 

Veillé par son ogre à tout faire Nor, Garr reprend du poil de la bête, mais finit par se rendre compte que le doc a outrepassé ses prérogatives en lui greffant une jambe de Saurus à la place de son membre esquinté, ce qui lui pose plus des problèmes de style que physiologie, à la décharge de Frisk. Cette découverte sinistre est interrompue par la matérialisation près du lit du patient d’un individu louche et puant (mais qui est Bretonnien, ce qui suffit à justifier son accent étrange et sa drôle d’odeur, apparemment), se présentant comme Mister Squimper. L’impétrant fait une offre non-refusable à Garr : une convalescence rapide et complète, assortie d’une belle bourse de reikmarks, en échange d’un menu service lors du prochain match…

 

Comme on s’en doute, ce service consiste à s’assurer que les Rangers s’inclinent contre les peaux vertes, ce que le Blitzer s’emploie à faire de manière pas trop évidente. Malgré la mauvaise volonté, les deux mains gauches et les pieds carrés de leur joueur star, les humains parviennent cependant à faire jeu égal avec les East End Boyz de Krapnugg, et la partie va se jouer sur une ultime possession, alors que les deux équipes sont à égalité au tableau d’affichage. Alors que la balle atterrit dans ses bras, Garr va devoir prendre la décision la plus importante de sa vie…

 

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Robbie McNiven nous sert ce que l’on peut appeler une histoire classique de Blood Bowl avec cet aptement nommé ‘Fixed’ (truqué en français) : un joueur charismatique mais borderline, qui doit gérer des magouilles extra-sportives tout en mouillant tout de même le maillot sur le terrain. C’est honnête à défaut d’être follement excitant, mais l’impression d’ensemble reste pour ma part gâchée par deux points faibles de la prose de McNiven : un manque de clarté dans la description des passages sportifs pour commencer (au point que j’ai cru à un moment que le match se jouait avec deux balles, une par équipe), et aucune explication donnée pour justifier pourquoi l’énigmatique Mister Squimper a senti le besoin de se faire passer pour un humain dans cette histoire. Après tout, Blood Bowl est beaucoup plus tolérant et cosmopolite que Warhammer Fantasy Battle par nature : un Skaven n’a donc aucune véritable raison de se déguiser pour interagir avec des individus plus fréquentables que lui. Dommage dommage.

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Da Bank Job - A. Hall :

 

Da Bank JobLes Kostos de Brobrag ont passé une première saison mémorable, mais pas pour les bonnes raisons. Incapables de remporter le moindre match, et généreux fournisseurs de séquences d’anthologie pour le bêtisier de la ligue, l’équipe ne semble pas promise à un grand avenir. Cependant, les mystérieux Ger et Bil, homme et gobelin d’affaires à l’air louche et aux intentions suspectes, ont des projets grandioses pour Brobrag et ses joueurs : une participation au Reikland Invitational pendant l’intersaison, avec à la clé un match d’anthologie contre les célèbres Reavers pour la meilleure équipe de la phase de poules. Non pas que les Kostos aient des chances de parvenir jusqu’à ce stade de la compétition, mais surtout pour couvrir le cambriolage de la salle des coffres de l’Oldbowl d’Altdorf par quelques complices pendant que le reste des peaux vertes fera de la figuration sur le terrain.

 

Si le plan avait l’air solide sur le papier, il ne tarde pas à devenir caduque, dans la plus pure tradition des stratégies taqueutiques et tequeuniques d’avant match. Bien que l’excentrique sorcier humain (Chanzeenmitt) que Ger & Bil ont intégré à l’équipe ait rempli sa part du marché en ouvrant un portail où se sont engouffrés Fingurs, le bloqueur Orque noir et solide bras droit de Brobrag, et une poignée de goons destinés à déclencher les pièges à congres qui jonchent le chemin de la salle des coffres, les Kostos ont la désagréable surprise de se retrouver opposés non pas aux inoffensifs Merrywald Chums, mais directement aux Reikland Reavers. C’est un match que les peaux vertes ne peuvent pas gagner, mais qu’ils peuvent au moins essayer de faire durer assez longtemps pour permettre à leurs complices de récupérer le butin.

 

Comme prévu, Fingurs finit par se retrouver seul après la mort tragique mais pas surprenante de ses sous fifres, et, guidé par la voix dans sa tête, fait main basse sur… un sifflet. Ce qui le lui coupe1. Lorsqu’il fait son retour sur le banc de l’Oldbowl, c’est la mi-temps et les Kostos sont menés 4-0, avec déjà quelques pertes à déplorer. Les quinze minutes de répit réglementaires sont cependant bien mis à profit par Andy Hall pour débrouiller son intrigue (Chanzeenmitt est en fait deux sorciers de Tzeentch fusionnés dans le même corps, et il(s) a/ont doublé Ger & Bil pour récupérer le mythique sifflet de Nuffle pour son compte), et par Brobrag pour retourner la situation à son avantage. Car il est dit que quiconque énonce un commandement de Nuffle et siffle dans son sifflet voit son énoncé réalisé. That’s the rules, stoopid. Un mage maigrelet et skizophrène ne faisant pas le poids contre un chef Orque en rogne, notre héros récupère facilement l’instrument convoité, et décrète que « c’est celui qui siffle qui gagne ». S’en suit une remontada digne de Barcelone en 2017, aussi inexplicable pour les commentateurs que pour les spectateurs et surtout les Reavers, et, surtout, la première victoire, certes volée mais pas imméritée, de Brobrag et de ses Boyz. Bien sûr, le sifflet attise les convoitises et déchaîne les passions, mais heureusement, le Boss a un endroit beaucoup plus sûr qu’un bête coffre pour conserver son bien mal acquis : l’estomac du Troll de l’équipe. Il fallait y panser.

 

Andy Hall se disperse un peu trop à mon goût dans ce ‘Da Bank Job’, tant au niveau de l’intrigue (quel besoin d’impliquer un/deux sorcier.s de Tzeentch et un match de Blood Bowl dans une histoire de casse ?) que des personnages (à quoi servent Ger & Bil ?). Moins grave mais également handicapant pour sa nouvelle, il bâcle totalement la fin de cette dernière d’un point de vue stylistique, ce qui laisse une sale impression au lecteur au moment d’en terminer. On lui accordera tout de même quelques points pour le grand nombre de célébrités croisées dans ces quelques pages, depuis Jim Johnson et Bob Bifford jusqu’à Lord Borak, le Mighty Zug et Griff Oberwald, ainsi que pour un ajout fluffique notable à l’univers parallèle de Blood Bowl avec le surpuissant sifflet de Nuffle. Mais c’est à peu près tout et ça ne suffit pas pour faire de ‘Da Bank Job’ une réussite.

 

1 : Le squeeg. Ceci est une blague de niche.

 

The Hack Attack - M. Forbeck :

 

Les Pascal et Fontaine de Warhammer Fantasy Battle, Jim Johnson et Bob Bifford, animent une émission live de ‘Que sont ils devenus ?’, consacré à la légende des Bad Bay Hackers, Dirk Heldmann. Ayant déchaussé les crampons pour devenir coach en binôme de son ancienne équipe, Dirk se plie de plus ou moins bonne grâce au petit jeu de la nostalgie (son frère Dunk, sa belle-sœur Spinne Schönheit, M’Grash K’Thragsh, Edgar l’Homme Arbre…) et de la commémoration de sa période active. Bien évidemment, il est question du match contre les Chaos All-Stars de Serby Triomphe, où le sort de l’Empire s’est joué. L’interview se termine de façon assez brutale par…

 

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The Hack AttackIl n’y a que deux choses à retenir de cette très courte nouvelle (9 pages) de Matt Forbeck. Primo, il s’agit de la conclusion de sa quadrilogie de romans Blood Bowl consacrés aux Bad Bay Hackers et aux frères Heldmann. Si certains auteurs plus doués que la moyenne parviennent sans mal à tourner leurs propos de telle manière que même un novice complet puisse comprendre et apprécier de quoi il en retourne lorsqu’il traite d’une série bien établie, avec de nombreux personnages ayant vécu des aventures variées et entretenant des rapports complexes les uns par rapport aux autres (Dan Abnett fait ça très bien dans ‘Les Fantômes de Gaunt’ par exemple), Forbeck ne s’est pas donné cette peine ici. Pour être honnête, n’ayant pas lu les romans en question, j’ai compris que quelque chose clochait à la moitié de l’histoire et à l’évocation du dixième personnage nommé en cinq pages, ce qui est un ratio peu commun. Et effectivement, une lecture du résumé de l’anthologie ‘Blood Bowl’ permet de comprendre que Matt Forbeck a un historique conséquent avec les frangins Dirk et Dunk. Dommage qu’il se montre si « exclusif » dans son approche de ‘The Hack Attack’ car reconnaissons-le : les souvenirs émus et les histoires de couple/fesse de Dirk Heldmann n’intéressent pas grand-monde  mis à part la poignée de fans transis de ce dernier.

 

Secundo, la fin de cette nouvelle, si elle a le mérite de surprendre le lecteur, m’a semblé relever du crime de lèse-majesté concernant deux personnalités aussi centrales et vénérables de Blood Bowl que le duo Bifford & Johnson. À moins que Forbeck ait créé ce dernier (ce qui est possible, mais me semble incertain au vu de l’ancienneté des illustrations du regretté Wayne England), quel droit avait-il de siffler la fin de leur match, et de manière si cavalière qui plus est ? Les personnages nommés de Warhammer Fantasy Battle eurent droit à un requiem digne de ce nom avec The End Times en 2015, ceux de Blood Bowl devront se contenter de ‘The Hack Attack’ deux ans plus tard. Assez indigne, tant sur le fond que sur la forme.

 

Mazlocke's Cantrip of Superior Substitution - G. Lyon :

 

Mazlocke's Cantrip of Superior SubstitutionLe Light’s Hope Stadium de Talabheim accueille un match de ligue mineure entre les presque redoutables Talabheim Titans et les positivement nuls Black Water Boyz. Tellement nuls d’ailleurs que leur coach, Borgut, a résolu de tenter le tout pour le tout pour arracher la victoire, et a placé ses dernières économies entre les mains d’un sorcier non homologué, Mazlocke. Ce dernier maîtrise en effet un sort au nom aussi compliqué (Cantrip of Superior Substitution) que ses effets sont spectaculaires : remplacer les plots verts de l’équipe visiteuse par des légendes de Blood Bowl, le temps d’un match. Sur le papier, le plan est brillant, mais comme vous vous en doutez, les choses ne vont pas se passer de manière optimale.

 

Il est temps pour nous de faire la connaissance des rivaux des Black Water Boyz, et en particulier du receveur Johann Walsh et du blitzer Kurt Grafstein. Ils partagent tous deux le statut de joueur vedette de leur équipe, mais là où Johann est gentil et serviable (il est même copain avec l’Ogre de l’équipe, Ghurg, c’est dire s’il est cool), Kurt se la pète méchamment et drague lourdement/harcèle sexuellement la pom pom girl Juliana, qui est également un personnage important. Pour le moment, contentons-nous de dire qu’elle préférerait pratiquer sa passion sur l’astrogranit plutôt que de se déhancher devant des hordes de fans mal dégrossis, mais la nature patriarcale de l’Empire l’a contrainte de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Enfin, dans les gradins du stade, le fan #1 de Kurt Grafstein, Gerhardt Mannheim, est venu assister à la rencontre comme à chacune de celles des Talabheim Titans. Gerhardt est l’incarnation du fan de sport aussi incollable en historique et statistiques qu’incapable de courir 50 mètres sans cracher ses poumons ni de monter un escalier sans passer au rouge vif. La passion qu’il voue à Grafstein, qui a son âge et vient du même village que lui, est une sorte d’amour jaloux flirtant avec le malsain, et totalement à sens unique, son idole n’ayant jugé bon de répondre aux douzaines de lettres enthousiastes qu’il lui a envoyées.

 

Si cette exposition détaillée de la galerie de personnages a été nécessaire, c’est que le sort de Mazlocke va se solder par un demi-échec, et permuter les personnalités et les corps de certains des individus présents au Light’s Hope Stadium. Ainsi, Johann se retrouve à devoir jouer du pom-pom le long du virage nord, tandis que Juliana réalise son rêve de jouer un match de Blood Bowl en étant propulsée receveur des Titans. Bien entendu, Kurt et Gerhardt forment un autre couple d’inversion, ce qui leur permet de découvrir que la vie d’un fan/blitzer n’est pas de tout repos. Enfin, le receveur Gobelin (c’est son vrai nom) des Black Water Boyz a la chance d’être catapulté aux manettes de l’imposant châssis de l’Ogre Ghurg (et vice-versa), ce qui va lui permettre de se venger dans le sang et la violence des brimades et mauvais traitements que lui ont fait subir le reste de l’équipe depuis des années. Un comportement presque normal de la part de Ghurg, si on réfléchit, et qui n'attire donc pas l'œil de Jim Bifford et Bob Johnson en tribunes (qui ont leur propres problèmes, comme le lecteur avisé l'aura reconnu).

 

Comme on peut s’en douter, les effets du cantrip de Mazlocke, qui a essayé de partir avec la caisse mais s’est téléporté dans les gradins du stade au lieu de partir en Bretonnie comme il l’escomptait (c’est ça aussi de s’auto-former), mettent un beau boxon sur le terrain. Lorsqu’un mage assermenté parvient enfin à remettre chaque chose et conscience à sa place, tous nos personnages en auront été quitte pour une expérience marquante, aussi bien au sens intellectuel que physique du terme. Ainsi, Juliana, qui a réussi à marquer un beau touchdown en solo, se fait signer par la coach d’une équipe Amazone, tandis que Johann devient un ally de la lutte contre le sexisme ordinaire. Kurt et Gerhardt finissent voisins de lit à l’hôpital, en grande partie à cause de Gobelin et Ghurg, le second ayant négligemment balancé le premier dans la foule, avec une retombée funeste sur le fan ventripotent (Kurt ayant pour sa part été projeté dans les gradins par un Orque taquin). La leçon du jour est la suivante : tant qu’à tricher, autant se faire épauler par des professionnels capables de garantir des résultats de qualité plutôt que de s’appuyer sur des amateurs incompétents. Non mais.

 

Graeme Lyon signe avec ‘Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution’ une nouvelle marquante, et pas seulement grâce à son titre extravagant (même s’il faut reconnaître que cela joue, et que le catalogue de la BL compte quelques challengers). L’intrigue mise en place par l’auteur nécessitait une construction rigoureuse, pour ne pas perdre le lecteur entre les péripéties vécues par les 3 « couples » (4 si on inclue le transfert entre Jim Johnson et Bob Bifford dans la loge des commentateurs), qui s’entremêlent les unes aux autres jusqu’au dénouement final, et Lyon s’en sort très bien je trouve. J’ai également apprécié l’intégration d’éléments additionnels à une nouvelle de Blood Bowl classique, comme les réflexions féministes de l’arc Johana, et la figure du fan transi/névrosé via Gerhardt Mannheim. Bref, le résultat est se montre à la hauteur des ambitions poursuivies par l’auteur de cette opérette sportive, et mérite certainement la lecture par les amateurs de littérature Blood Bowl.

 

Pride and Penitence - A. Worley :

 

Pride and PenitenceLes Bright Crusaders, l’équipe la plus fair play qui soit (un cruel désavantage à Blood Bowl, il faut le reconnaître), disputent la finale de la Purity Cup contre les Doomtown Rats, et la mi-temps vient de sonner. De retour au vestiaire avec un avantage au tableau d’affichage, mais trois joueurs passés ad patres du fait du Rat Ogre de l’équipe adverse, les Crusaders doivent mettre au point une stratégie robuste pour espérer conserver leur avance jusqu’à la fin du match. Bien que techniquement plus doués que leurs adversaires du jour, la férocité de Skrut Manpeeler, la vitesse des coureurs d’égouts et la supériorité numérique des ratons sont autant de désavantages que le coach Dolph ‘Le Saint’ Gutmann essaie de gommer dans sa causerie de mi-match. Comme si cela ne suffisait pas, le joueur star de l’équipe, Gerhardt le Pénitent, est pris d’une nouvelle crise expiatoire, comme cela lui est arrivé à de nombreuses reprises au cours de la saison. Ex-flagellant puritain et masochiste, Gerhardt est un blitzer d’un talent et d’une endurance rares, quelque peu diminués par sa tendance à se punir de manière extrême dès que son sens aigu de la justice lui indique que son adversaire a souffert d’un handicap injuste. Cela l’a ainsi amené à s’immoler, s’enterrer, tenter de se casser les membres, ou encore vouloir jouer sans protection, comme il insiste pour le faire après avoir entendu Gutmann avancer que la supériorité technique des huit Crusaders survivants leur donnait un avantage sur les Skavens d’en face.

 

Fort heureusement pour ses coéquipiers, ils peuvent faire appel au sens moral hypertrophié de Gerhardt pour lui faire entendre raison, en lui rappelant qu’ils doivent à tout prix remporter la Purity Cup pour pouvoir éponger les dettes de Sœur Bertilda et de ses orphelins, qui ont écrit de nombreuses lettres touchantes et pathétiques au Pénitent au cours de la saison. Ce dernier accepte donc avec regret de se rhabiller pour cette fois, mais fait promettre aux Crusaders de l’accompagner dans une séance de pénitence de son choix une fois le match gagné, ce qu’ils acceptent sans rechigner.

 

Une fois les choses remises en ordre et la coquille de Gerhardt en place, la deuxième mi-temps peut commencer, et le lecteur voir le blitzer prodigue en action. Et il faut bien reconnaître qu’il fait honneur à sa réputation altruiste (en prenant un rocher envoyé par un fan taquin à la place d’un coéquipier) et sportive (en corrigeant bellement Skrut Manpeeler en un contre un), ce qui n’empêche pas les Crusaders d’encaisser le touchdown qui ramène les deux équipes à égalité. Dès lors, la tactique du coach Gutmann consiste à tenir la balle en espérant un miracle, schéma tactique dans lequel Gerhardt doit se contenter d’occuper le plus de joueurs adverses possibles, ce qu’il fait parfaitement en se colletinant trois trois quarts Skavens. C’est alors que deux Crusaders parviennent à passer la ligne d’avantage et à foncer vers l’en but adverse, où les attend toutefois un Skrut revanchard et très énervé. Dur dilemme moral pour Gerhardt, piétiné dans la boue par ses adversaires : s’en tenir au plan de jeu ou voler aux secours de ses partenaires ?

 

C’est finalement pour la deuxième option que se décide notre héros, qui échappe à ses tortionnaires en se glissant hors de son armure et finit donc par jouer à poil, comme il le souhaitait. Ce manque d’équipement ne réduit en rien son talent, puisqu’il parvient à décocher un coup de boule tellement parfait à Skrut que ce dernier finit dans les tribunes, sort peu enviable pour un joueur de Blood Bowl, comme chacun le sait. La partie se termine sur le score de 3 à 2, faisant des Bright Crusaders les récipiendaires de la Purity Cup, et permettant à l’orphelinat de Sœur Bertilda d’être sauvé de la destruction. D’ailleurs, la grâcieuse créature a fait le déplacement avec ses protégés, et c’est vers eux que Gerhardt se précipite lorsque le coup de sifflet final retentit dans le stade…

 

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Alec Worley capte parfaitement l’ambiance délurée propre à Blood Bowl dans cette nouvelle posant une des questions les plus intéressantes de cette franchise en prémisse de son intrigue : « et si une équipe tenait absolument à jouer sans tricher ? ». Les Bright Crusaders et leur parangon de vertu mortificatrice Gerhardt le Pénitent, répondent à cette interrogation, sans doute purement rhétorique avant ‘Pride and Penitence’ de façon aussi convaincante que distrayante, faisant de cette nouvelle une vraie réussite et un must read pour les aficionados de Blood Bowl.

 

The Skeleton Key - D. Annandale :

 

The Skeleton KeyQuittons un instant l’astrogranit pour nous intéresser à une variante populaire du Blood Bowl, le Dungeon Bowl. Si les règles sont à peu près les mêmes, et la violence tout aussi répandue que dans le jeu de base, le Dungeon Bowl a la particularité de se jouer, le croirez-vous, dans un donjon. Deux équipes de six joueurs doivent explorer ce terrain peu banal à la recherche de la balle, cachée dans un des coffres répartis dans les salles du labyrinthe, puis l’apporter dans l’en-but adverse, qui doit également être découvert. Variante oblige, la victoire appartient à la première équipe à marquer un touchdown, c’est donc un système à mort subite qui est utilisé ici. Voilà pour les présentations.

 

Le match que nous allons suivre oppose les honorables Bright Crusaders aux vénérables Champions of Death, menés par l’authentiquement réac Ramtut the Third (à ne pas confondre avec son avorton de frangin, Ramthit the Turd). C’est bien simple, rien de ce qui est moderne – c’est-à-dire à moins de deux mille ans – ne trouve grâce aux yeux desséchés du Fat des Tombes, et c’est d’ailleurs à se demander ce qui l’a convaincu de participer à cet événement, où lui et ses squelettes occupent le rôle des monstres opposés aux héroïques et vertueux Crusaders. Il ne s’en doute pas, mais il n’est pas le seul à désirer la défaite de ces derniers : une bande de Gobelins fans de Da Deff Skwad, la dernière équipe battue par nos paloufs, est bien décidée à venger ses idoles et à se faire un paquet de blé au passage, en forçant les Bright Crusaders à tricher contre leur gré, ce qui serait du jamais vu dans l’histoire de la franchise (et offre donc une côte intéressante chez les bookmakers). Comme toujours avec les Gobelins, le plan est aussi retors que vicieux, et consiste donc à installer des faux coffres explosifs à proximité de la zone de départ des Crusaders… pour les ralentir j’imagine ? Ayant graissé la patte d’un arbitre Halfling corruptible, les conspirateurs ont accès au donjon quelques minutes avant le coup d’envoi début des hostilités, et se mettent à pied d’œuvre sans traîner.

 

La partie en elle-même se déroule de façon assez confuse, principalement à travers les bandelettes de Ramtut. Ce dernier perd tous ses squelettes dans les premières minutes du match, victimes de collisions frontales avec les Crusaders ou de pièges explosifs, mais parvient tout de même à se saisir de la balle… plusieurs fois de suite. Car la fâcheuse tendance de cette dernière de tomber dans la lave hache un peu le jeu, même si les organisateurs ont la bonne idée de remettre un ballon sur le terrain dès que le besoin s’en fait sentir. De leur côté, les humains perdent également des joueurs à un rythme soutenu, et parfois de façon complètement ridicule1, jusqu’à ce que le match vire à la catastrophe à la suite d’un trop grand afflux de Squelettes dans les téléporteurs (la règle stipule que les équipes commencent avec six joueurs, pas qu’elles ne peuvent pas en recevoir davantage en cours de jeu). Pris dans un geyser de magie brute, Ramtut et Sternright, le capitaine des Crusaders, sont aspirés dans un autre monde, et surtout, dans une autre époque. Une époque futuriste et puissamment grimdark, if you see what I mean. Tellement grimdark d’ailleurs qu’ils emportent avec eux un Hormagaunt sur le chemin du retour, qui leur subtilise la balle et remonte tout le donjon pour aller marquer un touchdown. Pour qui ? Mystère…

 

Le cataclysme magique ayant fragilisé la structure du stade, le terrain commence à disparaître dans la lave, ce qui pose problème à tout le monde… sauf à Ramtut, qui saute dans le magma la balle en main pour aller marquer l’essai de la victoire au nez et à la barbe des deux derniers Bright Crusaders. Car dans la dimension parallèle de Blood Bowl, les momies ne sont pas inflammables, qu’on se le dise. Cette issue défavorable n’atteint toutefois pas à l’honneur des Crusaders, toutes les manigances gobelines pour les pousser à la faute et à la triche ayant échoué les unes après les autres. Victoire sportive pour les uns, victoire morale pour les autres : tout le monde est content !

 

David Annandale voulait indubitablement bien faire en mettant en scène une partie de Dungeon Bowl mettant aux prises deux équipes bien connues des fans, mais la mise en scène pêche malheureusement trop pour que l’on puisse qualifier ‘The Skeleton Key’ (titre qui m’échappe je dois le reconnaître, car il n’y a aucun passe-partout dans la nouvelle, et le jeu de mots avec « squelette » me semble tiré par les cheveux) de réussite. Dès lors que les choses sérieuses commencent, l’avalanche de règles spéciales propres à ce format, et davantage complexifiées par les manigances des Gobelins mauvais perdants, viennent brouiller l’intrigue jusqu’à ce qu’on ne distingue plus que des joueurs courant de salle en salle, parfois avec la balle, parfois non, en évitant les flaques de lave (et parfois non), sans aucune logique ni stratégie. Annandale convoque également une belle galerie de personnages, sans que la plupart ne joue vraiment un rôle important dans l’histoire, seul Ramtut faisant office de véritable protagoniste. Tout cela ajoute encore à l’impression de foire d’empoigne échevelée et par moment incohérente qui se dégage de ce récit, ce qui n’est pas un compliment, même pour une nouvelle de Blood Bowl. On peut noter au passage que David Annandale réussit à caser du 40K même dans sa seule (à ma connaissance) contribution à la BL se déroulant dans l’univers de WFB, ce que l’on peut considérer comme un clin d’œil appuyé ou une dépendance incurable, selon la perspective. En tout état de cause, ‘The Skeleton Key’ ne joue pas dans la première division du corpus de Blood Bowl. Triste, mais pas vraiment surprenant, si ?

 

1 : Mention spéciale à Guy Gallant, qui se fait berner par un Gobelin sur échasse déguisée en demoiselle en détresse (véridique), et qui tombe dans le magma de manière très Looney Tunesque.

 

Scrape to Glory - G. Thorpe :

 

Scrape to VictoryJoueur du dimanche de Blood Bowl au sein des parfaitement nommés Crookback Cretins, le Skaven Kikkit a toutefois attiré l’œil des recruteurs des célèbres Skavenblight Scramblers, qui l’ont convié à une session d’essai de présaison à la condition qu’il batte le record du nombre d’adversaires blessés alors qu’ils étaient au sol de la ligue SCABB. Avec 42 unités au compteur et un match à jouer contre les redoutables Morglum’s Marauders, Kikkit n’a qu’un coup bas à assener pour rat-ffler la mise et s’ouvrir les portes d’une carrière professionnelle, loin de sa vie misérable et industrieuse de Rats des Clans passant ses journées à limer des engrenages pour les ateliers du clan Skryre. Un nouveau départ lui permettrait également de laisser derrière lui les dettes accumulées auprès de maîtres des bêtes peu commodes du clan Moulder, qui lui réclament la coquette somme de 50.000 couronnes d’or pour passer l’éponge. Bref, la motivation est à bloc pour cette ultime rencontre, et pas seulement parce qu’une défaite condamnerait les Cretins de l’Alpe à être sacrifiés au Rat Cornu, comme le trio de Prophètes Gris qui sponsorisent l’équipe le soulignent clairement dans leur causerie d’avant match.

 

La chance sourit aux ratons cependant, car ce ne sont pas les terribles Marauders Orques qui se présentent dans le stade de Crookback Mountain, mais leurs adversaires malheureux des demi-finales, les nettement moins impressionnants Tinklebrook Trotters, qui se trouvent être des Halflings. Tout à fait confiant dans l’issue de ce match, Kikkit s’explique avant les hymnes pour aller parier toutes ses économies chez un bookmaker Gobelin de sa connaissance, qui lui fait une cote pas encore mise à jour et donc diablement lucrative. Après tout, quand on ne peut pas investir dans le Bitcoin, on fait du profit comme on peut. Ceci fait, notre héros à moustaches retourne dare-dare au stade pour prendre sa place sur le pré. Il alors la mauvaise surprise de constater que les Halflings se sont fait accompagner par deux Hommes Arbres, qui fermaient la colonne des visiteurs du fait de leur train de sénateurs, et qu’il n’a donc pas vu avant de partir placer son magot. Voilà qui rat-joute un peu de suspense.

 

Le match s’engage et s’avère assez disputé, les grandes baffes épineuses distribuées les frères Tronc (Georges et Mega) et la consommation de substances énergisantes des petits gloutons empêchant les Cretins de prendre le large, et à Kikkit de faire une dernière victime. Au terme du temps réglementaire, le score est de trois partout, ce qui mène logiquement aux traditionnelles prolongations en mort subite. Par un curieux hasard dont Nuffle est sans aucun doute responsable, Kikkit se retrouve dans une position délicate, où il doit choisir de faire un bloc qui permettra sans aucun doute à son équipe de marquer le touchdown de la victoire, ou d’aller maraver la goule d’un Halfling sonné à proximité de la zone d’en but des Trotters. N’écoutant que son intérêt propre, en bon Skaven qu’il est, notre héros choisit évidemment la seconde option, et pique son meilleur sprint à travers la défense adverse pour aller jeanclaudevandamiser la mâchoire de l’avorton vulnérable. Un choix doublement récompensé, car en plus de porter son total de victimes à 43, Kikkit marque également le point décisif de la partie, s’étant débrouillé pour emporter avec lui la balle crevée sur une des piques de son épaulière, après qu’il « par mégarde » tacler son lanceur pour éviter que le match ne s’arrête trop tôt. Et c’est sur cette victoire sur tous les tableaux que se termine notre histoire, qui finit scandaleusement bien pour une nouvelle de Skavens, si vous voulez mon avis.

 

Gav Thorpe se frotte aux Hommes Rats de Warhammer Fantasy Battle (pas une de ses factions de cœur pour cette franchise) et signe une petite nouvelle qui se place dans la moyennement très légèrement haute du genre. C’est raisonnablement drôle, le fluff Skavens (et Halflings !) est respecté, et on retrouve l’ambiance propre au Blood Bowl, sans que l’intrigue soit particulièrement fouillée, la mise en scène impeccable ou le background significativement enrichi. Le seul petit reproche que je pourrais faire à ‘Scrape to Victory’ est, comme dit ci-dessus, son absence de ratage final, tant il est vrai que les séides du Rat Cornu sont célèbres pour arracher la catastrophe des griffes du triomphe avec une constance remarquable. Outre ce manquement de ca-rat-ctérisation, je n’ai rien à dire de cette histoire, qui se laisse tout à fait lire.

 

Doc Morgrim's Vow - J. Reynolds :

 

Doc Morgrim's VowLes Middenplatz Manglers ont accumulé les victoires depuis la mort tragique mais finalement bénéfique de leur Blitzer vedette (‘Manglers Never Lose’), et sont maintenant à la recherche de nouvelles opportunités de briller. Malgré les protestations répétées de leur apothicaire, le solide Morgrim Ironbane, le coach Tyros Bundt a accepté l’invitation qui lui a été faite de prendre part au Tournoi des Cent Malheurs, organisé dans la forteresse de Karaz Ankor. Gagner un match contre les redoutables, mais isolés, Dragon’s Hold Drakeslayers, permettrait aux Manglers de mettre la main sur l’Angry Dragon Cup, un trophée légendaire au sein de la communauté des fans. Dans le dirigeable Makaisson & Sons qui les emmène en Norsca, les Manglers discutent le bout de gras, Bundt et Franco Fiducci (le Nécromancien qui fait tenir en un morceau les deux tiers de l’équipe) essayant de découvrir pourquoi le Doc Morgrim se montre si récalcitrant à revenir dans sa cité natale, en vain.

 

La réponse se fait jour lorsque les visiteurs sont accueillis par une escouade d’Arquebusiers, et placés sous bonne garde le temps qu’un notable vienne leur rendre visite. Ce notable, c’est le Thane Thunor Thunorsson, figure importante de Karaz Ankor, coach des Drakeslayers, et accessoirement, père de Hrulda Thunorsdottir, capitaine de l’équipe, Tueuse de Trolls et… fiancée de Morgrim. On apprend ainsi que ce dernier s’est éclipsé sournoisement alors qu’il avait déjà échangé ses vœux avec Hrulda, préférant le deshonneur et l’errance au conservatisme rigide du Dragon’s Hold. En plus, c’était le seul moyen pour lui de jouer au Blood Bowl, sa passion, dans des conditions normales, l’équipe et le stade locaux étant très particuliers, comme nous allons le voir. Bien entendu, ce camouflet n’a pas été bien perçu par sa promise et sa lignée, et c’est donc assez naturellement que Morgrim se prend un bourre pif bien mérité de la part de Hrulda pour arriérés de paiement. Bien que Thunor souhaite enfin marier les deux tourtereaux, de force s’il le faut, pour restaurer son honneur, Morgrim parvient à négocier une échappatoire : si les Manglers gagnent le match, il sera libre de partir. Si les Drakeslayers restent invaincus, il épousera Hrulda. Les choses étant clarifiées et les parties en présence d’accord sur les termes, il est temps de passer aux choses sérieuses.

 

Le match se déroule selon les règles du Dungeon Bowl, un peu adaptées par les locaux. Foin de coffres explosifs ici, mais des monstres errants et des pièges mortels en tout genre, et un terrain en trois dimensions puisque placé à flanc de montagne. Morgrim apprend d’ailleurs à ses acolytes que la tactique préférée des Drakeslayers est de partir en PvE (tous leurs joueurs sont des Tueurs), et d’attendre que leurs adversaires se fassent tuer, plutôt que de chercher à jouer la balle. Une vraie approche naine, qui fait chaud au cœur. Fort heureusement, la forte teneur en morts vivants des Manglers leur donne une résistance accrue qui s’avère précieuse, et Marius Hertz, leur Blitzer vedette, est en grande forme. C’est d’ailleurs lui qui marque le touchdown de la victoire, après avoir arraché la balle de l’œsophage d’un Drake qui passait dans le coin, et s’était mis à harceler la pauvre Hrulda (galamment secourue par Morgrim, contre toutes les règles du Dungeon Bowl, ceci dit). Tout est bien qui finit bien donc, le Doc réalisant même que son ancienne fiancée ne lui en veut pas tant que ça, en fait. Ca aurait été des Elfes, on aurait eu le droit à un baiser langoureux en tomber de rideau, mais les Nains sont heureusement plus dignes, et Hrulda se contente de péter le pif de son sauveur pour intervention illicite, en tout bien tout honneur évidemment. Il y a des signes qui ne trompent pas…

 

Josh Reynolds poursuit sa saga Manglers avec la suite logique de ‘Manglers Never Lose’, qu’il n’est même pas nécessaire d’avoir lu pour comprendre de quoi il en retourne ici, l’auteur prenant la peine de bien contextualiser cette nouvelle, en vrai gentleman. L’accent a été ici mis sur l’intrigue plus que sur l’ambiance, ce qui fait de ‘Doc Morgrim’s Vow’ un bon contrepoint à l’épisode précédent : l’un est plus drôle, l’autre plus étoffé, mais les deux sont d’un très bon niveau, et Reynolds distille assez de punchlines (mention spéciale au dialogue portant sur la neige biologique et artisanale de Karaz Ankor) pour que le lecteur ne se sente pas dans une classique histoire de WFB… même si les ajouts fluffiques de cet incorrigible Josh Reynolds donnent vraiment envie de prendre cette historiette au sérieux. Encore un essai transformé pour l’auteur, qui honore ici sa réputation bien méritée de star writer de la BL.

 

A Last Sniff of Glory - D. Guymer :

 

A Last Sniff at GloryRed Claw” Rurrk est une légende du Blood Bowl Skaven. Blitzer vedette des célèbres Skavenblight Scramblers, il a été de tous les succès notables de l’équipe, comme ce match de légende contre le Princedom of Pain, à Erengrad. La première défaite en trois siècles pour le Prince Amaranth l’Inviolé, un qualificatif pas vraiment mérité au vu du score final… Enfin, ça, c’était il y a sept ans, bien longtemps pour un Skaven. Rurrk se fait bien vieux aujourd’hui, et n’a plus la forme d’antan, comme son match catastrophique contre les Mootland Raiders en début de saison l’a démontré. Lent, ankylosé, courbaturé et à moitié aveugle, il ne lui reste plus guère que son vice naturel, son expérience prodigieuse et sa consommation effrénée de malepierre pour faire illusion. L’heure de la retraite, ou l’équivalent pour les Skavens, a sonné depuis longtemps pour le vénérable champion, mais ce dernier s’est fixé un dernier objectif avant de raccrocher (ou plutôt, d’enterrer) son iconique griffe rouge : participer à l’Eight Point Star Cup à Drakenhof, afin de pouvoir affronter une nouvelle fois Amaranth.

 

Il lui faut pour cela convaincre le nouveau coach des Scramblers, le Prophète Gris Razzel, de lui laisser une place sur la feuille de match, ce qui est loin d’être évident. Rurrk est cependant prêt à tous les sacrifices (y compris ceux des membres de son équipe) pour revenir dans les bonnes grâces du sélectionneur, et parvient à ses fins après avoir massacré deux coéquipiers au cours d’un match d’entraînement, et menacé de faire subir le même sort au Rat Ogre de l’équipe. Il n’y a guère que le Coureur d’Egout Silkpaw qui se trouve à l’abri de la rivalité « amicale » du vétéran, leurs styles de jeu étant diamétralement opposés, ce qui préserve le jeunot des tacles appuyés de Rurrk. Soucieux d’éviter une hécatombe pré-tournoi, Razzel finit donc par accepter la requête du Blitzer, ce qui promet des retrouvailles touchantes avec le Princedom of Pain…

 

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David Guymer prend le lecteur à contre pied comme un receveur feinte un trois-quart avec ‘A Last Sniff of Glory’, qui joue la carte de la nostalgie plutôt que de l’humour sadique et nihiliste, qu’on était doublement en droit d’attendre de la part d’une nouvelle de Skavens jouant au Blood Bowl. On ne lui en tiendra toutefois pas rigueur, car en plus d’être originale, cette histoire est bigrement réussie. Ce n’était pas un mince défi de rendre la figure de Rurrk sympathique, voire même pathétique, tant l’anti héros de cette soumission exemplifie tous les traits les plus vils et veules de son ignoble race, mais Guymer y parvient de manière probante. On termine ‘A Last Sniff of Glory’ dans le même état émotionnel que ‘The Wrestler’, Mickey Rourke ayant seulement été remplacé par une Vermine de Choc en armure lourde, et le ring de catch par un terrain de Blood Bowl. Cette nouvelle mérite la lecture par sa singularité autant que par sa qualité d’exécution (même le niveau d’anglais est plus recherché qu’à l’accoutumée, pour autant que je puisse en juger), ce qui font deux bonnes raisons d’assister au jubilé du Petit Tâcheron Rouge...

 

Foul Play - A. Hall :

 

Foul PlayRangé des voitures et des crampons après une sale blessure alors qu’il jouait trois quart pour les Marauders, Gulden von Sulkenhof, alias Sulk, s’est reconverti dans le crime organisé. Il sert désormais les frères Kobassi, gangsters Ogres bien établis dans le milieu d’Altdorf, et a été chargé par ces derniers de cambrioler le domicile de Gerald Frost-Thumbs, le présentateur météo vedette de CabalVision, à la recherche d’éléments compromettants pour le faire chanter. Quelle n’est pas sa surprise de voir ses employeurs débarquer sur les lieux de son forfait alors qu’il farfouille dans les caleçons du Louis Bodin du Vieux Monde, ce qui ne peut que signifier qu’ils ont compris qu’il était une balance et s’apprêtent à le châtier à leur manière, pas vrai ? Eh bien… non. Les Kobassi se sont déplacés pour faire à Sulk une proposition qu’il ne peut vraiment pas refuser, comme le dit l’expression consacrée. Les truands ont parié gros sur la prochaine victoire des Gouged Eyes sur les Dwarf Giants, malgré le statut de favoris de ces derniers. Ils comptent donc sur leur agent pour s’assurer de ce résultat, en sa qualité d’arbitre du match, reconversion tout à fait logique pour un ancien joueur il faut bien le reconnaître.

 

Le hic, c’est que l’autre patron de Sulk, le Lord Chamberlain d’Altdorf, souhaite au contraire que les Giants gagnent afin de fragiliser la position des Kobassi. Et comme notre héros a été recruté par le réseau d’espion du notable, ses Yeux, il n’est pas vraiment en position de refuser. Le Lord Chamberlain sait en effet qu’il a recueilli la chèvre mascotte (Janet) de son ancienne équipe, la pauvre bête étant sur le point d’être abattue après que des fans particulièrement obtus aient prétendu qu’il s’agissait d’un Gor marchant à quatre pattes. Un moyen de chantage comme un autre, Sulk étant un défenseur de la cause animale devant l’éternel. On devine donc le dilemme devant lequel l’ex-joueur, futur arbitre et agent double se trouve : quel que soit le résultat du match, l’un de ses employeurs sera très mécontent de lui, avec des résultats potentiellement mortels…

 

Ces considérations morbides ne reculent cependant pas le jour de la rencontre, qui finit par avoir lieu dans un Oldbowl rempli à bloc. Surveillé de près par les frères Kobassi en tribunes, et par un autre agent de Chamberlain, Hinter (qui s’est fait nommer arbitre assistant), sur le terrain, Sulk essaie de ménager la chèvre et le chou pour sauver la première sans se prendre le second. Enfin je me comprends. Craignant davantage la vengeance brutale et immédiate des Ogres, l’arbitre torturé commence par sanctionner sévèrement les Nains, notamment en refusant toute intrusion de matériel de guerre (dont les roulemorts) sur le terrain, mais se fait contrecarrer par Hinter, qui use des règles les plus triviales du Blood Bowl pour équilibrer les débats. À la mi-temps, les Giants mène 1-0, et Hinter vient menacer Sulk de remettre les preuves de sa duplicité, qu’il conserve dans le livret qu’il garde dans la poche, aux Kobassi s’il continue à faire sa tête de mule. Cette intimidation donne toutefois une idée à l’homme au sifflet, qui finit par autoriser les Nains à faire entrer leur roulemort à quelques minutes de la fin du match, et pousse négligemment son adjoint sous le rouleau de la machine lors de la remise en jeu, faisant disparaître le gêneur et les éléments à charge contre lui, avant de redonner la possession aux Gouged Eyes pour aggression caractérisée du corps arbitral par les Giants. CQFD.

 

Ce retournement de situation permet aux peaux vertes de marquer le touchdown de la victoire au bout du suspense, ce qui fait les affaires des Kobassi. Bien sûr, le Lord Chamberlain n’est pas content, mais Sulk parvient à le convaincre de l’intérêt de pouvoir compter sur ses services maintenant qu’il est plus populaire que jamais auprès des gangsters pour l’empêcher de méchouiller la pauvre Janet. Au final, il s’avère même que les Kobassi étaient également au courant que Sulk travaillait dans leur dos, ce qu’ils ont toléré car cela leur permet de donner de fausses informations à leur rival. Notre héros en est quitte pour se fendre un beau statut « Situation professionnelle : it’s complicated » sur sa page FaceTome, avant d’aller secourir Rolf le terrier, mascotte des Dwarf Giants menacée de mort par les fans de Gouged Eyes. No rest for the wicked !

 

La Black Library a son lot de nouvelles et de romans mettant en scène des intrigues damned if I do and damned if I don’t1 et Andy Hall adapte ce classique à l’univers de Blood Bowl avec ‘Foul Play’. Tout l’enjeu de ce type de soumission, si on demande mon avis, est d’arriver à trouver une issue élégante à un dilemme a priori insoluble, et Hall ne casse pas la baraque ici. Sa soumission reste malgré tout convenable, et permet d’approcher des « fameux » frères Kobassi, qui ont eu l’honneur de figurer dans la campagne du jeu vidéo Blood Bowl II (et peut-être aussi le premier, I don’t know). C’est à peu près tout ce que je retiens de notable de cette nouvelle, qui n’est guère plus qu’un honnête filler, comme les équipes de Blood Bowl ont leurs ternes trois quarts. Tout le monde ne peut pas être une star.

 

1 : ‘The Assassin’s Dilemma’ (David Earle), mais aussi ‘Tainted Blood’, le 3ème tome de la série ‘Black Hearts’ (Nathan Long), par exemple.

 

Hoppo's Pies - G. Haley :

 

Hoppo's PiesCoach des positivement médiocres Grotty Stealers depuis que sa carrière de receveur s’est trouvée engloutie en même temps que son bras gauche par un Squig-ball affamé, Diglit doit gérer de multiples problèmes. Et, croyez-le ou non, la nullité crasse de ses joueurs, un ramassis de Gobelins amateurs complété par un Orque rigolard mais bas du front et un lanceur Troll ayant la sale manie de boulotter les Snotlings qui lui sont confiés, n’est que le cadet de ses soucis. Car son sponsor a perdu patience devant la série de défaites des Stealers et décidé de vendre leur stade à un promoteur immobilier (Nain, qui plus es), et que notre héros doit de l’argent à Boris le Pervers (un…Elfe noir), qui insiste lors d’un tête à tête rugueux pour être remboursé à l’issue du match de demain. Joué contre une équipe de Minotaures. Bref, la situation est très compliquée pour Diglit, qui erre dans les rues à trois heures du matin après avoir été jeté de la carriole de son créditeur par ses malabars Orques. Un mardi classique pour un Gobelin.

 

Son errance l’amène jusqu’à une ruelle d’où se dégage une irrésistible odeur de tourte, et comme rien ne vaut un petit gueuleton nocturne pour se remonter le moral, et qu’en plus il a presque de quoi payer, le coach éprouvé décide de faire un crochet sur le chemin du stade pour casser la croûte. Il est acceuilli par une roulotte colorée, un poney obèse et un Halfling jovial, qui se présente comme Hoppo Longfoot, tourtier itinérant et fournisseur régulier de snacks de premier choix aux fans de Blood Bowl. En préparation de la rencontre de la journée, il termine une fournée un peu spéciale, dont il accepte de céder une tourte à Diglit devant l’air déconfit et tuméfié du peau verte. Les Halfling ont bon cœur, c’est connu. Sans révéler l’ingrédient secret de sa préparation, qu’il prend tout de même soin de sortir du four avec des gantelets de plomb, il sert son client nocturne qui n’en croit pas ses papilles. La pâtisserie produit sur lui un effet prodigieux, et assez similaire à un rail de coke aromatisé à la morphine quand on y réfléchit. Ce boost soudain donne une idée à Diglit pour remporter le prochain match, et il kidnappe donc caravane, poney et Halfling, direction le stade.

 

La suite ne fait pas un pli, comme vous vous en doutez, sagaces lecteurs : les Grotty Stealers se gavent de tourtes et entrent sur le terrain pumpés comme jamais, ce qui leur permet de faire tourner en bourrique leurs imposants adversaires et de prendre le large au tableau d’affichage. Cependant, rien n’est gratuit dans le cruel monde de Warhammer, et la consommation irraisonnée de malepierre (car c’était évidemment ça l’ingrédient secret des tourtes de Hoppo, qui compte des Skavens parmi sa clientèle) de l’équipe locale finit par avoir des conséquences aussi visibles qu’handicapantes. Flairant une tricherie, les fans des Bovine Brawlers envahissent le terrain, et le match par à vau l’eau au grand désespoir de Diglit. Sa seule consolation consiste en la repousse miraculeuse de son bras (certes rose pétant désormais), ce qui entre autres mutations, lui permettra de reprendre une licence de joueur et peut-être d’intégrer une équipe du Chaos lors de la prochaine saison. S’il arrive à convaincre ce vieux Boris d’étaler une nouvelle fois ses traites, s’entend…

 

Guy Haley adapte le concept de la potion magique à l’univers tout aussi humoristique mais bien moins bon enfant de Blood Bowl avec ce ‘Hoppo’s Pies’. On l’a connu plus efficace et inspiré dans la réalisation (on pourrait enlever la première moitié de la nouvelle sans problème, ça fait un peu remplissage pour atteindre la vingtaine de pages), mais comme d’habitude avec cet auteur vétéran de la BL, une qualité minimale est assurée, ce qui fait de cette histoire une lecture pas essentielle mais tout à fait correcte.

 

The Freelancer - R. Rath :

 

Arbitre de Blood Bowl disgracié après que sa corruption ait été mise à jour, et reconverti dans les tâches les moins glamour de l’industrie de ce noble sport, Mort d’Arthur a été chargé par le patron des Nuln Gunners de veiller à l’intégrité physique et physiologique du joueur star de l’équipe, le turbulent Kaspar Hoozier. Ce dernier dispose par contrat d’une nuit de bamboche hors du stade avant chaque match, et l’avisé Cherbourg (le propriétaire de la franchise) se doute bien que laissé sans surveillance, le lanceur vedette sombrera dans ses vieilles addictions, ce qui le disqualifiera d’office lors du test médical de pré-rencontre. Pour parer à ce fâcheux désagrément, qui risquerait de faire perdre aux Gunners leur demi-finale sur tapis vert et poudre blanche, mais mènerait également à l’exclusion à vie de Hoozier de la ligue (ce qui n’est pas top pour vendre des maillots à son effigie), Mort a été engagé pour baby sitter le colosse jusqu’au début du match, une mission qui frôle dangereusement l’impossible à cause du manque de coopération de sa charge.

 

Ainsi, alors qu’il croit avoir gagné quelques précieuses minutes en envoyant une serveuse du bar où le duo s’est réfugié monter quelques bières à Hoozier dans le salon VIP, Mort est accosté par sa Némésis murine, Skellig Queem. Reporter à Spike !, le Skaven a révélé au grand jour les petites combines de Mort lorsque ce dernier était encore appelé l’Incorruptible, ce qui a précipité sa déchéance. Queem cherche à présent un scoop impliquant Hoozier et une quantité non négligeable de bonnet de fou, ce que Mort cherche bien entendu à éviter… mais qu’il a provoqué par inadvertance en envoyant une barmaid dealeuse servir son protégé. Résultat des courses : Hoozier est désormais convaincu qu’il est un Prêtre Mage Slaan, et lorsque son garde du corps cherche à faire quitter les lieux à Queem avant qu’il ait eu le temps de prendre une photo compromettante, le colosse passe en mode berzerk devant l’outrage causé par l’intrusion d’un Skaven dans son temple. Un coup de sifflet enchanté et un assomage à coup de plastron d’acier plus tard, Mort a réussi à reprendre le dessus, en bon professionnel qu’il est. Il arrive même à convaincre le rat-porter de ne pas faire son papier en l’échange de la révélation d’une combine utilisée par le staff de joueurs dissipés pour nettoyer leur système avant le début d’un match important. Intrigué par cette offre, qui se double d’une interview de Cherbourg en personne, Skellig Queem accepte et le trio part dans les bas fonds de Nuln avant que la garde de nuit ne rapplique.

 

C’est chez le Docteur Piotr Klenblüd, alias Cleanblood (mais il deteste le sobriquet) que Mort amène ses acolytes. Piotr est un vampire, assez disgracieux et chétif certes, mais un vampire tout de même, et est donc en mesure de réaliser une dialyse expresse de Hoozier pendant que ce dernier est toujours dans les vapes. L’importante concentration de bonnet de fou dans l’hémoglobine du joueur a toutefois raison de la résistance naturelle et de la flegme professionnelle du bon docteur, qui sombre dans une frénésie sanguinaire digne de Konrad von Carstein. Il faudra l’intervention décisive de Queem, qui ne sort jamais sans une dague de secours, pour calmer la soif de sang hallucinée du praticien vampirique. Ceci dit, l’opération a été un succès, et Hoozier peut prendre le chemin du stade dans une forme étincelante pour sa visite médicale d’avant match, échappant juste à une embuscade tendue par les fans adverses en route. Ce qui commence à faire beaucoup de coïncidences malheureuses, tout de même…

 

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Robert Rath vient braconner sur les terres rigolardes de Josh Reynolds avec ce ‘The Freelancer’, dont l’intrigue n’est pas si différente du ‘Dead Man’s Party’ de son confrère. Et il a très bien fait, aussi bien dans l’idée que dans la réalisation, ce qui est tout au bénéfice du lecteur. On a donc le droit à des scènes d’une absurdité rafraichissante (comme l’intreview que donne Hoozier, persuadé être un Slaan qui doit se faire passer pour lui-même, à Skellig Queem), de l’action nerveuse, des références en pagaille (et on voit la spécialisation de Rath – c’est un historien – ressortir dans le nom de son héros), et même, touchdown sur l’astrogranit, une petite enquête policière pour conclure cette nouvelle menée tambour battant. Il n’y a rien à jeter dans cette première, et pour le moment seule, contribution de Rath au corpus bloodballique, et j’espère que cet héritier putatif et stylistique du regretté Reynolds aura d’autres occasions de prouver ce qu’il sait faire dans un futur pas trop lointain1.

 

1 : Points de bonification accordés s’il trouve le moyen d’inviter Trazyn à la fête. Après tout, ce serait techniquement possible.

 

Dismember the Titans - G. Lyon :

 

La saison prometteuse des Talabheim Titans se retrouve perturbée par des événements extra-sportifs impactant fortement la vie de l’équipe : une série de meurtres passablement gore (éventrement et amputations, ça commence à sentir l’acharnement) décime les joueurs de la franchise, sans que les autorités locales ne s’en émeuvent1. Par chance pour les Titans, leur duo de choc, la blitzeu…se (?) Juliana Tainer et le receveur Johann Walsh, prennent sur eux de mener l’enquête, épaulé dans cette lourde tâche par le nouvel apothicaire de l’équipe, l’excentrique, vaguement inquiétant et passablement obsédé par la nécromancie Dr Werner von Blaustein (un brave type). Ce dernier, après avoir examiné la dépouille mortelle de la plus récente victime du DéventramembreurTM, aiguille nos héros sur la piste d’un spécialiste de l’anatomie (comme lui), maniant des instruments très tranchants (comme les siens). Percevant la sagesse du raisonnement du bon docteur, J&J épluchent le courrier des fans à la recherche de récriminations particulièrement véhémentes, qui pourraient indiquer l’identité du tueur. Et, coup de bol, ils trouvent effectivement un suspect intéressant en la personne d’un barbier atrabilaire et très remonté, pour des motifs nébuleux, contre les Titans.

 

Ayant décidé de la jouer discrètement, les détectives en herbe astrogranite passent la nuit en planque devant l’échoppe de leur détracteur, mais s’endorment comme des masses avant de n’avoir décelé quoi que ce soit de compromettant, non sans avoir mis au point un système de commandes par tapotage de casque interposé, ce qui est toujours utile dans ce type de profession. Le coach ne leur ayant pas laissé toute la journée, Juliana et Johann décident à leur réveil de précipiter les choses en rendant une visite de courtoisie à l’aimable praticien, pour découvrir que lui aussi s’est fait décarcasser par l’insaisissable assassin. Comble de déveine, ce dernier a laissé derrière lui un trio de Zombies patchwork, composé de membres cousus ensemble, ce qui permet à nos héros de comprendre pourquoi les victimes précédentes ont été retrouvées fortement diminuées (c’est du kit bashing organique, au final). Une course déterminée, une passe longue réussie, et une lanterne pleine d’huile fracassée plus tard, J&J sortent de la boutique en feu de feu leur principal suspect, et retournent au bercail pour débriefer le reste de l’équipe.

 

Sur place, ils ont le déplaisir d’être accueillis par la nouvelle d’un autre décès dans l’équipe, signe que leur persécuteur n’a pas chômé ces derniers temps. Invités par von Blaustein à une réunion de travail dans son bureau, ils finissent par comprendre, suite à une remarque compromettante glissée par leur médecin traitant au cours de la discussion, que ce dernier est derrière cette sanglante série. Ayant eu la mauvaise idée d’accepter le thé préparé par l’apothicaire, ils sombrent cependant dans une inconscience malvenue avant d’avoir pu agir. Nos héros reviennent à eux dans la cave de la maison familiale de von Blaustein, qui a la bonté d’expliquer ses motivations avant de commencer ses sinistres opérations : fan éperdu des Titans, le jeune vB ne voulait rien tant que de rejoindre l’équipe, ce que ses faibles capacités physiques l’ont empêché de faire. Humilié par cette mésaventure, il jura de provoquer la perte de la franchise, puis de remplacer cette dernière par une équipe de cadavres réanimés, composés à partir des meilleurs morceaux des Titans. Quelques années plus tard, après avoir été diplômé en nécromancie à l’université de Sylvanie, il revint dans sa ville natale pour mettre à exécution son plan machiavélique. Le plaisir coupable du monologue satisfait de grand méchant coûtera cependant cher – comme d’habitude – à Scalpelator, puisque Johann trouvera le moyen de se délivrer de l’étreinte ferme mais faillible du Zombie le maintenant au sol avant que sa laparotomie ne débute. Une fois de retour sur leurs appuis, la puissance et l’expérience supérieurs des titulaires viendra sans problème à bout des malhabiles gesticulations de leurs remplaçants, l’action se terminant de façon péremptoire par une inflammation généralisée de l’équipe zombie, coach compris. L’illustration même de l’importance de maîtriser les fondamentaux dans les sports collectifs.

 

Il m’est venu à l’esprit en écrivant cette chronique que la plupart, si ce n’est tous, des prochaines nouvelles publiées par la BL et se déroulant dans l’univers de Fantasy Battle auraient pour cadre un match de Blood Bowl, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de la dernière franchise vivante prenant place dans le Monde que Fut. Raison de plus pour espérer que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est plutôt le cas de 'Dismember the Titans'. En 17 pages, ce qui est court, Lyon trousse en effet une petite enquête policière dans le monde impitoyable du sport professionnel de WFB, répondant à toutes les exigences du cahier des charges de ce type de publication, (micro) twist final inclus. Certes, la nécessité de garder le propos dans les limites fixées n’a pas permis à notre homme de perdre le lecteur dans un dédale de fausses pistes, et l’identité du meurtrier n’est donc pas longtemps sujette à discussion, mais on ne peut enlever à Lyon qu’il a fait le job de manière tout à fait satisfaisante, et est même allé au delà de l’acceptable, en prenant le temps d’intégrer un set-up utile au dénouement de l’intrigue au détour d’un paragraphe. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais nombre d’auteurs de la BL auraient donné dans le TGCM/WIJH pour justifier le revirement de situation final, et il convient donc de distribuer un bon point à Lyon pour son application sur ce sujet2.

 

À Blood Bowl comme dans la vraie vie, la lutte des classes entre sportifs professionnels grassement payés et classes laborieuses exploitées empoisonne les relations entre les uns et les autres.

 

2 Lors de ma première chronique de cette nouvelle, à l'occasion de sa publication dans 'Inferno!' #3, j'avais poursuivi en regrettant l'humour un peu too much de 'Dismember the Titans'. Mais je n'avais pas bien compris à l'époque que Blood Bowl était un univers parallèle et déconnecté de Warhammer Fantasy Battle, et que ce côté déluré et outrancier faisait partie de son ADN. Je retire donc cette critique, M. Lyon.

***

Et voilà qui termine cette revue de 'Death on the Pitch : Extra Time'. À quelques jours près, j'aurais pu faire un parallèle facile avec les résultats du Super Bowl LV, mais je n'ai pas été assez prompt à la finition pour cela (comme les Kansas City Chiefs, d'ailleurs). Quoi qu'il en soit, ce recueil reste une réussite notable de la part de la Black Library, qui a produit suffisamment d'ouvrages collectifs moyens (plus ou mois) pour que l'on prenne le temps de souligner les tomes qui sortent du lot. On retrouve bien dans ces quatorze histoires toute l'atmosphère rigolarde, vicieuse et irrévérencieuse-envers-le-fluff-de-Warhammer-Fantasy-Battle-tout-en-respectant-ce-dernier propre au Blood Bowl, sans se retrouver, comme cela a été le cas pour d'autres anthologies de niche, confrontés à la même variation sur un thème commun, ce qui a tendance à décourager même les meilleures volontés. Ici, les auteurs se complémentent plutôt qu'ils ne rivalisent : Josh Reynolds et Robert Rath jouent la carte du comique et du second degré, tandis que Graeme Lyon préfère étoffer ses intrigues, David Guymer verser dans la nostalgie, Matt Forbeck conclure sa saga en faisant intervenir des célébrités, et Andy Hall utiliser le Blood Bowl comme prétexte pour raconter une toute autre histoire (entre autres exemples).

 

Cette variété contentera tant le nouvel arrivant (comme l'auteur de ces lignes) que l'aficionado acharné, et donnera je gage l'envie à plus d'un lecteur de se mettre au jeu (de figurines et/ou vidéo). Il est heureux que ce recueil, qui restera sans doute pendant un certain temps le seul proposé par la BL sur ce créneau, se soit avéré aussi qualitatif, car on aurait pu penser que cette franchise mineure de Games Workshop serait traitée de façon cavalière par la division littéraire de l'entreprise. Que celui ou celle qui n'a jamais lu une nouvelle ou un roman médiocre pour Warhammer 40,000, Age of Sigmar ou l'Hérésie d'Horus me jette la première pierre. Le tout puissant Nuffle devait cependant veiller sur la genèse de cet ouvrage, qui pourrait même convaincre certains nostalgiques du "véritable" Vieux Monde de lui donner une chance, en attendant que GW nous révèle enfin ses plans pour la franchise qui fut. C'est donc un touchdown propre, net et sans besoin de référer à la VAR que nous avons ici, et cela fait plaisir, tout simplement.

 

Schattra, restons sport

Modifié par Schattra
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