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La guerre de Toregordabis


Shas'o Benoît

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Tadaaaam ! Voilà la suite pour mes fans acharnés ! Attention, âmes sensibles s'abstenir... :wub:

Exploz Massakr marchait de son pas rapide dans les sables chauds des déserts de Tah’nara, suant sang et eau sous son armure géante. Le Big Boss avançait, et il était furieux. D’abord les « kaoteux » avaient une fois de plus usé de leurs sortilèges sur lui ( et il ne se rendait pas compte que cela lui avait sauvé la vie ). Revenu au cœur de Milletorche, il avait alors été mis au courant de la situation. Quoi, ses boyz avaient fui devant l’ennemi et s’étaient dispersés loin au nord, hors des combats ? Grondant de rage, il avançait dans les dunes déchirées par des crêtes de basalte, bien décidé à remettre à sa façon dans le droit chemin ses orks récalcitrants.

Sentant la faim venir, il attrapa de son kikoup la moitié d’humain qu’il gardait sur son épaule, et tout en mastiquant, il se surprit à réfléchir. Pyyrus lui avait fourni une modeste escorte d’une dizaine d’adorateurs du chaos pour l’aider à retrouver son armée, mais Exploz leur avait trouvé une toute autre utilité. Recrachant un bout de tissu indigeste, il grogna :

« -Jé pa b’zoin d’zom pourm’guidé juska méga ! Gorkémork maiklérron ! »

Le sol se mit alors à trembler, mais ce n’était pas là un séisme du même genre que le dernier cataclysme : seul le sable se soulevait en nuage, tandis qu’un ronronnement infernal s’accroissait. Bondissant au-dessus des rochers, trois chars des sables fonçaient dans sa direction. Ce type de véhicule était une sorte de machine agricole universelle employée auparavant par les colons de l’Impérium pour cultiver les rares bandes de terre cultivables, ou voyager à travers les immenses plaines arides. Maintenant, les orks de la Waaagh ! en avaient pris possession, y ajoutant des « plak’de taul » et « dé plin bidond’truk », leur donnant un aspect typiquement ork. Repeints de neuf en rouge vif, ils crapahutaient à une vitesse démentielle, poussant leurs moteurs au maximum de leur capacité. Massakr se tint sur ses gardes, car il n’avait pas prévenu la horde de son retour, et « avek lé nobz fo smaifiai ». Les pilotes des véhicules se mirent vociférer à sa vue, et plusieurs douzaines de boyz sortirent de dessous des bâches, armés de fling’ et de lanc’roket’. Les tirs fusèrent en tous sens, et la précipitation n’était pas pour améliorer le talent célèbre des peaux-vertes pour le tir. Seules quelques éraflures s’écrasèrent sur le plastron d’acier du Big Boss, et lorsque les chars passèrent à ses côtés, il sauta sur le premier, pour atterrir à moitié assommé sur quatre pistol’boyz écrasés. Le kikoup’ se mit à moissonner avec ardeur, jusqu’à ce que tous les occupants soient déchiquetés, pilote compris. Alors qu’il serrait le cou du malheureux dans ses pinces, le Big Boss vociféra :

« -Ki k’vouza envoyé ? »

Terrorisé, le boyz lui cria :

« -C’é Glurk Az’bag, mé j’voulé pa, jeu… »

Exploz le précipita hors du cockpit, puis saisissant le volant grossier du véhicule, il adressa une brève prière aux dieux orks :

« -Ovou lédeukitu, Gork lebuté éMork lefuté, édémoa pijvou don’ré touplin d’komba ! »

Maîtrisant plus ou moins la machinerie, il décida de prendre en chasse les deux autres tanks, et leur fonça dessus sans autre formalités, baissant la tête sous les tirs maladroits. Le choc fut terrible et son engin frappa un des deux blindés sur le flanc, l’envoyant dinguer dans la poussière avant de le broyer sous ses pneus blindés ; à peine passé au-dessus de la carlingue, le véhicule renversé explosa dans une grande flamme, catapultant dans le ciel débris de métal et boyz pulvérisés. Le dernier des poursuivants vira de bord et mit les gaz vers le nord, abandonnant la partie. Exploz se gaussa et suivit en aval les traces des pneus, sans doute inspiré par Mork, comptant bien trouver ainsi d’où ils venaient. C’est en fin d’après-midi qu’il arriva à Fractel.

C’était une ancienne colonie humaine, une des toutes premières installée. Située au pied d’un éperon rocheux, elle avait été bâtie plusieurs décennies auparavant. Ce site avait été choisi pour ses gisements en divers minerai, et aussi parce que ce lieu était près de la côte, et possédait une petite vallée propice à la culture. Investie par les orks, elle était devenue le centre de leur Waaagh ! Après sa défaite à Kal’aond’wyn, Kassgueul avait fait rassembler là la plupart des mékanos et tous les blind’boyz qui lui restaient, afin de garantir sa sécurité. Plusieurs milliers de peaux-vertes l’avaient suivi pour planter leurs tentes dans les parages, et les bagarres allaient bon train. Les deux leaders auto-proclamés de la rébellion, Tarkalog Daz’bik et Glurk Az’bag, avaient eux aussi rallié leurs fidèles, leurs boyz et leurs balaiz’boyz, et tous les nobz qui leur obéissaient, et ils avaient suivi Kassgueul, de sorte que les trois chefs se disputaient et les combats de rue n’étaient pas rares.

Kassgueul, sous un dais à moitié déchiré, entouré de dix blind’boyz qui avaient autrefois composé la garde d’honneur d’Exploz Massakr, regardait les deux nobz rebelles s’avancer dans sa direction, suivis par une foule de sectateurs. Kassgueul était maintenant devenu un authentique Gromek, capable de fabriquer les engins les plus démentiels, avec ses mékanos. Il semblait que son crash avait éveillé en lui son esprit inventif, et maintenant il avait équipé sa bande d’une multitude de krameurs et de karbonizateurs, « paske sélfeu ke Gork émleupluss ! »

Il avait tenté de reprendre à son compte la direction de la Waaagh ! ce qui n’était pas chose aisée. Outre les deux rebelles qui le suivaient partout où il allait, prêts à en découdre, il y avait Hobga Skling qui ne faisait pas partie de la horde et qui avait planté son camp au nord-est, dans les montagnes balayées par la mer. Et la plupart des autres nobz avaient pris la tête de leurs bandes respectives, élevant des fortins rudimentaires un peu partout dans la région où ils entassaient armes et munitions. Kassgueul avait décidé que le seul moyen d’en finir était de les rallier par la force, et il avait affecté une bonne partie de ses boyz et de ses gobs dans les travaux d’extraction. Déjà, les mékanos achevaient de fabriquer les premières boitkitus, et Kassgueul allait être paré à l’assaut. Seulement Tarkalog et Glurk semblaient eux aussi préparés, et ils marchaient sur lui… Soudain Tarkalog se tourna vers son allié et se mit à lui beugler des ordres, ce à quoi Glurk répondit en criant à son tour, et les deux Nobz commencèrent un duel à mort, frappant de leurs kikoup’, parant, attaquant, grondant. Kassgueul ouvrit et referma à plusieurs reprises avec nervosité sa pince métallique, impatient de se battre, mais il apparaissait que les deux rebelles s’étaient querellés, et Kassgueul se mit à penser, et il se dit :

« -Vo mieu avoar kin nobz abuté plutau k’deu ! »

La barricade entourant la ville explosa au loin, dans un bruit de tôles tordues et de moteur en plein roulement, et des hurlements fusèrent dans les rues, s’approchant du QG. Exploz Massakr arriva au volant de son char des Sables, écrasant sans façon les boyz qui encombraient la chaussée. Partant d’un rire démentiel, il hurla à pleins poumons :

« -WAAAAAAAAAAAAAAAAGH ! »

Le blindé lancé en pleine course dévasta les rangs des deux traîtres, avant de s’écraser sur une bâtisse voisine qui s’effondra aussitôt, puis les gravats furent projetés dans les airs alors que la carcasse du char était soufflée par l’explosion de ses réservoirs. Mais le Big Boss avait sauté à terre bien avant l’impact, et au nom de Gork et Mork, il broyait, brisait et étripait tous les pistol’boyz qui se trouvaient sur son chemin. Tous les peaux-vertes du camp, accourus au bruit, se lancèrent dans le combat, dans une mêlée indescriptible. Certains à l’esprit obtus décidèrent de continuer à se battre pour Tarkalog et Glurk, tandis que d’autres reconnurent leur chef et frappèrent à ses côtés, mais la plupart frappèrent en aveugle, simplement heureux de pouvoir tuer et mourir. Kassgueul, voyant son supérieur fendre la cohue comme un requin dans les eaux, recouvert jusqu’aux épaules de sang poisseux, commença à douter de la tournure des événements, et finalement il se précipita dans la mêlée en criant :

« -Pour Gork é Mork é leu Big Boss Exploz massakr ! Waaaaagh ! »

Les blind’boyz se précipitèrent à sa suite, jouant de leurs armes tranchantes et de leurs lance-flammes de mort.

Daz’bik et Az’bag, complètement obnubilés par leur combat singulier, ne s’aperçurent jamais du retour du Big Boss. Exploz, arrivé à leur hauteur, fracassa leurs crânes l’un contre l’autre, et il les débita en tronçons avec une rage incroyable, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un amas immonde. Se retournant alors, il vit qu’il était maître du terrain. Des cadavres sans nombre jonchaient les rues, et les combats fratricides se faisaient encore entendre dans les quartiers voisins, jusque dans les puits de forage des mines ; Kassgueul salua joyeusement son chef en déclarant :

« -O big Boss supraim, kel joa de te r’voar ! Tu a sové la hord !

-Bravmek, répondit Exploz avec un sourire cruel, té kourageu et tu mapa léssé tombé ! Di o gob de ramassé s’ki raiste de sé deu traitr, é on mang’ra leurchèr avek du squig bienfré ! Pi onira réglé leurkont’asseu ki kroi enkor ait’plussfor ke moa, é alor on r’prendr’a la Waaagh !

-La Waaagh ! hurla kassgueul.

-Waaagh ! Waaagh ! Waaagh ! » scanda l’armée ork, dansant sur les corps démembrés. Exploz Massakr était revenu, et il était plus en forme que jamais.

Modifié par Shas'o Benoît
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  • 2 semaines après...
  • 2 semaines après...

Effectivement, ce cher big boss a retrouvé du punch. :whistling:

Une suite un peu courte hélas pour vous faire patienter...

Azeboklimer tourna son regard monochrome vers les deux énormes monolithes qui se dressaient vers le ciel saturé de cendres, tels deux piliers funestes. Maintenant bien ancrés sur le sol de la plaine, broyant les vestiges de la cité de Kal’aond’wyn, ils formaient une forteresse inexpugnable. Les mécarachnides terminaient d’élever les remparts de la première enceinte, et déjà ils s’activaient avec une foule de servants robotiques à composer les défenses externes. Tout avançait selon les plans. Debout au sommet d’un bunker constitué d’un agglomérat de tôles, de néons fluorescents et de pylônes électriques, le seigneur nécron observait la base s’étendre à ses pieds. La marée de guerriers nécrontyrs se massait dans les rues étroites du fortin dantesque, comme des vagues ténébreuses. Par-dessu les anciens bâtiments taus, de grandes structures noires, immeubles, tourelles, entrepôts se dressaient déjà, constituant peu à peu une gigantesque nécropole à ciel ouvert.

Une nouvelle série de secousse fit vibrer le sol fissuré, tandis que les cratères à l’horizon, au nord-est, déversaient vapeurs sombres et coulées de lave. La superstructure nécron oscilla légèrement autour des deux énormes tours monolithiques, à peine ébranlée par les tremblements de terre. Azeboklimer opina du chef et se dirigea de son pas saccadé vers l’entrée du premier édifice majeur. Le Mécarachnide Supérieur Zargalidok y surveillait les allées et venues des androïdes, qui convoyaient diverses pièces de matériel électroniques. D’une voix monotone, le chef nécrontyr interrogea l’horrible technicien :

« -Tous sera paré selon Ses ordres. Combien de temps encore ?

-Environ sept unité diurnal locales, seigneur, répondit le mécarachnide sans bouger le moindre vérin. Le vibro-amplificateur magmatique atteindra bientôt sa pleine puissance ; dès qu’il sera opérationnel, nous enclencherons le processus de fragmentation continentale. »

Azeboklimer regardant un instant son interlocuteur : Zargadilok n’était plus qu’un corps grotesque déployé en arce de cercle, enchevêtrement de plaques, de pinces, de bras bioniques et d’appendices crochus reliés à un thorax, enchâssé dans un exo-squelette de métal froid. La tête même disparaissait dans un masque insensible, sorte de dôme bourré de capteurs et de micro-puces, d’où s’échappaient caméras, diodes, antennes et connecteurs d’interface.Le seigneur nécron s’apprêtait à retourner à son poste quand un signal d’alarme clignota dans son processeur encéphalique, lui révélant la section de pluiseurs connections importantes dans sa bio-armure. Ses capteurs photo-acoustiques lui révélèrent que les projectiles avaient été tirés derrière son dos. Se retournant d’une masse, le géant de biocéramique aperçu une demi-douzaine de formes indistinctes disparaissant entre les murs d’acier des ruelles. Sans dire un mot, Azeboklimer s’élança à la poursuite de ses agresseurs, bientôt suivi d’une forte division de nécrontyrs. Sous les ordres télépathiques de leur leader, les guerriers nécrons s’assemblèrent bientôt en cercle, acculant leurs proies. Ces-dernières jouèrent de leurs propulseurs pour trouver refuge au sommet d’un petit hangar, mais le seigneur nécron sauta d’une détente formidable et fut sur eux en instant, faisant tournoyer son épée de stase. Les stealth se battirent avec l’énergie du désespoir, bientôt réduites à néant par la lame terrifiante. Mais tandis que ses subordonnés faisaient barrages de leur corps, le shas’vre épaula son rail rifle, et parvint à faire feu avant que le seigneur ne le broie. Azeboklimer sentit de nombreux signaux l’avertirent de la section des liaisons avec un organe vital. Mais ses mouvements mécaniques déjà ralentis achevèrent le guerrier de feu avant qu’il ne sombre dans un engourdissement général.

Un certain moment s’écoula avant qu’Azeboklimer rouvre ses senseurs oculaires. Tout autour de lui, une sorte de battement de cœur régulier se répercutait sur les murs ténébreux, avec une régularité parfaite. Zargadilok était penché sur lui, et de ses bras robotiques, réparait les connections endommagées par le tir. Le seigneur nécron ne songea pas une seconde à féliciter le mécarachnide pour sa rapidité d’action. Il savont qu’On lui avait dit de le sauver. Pourtant même en tant que Seigneur Nécron, il se savait vulnérable. Personne n’était vraiment indispensable. Jamais depuis qu’il avait donné son corps pour servir les Puissances, Azeboklimer n’avait eu une quelconque utilité. Un esclave, rien de plus. Il laissa ses aires corticales se déconnecter, pour concentrer tout énergie à la régénération de ses organes atteints. L’encéphale artificiel se mit en veilleuse progressivement, plongeant l’androïde dans une léthargie apaisante. Avant sept jours, ce monde ne serait plus, et Il reviendrait enfin pour Sa vengeance…

***

La flotte tau fendait l’espace de toute la puissance de ses moteurs, et parvenait déjà dans la banlieue de l’orbite de Tah’nara. Le Gal’eath amiral, baptisé Eternity bien des années auparavant, croisait à pleine vitesse, entouré par les Il’fanor et autres vaisseaux xénos. Karlo Quarc, posté devant la large baie du poste de commande, devinait même certains appareils qui ne présentaient pas les lignes épurées des navires taus. Se retournant vers Kor’o Tirvil, le capitaine du gal’eath, il demanda :

« -Cette flotte est vraiment surprenante… Mais ces navettes sur le flanc droit, ne serait-ce pas des engins Cygnides.

-Assurément, opina le kor ; les cygnides sont capables de concevoir des transporteurs rapides. Bien plus en tout cas que les sphères de guerre kroots, c’est pourquoi aucune ne fait partie de notre formation. D’ordinaire, elles restent dans l’orbite de nos sept principaux.

-Pourtant elles peuvent fournir un appui-feu considérable. J’ai lu certains rapports mentionnant…

-Oui, tout cela est vrai, mais notre enclave est déjà par trop dispersée pour que les engins kroots puissent suivre les mouvements de notre flotte. Lorsque l’une de nos colonies est menacée, il est primordial que nous agissions au plus vite pour sauver les nôtres. En fait, depuis que nous avons procédé à la troisième ère d’expansion, nous n’avons jamais cessé d’aller d’une planète à l’autre. »

Le psyker hocha de la tête, puis revitn à ses observations ; encore assez loin dans l’immensité de l’espace, le disque de Tah’nara apparaissait, voilé par son atmosphère dense et cendrée. Fio’vre Xotes Humer s’approcha de lui et déclara :

« -Les examens sont concluants, gueve. Tout porte à croire que vous ne garderez pas la moindre séquelle de votre cryogénisation.

-Voilà certes une bonne nouvelle. Merci.

-Nous n’avons fait que notre devoir, gueve. »

Un tau de l’air les interpella du haut d’une passerelle menant au QG central :

« -Ola, gueve Quarc. Shas’ar’torl N’dras Arna désire vous parler.

-Soit, j’arrive. »

Le télépathe se dirigea vers l’élévateur, aussitôt suivi par une escouade de douze guerriers de feu. Le shas’ui, dénommé Xotes Fa’ill, lui demanda avec amusement :

« -Où croyez-vous aller de ce pas ?

-Mais devant votre shas’ar’torl, bien sûr.

-Vous ne vous débarrasserez pas aussi facilement de nous, en tout cas ! N’oubliez pas que nous avons fait le serment de vous protéger, et de ne jamais vous perdre de vue.

-Jusqu’à ce que la situation soit éclaircie, tout du moins.

-Oui, mais je pense que nous serons tous mort de vieillesse avant que l’échevau du destin ne soit démêlé. »

L’ascenseur silencieux les mena au niveau supérieur, où ils passèrent plusieurs couloirs avant de déboucher sur la vaste pièce où trônait le patriarche des guerriers de feu. Tournant vers le petit groupe sa tête casquée, le vénérable shas’o déclara :

« -Salut gueve, salut shas. Dites-moi karlo, nous avons déterminé la présence d’une flotte importante croisant dans le sillage de Tah’nara ; et nos fios sont parvenus à capter des messages provenant de ces appareils. Nous voudrions avoir votre avis sur ces enregistrements. »

Un technicien assis devant un pupitre fit signe à l’humain de s’approcher, et karlo obtempéra. La console se couvrait de symboles taus en relief, autant de boutons à actionner ; les uns oscillaient, d’autres clignotaient ou bien tournaient à crans réguliers. Sur l’écran de contrôle, les oscillations hertziennes défilaient à un rythme effréné. L’opérateur enclencah plusieurs commandes en marmonnant :

« -Plus que quelques instants, le décryptage est presque fini…

-Quoi ! s’étonna Karlo, vous avez percé à jour les codes en vigueur ?

-Pas tous, avoua le Fio. Les messages envoyés par ceux que vous appelez « space marines » présentent encore quelques subtilités, mais nous n’en avons pas capter de nombreux. En revanche, la marine impériale n’a plus de secrets pour nous… C’est nécessaire, si nous voulons survivre dans ces systèmes constamment surveillés. »

Quarc nota qu’il devrait en parler sans attendre aux gouverneurs planétaires, dès qu’il serait libéré. Cependant, l’ingénieur xénos sourit :

« -Voyez ! L’émetteur est prêt, nous pouvons débuter la lecture. »

Sur un signe d’approbation de N’dras Arna, il lança la communication. Cela semblait être une discussion entre les postes de contrôle de deux cuirassés, dont l’un venait de subir des avaries. Il y était question des Dévoreurs, d’Iron Hands et d’invasion. Karlo Quarc demanda aussitôt :

« -Que voulez-vous savoir ?

-Que savez-vous de ces Iron Hands ?

-Pas grand-chose. C’est un chapitre space marine, avec tout ce que cela implique. Un des plus réputés, en tout cas. S’ils sont ici, vous aurez du mal à manœuvrer en toute quiétude.

-Cela est vrai. Mais ils semblent être aussi… contrariés que nous par l’arrivée de ces créatures affamées venues de nulle part.

-Les tyranides ?

-Appelez ces choses comme vous l’entendez. Toujours est-il que si nos flottes de guerre s’affrontent, il ne restera pas assez de survivants pour affronter ces choses. Pensez-vous qu’un émissaire a quelque chance de négocier un cessez-le-feu ?

-Cela dépend de l’émissaire en question. En théorie, la Marine ne pactise pas avec les xénos. Malgré tout, dans ces circonstances, peut-être un ambassadeur sera-t-il écouté. Mais je ne garantirais pas qu’on lui laisse la vie sauve.

-Je salue votre franchise, gueve. »

A ce moment, un tau entra dans la pièce d’un pas lent et calme. Shas’ar’torl le présenta :

« -Voici Por’el Xotes Win’dar. L’un de nos meilleurs taus de l’eau. »

Win’dar salua de la tête l’humain, tandis que N’dras Arna reprenait :

« -Il sera chargé de négocier une alliance temporaire avec les flottes présentes. Pendant les pourparlers, vous serez envoyé aussi discrètement que possible à la surface Tah’nara, en compagnie d’une partie de chasse commandée par un de mes meilleurs élèves ; il est réputé parmi les hommes sous le nom de Commandeur Heavenfire… »

Karlo avait vaguement entendu parler de ce shas’o par les hommes de Malerne ; on disait qu’il était l’un des plus féroces guerriers de feu qui ait jamais combattu l’Impérium.

« -Nos forces déjà présentes doivent être sur le point de lancer leur première grande offensive. Contactez les éthérés sur place, et tentez de découvrir pourquoi les nécrons se réveillent...Dès que vous aurez déterminé ce qu’ils recherchent, prevenez-nous, afin que nous puissions mettre un terme à leurs projets. »

___________

Fendant l'espace intersidéral de toute la vitesse de ses propulseurs, le skether'qan messager dépêché en émissaire approchait de l'air couverte par les batteries des croiseurs impériaux. Une salve de roquettes fut aussitôt tirée en guise d'avertissement, tandis que les deux vaisseaux, pourtant encore invisibles l'un à l'autre, communiquaient par le biais des ondes éléctroniques. Après de rapides discussions, le commandant du Heavy Begger autorisa le petit escorteur à s'approcher. Après tout, ce n'était pas ce minuscule appareil qui pouvait l'inquiéter. Si l'on se place à l'échelle des temps géologiques, la phase d'approche du petit escorteur nécessita un temps infinitésimal, pourtant Por'el Xotes Win'dar eut cent fois le temps de perdre patience. Encastré entre deux consoles couvertes de cables éléctriques, le dignitaire grommelait entre ses dents :

"-Décidément, ces appareils sont par trop exigüs !

-Que voulez-vous, répondit l'unique pilote en enclenchant quelques boutons sur son pupitre, ces appareils sont conçus pour l'exploration, et non pour le transport de dignitaires !

-Cela, je l'avais remarqué, répondit Win'dar en soufflant dans ses sinus, chassant du même coup les grains de poussière qui s'étaient déposés dans sa fente faciale. Combien de temps encore avant que nous puissions sortir de cette coquille ?

-Pas moins de deux decs, Por'el, le temps d'entrer dans la soute d'un de ces croiseurs, et de s'y arrimer. Bien sûr, entre deux vaisseaux Tau, cela prendrait bien moins de temps, mais les entrées des sas ne sont pas encore standardisés...

-Et cela ne sera probablement jamais le cas, grogna le tau de l'eau en lissant sa robe multicolore froissée. Voilà qui promet bien des voyages confortables en perspective..."

Le tau de l'air ne répondit pas, mais pensa à par lui que le Por'el était bien optimiste s'il pensait avoir d'autres missions à effectuer à l'avenir...

Comme le pilote l'avait prédit, cela prit un certain temps au skether'qan pour pouvoir passer entre les deux panneaux blindés de la soute du Heavy Begger, et encore plus pour se stabiliser et se fixer correctement à la carlingue du croiseur. Dès que pression et températures vivables furent réintroduites dans le hangar géant, plusieurs dizaines de fantassins armés de fusils lasers se déployèrent autour du messager Tau, parés à abattre le premier xénos faisant preuve d'animosité. Le cockpit s'ouvrit avec une lenteur méthodique, après quoi deux individus en descendirent. Le premier, presque aussi grand que les humains présents, était d'une maigreur effrayante, vêtu d'une combinaison élastique épousant parfaitement les formes minces de son corps fuselé. Avec une habileté déconcertante, il sauta hors de l'appareil et aida son compagnon à descendre. Le second xénos semblait différent en tout point du premier : recouvert d'une toge épaisse aux mille et une teintes, portant une simple ceinture à laquelle était passée un étui de cuir d'où dépassait la crosse d'une arme inconnue ; cependant, il semblait dépourvu de tout goût pour la violence, et s'avança les mains tendues, le visage souriant, tandis que son camarade restait en retrait, bien plus méfiant. De son ton le plus courtois, le Por déclara :

"-Moi-même et mon pilote vous remercions, humains, pour votre accueil. J'espère sincèrement que notre entente sera durable."

Aucun des hommes présents ne sourcilla, aussi l'envoyé se retourna vers son pilote :

"-Diantre, quelle langue parlent donc ces individus ? Moi qui me suis exprimé dans mon plus parfait haut gothique ! Je vais essayer le vulgaire, alors..."

Il répéta son message en bas gothique ; cette fois les gardes semblèrent comprendre, mais ils n'esquissèrent pas pour autant le moindre geste de sympathie. Du haut d'un escalier d'acier, le leximécanicien Oxonius fit signe à ses deux serviteurs de l'encadrer et murmura :

"-Par l'oeil bionique de Strigful, j'aurai donc passé des heures à essayer de m'exprimer en tau pour rien ? Puisque ces ambassadeurs parlent gothique comme vous et moi, allons de ce pas leur souhaiter la bienvenue..."

Il descendit les marches d'un pas régulier, escorté de ses disciples silencieux. Xotes Win'dar fut soulagé quand il vit enfin quelqu'un s'intéresser à sa personne, mais ce sentiment se mua vite en une appréhension désagréable quand un fusil-plasma doublé d'un fuseur se pointa sur sa poitrine. Faisant jouer les vérins de son autre membre, sa main-pince gauche dépeceuse, le technoprêtre gronda :

"-Attention xénos, tu viens de pénétrer un croiseur sous la divine protection du Dieu-Empereur et du Dieu Machine, aussi te conseillerai-je de te plier aux moindres de nos décisions, sans quoi tu n'auras pas le plus faible espoir de t'en tirer sans souffrance.

-J'ai été envoyé par le vénérable Aun'o Xotes Fial et le très-honoré Shas'o N'dras Arna pour éngocier les termes d'un cesser-le-feu auprès de votre commandeur de flotte. Menez-moi à lui.

-Je sais pourquoi vous êtes ici, xénos, mais ne vous faites pas trop d'illusions. Même un commandant de flotte ne peut transgresser les saints préceptes sous un prétextes aussi futile que la présence proche d'un ennemi commun, et vous ne sortirez plus d'cic que sous la forme d'un échantillon à faire examiner par les Genetors."

Sur ce, les rangs des fantassins s'écartèrent d'un pas pour laisser les deux xénos marcher à la suite du martien. la petite compagnie s'engagea ainsi dans le silence le plus complet le long des escaliers de fer, à travers des couloirs lugubres, jusqu'à une énorme salle blindée couverte d'écrans lumineux et de panneaux de contrôle, où s'activaient de nombreux ingénieurs sous la surveillance vigilante des soldats de la marine impériale.

Le vice-amiral Devon Acthanius attendait ses visiteurs, assis sur son siège de commandement, orné de son costume de fonction complet, avec épaulettes et médailles. C'était un brillant officier qui avait déjà fait ses preuves en donnant la chasse à plusieurs flottilles d'orks, et qui avait rapidement monté en grade. Tapotant la garde oubragée de son sabre d'apparat, il tourna les yeux vers les deux xénos. Par l'Empereur, qu'ils étaient laids, avec leur peau bleuâtre parcheminée ! Maîtrisant sa répulsion, il les accueillit d'un sourire courtois :

"-Salutations, xénoi, soyez les bienvenus à bord du Heav Begger... pour l'instant" ajouta t-il en croisant le regard plus froid que l'acier du technoprêtre Oxonius. Avisant l'étui du por, il ajouta :

"-Je vois que vous êtes armé, ambassadeur. Laissez-moi vous débarasser de ce pistolet..."

Après un instant d'hésitation, Win'dar décida qu'il fallait bien faire le premier pas. Malgré les signes évidents de dénégation du Kor, il retira le pistolet à impulsion de sa ceinture et tendit la crosse au vice-amiral en déclarant :

"-Prenez-le donc en gage d'amitié, humain. Et commençons les pourparlers.

-Droit au but, c'est ma devise ! approuva le vice-amiral en riant. Que voulez-vous ?

-Je viens, au nom de notre flotte, vous proposer un cessez-le-feu.

-A vous entendre, on se croirait en guerre, pourtant aucun d'entre-nous n'a ouvert le feu ?

-A vrai dire si, vous avez tiré un coup de semonce. Mais vous savez tout comme moi que l'état de guerre est permanent, surtout à l'encontre des étrangers de l'Impérium.

-Ce n'est que justice, le trancha le technoprêtre d'une voix glaciale.

-Si vous le dites, répondit le Tau, cependant, considérez que la menace des... Tyranides est plus grande que celle représentée par notre escadre.

-Cela c'est à nous d'en juger ! répliqua le leximécanicien.

-Je m'adresse au vice-amiral, précisa Win'dar, car après tout, cela concerne la marine impériale. Je ne pense pas que tous vos croiseurs réunis puissent faire face sur deux fronts à la fois.

-Mais les xénoi tyranides ont subit de sérieux revers, d'après nos derniers renseignements, objecta Devon. Nous pourrions très bien leur régler leur compte, puis se tourner vers vous ensuite."

Autant les voyages spatiaux l'horripilaient, autant le por était à l'aise dans les longs débats, au cours desquels il pouvait faire montre de toute sa verve. Ne se laissant nullement démonter, il répondit du tac au tac :

"-Nous ne vous laisserons pas faire ainsi, humain : il nous faut sécuriser Tah'nara au plus tôt, ainsi que ses environs, et si vous ne vous alliez pas à nous, il faudra laisser parler la poudre et le plasma.

-En somme c'est une menace ? Eh bien soit, affrontons-nous sur le champ. Je vais donner ordre à mes navigateurs de faire route sur votre flotte ; aussi n'ai-je plus besoin de discuter, et les armes déciderons du reste. Faites vos prières, xénos, si du moins vous croyez en quelque chose...

-Je crois, rétorqua le tau de l'eau, que cela ne serait pas dans votre intérêt, pas plus que dans le nôtre. Entre-tuons nous, et les tyranides n'auront plus qu'à se repaître des relicats de nos forces, tandis qu'ensemble, nous avons des chances d'en venir à bout. Et encore, cela ne serait pas aisé de traquer ces créatures dans l'infinité de l'espace.

-Ces négociations sont insensées, assura Oxonius, écoeuré par ce marchandage. Il faut se débarasser de ces étrangers extra-terrestres au plus tôt, à commencer par ces deux-là.

-Allons, protesta le Por, nous à tout le moins sommes disposés à vous offrir votre aide. Allez-donc voir si ces... Tyranides sont animés de meilleurs sentiments à votre encontre ?

-Tout cela mérite réflexion, convint Devon en jonglant avec le pistolet à impulsion. Hum, cette arme m'a l'air bien équilibrée, et de bonne facture... Dommage qu'il ne soit pas fait dans le respect du Dieu-Machine..."

Il le laissa tomber au sol, chargea son propre pistolet plasma et tira, désintégrant en une rafale l'artefact extraterrestre. Puis il reprit :

"-Très bien, xenos, exposez-nous donc plus avant le fond de votre pensée... Même si cela ne nous engage à rien" assura t-il, comme pour rassurer le technoprêtre outré par ce dialogue bien peu excusable.

Ainsi, le por exposa longuement le plan établi par le grand conseil de la coalition ou shan'al, et présenta en détail de quelle manière les Tau envisageaient ce rapprochement, le tout avec force démonstration de ses talents de persuasion, usant de toute sa rhétorique pour convaincre son auditoire. Empli de fierté, l'émissaire sentait que le destin de son sept reposait sur ses épaules, et jamais il ne s'était senti aussi ému. Sa voix profonde, pénétrante, ondula dans la grande pièce de commandement du Heavy Begger, comme un chant fort et éclatant.

*****

Shas’l’ Xotes Tireol rechargea fiévreusement son fusil à impulsion et épaula, prêt à faire feu. Pas un cri, pas un bruit ne troublait le silence de la jungle, si ce n’était le ronronnement incessant des antigravs au-dessus d’eux, balayant l’épaisseur des fourrés de leurs tirs. Le shas’ui devait avoir reçu un ordre dans son circuit intégré de communication : il fit signe à l’escouade de reprendre la marche. A cinquante pas à droite et à gauche, d’autres unités de guerriers de feu progressaient entre les carcasses déchiquetées des arbres séculaires, fauchés nets par les lance-missiles. Un nouveau déluge passa au-dessus de la tête des fantassins, enflammant le ciel de zébrures brun-rouge et de perturbations diaphanes, tandis que roquettes et fusées s’écrasaient sur la lisière des bois. Les vouivres survolaient les cimes, embrasant en quelques instants les frondaisons des palmiers et autres plantes exotiques. A l’orée de l’enfer de verdure et de flammes, les guerriers de feu avançaient avec parcimonie, observant le moindre mouvement. Entre les groupes de Tau patrouillaient des pelotons de gardes impériaux armés de lance-grenades et de lance-plasmas, pilonnant les bosquets. Le rouleau compresseur était en route sur les marais d’Ellirian, humains et Xénos travaillaient avec zèle à l’extermination des horreurs tyranides.

Enjambant le cadavre exsangue d’un biovore abattu un quart d’heure plus tôt, Tireol emboîta le pas à son escouade, scrutant la moindre fougère. Devant eux, il n’y avait plus que cendres, troncs dévorés par les flammes, branches fracassées… Le mur de feu, renforcé par des largages de bombes napalm depuis le spatioport impérial du Steeland, consumait littéralement les arbres. Mais la forêt gorgée d’humidité résistait encore aux assauts du feu, aussi les railguns et mortiers devaient-ils déblayer les carcasses encore debout. Depuis el début de l’opération, le front avait avancé d’une dizaine de kilomètres, et des centaines de biomorphes avaient été débusqués et massacrés sans la moindre pitié.

Des cris déchirants fusèrent du sous-bois, et soudain un essaim de gaunts bondit hors du couvert, droit sur les soldats aux aguets. Les créatures carnassières avaient la chitine roussie et les yeux aveuglés par les larmes, salis par la suie. Une grêle de rayons lasers et ioniques canardèrent les hormagaunts qui s’écrasèrent dans le terreau fumant. Progressant toujours avec prudence, le front fit quelques pas en avant, tandis que les chars et les exo-armures se préparaient à tirer une nouvelle salve.

Tout à coup, le shas’ui de l’escouade fut saisi au sabot et tiré à terre avec violence. Avant que les Tau aient pu réagir, le malheureux était décapité. Bondissant hors de sa cachette creusée sous des branchages à moitié carbonisés, le stealer se jeta avec une bestialité inouïe sur les guerriers de feu. D’autres Genestealers bondirent hors d’autres fosses dissimulées sous les décombres et s’attaquèrent aux fantassins. Tireol n’eut pas même le temps de braquer son canon sur le plus proche, déjà les griffes lui entaillaient les bras alors que deux autres mains lui empoignaient le cou et que la bouche de la créature s’approchait, béante… Epouvanté, le sahs’la crut voir un serpent se dérouler du fond de la gorge, et s’avancer…

Un tir de lance-plasma en plein dans le crâne du tyranide le tua net, et Tireol tomba à terre, encore tremblant, surpris d’être encore en vie. Le Monat qui venait de le sauver se posa au sol et balaya l’aire de ses senseurs, mais il n’y avait pas d’autres créatures embusquées. Les survivants de l’escouade se regroupèrent, ils n’étaient plus que trois. Seule l’intervention éclaire des crisis et d’une escouade de choc de la Garde avait pu leur sauver la vie. Cinq des victimes étaient renversées sur le dos, les yeux révulsés, mais à part quelques éraflures sur les bras, semblaient en parfaite santé.

Une XV47 s’approcha des survivants ; son blindage et son canon ionique ruisselaient encore du sang vert et visqueux des dévoreurs. D’un pas lent et mesuré, l’éthéré Aun’el Xotes Giuv mit en marche ses asperseurs antiseptiques, et lorsque les caméras furent enfin nettoyées, il se pencha sur les Tau inconscients. Le pilote de la crisis demanda :

« -Je suppose qu’il faut dépêcher une équipe de soigneurs, et rapidement ? »

L’éthéré ne répondit pas tout de suite, il sentait qu’une menace sourde planait sur lui et les siens. A genoux sur le sol labouré, il entendit Tireol scander d’une voix hagarde :

« -On aurait dit… Il voulait m’embrasser… Quelle horreur ! »

Réprimant un frisson de dégoût, l’éthéré fit jouer les ressorts de son arme pour remettre en place une charge ionique, tout en déclarant :

« -Nous ne pouvons plus rien pour eux… Il faut leur donner le repos. Ils sont inanimés, ils ne sentiront rien.

-Mais, c’est que… Commença le monat.

-Faites-le, pour le Bien Suprême.

-A vos ordres, Très-Haut. »

Aussitôt les guerriers de feu survivants dégainèrent leurs couteaux de combat et les plantèrent dans le cœur de leurs camarades inconscients. L’aun opina de la tête, ce qui ne servait à rien puisqu’il était absolument invisible, installé dans son exo-armure de combat. Il fit passer la consigne sur toute la ligne de front. Il sentait, il en était certain, que les Tau victimes des stealers étaient condamnés…

« -Un ovipositeur, dit l’archiviste copiste Travael en hochant de la tête. C’est comme ça que les xénobiologistes appellent cet organe.

-Tiens donc » remarqua Palpitus en Ganga en en voyant roulant au sol la tête décollée d’un genestealer, qu’il tenait encore par la langue une seconde plus tôt. Ecrasant de sa botte métallique le crâne sanglant, il ajouta :

« -Il faut en finir avec ces abominations.

-Notre ligne avance régulièrement, frère officier. Les deux tiers du Steeland sont entre nos mains, et avec l’appui de des deux régiments impériaux, nous pourrons bientôt remonter vers Malerne.

-Quelle est la situation ?

-Les rebelles alliés aux Tau ont enclenché le mouvement du nord. Pour l’instant, l’opération Ecrevisse fonctionne sans la moindre anicroche. Les éclaireurs envoyés au sud-ouest confirment que les tyranides n’ont pas encore eu le temps d’infester cette zone. Ils sont concentrés dans les marécages aux pieds des Monts Ellirian, et surtout dans les falaises rocheuses du nord-est.

-Bien, bien. Faites envoyer immédiatement un assez fort contingent pour protéger les établissements de la côte sud. Et faites creuser des tranchées, dresser des bunkers, que sais-je ? Il faut enrayer la progression de l’ennemi. Des nouvelles de frère Sirius ?

-Très peu, frère officier. Lui et les escouades sous sont commandement sécurisent les colonies du nord, sur l’autre versant des montagnes.

-Fort bien. Espérons que la flotte ruche est bien détruite, là-haut… Sinon, nos efforts seraient vains. Bien, envoyez un message au monde-capitale du sous-secteur. Il faut les prévenir de ce qui se trame ici.

-Une partie de la flotte serait déjà sur place. Mais ils n’ont pas le matériel adéquat pour un bombardement orbital intensif. Tout cela ne me dit rien qui vaille. Pour un peu, si cela était dans nos moyens, je vouerais bien ce monde à l’exterminatus. Après tout, à quoi bon

-Songez, frère copiste, que cette planète recèle encore des hommes fidèles à l’Empereur. De tout temps l’humanité a été menacée par toutes sortes de fléaux, et ce n’est pas aujourd’hui que nous reculerons. Je pense que ce peuple a encore un avenir. Tout ce qu’il faut, c’est éradiquer ces xénos et leur engeance.

-Et pour les autres xénos ?

-Nous verrons. En ce qui me concerne, je pense qu’ils font très bien l’affaire, pour ce qui est de se battre. Ils seront plus utiles vivants et à nos côtés que morts. Mais il faudra jouer serrer et les surveiller. A propos, avez-vous reçu d’autres messages d’Asmodaï ?

-Pas encore. Ceux que nous cherchons doivent se terrer quelque part par ici, mais où…Au fait qu’ont-ils fait pour qu’ils requièrent l’envoi de la moitié de la 7ème compagnie ici ?

-Ce sont des hérétiques, Travael, et cela suffit. D’anciens hérétiques, et il est grand temps de mettre fin à leur carrière… »

[Je fusionne le double-post :D . Si tu as peur de perdre ton texte lors du postage, je te conseille de passer par Word :) .]

Modifié par Tano Heefa27
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  • 2 mois après...

Wahou !

Ca c'est du beau ! J'ai beau ne plus trop venir sur ce forum, je suis toujours avec attention ton histoire !

Une petite remarque par contre, au sujet de ce que je vois comme une incohérence : lorsque le Por donne à l'amiral son pistolet à impulsion, celui-ci jongle avec. L'Imperium a donné ordre que toutes les armes Tau trouvées devaient être immédiatement détruites, car elles sont un blasphéme envers le Dieu-Machine.

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Hum c'est vrai tu as raison... je vais changer ça. Merci pour ta fidélité à toute épreuve. Reste au warfo, cher Snake046, ne nous laisse pas tomber :ph34r:

C'est un honneur pour moi de savoir que grâce à moi des gens s'accrochent.... :whistling:

Hum bon faut que j'arrête de me lancer des fleurs; voilà une suite, bonne lecture !

Tirulion était un exarque araignée spectrale, ce qui incluait une dextérité incroyable à maîtriser les sauts warp, couplée d’un talent irrésistible pour répandre la mort. Apparaissant soudain au milieu du long couloir lumineux, les guerriers aspects ouvrirent le feu sur les gaunts. Empêtrés dans les mono-filaments qui déchiquetaient leurs fines carapaces, les tyranides refluèrent bientôt en désordre. Tandis que lui et les siens procédaient à un nouveau bond à travers les tunnels invisibles du monde des esprits, Tirulion envoya un bref message psychique à l’archonte Strafalia qui attendait, silencieuse, l’arrivée des bêtes. Dégainant en silence sa lame sorcière, la jeune devineresse hocha de la tête et déclara :

« -Tenez-vous prêts, eldars, ils arriveront bientôt ! »

Comme pour faire écho à sa tirade, de violentes rafales de tirs fusèrent des compartiments voisins. Toujours plus crispés sur les crosses de leurs catapultes, les gardiens attendaient. Ils savaient que s’ils ne parvenaient pas à enrayer le premier choc, ils seraient balayés, et les escaliers menant au centre de navigation, sans protection. Néanmoins, ils tenaient ferme, car Strafalia les encourageait, et les vengeurs les accompagnaient. Deux escouades de vengeurs, protégeant une batterie de trois canons shurikens, le tout voilé par les incantations de la jeune archonte.

Les cris des essaims se rapprochèrent, encore plus forts. Les araignées spectrales apparurent à l’autre bout du passage, comme par enchantement. Une grêle de tirs crachés par les tisseurs de mort abattit les premiers ennemis, mais bientôt les guerriers tyranides débouchèrent au coin du boyau, saccageant les murs de psychoplastique de leurs longues lames de chitine. Aussitôt Tirulion et ses suivants disparurent dans la Toile, et les bio-combattants bondirent comme le vent. Une pluie dense de shurikens couvrit le couloir, les mono-lames sifflaient dans l’air déjà vicé pour découper les créatures.

Le guerrier tyranide en tête encaissa la majeur partie des projectiles, et courait avec d’autant plus de rage, tuant net un gardien de son crache-venin. Les rafales tombèrent comme grêle, les canons tiraient sans relâche leur déluge de douleur sur le géant de chair et d’os qui courait comme un dément, une horde de gaunts sur ses talons. Le guerrier tyranide n’était déjà plus qu’une plaie béante, amalgame de muscles plus ou moins déchirés pendants lamentablement, pourtant sa tête défigurée criait encore sa haine, et il se jeta sur les eldars comme une furie. Il en tua pas moins de cinq avant que Strafalia ne parvienne à lui porter le coup de grâce.

Trop tard, les gaunts les encerclaient, frappant, mordant, griffant, crachant, et l’archonte tournoyait au milieu des fantassins, aussi vite qu’elle pouvait. Les vengeurs dégaînèrent avec un sourire sinistre et tout en mitraillant de leurs pistolets automatiques, fauchaient les corps boursouflés. Au beau milieu du combat, les guerriers spectraux sortirent de la Toile et Tirulion leur ordonna de canarder un nouvel essaim qui courait depuis les couloirs latéraux. La vague fut endiguée pour un instant, et tandis que Strafalia remerciait mentalement l’exarque, celui-ci ramassa la pierre-esprit de l’un de ses disciples tombé, puis se téléporta à nouveau en avant, pour retarder encore un peu le prochain assaut.

Milidonyr, entouré des vingt autres grands prophètes les plus influents du vaisseau-monde d’Ellirian, il observait le déroulement de la bataille. Les chanteurs de moelle les plus compétents se concentraient pour former un écran tactile holographique, sur lequel ils donnaient forme à toutes les données retransmises à travers les connections du réseau d’infinité. Appuyé sur son bâton sculpté dans la moelle spectrale la plus pure, le vénérable visionnaire regardait la progression des tyranides, à l’intérieur même d’Ellirian. Bien que le cent fois loué Abysse, appuyé par les guerriers fantômes, réussisse à endiguer l’avancée des biomorphes dans la soute et le complexe spatio-portuaire, la tâche principale consistait à trouver et éradiquer toute créature parvenant à s’infiltrer à travers la coque du vaisseau-monde. Et ce n’était pas une mince affaire. Un nombre impressionnant de chasseurs, traqueurs et autres genestealers avait été entr’aperçu à presque tous les niveaux, et d’importants groupes de combat avaient réussi à passer par des crevasses taillées à l’acide et aux bio-missiles. L’une de ces infiltrations s’approchait même dangereusement du poste de navigation, où ils se trouvaient en cette heure.

Après une brève discussion psychique, les grands prophètes s’étaient accordés : il fallait de toute urgence demander son aide au dieu à la Main Sanglante. Milidonyr salua le messager harlequin et ajouta :

« -Dites à votre chef de troupe que nous nous tournerons dès que possible vers notre véritable objectif… Nous laissons Toregordabis à son sort, car le temps presse. Etant donné le chaos où elle se trouve, elle ne représentera plus de toute façon la moindre menace. »

Le bouffon tragique opina et ordonna mentalement son transfert à travers la Toile, quittant à la seconde l’univers tangible pour rejoindre sa troupe. Sans perdre un instant, les grands prophètes quittèrent la salle de navigation, escortés par leurs archontes les plus dévoués ; ouvrant par la pensée la grande porte blindée, Milidonyr descendit en toute hâte les grands escaliers rutilants, éclairés par les tubes d’énergie pure qui couraient sur le plafond ouvragé. Au bas du grand passage, plusieurs voies s’écartaient telles des artères, pour irriguer dans toutes les directions le corps gigantesque du vaisseau-monde. Sans hésiter, le groupe choisit le plus grand de ces couloirs et déboucha dans des pièces successives, croisant à plusieurs reprises des patrouilles de gardiens. Les conscrits se réjouissaient de voir leurs guides en parfaite santé, mais les nouvelles qu’ils apportaient n’étaient pas réconfortantes. Les sages pressèrent toujours plus leur pas, quand ils arrivèrent au portail sculpté menant à un énorme édifice. Sorte de dôme démentiel, composé d’une matière translucide et indestructible, une voûte vitreuse s’élevait à une altitude incroyable, laissant voir, à travers ses larges baies vitrées, les ténèbres de l’espace, dans lesquelles on apercevait les chasseurs eldars livrer combat contre les bio-vaisseaux tyranides. Le silence le plus oppressant régnait dans cette immensité, et Milidonyr frissonna ; c’étaient les Forêts Intérieures qu’ils avaient devant eux, et le chemin le plus court pour parvenir au Cœur d’Ellirian.

Devant les prophètes indécis, les vastes futaies d’arbres séculaires s’étendaient, impénétrables ; jadis ces régions boisées étaient le lieu le plus charmant qui soit, sous les feux des lampes psychiques, ombragé, arrosé par des fontaines à la musique légère, des ruisseaux aux eaux rafraichissantes, des cascades somptueuses. Une faune et flore sans pareilles vivaient là, tout en écosystème recréé pour l’agrément, avec ses oiseaux chanteurs multicolores, son gibier majestueux. Mais pas le moindre trille ne résonnait dans l’air ouaté, pas le moindre feulement de loup-cervier. Le silence angoissant couvrait les sous-bois de son ombre, une menace sourde planait sur les forêts.

Inspirant profondément, Milidonyr déclara :

« -Quelque chose a profané ces lieux sacrés. Pourtant il nous faut passer. »

En toute autre occasion, ils auraient volontiers cheminé sous les admirables ramures en compagnie de leurs disciples. Pour l’heure, c’était l’arme au poing, tous sens en éveil, qu’il fallait se frayer un chemin vers l’autre issue des Forêts Intérieures. Dans la discrétion la plus absolue, les prophètes et archontes pénétrèrent dans les bosquets, effleurant à peine le sol de leurs pas légers, leurs larges manches caressant les feuilles des arbustes. Après quelques minutes, ils évitèrent même de converser par télépathie, de crainte de n’éveiller l’intérêt de quelque créature, douée elle aussi de perception du warp. Ils allaient tels des spectres, presque invisible, aussi vite que leurs jambes pouvaient les porter, et pourtant, sans jamais soulever la moindre poussière, ni casser la moindre brindille sous leurs pieds véloces. Milidonyr s’aperçut soudain qu’ils n’étaient pas seuls dans ces bois, il ressentait tout autour de lui des répercussions dans le monde spirituel, qui dansaient autour de son âme, et tentaient de prendre contact. D’abord méfiant, il se rendit vite compte que ces mystérieuses consciences appartenaient à des eldars. Rassuré, il commença un bref monologue avec celle de ces voix qui semblait être la meneuse :

*Qui êtes vous, mon enfant, et que faites-vous dans ces bois ?

*Edanavia Tiruciel, grand visionnaire. Je dirige une troupe de rangers. Lorsque nos frères ont porté les échantillons de l’écosystème dans les caissons du deuxième niveau, pour les plonger en léthargie, une patrouille de gardiens a repéré plusieurs créatures dévoreuses qui se sont repliées ici. Nous les traquons.

*Avec succès ?

*Difficile à dire. Nous étions partis à trente, mais nous nous sommes séparés pour couvrir la zone. J’ai réussi à abattre un de ces monstres, d’autres également ont pu en blesser. Mais nous avons des blessés.

*Nous allons avoir besoin de vos services, Edanavia. Nous cherchons à atteindre la Porte des Âmes. Rappelez vos compagnons, vous allez nous escorter.

*Tout de suite, grand visionnaire.

Les autres devins, qui avaient suivi l’entretien comme spectateurs, suivirent Milidonyr qui se dirigeait vers le cours de la Rivière d’Ocre. Tout autour d’eux, pas de changement apparent, si ce n’est un imperceptible changement dans l’air bruissant sous les branchages. Le grand prophète ne s’inquiétait pas, car il connaissait les talents des rangers, pour en avoir été un autrefois. Alliant l’habileté naturelle de leur race à se mouvoir avec grâce et discrétion, les errants d’Ellirian avaient aussi du sang exodites pour la plupart, et chacun sait que les peuples eldars primitifs, plus que tout autre, excellent dans l’art du camouflage… Ils étaient là autour d’eux, courant sans mot dire, le fusil à la main, recouverts de leurs capes en caméléoline, invisibles, indécelables, camouflant leur odeur, occultant leur chaleur sous leurs vêtements isothermes, dissimulant les répercussions de leur âme pour dissimuler jusqu’à leur présence dans le warp. S’ils n’égalaient pas les fantômes d’Alaitoc en matière d’espionnage ou sabotage, sans nul doute, ils les égalaient en infiltration.

Le rôdeur sortit du sol comme une fusée, une fraction de seconde après que le grand prophète ait senti sa présence sous ses pieds. Seuls ses réflexes de bretteur expérimenté sauvèrent Milidonyr d’une mort aussi rapide qu’atroce, et les griffes de chitines raclèrent avec un crissement désagréable le manche de la lance chantante, venue contrecarrer l’attaque au cou. Les archonte se précipitèrent sur la bête, suivis de leurs maîtres dont les épées crépitantes dessinaient des arcs lumineux sous les frondaisons. Des hauteurs buissonneuses tombèrent plusieurs gargouilles affamées, tandis que des essaims de gaunts se précipitaient droit vers le groupe eldar. Apparaissant comme par enchantement, les rangers tiraient sur les créatures, et c’était comme des nuées de dards fusait des broussailles pour frapper au cœur les assaillants. Se relayant par groupe pour changer constamment de place, les snipers décimaient les rangs des tyranides.

Jouant de toutes ses armes, son symbiote déchargeant ses glandes à munitions, ses membres puissants faisant tournoyer les épées d’os, la créature traqueuse avait déjà tué net un archonte et cruellement touché l’un des grands prophètes qui gisait entre les robustes pattes. Milidonyr et ses compagnons frappaient pourtant avec tant de vitesse et de précision que le monstre exhala bientôt son dernier souffle putride, avant de basculer en arrière.

Deux archontes soulevèrent avec précaution le vénérable blessé au côté, tandis que l’on recueillait la pierre-esprit de chaque mort. Les rangers avaient réussi à tuer au corps à corps les gaunts qui avaient survécu à leur pilonnage, et les eldars se remirent en route, plus que jamais sur leurs gardes. Il n’y eut pas d’autre embuscade, avant qu’ils n’arrivent en vue de la Porte des Âmes.

Milidonyr constata, soulagé, qu’aucun tyranide n’avait encore pénétré aussi profondément dans les entrailles du vaisseau-monde. Sur le Seuil du Portail, Tirulion et ses araignées spéctrales attendaient les voyants, avec plusieurs groupes bien armés de guerriers scorpions. L’exarque se tourna alors vers ses compagnons et les salua de la main, puis sans mot dire, il suivit les prophètes à l’intérieur des salles.

Au cœur de la pièce éclairée par des pylônes bleutés, portant de petites lampes d’argent, s’élevait un trône d’un noir de jais, impressionnante architecture, surplombée d’un réseau complexe de moelle spectrale dense, echevêtrée dans le plafond et le sol, courant vers la colonne vertébrale d’Ellirian.

Tirulion prit place sur le trône imposant, plaçant ses pieds sur le sol noir, et ses bras articulés de fer sur les accoudoirs miroitants. Dès qu’il fut assis, il sentit un grand trouble l’envahir, comme si son corps entier était secoué de soubresauts, mais il ne cilla pas. Des picotements parcouraient tous ses membres, dansant sous les plaques d’armure pour l’investir tout entier. Sur un geste de Milidonyr, les grands prophètes chantèrent.

Ils chantaient un chant de joie, bonheur de la création, félicité dans le panthéon, et les contes des dieux eldars, et leurs faits et gestes oubliés, comme une belle chanson pleine d’aisance et de charmes, et la magnificence du Roi Phénix, Assuryan le père de Tout, et Vaul le maître des Forges, et l’ensemble des nobles dieux et déesses qui donnèrent à la matière et aux vents les forment de leur destinée.

Ils chantaient un chant de gloire, récit de la venue des premiers nés, de la genèse de tout ce qui fut beau et doux dans l’univers, et de la venue des eldars, les enfants d’Isha la Prodigue, eux qui furent les plus belles créatures qui aient jamais vu le jour, et les sons harmonieux dansaient comme des flammes.

Ils chantaient un chant de peine, une sombre prophétie planant sur les âmes, les premiers sangs versés sur les marches des palais divins, et la Main Sanglante pour la première fois, la douleur de la Déesse et les édits d’Assuryan, la barrière qui scinda le divin des univers, et la douleur des eldars, l’astuce de Vaul et le réconfort.

Ils chantaient un chant de folie, celui des fils d’Isha, folie d’un orgueil démesuré, folie des sens et des plaisirs, une musique légère et puissante, imbibant les corps et les cœurs, souvenirs de crimes sans pardon et d’actes innommables, l’envie de grandeur, défi aux dieux, conquête des deux univers, de la matière et des vents, la construction de superbes tours et de routes astrales invisibles, l’édification d’un empire aussi formidable que fou, cherchant toujours la perfection et l’ultime savoir.

Ils chantaient un chant de crainte, la peur d’une menace sourde, comme une fontaine naissante, d’une eau noire et glauque, prête à jaillir du rocher, et les réminiscences de la prophétie de Lileath, et le doute et la défiance face aux dépravations des eldars, leurs frères de race, en proie aux folies les plus barbares, les joies les plus cruelles, les désirs les plus maudits, et les décisions des derniers garants de la beauté, pour préserver le sang d’Isha d’une mort certaine ; la peur de la mort et la fin des réincarnation, et le temps précipité dans le gouffre, le creuset du destin.

Ils chantaient un chant d’effroi, la naissance douloureuse et terrifiante de l’Ennemi, et les convulsions dantesques des deux univers mêlés dans une étreinte aussi forte que les tours se brisèrent, les voies se fermèrent, le chant oscilla en un cri de souffrance vrillant les tempes, et les voix hurlaient, vociféraient, des cris de guerre montaient, trahisons, massacres, fuites, combats, chutes, agonies, morts, mort, Mort.

Ils chantaient un chant terrible, celui du grand affrontement, une histoire horrible, telle qu’il n’y en a plus eu depuis que les choses sont ce qu’elles sont advenues, la fin du Panthéon, et la mort des déesses, et le sang divin consommé par les entités des Ténèbres, la puissance de l’Ennemie et la réponse de khaela Mensha Khaine, qui en ces heures de trouble, au seuil de la dévastation, voyant Vaul abattu et le Roi Phénix mort à ses pieds, brandit Siun Daellae, la Lame Sacrée, et bondit vers l’Abomination, le fracas l’entourait de ses ailes, l’Aigle et le Faucon tournoyaient autour de lui, et dans un grand cri, il frappa, il combattit, luttant contre les Puissances de l’Ombre, dans un duel à l’issue fatale, et dans un dernier geste, refusant l’abandon, il sacrifia son essence pour aider ceux qu’il avait haï autrefois, et se donna à eux.

Ils chantaient un chant de veille, mélopée glaciale, comme la bise froide dans l’hiver blanc, soufflant sur les arbres morts, et les voyages des Errants, le Grand Exil, les pleurs et les épreuves endurées pour l’éternité, pour ceux qui avaient pu s’enfuir, et tandis que le règne de l’Ennemie commençait, ils sauvaient leurs vies, leur destin, sous les yeux clairvoyants des anciens Gardiens, parias dans un univers qui fut autrefois leur, perdus dans les routes qui menaient jadis aux cités orgueilleuses, carrefours d’un Empire Eternel, irriguant maintenant les décombres d’une matière épuisée, saignée aux quatre veines par les déraisons de ses créatures.

Ils chantaient un chant d’espoir, car les routes ne sont pas toutes enfouies, les chemins ne sont pas tous effacés, les sphères ne sont pas toutes trépassées, et les yeux voient encore, des esprits se souviennent, des cartes restent tracées dans le ciel infini, le savoir vit encore au creux des cœurs meurtris des eldars, la vie survit en leurs veines, pour affronter la grande Ennemie, tandis que le murmure de l’espérance rôde autour d’eux, et il est une nouvelle prophétie, la venue du Nouveau Roi, qui sauvera la race, pendant que les guerriers, avec la Main Sanglante, La Lame Venteuse, Le destructeur, La Mort Hurlante, L’Aile Dansante, L’Epée Féroce, marchent à la guerre, les osts s’ébranlent, les morts eux-mêmes s’éveillent de leurs rêves pour porter la vengeance, à la suite de Khaela Mensha khaine ! »

Les plaques d’armure du guerrier aspect volèrent en éclat, disloquées apr la chaleur intense, la fournaise qui naissait. L’exarque semblait grandir, prostré sur son siège ténébreux, pourtant il n’était déjà plus lui-même, environné de feu, les orbites telles deux brasiers, le corps tendu comme un arc, renversé en arrière, les mains crispées sur les accoudoirs.

Son âmes s’envola, perdue dans le cœur même du réseau d’infinité, un flux assourdissant de sensations l’environnaient, comme autant de chuchotis, les échos des voix de son père, le souvenir de sa mère et de ses frères tués, et le lot de malheur de tous les morts, et leur attente longue et incertaine pendant des siècles sans fin, et c’est alors qu’une sainte colère l’envahit et dévore son cœur, une haine sans borne pour l’Ennemie, pour ses frères de race déchus et les Puissances de l’Ombre ; consumé de tout son être par sa juste fureur l’exarque se sentit plein d’un nouveau pouvoir, grandi d’une puissance inimaginable, et ses yeux déjà brûlants comme des fourneaux contemplèrent sa main droite craquelée, la peau racornie, noire, sous laquelle couvait une braise ardente. Une voix résonna dans son crâne, comme un coup de tonnerre aveuglant, un éclair tonitruant qui sapa sa pensée ; levant la tête, il répondit présent, car il savait qu’avec lui, il porterait la mort dans les rangs honnis. Alors le Dieu à la Main Sanglante sourit, et il vint. L’espace d’un instant, l’exarque comprit son geste, et accepta son destin, c’est une âme en paix qui fut brûlée pour nourrir Khaine, le maître de la guerre. Il n’y avait plus qu’une créature fascinante sur le trône, un géant de lave en fusion, des membres de magma incandescent, tenant dans sa poigne dégouttante de sang une arme démesurée, couverte de glyphes mystiques. Se levant avec une aura de majesté, l’avatar gronda sourdement, comme la menace d’un volcan en réveil, et son regard insoutenable dardait des flammes.

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  • 3 semaines après...
  • 2 semaines après...

Salut Krack ! :D Merci pour tes encouragements. Bon ben voilà la suite :

Kogndur talocha le squigg géant et fit claquer à plusieurs reprises son fouet, avant que la créature bipède ne daigne se mettre en marche. De toute la puissance de ses robustes pattes griffues, la boule de crocs transformée en bête de somme commença à tirer le lourd chariot de minerai. Les griffes crasseuses s’enfoncèrent dans le sol poussiéreux et humide du tunnel, faisant trembler les étais. Aussi vite que possible, les grots apportaient de nouvelles planches de bois qu’ils ajustaient de leur mieux en tapant sur les clous avec frénésie, ou bien et les soutenant eux-même, tout en tachant d’éviter la gueule du Squiggar. Peine perdue, à chaque passage les mâchoires meurtrières se refermaient sur un bras ou une jambe, pour engloutir en une bouchée le gretchin maladroit. Assis dans une posture plus ou moins confortable sur les blocs de roche, le contremaître hurlait ses ordres, trouvant la meilleur méthode pour motiver des grots : la peur et le bruit.

Le groupe hétéroclite remontait lentement la galerie vétuste, en poussant force cris, éclairée par quelques torches rougeoyantes. Les muscles puissants du squigg géant saillaient sous son pelage hideux, puant, suant pour haler le wagonnet. Ils arrivèrent à un croisement, et comme il ne savait plus de quel côté il devait aller, Kogndur décida de s’en remettre « o Saur ». Attrapant un gretchin par la peau du cou, il le lança en l’air de toutes ses forces : s’il retombait sur la tête, il prendrait à gauche. S’il atterrissait dans une autre posture, il déciderait d’aller à droite. Le grot décrivit un arc de cercle parfait, avant de heurter le plafond rocailleux et de chuter comme une pierre, se brisa pour la deuxième fois le crâne. Hochant de la tête, le contremaître grogna :

« -Oki lé grot, onva agoch ! »

L’attelage se remit en route, tracté par le squigg et poussé par une ribambelle de gretchins épuisés. A peine avaient-ils fait quelques mètres qu’une violente fusillade éclata dans le tunnel. De derrière les rochers, une dizaine d’orques peinturlurés de noir et armés de krameurs et autres plasmofling’ bondirent en vociférant, tant et si bien que la moitié des grots furent pulvérisés, et le reste s’enfuit aussi vite que ses pattes le pouvaient. Désormais livré à lui-même, Kogndur souleva sa hache et brisa d’un coup le harnais du squiggar. Ce dernier, enfin libre, bondit comme un diable sur les assaillants, tous crocs dehors, et en engloutit un puis lacéra un deuxième. Les balles sifflaient autour de lui et transperçaient le corps bouffi, des ruisseaux de sang se mêlaient à la fourrure épaisse, mais le squigg géant semblait invulnérable. L’un des assaillants se plaça alors derrière ses camarades, c’était visiblement le chef, un rude nob au visage balafré. D’une voix rocailleuse, il éructa :

« -Mint’nan, Tachpo !

-Oui, chaif ! » Approuva le dénommé, qui farfouilla dans sa sacoche, et en retira une main éraflée et un squigg gavé d’explosifs. Attendant le moment opportun, Tachpo lança son projectile récalcitrant qui atterrit droit dans le gosier grand ouvert du squigg géant. Une rafale de fling’ tirée par ses camarades atteignirent aussitôt la bombe vivante qui explosa dans une gerbe multicolore, déchirant du même coup les mâchoires du squiggar. Celui-ci, à bout de forces, s’effondra sur le sol du boyau, la tête dégoûtante de sang.

Pendant ce temps, Kogndur s’était mis en tête d’en réchapper sinon sain, sauf, et tout en faisant virevolter sa hache, il bousculait les intrus pour atteindre l’entrée de la galerie, et peut-être, des renforts. Le Nob ne lui en laissa pas le temps, et quelques vigoureux coups de Kikoup rappelèrent le calme dans le tunnel. Ramassant les squiggs postiches du défunt, il se les plaqua sur la tête et aboya :

« -Mint’nan on kontinue, lé boyz ! Fo pa k’is’rand’kont k’on é la. »

Le kommando nettoya aussitôt la galerie au lance-flamme, embrasant du même coup les fragiles étais. Comprenant le danger imminent, le Nob les entraîna en toute hâte au fond du tunnel ; l’instant d’après, les rondins pourris se brisaient, le plafond basculait, bouchant d’un coup le passage. La vingtaine d’orks recroquevillés au fond de la grotte attendaient, ne sachant trop quoi faire. Le Nob dévisagea sa troupe : il ne pouvait voir que les visages des guerriers, éclairés par les cigares puants qu’ils fumaient et les canons encore rougis des krameurs. Le jeu d’ombre et de lumière, de rouge et de noir, rendait leurs figures bestiales et tatouées encore plus effrayantes. Voilà ce qu’est un ork, se dit-il. Puis il gronda :

« -Oké lé boyz, fo k’on s’tirdela, ou l’boss s’ra pa kontan. Kreuzé moi l’tunnel. »

Après quelques instants, les membres du kommando se retournèrent et l’un d’eux dit :

« -On peu pa, nob, y’a plin d’kayou et d’piair, c’é trodur.

-Ekoutai moa, chui l’nob Graznak Trukpaler, ai j’vé vou sortir d’ceu trou. Y’a k’a kreuzé d’l’otkotai. »

Joignant le geste à la parole, il commança à aménager un trou dans la terre meuble. Galvanisés par son exemple, ses boy l’imitèrent, mais pour leur malheur, ils tombèrent sur une sorte de façade lisse, en béton armé.

« -Par Gork ! jura Graznak, sé pa un baitmur ki va m’arraité ! »

Balayant la terre au sol, il creusa de plus belle, cherchant à contourner l’obstacle. Improvisés terrassiers, les orks découvrirent que leurs mains et leurs fling’ étaient tout à fait capables de créer de nouveaux tunnels, chose qu’ils n’avaient jamais envisagé. Tout en suant dans sa tâche, Graznak triompha :

« -Fodra l’dir au boss, é on s’ra lé méyeur ! Pandan k’cé lach alasold d’Exploz Massakr exploit’lé min dézom, nou on pourrakreusé d’nouvo tunnail ! »

Enfin il découvrit un endroit où le mur avait dû être brisé bien longtemps auparavant. Seules quelques briques cimentées bouchaient le passage. De quelques coups de poing, ils libérèrent la voie et passèrent dans la nouvelle galerie.

C’était un vaste couloir éclairé par quelques lampes à néon aux reflets bleutés. Le long des murs, des fils électriques dégainés et des canalisations rouillées couraient en tous sens, dans un réseau labyrinthique. Une porte vitrée en miettes gisait à l’autre extrémité du corridor. Graznak huma l’air, mais aucune odeur ne lui venait. Ce passage n’était pas naturel, à coup sûr. Rechargeant son pistofling, il fit signe à son kommando de le suivre en silence. Le groupe progressa de toute la furtivité dont il était capable, jusqu’à l’entrée. Ensuite venait une grande salle aux murs métalliques, occupée pour le principal par des sortes d’énormes pylônes à antennes, d’où des conduites en fonte sortaient pour plonger dans le sol. Les appareils étaient reliés à une sorte d’énorme cube de circuits où se rejoignaient tous les filins. Un escalier en plastacier permettait d’atteindre le sol et les souterrains, tandis qu’une passerelle vétuste courait tout autour de la grande salle, juste sous le plafond.

Debout derrière le processeur principal, son pistolet bolter et son pistolet plasma rangés dans leurs étuis à la ceinture, Eneriel observait les intrus en restant immobile, telle une statue noire. Quelques grésillements résonnèrent dans son comm-vox avant qu’il ne puisse parler :

« -Ici Eneriel, sergent. Une demi-douzaine de peaux-vertes sont arrivés dans les escaliers du couloir condamné. Attente d’instructions. »

Après quelques secondes de silence, une voix grave répondit :

« -Interception et élimination des xénos. Attirez-les en-bas, on arrive.

-Bien reçu, frère sergent. »

Dégainant un pistolet laser qu’il portait en bandoulière avec une rapidité déconcertante, il tira aussitôt deux salves vers le plafond. Les deux rayons d’un rouge vif transpercèrent le ciel en une fraction de seconde, donnant aussitôt l’alerte au Kommando.

« -Laba, hurla Graznak, y’a un zom ! »

Courant comme des fous vers les installations, les orks dévalèrent les marches à fond de train, déchargeant une pluie de balles. Les douilles retombèrent dans un tintement métallique, et le bruit de leur chute sur le plastobéton résonnait dans les écouteurs du casque du space marine. Sans même se retourner pour voir ses adversaires approcher, il savait quelle distance les séparait encore. A l’instant même où ils allaient le rejoindre, il rangea son pistolet laser, roula sur le sol et déchargea les chargeurs de ses deux autres revolvers. Plasma et bolts bondirent sur leurs proies tels des rapaces et fauchèrent les premiers assaillants, leur arrachant des cris de douleur étouffés. Parant les premiers coups de hache de la crosse et du bras, il propulsa son pied droit sur le boy en face de lui puis sauta en arrière, courant soudain vers le fond de la pièce. Ignorant la douleur provoquée par son bras gauche horriblement brûlé, Graznak se lança à la poursuite du fugitif, avec les trois boyz encore en état de courir. Ils passaient entre deux grandes plates formes électrifiées quand une pluie de balles explosives fusa sur les poursuivants, les projetant à terre. Marchant d’un pas calme et posé, les space marines s’approchèrent des orks blessés à mort et tirèrent leurs épées tronçonneuses. Eneriel fit volte-face et repassa ses pistolets à sa ceinture, hochant de la tête. Ses frères donnaient le coup de grâce aux peaux-vertes, mais il n’y avait nulle pitié envers ces xénos. C’était simplement une mesure préventive. Tous savaient que les orks sont douésd’une formidable capacité de récupération, et ils ne seraient pas tranquille sans savoir que tous leurs poursuivants étaient définitivement morts.

Glurdius essuya son glaive sur la défroque démembrée du boy le plus près, et remarqua :

« -Ils ont réussi à trouver le vieux passage d’évacuation de la station. Qui sait combien de temps nous pourrons rester cachés ici ?

-Ce sera au frère sergent d’en décidé, commenta Eneriel. »

Les cinq space marines se mirent en route sans mot dire, marchant de leur pas martial vers la porte défoncée du fond de la pièce. Ils se trouvaient dans un énorme complexe souterrain, creusé bien des siècles auparavant par quelque civilisation avancée. La structure des composants, les appareils encore à peu près debout n’évoquaient pas des constructions impériales. Cela renforçait l’impression de dégoût et d’inquiétude des Astartes, entourés de tous ces artefacts. Mais depuis le temps qu’ils se terraient là, ils avaient appris à surmonter leur écœurement. Ils arrivèrent ainsi dans une autre salle, occupée par plusieurs moniteurs en ruine, sur lesquels brillaient encore quelques diodes, par intermittence. Les néons au plafond dégageaient sur le petit cube de plastacier une aura d’un blanc lumineux, teinté de la poussière du temps. Assis sur un bloc éventré, le frère sergent Figifer attendait.

C’était un space marine plutôt petit comparé à ses semblables, mais son regard froid imposait le respect à ses compagnons. Son front bardé de cicatrices, souvenirs de batailles passées témoignait de son courage indéfectible. Enchâssé dans la même armure d’un noir profond que ses cinq camarades, il portait en outre une cape déchirée, fixée aux épaules par des médailles magnétiques. Dans un coin de son épaulière gauche, une glyphe stylisée représentait un ours blessé se dressant sur ses pattes arrière. Son totem personnel. A son flanc pendait un fourreau finement ouvragé, dans lequel dormait une longue épée. La garde et la poignée seules étaient visibles, pièces de métal glacé résonnant d’éclairs grésillants. Figifer salua ses frères de la main en déclarant :

« -J’ai sondé les programmes encore en état de marche. Les réserves d’énergies sont au plus bas. Inutile de stagner plus longtemps ici. Il nous faut sortir, de toute façon. Sans cela, les biodroïdes réussiront leur plan diabolique.

-Pardonnez-moi, frère, dit Eneriel, mais il sera difficile de s’approcher de la zone. Les peaux-vertes occupent toute la région.

-Nous trouverons un moyen, frère ; il faut passer.

-Même si nous réussissons à quitter les montagnes, il y aura d’autres xénos et d’autres obstacles avant que d’atteindre les abords du Puits, hasarda Glurdius.

-Nous n’avons pas le choix. Le moment venu, nous saurons quoi faire. Pour l’heure, approchons-nous de notre objectif. C’est notre devoir envers l’Imperium, envers notre père l’Empereur.

-A vos ordres, frère sergent. »

Depuis tous ces siècles passés ensemble, à affronter les pires horreurs de la galaxie, les cinq Astartes avaient appris à obéir sans discuter. Jusque là, cela leur avait réussi. Figifer était un chef avisé, et si leur chapitre n’avait pas connu tous ces déchirements, il serait sans nul doute devenu capitaine de compagnie…Pour l’heure, son commandement se résumait à une demi-escouade tactique dont le matériel se réduisait à une peau de chagrin. Mais il ne se plaignait pas. Il ne se plaignait jamais. Il savait que c’était son destin, le rôle qui lui était incombé pour le bien des Enfants de l’Empereur.

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J'ai découvert ton histoire depuis peu, et erreur de ma part j'ai commencé à la lire.

Une grosse erreur de ma part :D car maintenant je vais devoir faire des passages de plus en plus fréquent dans cette partie du forum pour avoir la suite, et ce à cause de toi :'(

Je ne detaillerai pas les plus et les moins c'est déjà fait, mais franchement bravo :lol:^_^ :'(

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Merci Rip pour ton soutien ! :ermm:

Allez hop une petite suite pour vous tenir en haleine :

Ils se mirent donc en route dans le dédale de couloirs ténébreux, envahis par des cables débranchés, des appareils hors service ou des canalisations rouillées. Ils progressaient en silence sans mot dire, s’arrêtant à chaque croisement pour écouter les sons mystérieux des entrailles du monde. Plus ils allaient, et moins de lumière leur parvenait. Quand ils s’étaient installés dans cette base souterraine, ils n’avaient trouvé que quelques générateurs encore en état de marche, juste de quoi éclairer par intermittence quelques milliers de mètres carrés de ce complexe formidable, qui étirait ses racines dans les ténèbres de Tah’nara. Des filets d’eau salie gouttaient des tuyaux courant sur les plafonds, pour s’enfoncer dans les fissures du sol retourné. A un carrefour, une dizaine de formes gisaient sur le sol.

C’étaient des combinaisons concues pour des bipèdes humanoïdes, d’une couleur métallique brillant sous l’éclairement sporadique des lampes à gaz. Elles affichaient des éclats de balle, et plusieurs étaient éventrées, déchirées. Les cadavres des xénos étaient tombés en poussière depuis longtemps, il ne restait plus que leurs casques cabossés, leurs tuniques complètes poussiéreuses, et leurs armes : des sortes de longs fusils sans gachette, sans chargeur, terminés par une pointe acérée. Eneriel se rappelait très bien cet affrontement. C’était lors de leur arrivée dans ces tunnels, bien des années auparavant. Le combat n’avait pas duré plus de quelques minutes, et les space marines n’avaient pas pu trouver d’autres renseignements sur cette race inconnue. C’était sans doute les derniers représentants du peuple qui avait établi cette base troglodyte. Enjambant les formes recroquevillées sur le dallage irrégulier, les six astartes poursuivirent leur route. Glurdius, grâce à sa vue améliorée, repéra un mouvement dans un recoin à droite, mais il ne s’agissait que d’une sorte de rongeur abyssal, qui s’esquiva en couinant. Sur un ordre via com-vox du frère sergent, les marines enclenchèrent leur appareil d’assistance de vision de nuit.

Vert et noir se mélangèrent dans un kaléidoscope bicolore, grésillant pendant quelques secondes devant les yeux d’Eneriel. Rapidement, ses deux yeux, déjà améliorés par les capacités exceptionnelles de l’occulobe, distinguèrent parfaitement les formes environnantes, sous formes d’images aux couleurs allant d’un noir violacé à un jaune vif en passant par toute les gammes de vert. Dans cet univers silencieux, l’escouade poursuivit son chemin, traversant toujours plus de salles désaffectées, de boyaux à demi effondrés et d’entrepôts en fouillis. Après un temps indéterminé –qui aurait paru des heures à un humain normal, mais qui pour des space marines ne signifiait qu’un laps de temps insignifiant- ils arrivèrent au seuil d’une sorte d’énorme galerie soutenue par des piliers monumentaux. Le plafond s’élargissait et montait à plusieurs dizaines de mètres de haut, taillé dans le granit à l’aide de machines inconnues. Le sol ratissé, couvert de poussière, laissait voir les sillons creusés dans la crasse, au fil des siècles, par les rongeurs cavernicoles.

A intervalles réguliers, des pilones d’un métal orangé s’encastraient dans les murs, sur lesquels clignotaient des gemmes étincellantes. Juste devant les Astartes, une sorte de champ de force barrait la route, mur rougoyant crépitant d’énergie. Dans le lointain, à l’autre bout du passage, une autre paroi magnétique apparraissait, presque indistincte. La voix calme du sergent Figifer résonna dans le com-vox :

« -C’est la sortie, vous vous souvenez ? Alors on y va dans le calme, le plus silencieusement possible. Rappelez-vous vos entrainements d’infiltration sur Caliban. »

Ses subordonnés aquiescèrent, et le sergent fit un pas en avant, gardant tout de même sa main plaquée sur la garde de son épée. Il franchit la barrière, sans que le moindre danger ne se manifeste. Tout comme lors de leur premier passage. Il soupira de soulagement et fit signe aux autres de lui emboîter le pas. Une nouvelle marche s’enclencha, rythmée par les ronronnements discrets et pourtant menaçants des pilones lumineux, dont les pierres scintillantes gagnaient en intensité lorsque les six surhommes passaient à proximité. Eneriel se demanda une fois de plus quel genre de créatures avaient pu construire toutes ces installations, avec tant de précautions que même les natifs ne semblaient pas s’en être aperçu. Cela était dans le plus pur style eldar, en apparence du moins ; pourtant la technologie ne ressemblait pas à celle des fameux Pirates Psykers.

Un bruit étouffé retentit quand une icône rouge clignota sur la visière de son casque, lui signalant qu’un de ses frères était en difficulté. A la même seconde, les space marines se retournèrent comme un seul homme pour voir une forme métallique penchée au-dessus de Glurdius, dont le casque était éventré par un coup de laser bien ajusté. Une salve de bolts foudroyèrent le droïde qui tomba dans un bruit sec, tandis que d’autres robots s’approchaient, sortant de leurs cachettes derrière les pilones.

Il y en avait une vingtaine, tous identiques. Des disques en acier portés par une brassée de cables, terminés tous par un appendice différents : pistolets exotiques, seringues, lames aiguisées, diodes éclairantes, et autres appareils sophistiqués. Bondissant comme des chats, ils fondaient sur les intrus, leurs trois caméras braquées sur eux. Figifer dégaina et frappa le plus proche, provoquant une pluie d’étincelle et un crachotis cacophoniques. Se plaçant autour de leur frère blessé, les autres space marines délivrèrent leur feu mortel sur les engins, en détruisant quatre autres avant que les fouets meurtriers ne les menacent. Ils tirèrent alors les épées tronçonneuses et sévertuèrent à éviter les coups, tout en tentant de trancher les tentacules, ou de briser les disques. Les programmes des robots dataient d’un certain âge, aussi les space marines parvinrent sans trop de peine à découvrir que ces choses ne connaissaient pas grand chose en matière de technologie plasma. Quelques tirs de pistolets suffisaient à perforer le blindage léger des « têtes », aussi l’issue du combat fut vite évidente. Cependant les machines ignoraient les concepts de peur et de retraite, aussi la lutte ne cessa t-elle que lorsque les droïdes furent tous brisés. Eneriel se pencha alors au-dessus de Glurdius, qui gisait inanimé sur le sol, son casque ouvert et le visage balafré.

« -Auscultez-le, frère » ordonna Figifer via le Com-vox, sur un ton laconique.

Eneriel répondit par l’affirmative et activa les neurosenseurs qu’il portait au poignet gauche, tout en cherchant les diverses technodrogues qu’il portait dans son paquetage. Autant de matériel qu’il avait récupéré sur le frère archiviste Tragmodaï mourant, sur le monde Arx. Essayant de se concentrer sur sa tache, le space marine brancha ses capteurs sensitifs sur les terminaisons de l’armure énergétique du blessé, tout en se livrant à un rapide examen :

« -Yeux révulsés, système sécréteur en alerte, yeux révulsés et fermés, peau irritée ; blessure profonde de l’arcade sourcilière gauche à la machoire inférieure. Les cellules de Larramans sont entrées en action mais semblent dépérir, laissant le sang cristalliser… Curieux. »

Injectant plusieurs doses de calmant et d’infectocides, il préleva une partie du sang et lança l’analyse, dont les résultats, passant de son gantelet à ses cellules nerveuses, remontèrent le long de sa colonne vertébrale pour informer son cerveau de manière immédiate.

Leucocytes détruits à quatre vingt pour cent en surface, probablement à vingt cinq pour cent dans l’organisme, à proximité de la plaie. Agent pathogène à l’œuvre. Hématies peu oxygénées. Pourtant le pack dorsal est opérationnel… »

Il concentra son attention pour localiser les sons exhalés par Glurdius. Eneriel fronça les sourcils :

« -D’après sa respiration rauque et hachée, le troisième poumon s’est mis en marche en catastrophe. Il y a quelque chose dans l’air, d’inaudible, impalpable, invisible et inodore, qui rend cette atmosphère mortelle ! »

Figifer jugea inutile d’intimer à ses frères de conserver leurs casques. Désignant Stradix et Furminael, il ordonna :

« -Vous deux, remettez son casque à Glurdius de votre mieux, et portez-le. Azerius et Eneriel, vous les couvrez avec moi. Ces robots ont dû être réactivés quand nous avons redémarré les systèmes électriques, alors tenons-nous sur nos gardes, il y en a peut-être d’autres. Formation en quiconce, au pas de course ! »

le pas rapide mais régulier des frères de bataille résonna dans les caveaux ténébreux, répercuté par les tunnels et les conduits. Eneriel ne prêtait désormais plus qu’une faible attention aux divers passages apparaissant sur les flancs de l’allée, son regard était rivé sur l’issue de plus en plus proche, barrée par un autre mur magnétique rouge. Plus vifs que l’éclair, deux autres robots surgirent de leurs recoins, mais le sergent vétéran fut plus véloce encore et cribla le premier d’une volée de bolts qui le pulvérisèrent, tandis que l’épée énergétique fendait en deux le second. Aucun autre droïde ne leur barra la route avant qu’ils ne franchisse la barrière de laser, que les autres soient hors service ou aient renoncé à les poursuivre. Mais les space marines ne s’arrêtèrent pas avant d’avoir atteint le pied d’un escalier en ruine, qui montait à plusieurs dizaines de mètres. Eneriel écouta alors avec attention les halètements saccadés de leur compagnon et déclara :

« -Les deux poumons originels ont souffert, mais ils se remettent en route. L’atmosphère irrespirable a du être déclenchée et disséminée entre les deux parois de rayons, par quelque technologie inconnue. En tout cas, elle semble désormais irrespirable.

-Oui, approuva Figifer, mes senseurs détectent un léger courant d’air dans ces escaliers. La surface ne doit plus être très éloignée. »

Effectivement, une fois arrivés au sommet des volées de marche de pierre friable, ils débouchèrent sur une petite salle de plastobéton, dont la paroi du fond laissait percer à travers quelques fissures la lumière du jour aveuglant de Tah Nara. Adossé à un mur, une plaque électrique reliée à des cables fichés dans le mur affichait quelques boutons, et une diode bleue témoignait de l’alimentation électrique. Pour s’en être servi à l’aller, lors de leur premier passage, Stradix savait quelle touche presser. De quelques manipulations expertes, grâce à ses souvenirs que même plusieurs siècles ne pouvaient émousser, il contrôla l’ouverture d’un pan du mur. Dans un silence à peine troublé par les chuintements des vérins hydrauliques, un passage carré de deux mètres de côté se révéla, une portion du ciel jaune, tacheté de nuages brunâtres, se découpa dans l’embrasure, en partie cachée par des buissons épineux et autres plantes exotiques.

Les récepteurs du casque de Figifer lui révélèrent une présence d’êtres vivants de haute taille et en mouvement, quatre ou cinq, dans les abords immédiats. Sur un ordre du com-vox, Furminael, Stradix et Azerius suivirent leur supérieur et fendirent le rideau de verdure, l’arme au poing.

Quatre orkoïdes, dont un gretchin, occupaient la place. Avant qu’ils n’aient pu comprendre d’où surgissaient ces ennemis inattendus, ils sentirent les balles s’enfoncer et exploser, mettant immédiatement fin à leurs réflexions, le tout sans que le moindre cri ait résonné.

« -Position sécurisée, déclara Azerius, vérifiant l’état de son chargeur. Attendons instructions. »

Ils avaient débouché sur une petite estrade en bois, suspendue au bord d’un abîme. Adossée à une falaise hallucinante, la structure rustique s’accrochait aux rochers par quelques poteaux enfoncés dans des failles. Le long des poutres, des lianes et des cactus tordus s’arrimaient de leur mieux, à l’abri du auvent rudimentaire qui couronnait le poste de guet. Un escalier creusé dans la paroi, et large d’à peine soixante centimètres, dévalait le canyon pour rejoindre d’autres installations plus conséquentes, composées de deux trois baraques. De là, un autre passage semblable menait au fond du défilé, où s’étendait une base plus grande. On pouvait y voir un nombre impressionnant de peaux vertes déambuler, tirer en l’air ou se disputer.

Pendant la brève attaque, Eneriel avait administré à Glurdius des antalgiques et des catalyseurs neuronaux ; si le poison qu’il avait inhalé avait pu venir à bout de son métabolisme de space marine, il fallait un traitement de choc pour le réveiller. Après quelques secondes –le temps pour les drogues de combat d’agir- Glurdius reprit conscience.

« -Comment vas-tu, frère ?

-Cela peut aller, si ce n’était ce mal de crâne à réveiller un dreadnought.

-Cela passera, assura Figifer en se tournant vers eux. Pour l’heure, il faut trouver un moyen de nous échapper. »

Les six Astartes se penchèrent au bord de la balustrade, observant avec inquiétude la situation. Dans les installations à mi-pente, une cinquantaine d’orks bien armés s’abritaient derrière des barricades rudimentaires, tandis que d’autres bandes se rassemblaient à intervalles réguliers, et se lançaient à l’assaut, pour essayer de battre les premiers. A chaque passage, ceux du défilé se faisaient repousser, ou bien tombaient ou se faisaient déchiqueter au corps à corps. Les survivants retournaient en contre bas, puis un nouveau Nob s’avançait avec des renforts et les éclopés des vagues précédentes, et le manège recommençait.

« -Apparemment, ceux retranchés dans la petite base sont des dissidents, dit Eneriel.

-Pas nécessairement, remarqua Stradix. Ces peaux vertes sont assez stupides pour se massacrer par goût de la bataille.

-Ils nous barrent la route, tout en étant coincés tout comme nous, analysa Figifer. De toute manière, il faudra les affronter. Il faudra s’en occuper sans les autres, sinon les deux factions s’allieraient face à un ennemi commun.

-Sont-ce des véhicules, là-bas, près des tentes ? » demanda Glurdius, dont la vue était encore trouble.

Figifer tourna son regard vers la direction pointée par le gant de son frère de bataille, et observa les formes grossières alignées au fond du canyon. Une rapide observation lui permit de confirmer les dires de son compagnon :

« -Des buggies ou des choses de ce genre. L’idéal serait de pouvoir s’en emparer d’un, et de mettre les gaz loin d’ici.

-Les orks ont toujours une foultitude d’armements, remarqua Stradix. On va pouvoir se ravitailler en munitions et faire quelques belles explosions avant de partir.

-Affirmatif. On opère cette nuit, quand les xénos seront moins alertes. D’ici là, rentrons dans la salle d’entrée des souterrains. »

Il s’avéra que la petite salle lugubre, avec ses néons tremblotants, ses fissures suintantes d’eau claire tintant sur le sol dallé, était parfaite pour la méditation. Le sergent vétéran, agenouillé comme ses camarades, entonna le début de la Prière des Egarés :

« -Nous marchons dans l’ombre loin des flambeaux.

-A la recherche du salut, répondirent en cœur les cinq space marines.

-Même perdus dans les ténèbres, nous avançons.

-Assurés que nous sommes de Ta lumière.

-Permets-nous de retrouver la vérité.

-La paix reviendra alors sur nous.

-Fortifie nous face aux traîtres.

-Que notre bras leur donne la rédemption.

-Durcit nous devant le xenos.

-Afin que nous l’exorcisions.

-Aide nous à faire face au mutant.

-Et à lui apporter la mort.

-Purifez par les flammes.

-Apaisez par les bolts.

-Il n’y a pas de paix, pas de répit.

-Que la guerre, jusqu’à ce que les ennemis de l’humanité soient vaincus. »

Qui aurait pu voir les six formes massives d’un noir de jais, plaquées contre la paroi rocheuse, progresser dans les ombres de la nuit – à moins bien sûr de bénéficier d’une visière infra-rouge ? Le sergent Figifer passait en tête, un pas après l’autre, suivi par ses frères d’arme. La paix régnait dans le canyon, troublée de temps à autre par quelques brimades entre xenos, dans le campement en contrebas. Il ne fallut pas plus de quelques minutes aux Astartes pour atteindre la première barricade du petit avant-poste à flanc de montagne. Les sentinelles ork semblaient plongées dans le plus grand sommeil, avachie sur les barricades grossières, leurs armes à la main. Plusieurs remuaient de temps en temps les bras ou les jambes, poussant des grognements sourds. Deux gretchins armés de pieux en bois à la pointe durcie au feu observaient le sentier menant jusqu’aux baraquements, et tournaient donc le dos aux intrus. Plus silencieux qu’un necrontyr, le sergent vétéran dégaina son épée tronçonneuse avec une lenteur calculée. Derrière lui, les cinq autres Dark Angels finissaient d’enjamber la balustrade, passant entre les corps endormis des peaux-vertes. La voix de leur supérieur grésilla dans leur com-vox :

« -Prenez chacun une cible, et à mon signal, purgez l’hérétique. »

Les fers des glorieuses lames choisirent chacun une victime, et sur un signe de tête du sergent, la sarabande commença, tandis que lui-même descendait l’un des gretchins d’un coup transversal et brisait la nuque de l’autre en projetant sur lui sa main, paume à plat. Pas un cri, pas un coup de feu ne fut échangé ; Figifer constatait une fois de plus qu’une épée tronçonneuse est toujours efficace, même débranchée. Cependant les space marines n’avaient pas de temps à perdre : le camp principal renverrait certainement d’autres vagues d’assaut dès les premières lueurs de l’aube. La marche le long de la falaise reprit, baignée dans l’atmosphère moite et étouffante de la crevasse géante.

Une fois arrivés au fond de la gorge, les Fils de l’Empereur se tapirent derrière quelques épaves de trucks, tandis que Furminael partait en éclaireur. La démarche d’un space marine n’a rien à envier à celle d’un scorpion eldar, lorsqu’il s’agit de s’avancer avec discretion, et les six compagnons d’armes avaient eu tout le temps de mettre en pratique leur entraînement de scout, au cours de leurs nombreux siècles d’isolement. Une chauve-souris n’aurait pas passé plus facilement entre les grands baraquements bricolés et les miradors de bois et de métal, où sommeillaient les gardes orks.

Accroupi sous le couvert de plusieurs caisses d’armes hétéroclites, Furminael observa le parcage des buggies, aidé de sa vision améliorée. Il y avait une centaine de véhicules plus ou moins caricaturaux, depuis de petites motos monoplaces jusqu’à de grands traks à remorque, tous juchés sur des pneus démesurés encadrant un châssis ridicule ; certaines carlingues ressemblaient aux moissonneuses impériales, d’autres aux piranhas Tau, d’autres encore à rien de concret en particulier, simples amas de tôles vissées entre elles pour former des bric-à-brac invraisemblables, tenant debout par quelque facétie de la nature. Seuls vingt peaux-vertes gardaient le parking, armés de fling’ et portant de lourdes armures. Contrairement aux autres sentinelles rencontrées, ils étaient bien éveillés. Furminael remarqua que nombre d’entre eux portaient des sigles différents, tout comme les karts. Il supposa qu’il devait s’agir « d’écuries » concurrentes, dont les membres seraient assez motivés pour garder leurs « étalons ». Il savait qu’il était dans les coutumes de ces barbares de faire des courses entre eux, pour le plaisir. Et que certains orks en devenaient fous, au point d’oublier l’intérêt du reste de leur horde. Il s’apprêta à faire son rapport quand son regard fut attiré par des reflets métalliques familiers, dans une des caisses devant lui.

Figifer attendait les nouvelles, la lame à la main, le dos plaqué contre le mur grotesque du premier bâtiment ork ( si tant est qu’un grand échafaudage renforcé de barres à mine et de plaques de tôles ondulées puisse s’appeler un bâtiment ). Au bout de quelques dizaines de secondes, la voix tranquille de Furminael résonna dans le com-vox :

« -Vingt xénos aux aguets autour des véhicules ; ces-derniers sont une centaine, dont trente peut-être en parfait état de marche. Une progression par le sud sur vingt mètres puis un tournant à l’est sur trente vous amènera à ma position sans encombre.

-Rien d’autre à signaler ?

-Si, frère sergent. Un bolter lourd en parfait état de marche, avec toutes les munitions nécessaires.

-Voilà qui pourra nous être utile. Nous arrivons ; attends nous et informe nous si quoi que ce soit bouge.

-A vos ordres, frère sergent. »

Furminael reprit son observation, tout en enclenchant une première chaîne de munitions. Incroyable qu’un saint bolter lourd et ses balles consacrées aient pu tomber entre les mains de xenos aussi monstrueux que les orks. Peut-être même faudrait-il décontaminer l’arme avant de s’en servir, pour éviter la corruption extra-impériale. Mais pour l’heure, il n’en aurait pas le temps. Depuis trop longtemps, lui et ses camarades étaient restés sans les conseils éclairés de leur capitaine. La vie de paria est difficile, se dit Furminael. Malgré son calme apparent, dont il ne se défaisait jamais, il se faisait fort d’être des six renégats celui à se faire le plus de scrupules. Parfois même, il se demandait si la voie qu’ils avaient choisis était la bonne.

Sans même se retourner, il sut que ses frères étaient là, derrière lui. Il entendait le ronronnement imperceptible des vérins, la respiration étouffée par les casques, sentait même cette odeur caractéristique, mélange d’huile, d’acier et de chair, qui définissait un space marine pour quiconque avait l’odorat un tant soit peu développé.

Chacun choisit plusieurs grenades primitives dans les caissons, puis sans même échanger un mot, les six Astartes passèrent à l’action. Courant de toute la puissance de leurs jambes engoncées dans des filets de muscles métalliques, ils filaient entre les karts, sabre au clair. Au passage, Stradix et Azerius jetèrent leurs grenades dégoupillées dans les truks à portée. La course accélérait, Figifer gardait les yeux rivés sur les xenos. Appuyant sur le bouton de son épée énergétique, il vit avec satisfaction les dents acérées tourner à vitesse accélérée autour de la lame, projetant les gouttelettes de sang de leurs précédentes victimes.

Les Balaiz’boyz mirent du temps à comprendre ce qui se passait : des formes noires galopaient vers eux sans mot dire, ce qui ne ressemblait pas aux techniques de guerre ork ; le grognement des moteurs tronçonneurs résonna dans l’air, et associé aux explosions aveuglantes des grenades pulvérisant les transports, mirent les peaux-vertes dans leur élément : bruits assourdissants, déflagrations, voilà la quintessence de l’orkitude. Heureux de cette bataille gracieusement offerte par Gork et Mork, les balaiz’boyz brandirent leurs Kikoup’ en criant leur envie d’en découdre. Eneriel suivit son sergent ou au cœur de la formation ennemie, et pourtant il ne put atteindre un ennemi dans les premières secondes. Deux grenades avaient blessé le premier rang, que Figifer avait coupé comme du beurre. Se taillant une traînée d’éclair, il avait ouvert la voie à ses frères, qui maintenant se retrouvaient encerclés. Eneriel déchargea son pistolet plasma à bout portant puis joua des coudes et de sa lame. Il brisa une mâchoire, cassa un poignet, éventra une poitrine, avant de reprendre ses esprits et de suivre ses compagnons qui se frayaient un chemin dans la masse verte hurlante. Malgré leurs plaques de métal, sortes de protections primitives, les xenos étaient vite terrassés, sans compter que Furminael, les doigts pressant la détente sans relâche, d’un pas lent mais continu, inondait leurs rangs de bolts perforants. Les space marine ne réfléchissaient plus vraiment, et leur intelligence cédait le pas face à des siècles d’entraînement et de combat. L’expérience de la mort les plongeait dans leur élément, ils étaient les maîtres de la mêlée, donnant la mort à chaque coup. Les balaiz’boyz sentirent que les dieux de la guerre les avaient abondonnés, et ils rompirent les rangs en beuglant de dépit. Rencontrant les renforts orks qui arrivaient du camp, ils se mirent à les massacrer pour passer leur frustration. Figifier tourna ses yeux glacés sur les quelques centaines de mètres qu’ils venaient de traverser. Les carcasses en feu de nombreux buggys finissaient de se consumer, tandis que les flammes s’échappant des réservoirs embrasaient peu à peu tout le campement, dans une cacophonie où se mêlaient explosions de caisses de munitions, craquement de poutres et hurlements stridents. Des bandes de gretchins effrayés couraient en tous sens, copieusement piétinés par les guerriers orks rendus fous par le carnage. Dingboyz et pistolboyz s’affrontaient, les nobz balayaient les bandes en s’égosillant pour ramener leurs subordonnés à un semblant de calme, sans obtenir le moindre résultat convainquant. Satisfaits de leur petit effet, les six space marine des Dark Angels se gratifièrent d’un sourire et entreprirent de mettre en marche deux véhicules à l’écart, pas encore atteints par les flammes. La technologie ork est assez instinctive, se dit Eneriel en observant les commandes. Pas de code d’accès, un simple guidon, un bouton d’ouverture des gaz et deux pédales. Ils se répartirent en deux groupes de trois, Figifer prit les commandes de la première carriole, et Eneriel se chargea de la seconde. Dans une double pétarade assourdissante, les deux transports rudimentaires se propulsèrent hors du camp, disparaissant bientôt dans le rideau de fumée craché par les débris de truks calcinés. C’est tout juste si quelques boyz s’en rendirent compte, avant de se replonger dans la bataille contre leurs camarades. Dans le plus pur style ork.

*****

L’escadrille pivota lentement au-dessus des épaisses frondaisons, serpentant entre les épaisses forêts et les nuages cendreux de Toregordabis. Les cinq appareils enclenchaient leur long virage dans un ordre parfait, dépassant en quelques secondes les premiers contreforts des montagnes.

Kor’el Xotes Fiash pianotait à un rythme effréné sur son tableau de bord surélevé, en jetant de temps en temps un coup d’œil sur sa co-pilote. L’écran de contrôle afficha bientôt de nombreuses traînées rouges, témoignant de la remontée de leurs poursuivants. Enclenchant son système vocal, directement branché à son chasseur, il annonça d’une voix de marbre :

« -A toute l’escadrille, nouvelle formation xénoptère à six heures. Formation de combat modèle X-Z-27, conservez le cap.

-Bien reçu, capitaine » répondirent en chœur ses subordonnés.

Au même instant, les cinq Ignis-5 peints d’un vert clair tacheté de brun –les couleurs de la Colonie Tau sur Toregordabis- se séparèrent les uns des autres, tandis qu’une grêle de balles acides et de bio-missiles traversaient leur formation.

Laissant les drones de combat pivoter pour canarder leurs ennemis, Fiash se mit en devoir de procéder aux réglages nécessaires. Eteindre les débuts d’incendie dans l’aile gauche, enclencher les fusées auxiliaires, larguer les réservoirs de carburant superflus… Il avait atteint l’âge respectable de trente années standard sur T’au, bien que ce monde de comput ne signifiait rien pour lui. Sa famille, depuis de nombreuses générations, n’avait plus que l’espace pour foyer. Néanmoins, il n’avait pas parcouru tout ce chemin pour mourir dans une escarmouche de faible envergure.

Kor’vre Tira’l maniait les commandes du chasseur avec une dextérité déconcertante, le déplaçant comme on dirigerait une simple souriax de Trivv. Ses bras et son dos étaient directement connectés à son dossier par diverses fiches électriques, d’où pendaient des câbles délicats. Le capitaine songea que ces appendices avaient remplacé les antiques membranes diaphanes, dans le même but : améliorer les capacités des Tau de l’Air, comme pilotes et explorateurs.

Le feu nourri des gargouilles se resserra, à mesure que les deux petites flottes passaient au-dessus des hauts pics rocheux. Si les avions Tau réussissaient à se frayer un chemin dans les gorges et les vallées, les gargouilles n’en étaient pas moins agiles, et aussi incroyable que cela puisse paraître, elles réussissaient à rester dans leur sillage. Le chasseur 3 commença à perdre de l’altitude, sérieusement touché aux moteurs auxiliaires antigravitiques. Les monstruosités tyranides se jetèrent sur lui comme des loups sur un mouton esseulé, et malgré les tirs de couverture des drones des autres appareils, l’Ignis-5 se vautra au fond du vallon pour disparaître dans une explosion de flammes et de fumée. Les gargouilles étaient encore nombreuses, en dépit des rafales tirées à bout portant. Les différents senseurs indiquèrent à Kor Fiash que la coque était rongée en de multiples points par des agents bactériens extrêmement voraces.

C’est avec un soupir de soulagement à peine retenu qu’il accueillit la vue du promontoire qui camouflait l’entrée du spatioport souterrain. Dès l’approche des cibles potentielles, les artilleurs des canons ioniques firent pivoter leurs batteries. Les tyranides accompagnaient leurs proies dans la descente, crachant toujours plus de jets corrosifs et de projectiles septiques. Ce fut un jeu d’enfant que de réaliser l’acquisition des cibles, et de perforer de trous fumants les corps bouffis des créatures ailées, qui s’effondrèrent en hurlant de faim…

Les quatre avions survivants se posèrent dans un silence de mort, sur le sol couvert d’une plaque de béton. Avant même que les patins aient touché le tablier, celui-ci coulissa dans ses rails, descendant peu à peu à l’intérieur de la montagne. Le long de l’ascenseur géant, des escadrons de drones dormaient, rangés dans des alcôves, prêts à décoller à la moindre alerte. Quelques minutes plus tard, le plancher s’immobilisa enfin à l’entrée d’une immense caverne, qui constituait le hangar principal de la troisième base Tau sur Toregordabis.

Kor Fiash, attendant qu’elle se déconnecte de l’ordinateur et descende du cockpit, ne pensa même pas à remercier sa coéquipière pour son vol sans faute, car telle était sa mission. Comme le règlement l’exigeait, les membres de l’escadrille se rassemblèrent devant le chasseur du capitaine, pour un court débriefe.

Celui-ci fut bref et concis, car Xotes Fiash n’avait pas l’habitude de gaspiller sa salive, et ses subordonnés avaient appris à s’habituer à son ton taciturne, qui cachait un véritable cœur d’or. C’était non seulement un officier expérimenté, ayant rapidement parcouru les échelons, promis aux plus hautes fonctions, mais aussi un Kor qui avait su rester humble et travailleur, compréhensif et bienveillant. Mais en aucun cas paternel. Après tout, leurs rôles à tous consistaient simplement à remplir leurs fonctions.

Au cours de son bref discours, Fiash observa sans s’en rendre compte les manies de ses collègues. Ui Dar’talyth ne cessait d’épousseter sa combinaison moulante, à la recherche de grains de poussière hypothétiques. La Kal’os et La Dras’t, leurs écouteurs rivés sur leurs oreilles, écoutaient en bruit de fonds les dernières nouvelles de la radio Tau locale, ce qui n’empêchait pas leur cerveau de suivre les instructions, via leur système de traitement intégré. Kor’vre Tira’l rangeait avec méthode ses fils électriques dans des séries de poches le long de ses flancs, dans une recherche tant esthétique que pratique. Après avoir commémoré la mort de leurs compagnons, et rappelé qu’ils oeuvraient sous les ordres bienveillants des éthérés, il salua le Gérant Principal de la station. Celui-ci venait d’arriver, escorté par six guerriers de feu en livrée noire. Le gérant lui rendit son salut et leur donna les passes nécessaires pour évoluer dans ces lieux sécurisés, ainsi que leurs clefs magnétiques pour leurs locaux. Il arrivait souvent que les escadrilles partent d’un spatioport pour se poser à un autre, aussi le Kor’vatra prenait t-il garde de prévoir des salles de séjour libres dans chaque installation. Dès que les pilotes reçurent leurs badges et signaliseurs, le fonctionnaire partit avec ses gardes du corps, et le chef d’escadrille donna à ses Tau quartier libre pour la journée. Les six pilotes sous ses ordres s’éloignèrent donc deux par deux, chacun avec son coéquipier.

Au sein du sept de Xotes, les escadrilles étaient ainsi composées de Kor issus d’équipes différentes. Tout particulièrement dans les membres de la flotte de combat, les pilotes attendaient d’avoir passé les premières épreuves de l’air avant d’accomplir le rituel du Ta’lissera. Ils formaient donc de petits duos ou trios d’individus liés par une expérience commune.

Fiash et Tira’l étaient les seuls survivants d’une des premières équipes natives du sept de Xotes. Leur entraînement avait été sévère, et la moitié des douze aspirants avait été anéantie lors d’accrochages avec des pirates, des rogue traders ou des orks en maraude. Leur instructeur avait été abattu lors des premiers débarquements sur Toregordabis. Plusieurs de leurs frères et sœurs de voyage avaient à leur tour donné leur vie pour le Bien Suprême. Des douze élèves pilotes tout droit sortis des académies de l’air à peine plus de vingt ans plus tôt, il ne restait plus qu’eux deux. Fiash, parce qu’il avait fait preuve d’une capacité évidente d’autorité, avait été promu tout récemment Kor’el, ce qu’il avait considéré, comme il se doit, comme un immense honneur. Il n’avait jamais aimé les combats à grande échelle, dirigés depuis les salles de contrôle des grands croiseurs. Les Aun lui avaient accordé le travail qui lui convenait le mieux : la direction d’escouades d’interception en haute ou basse atmosphère. Ce en quoi il excellait.

Quatre techniciens s’approchèrent sur une petite spacette antigrave, accompagnés d’une ribambelle de drones de service et d’entretien. Sans même attendre que le capitaine de flotte ne donne son autorisation, les Fio descendirent du véhicule et inspectèrent avec soin les Ignis-5 au repos. Autour d’eux voltigeaient les droïdes réparateurs, comme des grosses abeilles vrombissantes. Les fers à souder commencèrent à mener leur danse, tandis que la porte d’un entrepôt s’ouvrait dans un des murs, et que d’autres ouvriers rapportaient des plaques de tôles, pour remplacer les ailes endommagées.

Fiash les laissa faire, et se tourna vers Tira’l, qui l’attendait déjà dans l’élévateur. Il franchit donc les quelques mètres qui les séparaient, en glissant plus qu’en marchant, et tapa sur la console les coordonnées de leur étage d’affectation. La cabine de verre referma ses portes dans un claquement sec, puis glissa dans la roche, coupant d’un coup son sustentateur. La descente vertigineuse était amortie par des compensateurs cinétiques fixés sur les parois. Un décor lugubre, entrecoupé de flaques de lumière et d’ouvertures de tunnels, défila devant eux, jusqu’à ce que le moteur antigrave se remette en marche, pour amortir l’atterrissage. Le niveau qu’ils avaient atteint se situait à une profondeur considérable, d’où ne parvenait plus le moindre bruit de l’extérieur. Les ingénieurs avaient conçu ces vastes complexes souterrains, dans le cas, plus qu’improbable à l’origine, de problèmes diplomatiques avec l’autorité impériale. Il s’avéra que ces précautions n’avaient pas été entièrement superflues…

Le couloir s’étalait sur près d’un kilomètre, baigné d’une lueur bleutée dégagée par les néons fixés au plafond. De nombreuses portes perçaient les épais murs blindés, chacune numérotée en grand. Fiash repéra rapidement celle qui leur était assignée, et passa sa carte magnétique dans la fente correspondante. Sans le moindre bruit, le sas s’ouvrit en deux, révélant un petit appartement composé de trois pièces : une cuisine moderne, une chambre de repos et une salle de bain. Les deux camarades inspectèrent les lieux d’un œil connaisseur : tout cela était un peu exiguë. Sur les vaisseaux de la flotte, bien sûr, leurs quartiers étaient plus modestes, mais ils avaient le libre loisir de déambuler dans les couloirs des deux ponts inférieurs. Ils avaient la nette impression d’être confinés dans ce local, en attendant qu’un nouvel ordre de mission les tire à la lumière. Fiash soupira, heureux de pouvoir se changer un peu les idées. Il allait brancher le relais télévisuel pour apprendre les dernières nouvelles, quand Tira’l lui fit remarquer :

« -Il y a une drôle d’odeur, ici, tu ne trouves pas ?

-Si, c’est vrai, reconnut Fiash, après un temps de réflexion. C’est assez désagréable.

-Ecoute, Ta’lis’o, c’était ainsi qu’elle l’appelait affectueusement en privé, je pense que nous avons le droit à un logement correct. Nous faisons notre travail correctement, il serait normal que cela soit reconnu.

-Je te ferai remarquer que nous n’oeuvrons pas pour notre satisfaction personnelle ou notre confort. Je sais, tu n’as pas voulu dire ça. Après tout tu as raison. »

Ayant pris sa décision, il se tourna vers la console de communication. Quelques lignes de codes suffirent à le mettre en relation avec Fio’vre Xoptes Trai’l, le responsable des habitations du complexe. Ce dernier s’excusa humblement, expliquant que le problème avait déjà été signalé quelques heures plus tôt. Toutes les chambres du couloir étaient touchées par ce désagrément, et une équipe de technicien avait déjà été envoyée trois decs plus tôt au centre de recyclage de l’air. Il n’avait pas encore reçu de rapport.

A peine rassuré par ces excuses, Fiash éteignit son poste, après les salutations d’usage. Tira’l, qui avait lu au-dessus de son épaule, ouvrit le sas d’entrée en déclarant :

« -Je ne peux pas supporter ce parfum de mort. Quitte à attendre, je préfère voir où ils en sont. Tu viens avec moi ?"

Fiash acquiesça. Ce n’était pas dans ses habitudes d’aller vérifier si les membres des autres castes remplissaient leur rôle. Mais d’abord, il n’avait aucune envie de supporter les effluves écoeurantes. Ensuite, il ne voulait pas vraiment rester seul dans le local, à écouter les informations. C’était un Tau d’action, qui voyait dans ce désagrément l’occasion de se changer de la routine. Enfin, il se sentait responsable de sa compagne de vol. Elle était la personne vivante qu’il connaissait depuis plus longtemps, bien plus longtemps que quiconque. Ils avaient suivi le rituel du Ta’lissera, et ne devaient former qu’un. Ils étaient devenus, d’une certaine manière, frère et sœur.

L’élévateur remonta cette fois-ci, trois niveaux plus haut. La région de la base où ils arrivèrent était dans un état bien moins avancé. Les couloirs laissaient paraître la roche dure sur de vastes surfaces. Après plusieurs salles, où ils s’inclinèrent avec respect devant les chefs techniciens, ils arrivèrent devant une zone en plein chantier. A l’entrée du premier couloir rudimentaire, où seuls des câbles épais et des conduites témoignaient d’une activité intelligente, deux guerriers de feu en faction les passèrent à la fouille. Après quoi, le reste de l’équipe de chasse, soit quatre autre Shas, vint leur poser des questions. Le chef de l’équipe, un shas’ui basané, dont la tête était affublée d’un disque métallique planté dans son oreille droite, et clignotant de diodes rouges et bleues, se dénommait Zar’yl Tril’o.

« -Excusez pour toutes ces formalités, Kor’el. Mais c’est le règlement.

-Que cherchez-vous exactement ?

-Rien en particulier. Bien sûr, tous les Tau sont de loyaux serviteurs du Bien Suprême. Mais on ne sait jamais. Certains des gueve’sa peuvent trahir, ou se déguiser pour saboter les installations. Des formes autochtones ou ennemies peuvent s’infiltrer. Tout est en règle. Où allez-vous de si bon pas ?

-Nous allons rendre visite à l’équipe de maintenance A6U7. On nous adit qu’ils étaient dans la salle de recyclage.

-C’est la bonne route, mais elle est difficile pour les néophytes. Nous allons vous accompagner. Ne vous en faites pas pour la garde, la bande de chasse de Shas’ui F’rion est à deux pas ici, dans une casemate, et sonde le passage. Si quelqu’un vient, ils l’intercepteront.

-Soit, répondit Fiash, nous vous remercions pour votre prévenance.

-C’est tout naturel. »

Les six guerriers de Feu s’avançèrent donc dans le couloir rocheux, le canon en l’air, suivis de près par les deux Kor. Le sol pierreux était dur sous leurs pieds, et la voûte basse de plafond, même pour des Tau. On voyait clairement les marques des drones foreurs sur les parois. De nombreuses voies annexes filaient dans toutes les directions, que ce soit sur les côtés ou verticalement. Zar’yl Tril’o n’avait pas exagéré : il aurait été très difficile, voire impossible pour quelqu’un de non averti, de retrouver son chemin dans ce dédale de couloirs voûtés. Les formes des shas étaient à moitié invisibles dans ce décor sombre, leurs couleurs de suie se mariant à merveille avec les ombres ambiantes. Seuls les marquages claniques et personnels, appliqués sur les boucliers et plaques d’armure en peinture d’un blanc lumineux, ainsi que les petites lampes monochromes des fusils et des paquetages, laissaient les Tau de l’air suivre leurs guides. Il y eut plusieurs gouffres circulaires, surplombés de passerelles en plastique blindé. Enfin le bout du tunnel commença de filtrer une lumière diffuse, de plus en plus vive à mesure qu’ils approchaient. Bientôt ils entraient dans une flaque de lumière d’un bleu ardent, inondant tout l’espace libre.

La salle de recyclage était une vaste sphère creusée dans la montagne, enjambée par des ponts de métal, des couloirs d’air, des pitons électriques, des colonnes de câbles multicolores, le tout se rejoignant dans une énorme superstructure d’acier et de plastique, véritable centre pulmonaire de la base. Des dizaines de grosses canalisations vitrées, fusant du cœur métallique, envoyaient de l’air pur dans les différentes branches de la station, tandis que d’autres en ramenaient pour réoxygénation. Deux tubes géants, translucides, partaient vers la muraille de pierre au plafond, en serpentant entre les stalactites, pour creuser leur chemin vers la surface. C’était l’arrivée principale. Il n’y avait pas de trace de l’équipe des Fio, en revanche une des trappes d’entretien de la tuyauterie d’arrivée d’air était entrouverte. Fiash clignait des yeux pour s’accoutumer à la lumière crue octroyée par les grandes plaques de verre luminescent plaquées sur les murs, tout en remarquant que la puanteur était plus forte que jamais.

« -Pas de traces des Fio ici, remarqua le shas’ui en plissant ses yeux, de telle sorte que son visage n’était plus qu’une face plane zébrée de quatre fentes.

-Ils doivent être rentrés dans cette conduite » supposa un des shas’la.

Kor Fiash jeta un regard circulaire, guettant le moindre signe de mouvement. Les guerriers de feu firent rapidement le tour de la sphère creuse, sans détecter le moindre signe de vie. Tira’l haussa les épaules et sauta sur la canalisation en concluant :

« -Il ne nous reste plus qu’à aller les chercher là-dedans… »

L’intérieur des tuyaux géants était bourdonnante, sifflante, presque désagréable. Le shas’ui remit son casque pour atténuer l’impact du vent et des odeurs. Les deux Kor semblaient supporter les violents courants d’air, ils avaient cela dans le sang. En revanche, les exhalaisons leur donnaient presque la nausée. Ils commencèrent à avancer dans les couloirs arrondis, descendant dans des puits en s’accrochant à des échelons, ou bien montant des échelles verticales plantées dans les murs. Les boyaux transparents creusaient des galeries dans la roche dure, et ils pouvaient voir la pierre derrière les parois translucides. Il se déroula un certain temps avant qu’ils ne découvrent le moindre indice. Il était impossible de repérer avec précision l’origine de la puanteur, car la canalisation principale se séparait à intervalles réguliers en différents embranchements de taille similaire. A plusieurs reprises, ils arrivèrent à des cul-de-sac, des passages terminés par des grilles d’acier donnant directement sur le vide. Les bouches d’aération étaient situées à flanc de montagne, au bord de gouffres profonds, cachées derrière des blocs de rocher éboulés. Aucun ennemi n’aurait pu avoir l’idée de s’infiltrer par là pour pénétrer dans la base.

Alors qu’ils revenaient encore une fois vers le passage principal, ils entendirent un bruit de course précipitée. Les shas’la mirent genoux en terre, le fusil pointé vers l’extrémité du tunnel de verre. Les pas se rapprochèrent, suivis d’un sifflement discret. Au bout de la voie apparut un Fio en tenue de mécano, accompagné d’un drone d’entretien. Shas’ui Zar’yl Tril’o leva la main en remarquant :

« -C’est Fio’ui Tar’gati, aucun danger. »

Les guerriers baissèrent leurs armes, saluant le Tau de la terre. C’était le personnage le plus extravagant que Fiash ait jamais vu. Sa combinaison classique était décorée d’une multitude de petits bandeaux de tissus multicolores, et des appareils électriques sortaient de ses nombreuses poches, révélant câbles, diodes, boutons, boulons, puces électroniques et autres composants délicats, branchés sur des petites télécommandes manuelles. Son visage reflétait son excentricité : d’un bleu pâle, presque diaphane, rasé de près, avec deux mèches de cheveux noirs encadrant des yeux pleins de curiosité et de questions. Ses doigts fébriles allaient d’un boîtier à l’autre, manipulant des clefs, des connecteurs, des touches, des fiches. Le drone qui l’accompagnait semblait avoir hérité de son apparence. On devinait à peine les pièces originelles en-dessous de l’agglomérat de blocs rattachés, boulonnés, soudés, branchés sur l’original. Des dizaines de cellules photo-sensibles parcouraient sa surface, scannant les trois dimensions. Deux bras articulés pendaient de sous son générateur antigrave, chacun terminé par une pince préhensile. L’ingénieur s’inclina profondément, faisant vibrer plusieurs appareils et danser ses colifichets :

« -Fio’ui Xotes Tar’gali, pour vous servir. »

Les deux Kor lui rendirent son salut.

« -Salut à toi, Tar’gali, répondit Zar’yl Tirl’o. Tu ne saurais pas où est passée l’équipe d’entretien ?

-Je les ai rencontrés il y a une dec environ, par-là ( il pointa son pouce derrière lui ). Ils cherchaient la source de ce parfum… malodorant.

-Nous sommes à leur recherche, dit le shas’ui. Peux-tu nous y guider ?

-Ils n’ont pas encore fait de rapport, précisa Kor Fiash.

-C’est non réglementaire, tout à fait non réglementaire, répondit l’ingénieur. Bien on va essayer de les retrouver, n’est-ce pas, Tir’cala ? »

Il s’adressait à son drone. Le droïde crachota quelques sifflements, puis tous deux firent volte-face et s’élancèrent d’un bon pas dans la direction d’où ils venaient, sans attendre les autres. Ceux-ci s’entre-regardèrent puis hâtèrent le pas, courant sur leurs talons.

Tar’gali connaissait tous les couloirs comme ses nombreuses poches. Jetant à peine un regard distrait sur les passages latéraux, il se dirigea droit vers le carrefour où il avait rencontré ses collègues. Ils n’y étaient plus, bien sûr. Mais il pouvait deviner dans quelle direction ils étaient allés. Empoignant une sorte d’analyseur d’atmosphère tactile, il le regarda fixement en déclarant :

« -Ils sont dans les canaux de l’aile nord, Hur’isl, n’est-ce pas ? C’est là qu’ils sont allés, à n’en pas douter. Allons-y, sans plus attendre. »

Kor Fiash le regarda s’éloigner, continuant de parler à son drone ou à ses instruments. Le shas’ui hocha de la tête, l’air résigné :

« -Il est un peu original, expliqua t-il. Il a perdu toute son équipe dans un éboulis, lors de l’excavation. Cela l’a laissé un peu secoué. Il n’y a que lui et son drone qui ont réussi à s’en sortir en un seul morceau. Depuis, il récupère du matériel électronique et bricole ses inventions, en marmonnant les noms de ses amis défunts. Il a fini par croire qu’ils survivaient à travers ses gadgets. Malgré son excentricité, c’est toujours un excellent technicien. Nous ferions bien de le suivre. »

De temps à autre, un fuirgax passait au-dessus de leurs têtes. Les fuirgax sont des créatures natives de Cygnis, un des mondes inféodés au sept de Xotes. Ils ressemblent plus ou moins à des rats, mais des rats sans poils, avec de longues membranes courant entre leurs pattes, et une queue préhensile de trente centimètres de long. Ils vivent dans des crevasses et autres grottes, sur leur monde natal. Les contremaîtres avaient introduit ici ces bestioles, afin qu’elles entretiennent les conduits. Les fuirgax se collent aux parois comme des ventouses, aspirant poussière, mousse, microbes, dévorant les insectes parasites. Ils pouvaient adhérer assez fort aux murs pour ne pas être happés par les courants d’air.

La puanteur devint presque insoutenable, et Tira’l s’exclama soudain :

« -Regardez les cloisons ! »

Les plaques de plastoverres se couvraient peu à peu d’une couche de crasse verte, gluante, à l’odeur pénétrante. Les Tau prirent garde de rester au milieu du passage, pour ne pas s’imprégner de ce mucus. Tar’gali fit un signe de tête à son drone assistant :

« -Saleté de couche de saleté, pas vrai ? Je me demande d’où ça vient… »

Une forme souple, sombre, presque indistincte, passa en coup de vent au bout du tunnel. Avant que les guerriers de feu aient pu braquer leurs fusils, la créature avait disparu. Zar’yl Tirl’o interpella le Fio de sa voix rude :

« -Retourne au complexe de filtrage et prévient le Q.G. que quelque chose a réussi à infiltrer les bouches d’aération. Qu’ils envoient des équipes supplémentaires.

-Tout de suite ; tu viens, Tir’cala ? »

Le drone grésilla en signe d’acquiescement. Fiash plaça un chargeur dans son pistolet :

« -Et nous, que faisons-nous ?

-On va voir de plus près de quoi il retourne » répliqua le shas’ui, en reprenant la marche.

Des bruits de pas résonnaient dans l’ombre des couloirs, des mouvements furtifs et discrets ; les Tau jetaient des regards de part et d’autre, le doigt crispé sur la détente. Pas la moindre forme mouvante n’apparaissait dans leur champ de vision. Ils marchaient maintenant avec des mouvements saccadés, inquiets. Les nerfs à fleur de peau, ils scrutaient les moindres parcelles de métal taché de mousse. Un fuirgax qui trottait dans un couloir annexe se retrouva pulvérisé par un tir photonique déchargé à la hâte.

Un cri résonna dans les boyaux infectés, un hurlement qui glaça leur sang. Avant qu’ils n’aient pu déterminer sa direction, une créature passait entre eux en grognant, distribuant une volée de coups. Pourchassée par des tirs à répétition, elle bondit d’un flanc à l’autre du passage, piailla en recevant plusieurs charges et disparut au bout du tunnel.

« -Il ne faut pas la laisser nous échapper ! » hurla Zar’yl Tirl’o.

Les deux shas qui étaient tombés, poussés par la bête, se relevèrent couvert du mucus olivâtre et suivirent le reste de la troupe qui se précipitait sur les traces du mystérieux assaillant. Ils ne doutaient plus qu’il s’agissait de quelque forme tyranide. Ce qui les attendait au bout de la piste de sang vert les tétanisa d’horreur.

Ils étaient arrivés à un carrefour, d’où partaient plusieurs canalisations géantes. Le plus petit centimètre carré de plastoverre disparaissait sous les couches pâteuses de la boue organique. Le sol et le plafond se transformaient en plaques dégoulinantes de sucs acides et basiques se mêlant dans une flaque bouillonnante. Des sortes de grands blocs de chair fongique poussaient sur les murs. Dans la mare fumante, au centre du réseau, une masse grouillante de larves et de bestioles sifflait et glougloutait. Zar’yl Tirl’o détourna les yeux en reconnaissant au milieu des résidus les restes d’une combinaison étanche de technicien d’entretien. Plusieurs shas ravalèrent les spasmes de leur estomac. Il n’eut pas besoin de donner d’ordre. D’un même élan, les guerriers de feu tirèrent sur la flaque, déchargeant un rideau de lumière bleue. Certains dégoupillèrent leurs grenades photoniques et entreprirent de faire sauter les gangues fixées aux murs. Des cris de dépit résonnaient tout autour d’eux. L’odeur écoeurante les prenait à la gorge ; les créatures rampantes, plus ou moins achevées dans leur processus de développement, glissaient sous la couche de mucus pour essayer de quitter la nourricière. Fiash et Tira’l avaient déjà vidé deux chargeurs chacun de leurs pistolets Cygnis, criblant de micro-balles les larves tyranides. Après plusieurs minutes de rage destructrice, le shas’ui ordonna un cessez-le feu. Malgré leur entraînement rigide, les shas’la continuèrent à tirer sur tout ce qui bougeait, jusqu’à ce que leur chef d’escouade répète deux fois son ordre. Une fois le calme rétabli, il jeta un regard sur l’endroit putride : des cadavres de nymphes prêtes à éclore, éventrées par les fusils à impulsion, s’enfonçaient dans la fange. Quelques minuscules cloportes trottaient encore sur la vase. Il faudrait une équipe de lance-flammes pour effacer cette infection, songea t-il.

De nouveaux cris retentirent, bien plus violents ceux-ci. Des autres couloirs du carrefour convergèrent des créatures abominables, monstres à six pattes et à carapace chitineuse renforcée. Plus vifs que l’éclair, ils sautèrent au milieu des Tau pour mieux les décimer. De nouvelles rafales frénétiques des fusils brisèrent le thorax d’un des monstres, au moment où sa gueule allait se refermer sur le bras d’un novice. Trois guerriers de feu furent projetés à terre, un membre brisé ou le torse rayé par les griffes géantes. Les attaquants venaient défendre leur nid, et ils étaient arrivés en nombre. Tira’l échappa de peu au revers d’une paire de griffes blanches, et pointa le canon de son arme de poing sur la tête de son agresseur. Les micro-projectiles plurent sur la face osseuse et certains percèrent l’orbite, endommageant la cornée et la rétine. Hurlant de douleur, le monstre fit volte-face et disparut dans les galeries. Deux autres guerriers de feu tombaient au sol, où les bras crochus les attiraient dans les ténèbres. Jetant son fusil, empoignant son pistolet à impulsion et son épée tronçonneuse, le shas’ui hurla de sa voix autoritaire :

« -Kor’el, partez d’ici avec elle ! Si nous restons, nous y passerons tous !

-Pas question de laisser tomber !

-Ce n’est pas votre tâche ! Allez prévenir le haut-conseil, qu’ils fassent venir des équipês de décontamination, des stealth, du matériel de démolition. Qu’ils verrouillent l’aile nord !

-Et vous ? Que ferez-vous ?

-Nos frères d’armes sont tombés ici, nous ne les abandonnerons pas ! Maintenant, partez ! A chacun son devoir ! »

Sans discuter davantage, Fiash se retourna et rejoignit Tira’l, puis déchargeant une dernière fois leurs pistolets, ils disparurent dans le couloir. Le long de la structure métallique, les échos du combat furieux se répercutaient, tels des signes annonciateurs d’une bataille à venir.

Le sang battait avec violence aux tempes du chef d’escadrille, tout au long de sa course effrénée. Il n’était pas dans son élément, prisonnier du dédale de tunnels ventilés. En revanche, ce qu’il faisait à présent était ce pour quoi il était né. La transmission des messages, n’était-ce pas l’essence même de la caste de l’Air ? Lui et sa coéquipière filaient comme le vent, plus rapides que des photons, leurs jambes partant en avant si vite qu’elles frôlaient à peine le sol, ne prenant presque à pas appui sur le sol pour supporter leurs corps graciles.

Kor’el Xotes Fiash fut surpris de ne pas s’être trompé de route, tant leur envol dans les boyaux de verre fut brutal et précipité. Toujours est-il qu’ils se retrouvèrent à la salle de recyclage principale, d’où ils s’élancèrent sans prendre de repos. Le reste de la base devait être mis au courant au plus tôt, afin que les mesures à prendre soient effectuées.

Ils arrivèrent comme deux boulets de canon à l’entrée du tunnel convoyeur, un brin essoufflés. Comme Zar’yl Tirl’o l’avait expliqué, le passage était sondé en continu par divers capteurs de mouvements, de telle sorte que leur arrivée fut rapidement accueillie par la bande de chasse de réserve. D’un sas latéral, dont l’épaisseur des battants révélait une structure blindée, douze guerriers de feu en équipement complet s’avancèrent, tout en devisant gaiement entre eux. Leur chef, un combattant endurci à forte carrure, était plus petit que ses congénères, et pourtant moins trapu. Ses bras musclés – d’après les normes Tau- portaient un bouclier lourd et massif, bardé de plaques d’iridium, et son arme à impulsion, une sorte d’arme semi-automatique photonique, pouvait tout aussi-bien faire office de lance-grenades, d’arme d’appui lourd à répétition ou encore instrument de précision, selon les gadgets à ajouter au canon, et qui remplissaient son pack dorsal. Sa combinaison arborait de nombreux marquages tribaux qui trahissaient son appartenance à la colonie de Priam III. Les mêmes symboles se retrouvaient sur les plaques d’armure de ses subordonnés, mais plus discrétement. D’un bref signe de tête, il fit signe aux deux Kor de parler, puisqu’ils avaient visiblement envie de le faire !

« - Shas’ui F’rion, je présume ? commença Fiash. Il y a des zoomorphes hostiles… se sont infiltrés dans les conduits. Sans doute du genre que les gue’vesa nomment tyranide.

-Des bêtes insidieuses et discrètes, précisa Tira’l en hoquetant, happant goulument de grandes gorgées d’air entre chaque mot.

-Nous allons toutde suite prévenir le central, assura le shas’ui. Ti’levv ? »

L’un des guerriers de feu acquiesça et trotta de son pas lourd vers la casemate. Deux chuintements sifflants, et il passe le sas. Moins de cinq secondes après, sa voix inquiète déclare :

« -Impossible de se connecter, shas’ui. La connection vient de sauter.

-Curieux, maugréa le chef d’escouade. Il n’y a pas cinq minutes, il… »

Un cri de terreur suivi par la déflagration caractéristique d’un fusil à impulsion coupa court à ses réflexions. Du fond du couloir que les deux Tau de l’air venaient de quitter, une créature véloce, bavante, insaisissable, courait le long d’un mur, s’accrochant à la paroi de quatre de ses membres tandis que ses deux pinces claquaient.

D’autres shas’la imitèrent le premier d’entre eux qui avait cédé à la panique, et tous mitraillèrent le mur, le faisant disparaître dans un nuage d’un bleu intense. Avant que la surintensité ne se soit dissipée, la créature cauchemardesque jaillit hors du corridor, pas le moins du monde gênée par l’excès de lumière.

Il fallut une seconde rafale, cette fois coordonnée par un ordre bref du shas’ui, pour que le thorax chitineux de la bête vole en éclat. Achevant son vol plané en glapissant de douleur, elle s’écrasa au milieu des Tau, dans une gerbe de fluide vert.

Ajustant son col isotherme pour enfiler son casque, Shas’ui F’rion s’exclama :

« -Guerriers de Priam III, en formation ! Vous êtes ici pour défendre nos frères de Toregordabis. Honorons notre allégeance au Bien Suprême. Allez Kor, prévenir le Central. Nous tiendrons tant qu’il faudra. »

Les messagers opinèrent et reprirent leur course à travers les longs couloirs. Dès le poste technique suivant, ils trouvèrent ce qu’ils cherchaient : un terminal opérationnel. Mais les techniciens de la terre qui mettaient en place les programmes de défense des tourelles occupaient leurs places aux claviers. La logique aurait voulu qu’ils leur cèdent le pas, dès que les deux Kor leur eurent touché un mot de leur mission. Cependant le chef de service était un fonctionnaire assez obtus, et Fiash dut faire valoir son rang de Kor’el pour se faire entendre.

Avec une nervosité intense, il se mit à pianoter sur la console, expédiant un bref message rapportant la situation critique de la base :

+++++

Zoomorphes hostiles dans conduits aération et recyclage, premier contact depuis un quart de dec environ, présence probable depuis au moins 4 decs. Possibilités infiltrations. Secteur communication périphérique hors service. Plusieurs morts. Barrage d’urgence établi couloir A6X45. Assistance requise d’urgence.

+++++

Son front strié de rides en venait presque à ressembler à celui d’un éthéré, tant l’anxiété le rongeait. Il n’y avait rien qu’il détestait plus que l’attente ou les préparatifs. Ce qu’il aimait, c’était agir, avancer, progresser. C’était dans sa nature. C’était ce qui l’avait toujours poussé à faire son travail avec application : explorer des mondes, combattre dans l’espace et en haute atmosphère : œuvrer pour de nouveaux horizons. Vissé à son fauteuil, les mains moites, impuissant, ne pouvant entreprendre la moindre action, il lui fallait attendre. Patienter, le temps que l’opérateur lise son message, comprenne son ampleur et rédige la réponse. Compter mentalement les parcelles de temps qui le séparent encore de la seconde précise où la préparation réelle pourra commencer. Un bon centième de dec s’écoula dans l’angoisse, avant que la réponse ne lui parvienne :

+++++

Prenons les mesures qui s’imposent. Code d’alerte 7. Equipes envoyées.

+++++

Au même moment, la lumière diffusée par les néons s’éteignit, relayée par quelques bornes de phares rouges clignotants par relayage, de sorte que toute la scène se retrouva dans une atmosphère sombre, rougoyante, les ombres et la lumière glauque se succédant selon un ballet rythmé.

Les sytèmes superflus de la base avaient été réduits au strict minimum, à mesure que le dispositif d’urgence était réactivé. Les accumulateurs des canons ioniques camouflés sur les falaises extérieures montèrent par saccades jusqu’à atteindre la charge énergétique optimale. Une foule de paramètres montèrent ou régressèrent, s’harmonisant pour faire face aux nouvelles contraintes. Les portes à double blindage des cellules de survie s’ouvrirent les unes après les autres, dans une succession de claquements sonores se réverbérant dans toute la structure des quartiers de la ville troglodyte. Chacune comptait des coffres ignifuges contenant des rations de survie, eau et nutriments, en abondance, des armoires magnétiques renfermant tout un arsenal en grenades photoniques, pistolets à impulsion, chargeurs calorifiques et couteaux de combat, des combinaisons intégrales résistantes au froid, au feu, et dans un moindre degré, aux impacts balistiques ou directs. Les centres névralgiques de la cité, à savoir le cœur militaire qu’est l’académie locale, où sont coordonnées les opérations militaires ; le capitole ( plus les dépôts et entrepôts attenants ) où les Por organisent le ravitaillement, la répartition des rations, et l’acheminement de tout matériel ou élément, quel qu’il soit ; le spatioport à voie ouverte, par où l’escadrille de Kor’el Xotes Fiash était entrée le jour même, et qui faisait office à la fois d’antenne-relais vers les autres villes sous les montagnes, et de jonction en général avec le monde extérieur et la flotte orbitale ; le complexe moteur qui comptait la raffinerie, l’usine d’armement et de manufacture, les arsenaux, les garages d’entretien et les laboratoires ; en chacun de ces cœurs du systèmes se groupèrent des parties de chasse quadrillant le terrain, à la recherche de la menace annoncée. Des postes-clés s’établirent à chaque carrefour secondaire des axes de circulation principaux, gardés par des escouades de vétérans de Xotes, ou bien par des gue’vesa accomplis.

Modifié par Shas'o Benoît
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  • 4 mois après...

Désolé aussi pour le double poste. mais apparement je ne peux plus éditer : message trop long. une partie du texte d'avant a été perdu.

Désolé pour le bout amputé. Je l'ai rajouté au début de ce poste. Voici toujours une autre suite : attention, antériorité dans le passé !

Tout cela, Kor’el Xotes Fiash en avait conscience, alors même qu’il accompagnait les techniciens vers les niveaux supérieurs, tous courant dans le dédale de couloirs, pour arriver au blockhaus de survie le plus proche. Il savait que de quelques simples phrases allait être engendré un formidable mouvement d’organisation, de préparation, d’effervescence. Il ne ressentait que de la crainte, de la peur, de l’angoisse même, à l’idée que tout ce chambardement d’une ville bien organisée ne soit déclenché inutilement. La menace était-elle réellement si grande ? Oui, il en était sûr. Il ne fallait pas badiner avec les… « tyranides ». Les premiers rapports du front montraient avec une clarté confondante que jamais l’Empire Tau n’avait eu à affronter un adversaire aussi coriace et fourbe, capable d’un esprit retors défiant toute imagination. Même les humains s’étaient toujours battu en respectant une certaine forme d’éthique, quoi que celle-ci soit définitivement primitive et barbare comparée au code de l’honneur Tau. Mais enfin les humains ne tuaient pas par gratuité. Ici, les tyranides tuaient par un désir de frénésie boulimique. C’était le mal absolu, encore plus abject que les délires sanglants perpétrés dans l’Orkland. Une pointe d’ironie perça dans l’esprit ereinté du Kor : cette distinction ne lui était t-elle pas suggérée inconsciemment, parce que l’un des meilleurs auxiliaires de Xotes était orkoïde ?

Il fallait balayer toutes ces pensées qui ne l’amèneraient à rien de productif : le présent seul comptait désormais s’il voulait sauver sa vie. Sauver sa vie pour continuer à servir l’Empire, bien sûr. Tout comme dans le rete du domaine dirigé par T’au, les membres des cinq castes savent que leur vie ne compte pas vraiment, au regard du Bien Suprême. Et cette philosophie devait être inculquée tant bien que mal au sein des bataillons alliés.

Mais sur le Sept de Xotes, la pensée dominante y ajoutait une nuance. Séparé depuis trop longtemps peut-être du berceau de la civilisation Tau, Xotes et sa sphère d’influence ne considéraient pas l’individu comme un rouage dans une horlogerie. Chaque membre de l’Empire avait une vie, un potentiel, une conscience à préserver. Il avait un rôle à jouer, un service à rendre, une allégeance à honorer, certes. Mais son existence avait une valeur intrinsèque, qui ne tenait pas au Bien Suprême. Puisque le Bien Suprême, le Véritable Bonheur, le But Ultime, l’Idéal de l’Empire Tau, était le bonheur pour tous. Chaque personne avait le droit de revendiquer un minimum de bien-être et de respect, en tant que particule du grand tout fédéral, aimalcule dans l’être suprème, la zoosphère hypertrophiée et intersidérale qu’était l’Empire Tau.

Encore des pensées inutiles ! se rabroua t-il ; totalement superflu en période de crise. L’action devait primer sur la tergiversation. Les claquements secs d’une trentaine de capsules photoniques dans leurs clips d’attache le rappelèrent un instant à la réalité. Dans le bunker, autour de lui, tout un petit monde s’affairait : humains récemment convertis et portant encore le treillis réglementaire, quelques cygnides coulants aux yeux énigmatiques, de nombreux contremaîtres et ouvriers de la Terre, quelques négociants Por. Chacun endossait une combinaison protectrice avec les gestes de celui qui a suivi des exercices réguliers ; puis empoignait les petits filtres atmosphériques, à appliquer devant le visage en cas d’intoxication au gaz. En posant la main sur celui qu’il s’attribua, il se rappela avec émotion les informations diffusées sur la chaine fédérale, quelques kai’rotaas auparavant. Il revoyait presque en pensée les premières images diffusées de cet appareil, et entendait encore les commentaires du reporter : « Ce petit instrument manuel léger pourra peut-être vous sauver la vie. Mineurs de Xotes, shas’la en campagne ou colons sur mondes inhospitaliers, réjouissez-vous ! Les savants inventeurs de la caste de la Terre viennent de mettre au point le filtre atmosphérique universel, F.A.U., brevet n° 79364562655. Retenez-le bien, car c’est une merveille, bientôt produite à grande échelle, pour être expédiée dans chaque mégapole. Sa conception a donné bien du fil à retordre, étant donné qu’elle devait s’adapter aussi bien aux Tau qu’aux kroots, humains et autres cygnides… »

Les imbrications des plaques de métal protégeant genouillères et coudières, les petites intonations des antennes auditives et télévox, les claquements produits par dizaines, signes des suppressions des crans de sûreté sur les armes à impulsions, lancèrent une cacophonie à laquelle se mêlèrent les discours anxieux des Por, les murmures résiduels des cygnides, les gémissements des renégats humains… Et la voix un tantinet narquoise de Tira’l, malgré ses propres inquiétudes :

« -Par le Bien Suprême, mon cher Fiash, tu rêves encore ? »

Le petit groupe hétéroclite quitta le bunker aussi vite que possible, ses membres se dispersant vers leurs objectifs. Pour les shas et gueve’sa, les points de rassemblement militaires. Pour les civils, les zones de confinement. Pour les notables et hauts gradés, la salle de La’rua, où les décisions stratégiques étaient prises, ou bien la tour de contrôle aérien. C’était cette destination que devait prendre le Kor’el, en tant que l’un des plus anciens membres de sa caste. Il ne faisait pas le moindre doute que sa permission était levée.

Les longs couloirs rougis par les diodes clignotantes résonnaient des milliers de pas martelant le plancher en cadence. Il s’agissait, dans la cohue générale, de ne pas se tromper d’itinéraire. Fiash et Tira’l se serraient de près pour ne pas se séparer, bousculés par des jeunes recrues humaines qui se ruaient vers les postes de rassemblement. La Kor’vre faisait tournoyer quelques-uns des ses câbles avec nervosité, comme elle avait l’habitude de le faire quand elle redoutait quelque événement à venir. A l’inverse de son supérieur et ami, elle aurait préféré un combat spatial, impersonnel et froid, par duel de roquettes interposées, à une empoignade énergique entre chasseurs biplaces. Mais elle gardait son point de vue pour elle. Elle savait que leur devenir était lié, et que ses talents pour le pilotage en basse atmosphère ne pouvaient être gaspillés.

L’agitation atteignait son paroxysme. Les sirènes des hauts-parleurs crachotaient des communiqués toutes les cinq minutes, rendant compte de la mise en place des mesures d’urgence. Peu à peu la ville se verrouillait dans un état de siège indestructible. L’alerte maximale avait été décrétée, les panneaux extérieurs baissés. Plusieurs essaims avaient tenté d’investir les aires d’atterrissage avant que la milice ne parvienne à repousser la première vague, et que les lourds volets d’acier n’aient condamné l’unique entrée.

Désormais, la troisième ville troglodyte était fermée, d’une imperméabilité à toute épreuve. Elle serait leur bouclier – ou leur tombeau. Dans la lueur blafarde des projecteurs flageolants, les corridors interminables prenaient l’allure de nécropoles sans fin. Les salles devenaient des caveaux, les voies de communication, des allées funèbres.

La route principale était déjà obstruée par une ligne de guerriers de feu vigilants. Ils portaient l’uniforme du Sept de Xotes, capitale de la faction et centre du rayonnement du Bien Suprême dans tout le secteur. En signe de deuil, ils arboraient le noir profond réglementaire ; c’était une manière de signifier le déchirement qu’était l’isolement du sept de Xotes. Sur leurs épaules et leur casque, des marquages tribaux en or et blanc soulignaient leurs noms, leurs surnoms militaires, leurs slogans. Le shas’ui portait en outre plusieurs cordons et médailles, témoignant de son courage lors de la guerre d’Etablissement, qui remontait déjà à de nombreuses kai’rotaas. C’était, à n’en pas doûter, un illustre vétéran.

« -Nom, identification, origine, destination, énonça t-il sans préavis, la main crispée sur la crosse de son fusil à impulsion.

-Kor’el Xotes Fiash, et Kor’el Xotes Tira’l, pilotes de l’escadrille 8 du troisième Il’fanor en orbite, désignation « Tor’vra’gal’yth And’yr ». Nous allons au spatioport.

-C’est bon, répondit l’officier après quelques secondes. Passez. »

Les deux Tau de l’Air marchèrent d’un bon train à travers le cœur de la ville qui s’ouvrait à eux. Des dizaines de grandes rues partaient sur les flancs du tunnel central, qui drainait la population comme un fleuve absorbe les ruisseaux. La lumière intermittente commençait de s’harmoniser vers le violet, peu à peu renforcé, jusqu’à persister en une teinte d’un bleu intense. Les variations de luminosité disparurent, cédant le pas à un monde glauque, crépusculaire, recueilli. Les formes en ombres et bleu évoluaient en cadence, respectant des ordres précis. Seuls quelques individus semblaient hésiter, allant d’une ruelle à une autre. Une sorte de calme dans l’agitation s’établit. Le bourdonnement des moteurs générateurs, dissimulés au cœur du complexe industriel et minier, se rapprochait. La région la plus importante de toute la ville se déployait, sur une colonne de plus de vingt étages arborescents. Quelque part en dessous de leurs pieds, les turbines extractrices fonctionnaient à plein régime.

Fiash traversa plusieurs autres barrages de sécurité, se rapprochant toujours plus de son but. La foule s’était distribuée au fur et à mesure dans les différents couloirs, et il ne rencontraient plus que des gueve’sa égarés, courant front baissé, les mains sur leur fusil laser.

-C’est mon bras droit, elle reste avec moi. Comme l’exige le Ta’lissera.

-Excusez-moi, kor’el, répondit la voix ouatée du soldat, à travers sa visière hermétique. Vous pouvez passer. Que N’dras Arna vous éclaire.

-Vous aussi, shas’la. »

Leur route se poursuivit alors dans un quartier plus silencieux encore, jalonné de postes de surveillance où des drones de combat attendaient en silence. Franchissant un dernier escalier blafard, les deux retardataires arrivèrent à la salle de La’rua.

Les quatre murs polis renvoyaient l’éclat diffus dans lequel baignait l’atmosphère de ces lieux de si haute importance. Le seul mobilier étaient plusieurs larges fauteuils de bureau, et une vaste surface circulaire au centre de la pièce, autour de laquelle scintillaient de petites diodes multicolores. Trois dômes de matière cristalline tournaient au bout de longs manches filandreux, suspendus au plafond. Les sphères dégageaient une lumière vive, éclairant la scène d’ombres et de lumières découpées au couteau. Fiash analysa les visages présents.

Il reconnaissait les jumeaux Fio’o Drassa’rid, impeccables dans leurs combinaisons plastifiées. Les bras croisés, tels deux statues identiques, ils semblaient dormir dans un coma réparateur. Leurs yeux avaient été remplacés par des caméras dont les écrans veillaient sans relâche, capteur la moindre variation photonique.

La silhouette mouvante du Por’o Tra’divos tournait en rond le long des murs, les mains disparaissant sous ses longues manches ornées du symbole de sa caste. De ses lèvres tremblotantes sortait un flot continus de paroles à demi-voix, prononcées plus pour lui-même que pour ses spectateurs.

Le capitaine Nicassar Windarvinaesvine observait son manège avec un amusement non fin. Prélassé dans son siège luxueux, il tirait sans cesse de légères bouffées de sa longue pipe sculptée qu’il tenait à deux mains. Ses grandes orbites insondables clignaient de temps en temps, ses paupières diaphanes passant sur ses larges yeux comme des voiles éphémères.

Le patriarche kroot, Ur’zakil Tris’mardule, ignorait les faits et gestes de ses voisins. Assis dans une pose hiératique, il attendait que les paroles des Anciens se manifestent à nouveau dans sa conscience. Un long kriss en or massif pendait à son flanc, un pistolet à poudre était rangé dans un étui fixé sur sa poitrine, et une osrte de longue rapière édentée reposait sur ses genoux.

Le Por’o salua les nouveaux venus d’un signe de tête amical et leur fit signe à tous deux de s’asseoir à ses côtés, sur deux places libres. Le duvet de mousse expansée s’adapta à leurs corps, épousant leurs formes, juste assez pour les soutenir sans fatigue.

Seulement quelques secondes après leur arrivée, la lumière bascula dans l’ultraviolet, avant de revenir progressivement dans un domaine de longueurs d’onde visibles. Le disque central se recouvrit d’une nuée instable, grésillements impalpables de constructions lumineuses en suspens. La projection crépita un moment, avant que les photons ne s’agencent correctement. Plusieurs flèches s’imposèrent alors à la vue des observateurs. Ces pyramides tremblèrent pour se mouvoir, adaptant progressivement des formes plus identifiables. Petit à petit, le système holographique reproduisait l’intérieur de l’autre salle de La’rua, située au cœur de l’académie. Chaque cône principal de lumière représentait maintenant un des membres les plus influents de la base.

Shas’el Xotes Tireol se tenait debout à côté de son siège, la main droite osée sur le dossier. Il ne portait pas son exo-armure, comme il se devait en pareille occasion. Si une Crisis est impressionnante sur le champ de bataille, son pilote ne devait jamais oublier qu’il n’était qu’un membre d’une partie de chasse. Un membre-clef, certes, mais un simple instrument du Bien Suprême. Sa combinaison intégrale ne laissait à découvert que ses sabots ferrés d’acier, et la partie supérieure de son visage. Ses mains elles-mêmes disparaissaient sous le film protecteur, mais elle ne perdaient pas pour autant leur dextérité. De sa tête, on remarquait surtout les profondes balafres zébrant son front, et son visage mutilé à la peau lisse, presque savonneuse. Après sa première bataille contre les nécrons, les Fio avaient fait de leur mieux pour pallier à ses plaies mortelles, mais à la défiguration, même les intenses programmes de régénération ne suffisaient pas. Tireol avait toujours gardé un visage à la fois parfait dans sa texture vitreuse, et hideux en ses énormes marques traversant son faciès.

Il avait aussi conservé une haine froide et déterminée, vis-à-vis des guerriers nécrons. Son tourment avait été quelque peu apaisé au cours de sa vie de soldat. En tant que monat, il pouvait agir à sa guise, traquant l’ennemi de la manière qui lui semblait la plus appropriée. Tel un stealth, il progressait en silence, laissant parler ses armes quand il le jugeait opportun. Sur sa bandoulière, chaque entaille représentait un ennemi du Bien Suprême abattu, et la sangle était striée d’encoches de son épaule jusqu’à sa hanche, où pendait son pistolet à impulsion.

Avec les récents événements, sa colère avait rejailli, plus intense qu’autrefois ; il avait appris que la menace des Guerriers des Nécropoles avait réapparu, sur Tah’nara. Hélas, il était en garnison sur Toregordabis, à livrer son propre combat. Plus que n’importe qui d’autre, il aurait voulu dire sa façon de voir les choses aux mécaniques meurtrières. Seulement, il était retenu ici par son devoir, et que devoir ! La guerre dans les Montagnes d’Ellirian devenait chaque jour plus dure. Après les premières sorties, la menace tyranide avait rapidement cru pour gagner une ampleur inégalée.

Le capitaine Jason Trandural était un vieux briscard, pur jus garde impériale. Il portait un large manteau de cuir, aux manches ourlées d’un rouge vermillon. Dans une large ceinture en peau de serpent, il avait passé son pistolet laser, et une longue épée d’apparat, qui avait été taillée dans la mâchoire osseuse d’un silvaka gar. Une autre arme, bien plus redoutable, pendant dans son étui, suspendue en travers de son dos. Il s’agissait d’un éviscérateur, arme réservée aux officiers valeureux. Une casquette d’officier visée sur son front dégarni, droit comme un piquet, les mains croisées dans le dos, il attendait la suite des événements, ses yeux chassieux ne laissant plus transparaître la moindre émotion.

Il avait eu une vie bien remplie, depuis son enrôlement au sein des FDP de Gutaris. La garde de Fer de Gutaris était aussi sévère que celles des systèmes voisins, mais moins ancienne ; Pour rattraper les quelques siècles de retard, et gagner à leur monde un prestige indélébile, les maréchaux étaient donc obligés d’expédier leurs hommes au cœur des conflits les plus meurtriers. Selon les préceptes des commissaires, c’était dans le feu de l’action qu’un homme prouvait sa valeur. Pour renflouer les régiments décimés lors de la Waaagh de Trukard Snap’krân, le gouvernement de Gutaris avait décidé d’ériger une partie respectable de ses forces de défense en un nouveau régiment de la garde impériale. Engagé depuis seulement deux saisons, le jeune Jason se retrouva donc expédié dans les vastes transports de la Nauta Imperialis. Le long voyage à travers l’Immaterium donna aux cadets tout le loisir de mettre au point leurs quelques stratégies, et de peaufiner leur entraînement.

Leur première destination n’avait rien de réjouissant. C’était un monde agraire ravagé par les déprédations des orks, et trois régiments entiers de la Garde tentaient tant bien que mal d’enrayer l’invasion cataclysmique. Lors du débarquement dans le spatioport sécurisé de la ruche Primus, les recrues découvrirent un paysage ravagé par une guerre sans merci. Des quartiers entiers avaient été balayés par la fougue des peaux-vertes, qui proliféraient dans les bas-fonds en ruines. Inutile de décrire toutes les épreuves que les cadets rencontrèrent ; après ce premier baptême du feu, ils connurent bien d’autres dangers sur quelques autres planètes. Jason avait retenu les noms de ces cauchemars qui avaient fait de sa vie un enfer renouvelé à chaque nouvelle campagne : Thorar, Mandix, Bombaran… Après la purge de Jardanel, il avait été envoyé sur Toregordabis, avec ce qu’il restait encore de son régiment. Quarante années avaient passé, et tous n’étaient plus que des hommes brisés, dont toute perspective d’avenir semblait impossible. Après les innombrables horreurs qu’ils avaient connues, ils s’étaient demandés dans quel guêpier les « planqués » du haut commandement allaient les catapulter ; ils avaient la désagréable impression qu’ils auraient dû mourir au cours de l’une ou l’autre des batailles qu’ils avaient menées, et que l’administratum allait les expédier dans un monde encore plus mortel que les autres, pour se débarrasser d’eux définitivement. Quelle fut leur surprise, quand sur la barge de transport, ils découvrir un orbe d’un bleu translucide, voilé par quelques rideaux de nuages, et dont l’unique continent semblait flotter dans un océan de paix. C’était le reflet de Terra, telle qu’ils se l’étaient imaginée.

Toregordabis était alors un monde prospère et paisible, où il faisait bon vivre. Contrairement à bien d’autres domaines impériaux, il s’agissait d’un petit univers autonome. La production locale ne s’était jamais spécialisée, que ce soit dans l’armement, l’agriculture ou la bureaucratie ; Toregordabis était un monde capable de vivre en autarcie, du fruit de son travail. La population était inexistante, comparée aux mondes ruches classiques. Il ne s’agissait pas d’une foule anonyme et écrasante, masse souveraine annihilant toute forme d’intégrité individuelle. Non, ici, tout le monde se connaissait, ou peu s’en fallait. Le commerce interplanétaire n’existait quasiment pas, car le système de Priam, d’un intérêt stratégique mineur et de ressources réduites, ne tentait que quelques marchands sans ambition. L’administratum avait plus ou moins oublié ce bout de la galaxie, se contentant de savoir que les gouverneurs payaient bien l’impôt. Aucun trait d’hérésie n’avait jamais été répertorié, et les rapports de l’Arbites satisfaisants rapportaient toujours une prospérité confondante.

Mais si l’Imperium avait détourné son regard de l’étoile Priam, confiant dans son allégeance, il n’en était pas de même pour tous. A commencer par des bandes de pirates eldars, qui se faisaient commerçants à l’occasion, et qui s’arrêtaient souvent dans ces mondes verdoyants, sorte d’étape entre plusieurs civilisations exodites disséminées dans la région. Il y avait aussi quelques autochtones dont les coutumes locales pouvaient surprendre, mais, dont l’amitié et le pacifisme étaient encouragés par les gouverneurs.

En fait de gouverneurs, il ne fallait pas compter sur celui de Priam IV, qui ne régentait que quelques colonies minières et pêcheries. En revanche, celui de Malerne, dirigeant Toregordabis, rassemblait entre ses mains tous le pouvoir exécutif, et le répartissait entre ses quelques conseillers et hommes de confiance. Tout ce qui l’intéressait, c’était la tranquillité de son petit monde, aussi n’inquiétait t-il jamais les xenos de passage.

Et puis vinrent les Tau. Ils n’avaient pas du tout la même approche des choses ; le premier contact fut établi seulement dix ans avant l’arrivée de Jason. Des émissaires Tau, délégués par leur flotte, débarquèrent à Malerne sous le regard biaisé des sergents de l’Arbites. Après plusieurs entrevues, il s’avéra que ces xenos avaient établi plusieurs bases dans le sous-secteur. La situation évolua peu à peu d’un respect mutuel à un laxisme permissif ; puis d’un syncrétisme culturel commença l’assimilation de Toregordabis à ce que les Tau appelaient le Sept Xotes.

Quand Jason Trandural posa le pied sur le dock d’arrivage de la cité capitale, rien ne laissait présager une prolifération xenos. Vu de l’espace, la planète était semblable à n’importe quel autre domaine impérial. Ce ne fut qu’au bout d’une heure, après les formalités de débarquement d’usage, qu’il réalisa dans quel nid de crabe il était tombé ; au bout d’un jour, le constat était effrayant.

Le gouverneur, persuadé par quelque verbiage hérétique, avait vendu son âme aux xenos. Désormais Toregordabis, officiellement propriété de l’Empereur, était passée à l’ennemi. Les véritables maîtres étaient les ambassadeurs Tau, qui restaient toujours dans l’entourage de Ill Altus, le chef de l’autorité impériale. Plusieurs établissements Tau prospectaient dans les montagnes, une poignée de bourgades exclusivement habitées par des colons Tau jalonnaient les routes du nord-est. La population, séduite par les promesses d’amitié et de protection des xenos, avait vite accepté ce revirement. La pire des félonies, pensait alors Jason, était que les nouveaux dirigeants de la planète continuaient à encourager le culte impérial. Servir l’Empereur de l’Humanité, et embrasser la cause d’hérétiques, voilà le destin de Toregordabis que faisaient miroiter les Por. Ils insistaient sur une nécessaire soumission apparente envers l’Imperium, à commencer par la rentrée d’impôts. Il ne fallait pas attirer l’attention des Hauts Seigneurs de Terra sur la situation quelque peu ambiguë du monde. Mais d’après les dires des membres de la caste de l’Eau, les humains pouvaient toujours vénérer leur Empereur, s’ils le désiraient. Les Tau eux-mêmes s’engageaient à ne jamais entreprendre d’actions pouvant contrecarrer les intérêts de l’Imperium. Tout ce qu’ils désiraient, c’était une alliance de fait, garantissant un soutien mutuel en cas de menace extérieure.

Jason, après sa vie passée à oeuvrer pour defender l’état hyper centralisé et froid de l’Imperium, puis après avoir espéré trouver une sphere digne de ses rêves les plus fous, sombra dans une incrédulité horrifée, puis dans une haine farouche pour tout ce qui respirait sur Toregordabis. Comment pouvaient t-ils se permettre de poignarder ainsi l’Empereur, rejetant du même coup tout les sacrifices des gardes impériaux qui versaient leur sang pour garantir leur survie ? Dès le premier soir, les discussions allèrent bon train dans les tavernes des faubourgs de Malerne. Jason discutait avec ses anciens camarades de ligne, animé par une sorte de dégoût mêlé de rage. Sa colère se mua en détermination, au cours des jours suivants, quant il comprit que même parmi ses anciens subordonnés, nombreux étaient ceux qui acceptaient cet état de fait, ou qui acceptaient de tout cœur une telle collaboration avec l’ennemi. Certains, épuisés par leur vie passée, vieux avant l’âge, ne se sentaient plus la force de mener une nouvelle guerre. Puis, à un contre cent, qu’auraient-ils pu faire ?

Jason Trandural rassembla alors les fidèles des fidèles, c’est à dire ses bras droit, son petit état-major et les quelques douzaines de vétérans en qui il avait une confiance absolue. Ils jurèrent alors de défendre envers et contre tout les intérêts de l’Empereur, comme ils l’avaient toujours fait. Chaque nuit, ils se rassemblaient à l’extérieur de la ville, dans les canyons encaissés, pour mettre au point leur campagne de reconquête.

Dès le premier mois, les « Mains de l’Empereur » passèrent à l’action, assassinant un à un leurs anciens frères de gamelle, qui s’étaient si aisément laissés prendre aux pièges de la rhétorique xenos. Les conseils de guerre sommaire dans les granges succédèrent aux pelotons d’exécution rassemblés à la lueur de la lune, dans les déserts du sud-ouest. L’Arbites entreprit aussitôt de châtier les criminels, et décida de perquisitionner chez l’ancien capitaine du régiment, dont les effectifs fondaient chaque nuit. Mais Jason, prudent, avec un nom d’emprunt et ce qui restait de ses économies, avait acheté un lopin de terre dans les canyons, comme fermier hydroponique. Les quelques entrepôts désaffectés furent rapidement réaménagés en une caserne rustique où les membres de l’armée de libération se rassemblaient une fois par semaine pour des opérations d’espionnage et d’élimination. Seuls quelques uns avaient pu garder leurs armes comme souvenirs, ou en tant que récompenses pour conduite exceptionnelle au combat. Aussi formaient t-ils de petits commandos, qui réglèrent leur compte à une part non négligeable de la nomenklatura locale. L’Arbites captura plusieurs « Mains de l’Empereur » et les fit exécuter comme traître, ce qui conforta les rebelles dans leurs actions criminelles.

Un brillant homme, le sergent Macgriff, se débrouilla pour acheter à des trafiquants de passage du matériel militaire tel que pistolets et fusils laser, grenades frags, caisses de munition. Fort de cet approvisionnement, les sécessionnistes montèrent des opérations plus ambitieuses, massacrant des convois civils ou allant jusqu’à affronter des patrouilles des forces de l’ordre dans les faubourgs de Malerne.

Et puis un jour, des vaisseaux antigraves débarquèrent devant la ferme hydroponique. La base des rebelles avait été identifiée, et les Tau avaient attendu que les rebelles se soient réunis pour un nouveau briefing, afin de les prendre tous. Le complexe fut encerclé par des rangs de guerriers de feu et de gueve’sa, commandés par un shas’vre en exo-armure. Les xenos proposèrent une reddition honorable, qui Jason refusa aussitôt et à laquelle il répondit par un tir de laser.

Un rideau de grenades photoniques tomba sur les assiégés, réduisant leur défense au silence pour quelques instants. Une escadre de piranhas passa en rase-mottes, délivrant plusieurs bombes gazogènes. Une fumée vaporeuse se répandit sur le sol, imprégnant chaque recoin de la petite vallée. Les assaillants, protégés par leurs casques, avancèrent en rangs serrés, vigilants.

A l’intérieur de la caserne de fortune, la détresse était maximale. De nombreux gardes tombaient déjà à genoux, vaincus par les vapeurs. Une poignée tentant de s’échapper par une sortie désespérée, le doigt pressé sur la gâchette. Les grands boucliers des xenos absorbèrent les impacts laser et quelques projectiles ioniques expédièrent au tapis les révoltés. Restaient Jason, ses lieutenants, Macgriff et quelques autres, qui comme leurs chefs avaient eu le bon sens d’endosser des masques à gaz. Chacun adressa une dernière supplique à l’Empereur. La porte vola en éclat, éventrée par un lance-missile. Trois xenos entrèrent, salués par un déluge de rayons rouges, ricochant sur les pavois. Visant avec précaution, Trandural essaya de faire abstraction des nuages de fumée bouchant son champ de vision. Son tir frappa au bras l’un des guerriers de feu qui lâcha son bouclier, le coude en charpie. Le coup de grâce allait venir, quant un cliquetis métallique résonna dans le dos du capitaine. Se retournant, il vit trop tard la forme robuste d’un stealth tomber du grenier à travers une trappe vermoulue. La seconde d’après, une pince électrique l’atteignait au col et l’expédiait dans l’inconscience.

Quand il se réveilla, il se trouvait dans une cellule de confinement. Il était seul, dans une camisole, entouré d’un blanc impénétrable et perçant. Il y eut plusieurs visites. Des représentants de l’Arbites, des Por. Au début, Jason les traitait de traîtres et d’hérétiques. Il ne regrettait pas ses gestes, il jurait de recommencer. Toute discussion se terminait invariablement par les soupirs de ses détracteurs, refermant la porte blindée de sa geôle. Et puis, un changement imperceptible dans son esprit s’opéra. Il commença à prêter l’oreille aux verbiages xenos. Après tout, quel but poursuivait-il ? Quelle haine le poussait à détester ce qui était extérieur à l’Imperium ? Il dut reconnaître que l’Empereur n’avait jamais condamné les xenos. De fait, il comprit que seul l’Administratum avait intérêt à maintenir l’humanité dans cette haine incessante. Qu’étaient les hauts seigneurs, sinon des bureaucrates méprisants pour la plèbe d’au-delà des étoiles ? Les habitants de la bordure extérieure étaient d’ailleurs pour la plupart considérés comme des primitifs ou des dissidents en puissance. A la suite de chaque entretien, le malheureux capitaine était rongé par des dilemme intérieurs effroyables.

Comment un monde entier avait pu quitter la lumière impériale ? Comment pouvait-il douter de la parole gravée dans le marbre depuis un temps incalculable ? Bien vite l’incrédulité reprenait le pas. Non, il était impossible que l’humanité ait erré pendant dix millénaires dans un obscurantisme aussi terrifiant. L’Empereur ne ‘laurait pas permis. Comment une telle dénaturation de son œuvre aurait pu apparaître. Tout ce qui avait été forgé dans le creuset de l’Imperium étiat forcément le fruit de sa volonté. Cela ne pouvait faire débat.

Quel crime avaient commis les xenos ? Ils ne vénéraient pas l’Empereur. Mais pouvait t-on vraiment les en blâmer ? Ils n’en avaient pour la plupart jamais entendu parler. Qui leur aurait révélé sa sagesse ? L’Empereur, d’ailleurs, ne pouvait l’octroyer qu’aux humains. Il était leur Empereur, et son message était anthropocentrique. Il ne concernait pas l’avenir xenos.

La destinée de l’humanité devait t-elle vraiment se résumer à cela ? A massacrer des innocents, anéantir des civilisations, atomiser des planètes entières ? L’Empereur avait t-il voulu mettre à feu et à sang la galaxie ? Ou souhaitait t-il simplement rappeler à lui les colonies humaines dispersées de par la voie lactée ? Quel rôle devait t-il jouer, lui, Jason ?

S’il avait été xenos, comment aurait-il réagi ?

Il ne pouvait s’être trompé. Il ne devait pas s’être fourvoyé. Il avait toujours été sûr de savoir où était son devoir. Quelque part en lui, sa conscience lui soufflait qu’il avait eu tord. Mais il ne pouvait l’admettre. Peut être les poisons distillés par la bouche des xenos avaient troublé son jugement. Ce n’était pas un crime que de s’élever contre la barbarie xenos.

Et la barbarie impériale ? Il savait d’expérience que la vie de citoyen n’était pas toujours tendre. Il avait participé à plusieurs campagnes d’épurations sur des mondes a priori exempts de toute contamination chaotique.

Oui, si encore la marque du chaos avait été présente… Mais rien de tel sur Toregordabis. Seule une haine d’endoctrinement avait guidé son jugement. Il s’en rendait compte à présent. Les Tau, au contraire, auraient fait de biens meilleurs fidèles de l’Empereur que bien des hommes. Et en tant que xenos, ils pouvaient aider l’humanité, en ces heures difficiles. Parce que eux, au moins, haïssaient les Puissances de la Ruine au moins autant que l’Empereur les exécrait ; et les Tau, à ce qu’on disait, n’auraient jamais cédé aux promesses des Sombres Dieux. C’aurait été des alliés incorruptibles.

Un murmure en lui lui criait que s’il se repentait, il aurait alors à reconnaître la mort de nombreux innocents par sa faute. Rien que cette pensée le terrorisait. Lui qui toute sa vie n’avait cherché qu’à servir l’Empereur, dans la gloire et l’honneur, aurait été un bas exécutant de bouchers interplanétaires ? Criminel de guerre, xenocide. Tout se brouillait dans sa tête.

Jason Trandural, capitaine de la cent vingt-cinquième compagnie de Gutaris, expia ses fautes au solstice d’hiver de Toregordabis, là même où ses camarades étaient tombés, et où un mémorial avait été élevé. Il signa de sa main tremblante sa confession, et le pardon lui fut octroyé par les éthérés de l’Aun’artorl. Il ne lui fut jamais demandé de payer pour ses crimes, car le poids de leur souvenir suffisait. Cependant, pour alléger sa peine et redorer son blason, il demanda à participer aux conflits menés par le Sept Xotes. Il retourna donc à la vie militaire en tant que capitaine auxiliaire, plaçant désormais sa fierté à servir la confédération la plus hétéroclite et la plus bienveillante qu’il ait jamais vu. Le Haut Conseil de Xotes était plein de prévenance à l’égard de ses ouailles, ne manquant jamais d’offrir un repos réparateur aux travailleurs méritants. Le vétéran impérial avait trouvé sa place dans l’échiquier de la galaxie.

Modifié par Shas'o Benoît
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  • 2 semaines après...

Simple : lors de l'évacuation de Malerne, les Arbites ont suivi le mouvement. Genre ils allaient pas rester tout seuls à attendre les bouffeurs de monde en vadrouille ! :)

La suite :

Un nouveau cône de lumière apparut, révélant la forme drapée de majesté d’un éthéré. Les deux mains posées sur la crosse de sa lance de duel, il s’assit sur un des fauteuils, vibrant dans le flou derrière lui. Regardant tour à tour les membres du conseil, il acquiesça :

« -Bien, tout le monde est là. Il nous faut prendre des dispositions au plus tôt.

-A vos ordres, Très-Haut, répondit le Por’o.

-Il faut que l’état d’alerte soit maintenu jusqu’à ce que toute menace soit écartée. Quels sont les premiers rapports ?

-Tout le système de canalisation est condamné, annonça l’un des Fio’o.

-Les réserves en oxygènes pourront palier aux carences atmosphériques, assura son frère jumeau.

-Messieurs les Por, il faudra distribuer au bon moment le matériel adéquat.

-D’après nos calculs, poursuivit l’un des ingénieurs, l’air deviendra irrespirable dans cinq decs. Il faut d’ici là, résoudre le problème, ou puiser dans les générateurs à oxygène.

-Les bacs hydroponiques sont opérationnels ?

-Le rendement n’est pas encore suffisant pour entretenir toute la population, regretta l’un des Fio. Nous pouvons assurer soixante pour cent des besoins nutritifs et respiratoires.

-Cela devra suffire. Chacun sera restreint à la portion congrue.

-Avec les provisions dans les magasins, on pourra tenir une kai’rotaa.

-Déjà remarquable. Et vous Shas’el ? »

Xotes Tireol passa machinalement un doigt sur ses cicatrices, en répondant :

« -Les équipes stealth effectuent des reconnaissances dans le complexe de recyclage. L’ennemi se concentre dans les niveaux supérieurs. Des murs de béton ont été coulés à la hâte pour empêcher sa progression. Toutes les voies d’accès sont sous notre contrôle, et les guerriers de feu sont prêts à agir.

-Les troupes de l’Arbites et les milices aussi, déclara Jason Trandural.

-Vous participerez activement aux opérations de purge. Mais je veux que le gros de nos forces reste en retrait. Si l’ennemi venait à déborder une position, il faut être en mesure de briser son avancée. Mentor Ur’zakil Tris’mardule, vous et vos familles devrez accompagner chaque expédition.

-A votre service, répondit la voix rauque du mercenaire.

-Vos talents innés de chasseur nous serons très utile dans le labyrinthe de galeries. Nous comptons sur vous.

-Vous ne serez pas déçus.

-Et vous, Kor’el, quelles étaient vos assignations ?

-Eh bien, c'est-à-dire, commença Fiash.

-Je sais, la flotte est partie hors de l’orbite de ce monde. Puisque vous êtes coupé de votre formation, vous et votre escadrille serez désormais rattachés aux forces du feu présentes, et ce jusqu’au retour des croiseurs.

-Bien, Très-Haut.

-Vos propres compétences vous dirigent naturellement vers le combat aérien. Vous allez prendre en charge l’organisation des appareils de chasse, des escadrons de piranhas qui n’ont pas encore été répartis dans les groupes de chasse. Etant donné votre grade, vous avez toute latitude pour mener à bien vos missions. Votre priorité est la protection de la ville, et la protection des éventuels convois.

-A vos ordres, éthéré.

-Je ne saurais trop vous recommander la prudence et la réflexion. Nous ne pouvons nous permettre la moindre perte superflue. »

Fiash opina, et le Por allait prendre la parole quand une violente secousse retentit au loin, renvoyant une onde de choc jusque dans la salle du La’rua.

« -Le devoir nous appelle, dit l’éthéré. Shas’el, Kor’el, à vos postes de combat. D’où vient cette attaque ? »

L’un des Fio représenté sur une pyramide de lumière voisine annonça :

« -D’après les messages en parties parasités de mon antenne relais, la cible principale est la porte du spatioport. »

Sans plus attendre, l’éthéré signifia que le conseil était levé. Bondissant comme un chat, le patriarche kroot se précipita dans l’escalier, son sabre dans la patte. Les cônes lumineux s’éteignirent tous ensemble, et le chef d’escadrille salua les membres du conseil. Talonné par sa copilote, il se hâta vers le hangar où les Ignis-5 l’attendaient. Ses six subordonnés, alignés les bras dans le dos, patientaient également, échangeant des regards inquiets. Fiash inspira profondément, observant la scène : les carlingues fines et élancées des chasseurs luisaient sous les projecteurs de lumière rouge. Toutes traces des attaques acides lors de la sortie précédente avaient disparu, les plaques de tôles toute neuves resplendissaient dans la pénombre. Les paires de patins posés sur la dalle géante de béton semblaient trembler à chaque seconde, impatients de décoller. Les silhouettes minces des pilotes en bon ordre demeuraient droites, fermement campées sur le plancher.

« -Tout est-il paré ? demanda t-il.

-Affirmatif, répondit Ui Dar’talyth en réprimant l’envie irresistible d’épousseter ses épaules immaculées. Le gérant vient de partir avec les drones d’entretien. Ils ont fait le plein et réarmé les canons.

-Bon, nous partons sur le champ pour une sortie de reconnaissance. Le centrale ignore combien de sarcomorphes nous attaquent. Il s’agira aussi de causer le plus de dégâts possible, en prenant le moins de risques. Vous-mêmes, êtes vous prêts ?

-Comme vous le voyez, Kor’el.

-Alors, en chasse, messieurs ! Que les photons pleuvent ! »

Les cockpits amovibles se baissèrent par saccades, se verrouillant automatiquement sur leurs occupants. Tout en pianotant sur sa console, Fiash regardait les murs défiler : le tablier du spatioport remontait jusqu’au niveau de la porte, droit vers la bataille, dans une ascension irrésistible. Les moteurs des appareils de chasse vrombirent, les premières étincelles crachées par les réacteurs impatients. S’assurant une meilleure position dans son siège, il fit sauter une à une les sécurités de ses armes : la paire de drones salua par quelques messages binaires le rallumage de leurs I.A., les canons photoniques enclenchèrent leur processus d’échauffement, tandis que les deux missiles téléguidés et le désignateur laser de coque répondaient aux sollicitations par le biais de diodes clignotantes.

Tira’l achevait de connecter ses câbles d’interface dans les fiches de l’appareil. Chaque fil électrique avait une position bien précise, et se raccordait à une partie bien définie du vaisseau : système de guidage, système de stabilisation, acquisition de trajectoire, équilibrage, complexe moteur, et bien d’autres secondaires. A chaque branchement, uen série d’impulsions magnétiques et nanoélectroniques couraient dans les terminals pour rejoindre les terminaisons nerveuses de la pilote. Les signaux remontaient jsuqu’à son cerveau à la vistesse de l’éclair, embuant son champ de vision. Tout autre qu’un Kor expérimenté serait tombé dans le coma sous le choc, mais Kor’vre Tira’l avait appris à assimiler les messages encéphaliques. Coordonnant ses mouvements aux messages du chasseur, elle posa ses deux mains sur le manche, chaque fibre de son corps consacrée à sa tâche : la conduite du vaisseau.

Une lumière bien plus vive envahit le champ de vision de l’escadrille, comme le tablier se stabilisait brusquement dans un claquement sonore : ils étaient arrivés sur la piste. Devant eux couraient des Fio affairés, des drones mécaniciens, des guerriers kroots de garde ; plusieurs équipes de guerriers de feu en livrées noires encadraient les escaliers latéraux. Sur les côtés, deux paires de tourelles de canons ioniques rotatives attendaient, remplies de leurs équipages. En face des Kor, les portes blindées étaient encore fermées, encastrées l’une dans l’autre. Cela paraissait incroyable, mais elles semblaient avoir été martelées de l’extérieur. Dans un coin de l’immense grotte, la baie vitrée de la tour de contrôle apparaissait, comme un œuf de verre englobé par la roche et le métal. Dans chaque habitâcle résonna la voix un brin anxieuse de chef de la tour :

« -Escadrille 8 détachée de l’Il’fanor, « Tor’vra’gal’yth And’yr », vous avez l’autorisation de décoller, mais méfiez vous, il doit y avoir quelque chose derrière la porte.

-Bien reçu, chef de contrôle, over. »

Le grincement métallique abasourdit les mécanos quand les deux dalles titanesques se séparèrent, telles deux mains griffues s’écartant sur un ciel d’un bleu cendré. Aussitôt deux gargouilles s’engouffrèrent par l’embrasure en chuintant leur joie.

Les escouades de shas’la les pointèrent aussitôt et les grêles de p^projectiles bleus les pourchassèrent impitoyablement, à mesure qu’elles tournoyaient juste sous le plafond, et que les civils se précipitaient vers les escaliers.

Déjà les patins des Ignis-5 s’arrachaient du plancher, les moteurs antigravitiques bourdonnaient. Par l’écart entre les battants d’acier s’infiltra une masse gesticulante de gaunts affamés, grognant et piaffant. Il y en avait des dizaines, se ruant à toute vitesse vers l’intérieur du spatioport. Deux rangs de guerriers de feu à bonne distance tentèrent de les canarder, et Fiash hurla dans son micro :

« -escadrille 8, restez sur place ! On va s’en charger ! »

Les subordonnés approuvèrent, et les canons à impulsion en batterie, appuyés par les carabines à impulsion, fauchèrent sans pitié la masse hurlante. En quelques secondes, l’air ionisé trembla à vue d’œil, surchargé en énergie et en fumée. Une pile de cadavres de près de deux mètres de haut s’entassait entre les portes qui continuaient à s’écarter, délivrant un flot de tyranides toujours plus dense et plus large. Enjambant les corps de leurs congénères, escaladant les carapaces éventrées, les insectes de cauchemar semblaient innombrables, invincibles. Ils tombaient maintenant par grappes du monticule de charognes, allumant leurs bio-fusils avec un ricanement mauvais. Les tourelles ioniques mitraillaient sans fin les vagues de monstres qui se ruaient vers eux, pour dépecer les guerriers de feu en recul. Un hurlement à glacer le sang retentit dans la grotte à flanc ouvert, et la masse hideuse d’un carnifex entra, balayant les piles de membres rompus. La créature faisait dix mètres de haut, quinze de long, et fouettait de sa queue les rangs de ses serviteurs voraces. Elevant des bras démesurés armés de fouets tentaculaires, elle se précipita droit vers les chasseurs. Ses crachats de bio-acide faisaient fondre les plaques de tôles sur le plancher.

« -Attention, Kor ! Feu à volonté sur le gros ! »

D’un même ensemble, les canons ioniques des tourelles et les armes à impulsion des appareils de chasse se pointèrent sur le géant de chair. Obscurcissant l’atmosphère de traînées bleues fumantes et d’explosions aveuglantes, elles déchargèrent toute leur puissance sur le titan sanguinaire, qui vacilla sous le choc, mais n’en continua pas moins d’avancer. Une seconde salve partit, tandis que les rangs de guerriers de feu s’acharnaient sur les rangs grouillants des gaunts et que les kroots se massaient au pied des escaliers pour la riposte.

L’acquisition de la cible était terminée. Un point rouge apparut sur le front du carnifex, une fraction de seconde avant que le missile téléguidé ne quitte son attache. La déflagration phénoménale, suivie d’une explosion assourdissante, fracassa le crâne de la bête, qui s’affala de tout son long dans un gémissement. L’instant d’après, la voix sévère du chef d’escadrille hurlait :

« -C’est maintenant ou jamais, go, go ! »

Les cinq appareils décollèrent dans une embardée violente, canardant les nuées en dessous d’eux. Passer de l’atmosphère moite et embuée du spatioport à la vallée dégagée déstabilisa à peine les pilotes chevronnés qui se placèrent derrière leur chef pour un premier tour d’observation.

Le fond du vallon était recouvert d’un tapis de tyranides se houspillant, se serrant les uns contre les autres. Plusieurs bêtes à haute stature apparaissaient de temps à autre, émergeant de la marée colorée et puante. Au loin, les forêts et marais du sud exhalaient des fumées noirâtres, violacées, de lugubre augure. Les flancs des montagnes avaient été rongés jusqu’à la moelle, ne laissant plus apparaître qu’une roche nue et dure qui fondait encore, assimilée par quelques specimens gigantesques, usines sur pattes qui s’implantaient à intervalles réguliers et suçaient la pierre. Plusieurs groupes de créatures levèrent des pseudo-armes et déchargèrent plusieurs projectiles putrides en direction des Ignis-5, qui passèrent instantanément en vitesse de croisière pour éviter les jets compulsifs des traqueurs biomorphes. Ces sortes de tyranides immobiles, portés sur le dos de hordes de gaunts entières, ressemblaient à des caricatures de tours. Véritables colonnes de chairs frémissantes, ornées de dizaines d’yeux globuleux et de tentacules torsadées, les traqueurs soutenaient d’énormes canons chitineux, capables de se resserrer sous l’effort de muscles filandreux, et de se détendre d’un coup pour expédier des masses spongieuses, corrosives à souhait.

Mais le plus gros danger venait bien du nombre affolant des assaillants. Fiash comprit soudain que les tyranides avaient réussi à atteindre les tourelles de défense extérieures. Les batteries ioniques, pourtant fixées sur des pitons rocheux inaccessibles, ou sur le flanc de ravins à pics, étaient toutes en mauvaise posture. Les tyranides avaient formé des sortes de ponts de chair, composés de certains de leurs specimens sacrifiés. Les xenomorphes attrophiés étaient réduits à des sortes de lierres rampants et gluants, accrochés sur les parois abruptes. Les gaunts gambadaient sur leur dos, se collaient sur leurs appendices ou escaladaient leurs colonnes vertébrales interminables. Les échelles vivantes avaient poussé jusqu’aux bunkers les plus escarpés, et déjà des bandes entières de sarcomorphes s’agglutinaient à la surface des parois en vitre blindées, finissant par les briser sous leur poids, leurs crachats digestifs et leurs coups de griffes. Le Kor n’osait imaginer quelles scènes de carnage devaient avoir lieu dans les casemates, ou quel sort était échu où guerriers de feu postés là ; ils avaient vu lla marée arriver en quelques secondes, ils l’avaient pilonnée sans relâche. Ils avaient subi les ripostes dévastatrices des traqueurs, et avaient perdu certains d’entre eux dans la destruction de leurs canons. Et puis ils avaient dû assister à la suite de l’assaut sans rien pouvoir faire. Alors les tyranides étaient arrivés sur eux, avaient brisé leur protection et avaient pénétré dans leurs quartiers, dans un corps à corps terrifiant. Certains bunkers tenaient encore, et l’on pouvait voir les shas mitrailler les gaunts qui couraient sur eux, plantaient leurs crocs dans les Tau alors même qu’ils appuyaient encore sur la gâchette, ou bien les guerriers de feu débordés par le nombre étaient massacrés sur place, décapités, digérés vivant, balancés du haut des montagnes vers la cohue en contrebas. Plusieurs kroots arrivaient, repoussaient les assauts dans une première charge puis tombaient sous les morsures et les griffures. Alors les gaunts à peine rassasiés se ruaient par douzaine dans l’ouverture des casemates, et disparaissaient dans les profondeurs de la cité.

Serrant les dents, Kor’el Xotes Fiash incurva sa courbe vers l’extrémité de la vallée, puis fit un looping et revint à la hâte vers la falaise. Ses coéquipiers épousaient ses mouvements, fidèles et efficaces. De nouveaux tirs haineux dansèrent dans le ciel, touchant les ailes, les drones. Ignorant les voyants crépitant sur son pupitre, il visa soigneusement les blocs de roche surplombant la première des redoutes, et largua son dernier missile. La charge pulvérisa les blocs de roche, provoquant une avalanche de débris et l’effondrement du pic surplombant la zone. Les éboulis tuèrent ou blessèrent nombre de tyranides dans la vallée, mais le plus important était que la fissure était colmatée, du moins le temps pour l’ennemi de dégager le tunnel effondré.

Comprenant sa tactique, ses compagnons suivirent son exemple. A mesure que l’escadre passait dans le défilé, les missiles partaient à droite et à gauche, fracassant les blockhaus à fleur de montagne, tuant les pelletées de monstres qui s’y engouffraient, abattant parfois les derniers résistants de la caste du Feu. Les appareils de tête débarrassés de leurs engins téléguidés couvraient leurs collègues, ou bien ravageaient les hordes qui s’agrippaient aux escaliers vivants. Les carnivores poussaient des piaillements de désespoir, s’accrochant encore aux branches décapitées qui tombaient dans le vide, pour écraser des bandes dans la vallée. A la fin du passage, tous les postes de tir avaient disparu sous des tonnes de pierre. Un sourire triste aux lèvres, le Kor’el annonça :

« -Je n’ai plus de munitions pour mes drones, et à peine de quoi tirer quelques salves aux canons.

-Mon énergie est au plus bas aussi, confirma Ui Dar’talyth à travers le communicateur.

-On en a assez vu les gars, jugea le cehf d’escadrille. On rentre à la base remplir nos chargeurs, puis on repart. »

Dans une série d’acrobaties à couper le souffle, nécessaires pour esquiver les rafales à bout portant des tyranides, les quatre appareils atteignirent enfin le spatioport. L’entrée était presque totalement obstruée par les piles de corps à moitié rongés par la bave qui laissaient tomber les gaunts.

« -escadrille 8 au retour, lança Fiash, ouvrez-nous la voie ! »

Des paquets de membres tronçonnés tombèrent par lots entiers, repoussés par les tirs violents des tourelles internes. Une dernière salve, dans laquelle les Ignis-5 grillèrent leurs dernières cartouches, leur permit de passer d’extrême justesse, entre le plafond et la masse de corps. Aussitôt le dernier chasseur arrivé, les vérins des portes massives appuyèrent de tout leur poids, écrabouillant entre leurs mâchoires carapaces, dents, crânes, pattes et ventres dans un bruit de succion immonde. La masse palpitante des sarcomorphes bougeait encore par endroits, plusieurs gaunts essayant encore d’entrer par le sommet ou à travers la pile dantesque. Mais les rangs de shas veillaient au grain et éliminaient les intrus.

Le cockpit s’ouvrit lentement, tandis que le tablier redescendait vers les profondeurs. Retirant son masque respiratoire, le Kor’el eut son visage balayé pendant quelques secondes par les effluves dégoûtantes des monstres en bouillie. Il fronça sa fente centrale, horrifié.

Modifié par Shas'o Benoît
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  • 2 semaines après...

Wow de retour après une abscence de 8 mois environ, pour (entre autre) lire la suite de ton récit.

Je peux voir que tu te maintient, c'est toujours excellent !!

Continue Benoit, j'ai déja hate à la suite. :P

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  • 2 semaines après...

Salut Krack, heureux de te revoir parmi nous ( et surtout à ce sujet ! :wub::zzz: )

Une suite courte :

Pas question de traîner sur le tablier de décollage, aussi les pilotes quittèrent à la hâte leurs cockpits, croisant au passage deux équipes de guerriers de feu qui inspectaient le plaier de béton. Peut-être des créatures s’étaient dissimulées sous les corps de leurs confrères, qui gisaient encore sur le sol ?

Kor’el Fiash dégaina son pistolet Cygne et s’adressa aussitôt à ses coéquipiers :

« -Kors, nous allons regagner un zone de confinement le plus vite possible. La vigilance est plus que jamais de mise.

-Pas de debriefing ? s’étonna La Kal’os.

-Pas aujourd’hui, je regrette. Mais je suis fier de vous tous, vous vous êtes battus honorablement. »

Ils se dirigèrent au pas de course vers la sortie latérale, qui donnait directement sur le complexe d’habitation. Deux shas gardaient l’entrée, et les laissèrent passer sans perdre un instant. Ils traversèrent de nombreux couloirs, baignés dans la lumière clignotante des néons d’alerte. Fiash connecta quelques boutons sur son processeur d’acquisition, pour se faire confirmer la route à suivre.

« -Nous sommes mutés au baraquement 1-7-2-7, annonça t-il. C’est… par là. »

Passant un nouvel angle, ils débouchèrent sur une large place.

La grotte avait été si bien aménagée qu’on aurait pu se croire dans un bâtiment à ciel ouvert. Dans les murs, six alcôves abritaient des drones d’attaque, prêts à agir. De solides barricades entravaient chacun des trois passages partant de là, pour irriguer le reste de la base. L’air était lourd et surchargé en particules électriques, Tira’l dut ranger avec précipitation ses nombreux câbles connecteurs pour mettre fin aux décharges d’énergie statique qui l’assaillaient soudain.

Le long des barrages, des rangs de guerriers de feu en armures vertes attendaient, l’arme au poing, scrutant avec anxiété l’espace libre en face d’eux. La silhouette massive d’une exo-armure crisis les dominait, son canon à impulsion et son lance-missile encore fumants.

La route devant eux était constellée d’impacts sur les murs noircis, le sol était maculé d’une boue d’un vert lumineux, et les carcasses de nombreux gaunts tapissaient le plancher. Certain avaient même réussi à atteindre la première ligne de défense, s’arc-boutant sur les bidons, griffes plantées dans le plastique, mais ils avaient été abattus à bout portant au moment même où ils allaient bondir en avant. Leurs formes recroquevillées, le visage figé dans une expression grimaçante, décoraient les digues improvisées.

Un sifflement lointain retentit, réveillant les défenseurs de leur attente inquiète. Une nouvelle vague de tyranide avançait, de toute la vitesse de leurs nombreuses pattes nerveuses. Ils grognaient, raclaient le sol, bondissaient des mur en mur, dans un concert de cris et de coups. Sur un signe du shas’ui qui les commandait, les natifs du monde de Toregordabis ouvrirent le feu. Un rideau d’explosions d’un bleu intense aveugla les monstres, tout en perforant leurs carapaces. Par-dessus le premier rang mis à mort, les suivants passaient, redoublant d’ardeur. Les créatures de tête étaient immolées, sacrifiées pour permettre au gros de la marée d’avancer. La crisis se campa fermement sur ses jambes articulées et déchargea ses chargeurs sur la masse hurlante, ses systèmes auxiliaires les rechargeant à la hâte pour une nouvelle salve. Pourtant cela ne semblait pas affaiblir un tant soit peu l’assaut ennemi. Sur un ordre silencieux, les drones de combat déboulèrent hors de leurs abris et se mirent à tournoyer au-dessus des barricades, leurs carabines crachant lumière et ions en cadence. Les gaunts répliquèrent part quelques tirs sporadiques de bio-acide, dont aucun ne parvint à atteindre les cibles mouvantes. Malgré leurs pertes, ils avançaient toujours, de plus en plus proches. Fiash éleva son pistolet et tira un coup, imité bientôt par ses copilotes. Les traits d’un jaune lumineux percutèrent deux des biochasseurs, qui s’effondrèrent dans la boue de leurs prédécesseurs défunts. La crisis se tourna une fraction de seconde vers les Tau de l’air, et sa voix rugit à travers son système respiratoire :

« -dégagez, Kors, ceci n’est pas votre place ! Laissez les shas faire leur devoir, et allez remplir le vôtre ! Maintenant, ou il sera trop tard ! »

Le Kor’el recula vivement, mais hésitait encore ; le guerrier vétéran ajouta, sur un ton pus calme et plus ferme à la fois :

« -Je suis Shas’vre Chi’nas Fu’ris, et j’ordonne à tous les civils encore ici présents de s’en aller ! pour le Bien Suprême.

-A vos ordres, shas’vre, obtempéra Kor’el. Pour le Bien Suprême. »

Les Kor disparurent bientôt par un autre couloir d’accès, laissant les guerriers de feu face à leur destin.

Enfin ils étaient prêts, livrés à eux-mêmes. Dans leur élément, pour ainsi dire : au cœur des combats, guerriers contre guerriers, dernier rempart de la civilisation. Fu’ris n’avait même pas besoin de haranguer les troupes, ils savaient que tous étaient conscients de l’insigne honneur qui leur était fait : ils allaient pouvoir montrer une fois de plus qu’ils étaient fidèles à leurs engagements. Et que leur sept, quoique jeune, n’avait rien à envier de la maison-mère de Xotes, pour ce qui était du courage et de la pugnacité.

Ils avaient maintenant mal aux doigts à force d’appuyer sur la gâchette, autour de leurs sabots, des grappes entières de chargeurs vides tombaient cliquetant, leurs yeux embués fatiguaient sous les violentes explosions photoniques, tandis que l’air vicié, saturé en ions, agressait leur gorge et leur fente nasale. Ils n’en avaient cure, ils étaient décidés à tenir.

En dépit de ses morts innombrables, la horde avançait encore, escaladant déjà les poutrelles et bidons, quand six silhouettes fantomatiques s’approchèrent sous le couvert des guerriers de feu.

D’un même mouvement, les drones s’écartèrent d’un large écart circulaire, les shas s’abritèrent derrière les barrières. A travers la brume ionique de la salle, les nouveaux venus arrivèrent dans le rugissement des propulseurs, laissant derrière eux des traînées de fumée floue. Le moindre de leur geste disparaissait sous un voile dissimulateur, de telle manière qu’il était impossible d’appréhender leurs actions. Chacun d’entre eux portait une combinaison imposante, et pourtant ils évoluaient avec une vitesse et une grâce à faire pâlir un vautour kroot. Elevant leurs canons à impulsions, ils mirent en joue les envahisseurs.

« -Enfin, shas’vre Chi’nas Daru’il, vous arrivez à point nommé ! remarqua Chi’nas Fu’ris.

-Comme toujours ! » répondit le chef d’équipe en ouvrant le feu.

La grêle de projectiles semi-solides percuta l’avant-garde de la vague de plein fouet, éventrant crâne, poitrine, thorax et abdomen dans une rage débridée. L’exo-armure crisis relaya la première rafale en massacrant les cinq créatures les plus proches, qui rampaient encore sur le sol. Pour la première fois, les suivantes parurent hésiter.

Les drones d’attaque épaulés par les guerriers de feu ripostèrent à leur tour, envoyant au tapis dix nouveaux arrivants, tandis que les exo-armures enjambaient la barricade pour mieux donner la mort. C’était maintenant une pluie drue et d’une précision mortelle qui tombait sur les biochasseurs, dont certains tentèrent de répliquer avec leurs appendices balistiques. Cela ne fit qu’accélérer leur mort, en les empêchant de s’enfuir avec le reste. Pataugeant dans la mer de corps en bouillie, les stealth s’élancèrent à la poursuite des gaunts, les canardant sans relâche. Le bruit des rotations des canons s’accompagnait invariablement des glapissements de douleur des créatures immondes, jusqu’à ce que la dernière s’effondre, à moins de deux cents mètres du carrefour.

« -C’est bon, compagnon, le tunnel est sécurisé. On rentre vite fait au point de jonction. »

Les guerriers de feu consolidaient la barricade, présentant que ce nouvel assaut serait suivi de bien d’autres encore. Un droïde d’entretien passa pour leur rapporter des chargeurs pleins. Shas’vre Chi’nas Fu’ris nettoyait les abords avec son lance-flamme, enrobant les cadavres des envahisseurs de langues de feu. Incinérer les corps était la meilleur moyen de débarrasser le conduit de ces abominations, en dépit des odeurs âcres de la fumée. Quand les stealth passèrent le cordon de sécurité, il ne restait plus que quelques dépouilles roussies, dernières traces de l’affrontement précédent. Le chef des stealth s’apprêtait à rejoindre l’arrière-garde, quand un nouvel ordre grésilla dans les processeurs tactiques :

« -Nouvelle vague détectée, restez vigilants. Vous envoyons renforts, arriveront dans quelques minutes.

-Les choses se corsent, on dirait » nota Daru’il. Il s’assura que son fuseur était bien opérationnel, puis rassuré, fit signe à son groupe d’attendre, à côté des réduits des drones. Il ne s’était pas encore servi de cette arme, mais il était certain que cela ne tarderait pas.

Ulark Vandarzull écoutait à peine les bruits de pas des lourds guerriers de feu sur le sol d’acier ; il n’y avait plus pour lui que l’obscurité, l’ombre et la lumière, le tout se mélangeant dans un flou merveilleux. Autour de lui, ses frères et sœurs de clan lâchaient quelques hululements sinistres, la sueur odorante suintant sur leurs corps élastiques. Le vieux mentor fit quelques moulinets des bras pour détendre ses muscles tendus. Il sentait l’odeur omniprésente de la peur se répandre. Il sentait les balles à poudre primitives s’entrechoquer dans leur étui à sa ceinture. Il sentait le fil de son épée acérée fendre l’air dans son dos, se balançant au bout de son harnachement. Il sentait aussi sa crinière de plumes tombait sur son échine frémissante, tout comme la vingtaine de paires d’yeux obliques fixés sur lui, épiant le moindre de ses gestes. Il pouvait sentir monter autour de lui la colère, l’impatience, la rage du combat, la faim et la rapacité, et bien plus encore, comme un désir sourd et profond, montait la soif évolutive, le besoin irrépressible et insatiable de se repaître de leurs ennemis, pour absorber leur valeur… Il savait que le Shas’ar’torl avait déconseillé toute opération de ce genre sur les bio-chasseurs tyranides.

Ulark le mentor ferma les yeux, percevant les échos des cris de ses ancêtres. La soif de sang et de chair montait, insoutenable. Cette même soif insipide qui avait presque causé un schisme, tant d’années auparavant, alors que les colons du Sept Tau n’avaient pas encore mis le sabot sur Xotes. Mais qu’y pouvait t-il ?

Les voix des ancêtres montaient en lui, comme autant d’appels au banquet funeste. Ils l’encourageaient, lui ordonnaient de le faire. Il en allait de leur survie à tous. Comment les Tau pouvaient t-ils espérer survivre sans s’adapter ? Ce n’étaient pas leurs inventions sophistiquées qui leur donneraient la force, la puissance du Faucon kroot. Ou encore la liaison avec les esprits des morts.

L’espace d’une seconde, les ombres fugaces des mentors qui l’avaient précédé apparurent devant lui, comme des spectres lumineux, menant eux-mêmes la charge. Ulark sentit l’air emplir ses poumons, sans qu’il n’y puisse rien. L’oxygène se répandait dans tout son être, ses yeux se révulsèrent, et pourtant il courait toujours, plus vite que jamais, le moindre tendon de son corps prêt à se rompre.

Chi’nas Daru’il sursauta, tremblant jusqu’au plus profond de son âme, en entendant l’abominable rugissement qui résonnait dans le couloir d’accès. Au bout de deux centidecs, les visocapteurs de son exo-armure repérèrent la bande de mercenaires kroots, qui couraient dans leur direction. De vrais sauvages, assoiffés de sang. Ils bondissaient, hurlaient, piaffaient d’impatience, brandissant leurs fusils et leurs couteaux de chasse. Si une force dans l’univers était capable de vaincre la menace tyranide, se dit-il, elle ressemblerait sûrement à cela. Passant devant les stealth sans même leur avoir prêté attention, les carnassiers sautèrent par-dessus la barricade et les guerriers de feu embusqués, ce qui ne prit pas plus d’une seconde. Shas’vre Chi’nas Fu’ris frémit en voyant les barbares sanguinaires foncer droit sur lui, se demandant un instant si malgré l’exiguité du tunnel, il ne devrait pas mettre en marche ses propulseurs. Trop tard. La meute passa sur lui comme un raz de marée, sans lui porter le moindre coup. A droite, à gauche, devant, derrière, et même au-dessus de lui, tout n’était plus que masse musculaire couverte de sueurs d’un noir de jais. Il ne pouvait pas le voir, mais maintenant que les kroots étaient loin, son exo-armure ruisselait d’un fluide semblable à du cambouis. Comprenant avec un éclair de fulgurance que ces auxiliaires risquaient de se retrouver isolés, il cria :

« -Défenseurs de Chi’nas, en formation de combat, au galop ! »

Les guerriers de feu passèrent par-dessus la barrière sans tarder, essayant d’adopter l’allure effrénée de leurs prédécesseurs. Mais même le chevalier crisis n’était pas assuré de les rattraper à temps.

Il retint un juron peut respectueux pour le mentor. Il n’était pas dans les habitudes des shas que de foncer tête baissée. Tout commandant qui se respectait se devait de suivre un plan précis, pour éviter au maximum les pertes de temps et de munitions. Ainsi que les morts. Les relais tactiques passaient mal dans le réseau de couloirs, malgré les nombreux postes-com disséminés dans la citadelle. Pourtant la friture ne suffit pas à empêcher plusieurs images de s’afficher à trois centimètres de ses yeux.

Bien qu’il ne puisse pas les voir, le rapport l’informait d’une formation d’environ deux cents gueve’sa sur leurs talons, prêts à les soutenir. Une brigade, dirigée par un bon élément, le caporal Julian Halranam. Le shas’vre enclencha mentalement le processus d’envoi vocal, sur canal principal :

« -Shas’vre Chi’nas Fu’ris du poste 104, à toutes les unités sous mon commandement ! Tentative d’approche du nid tyranide le plus proche, soyez sur vos gardes, mais ne ralentissez pas ! »

Quelque chose au fond de lui lui disait que cette expédition avait déjà mal commencé. Il commençait à avoir du mal à maintenir le rythme, sur ce terrain glissant. Le sol était jonché de bouts de cadavres et recouvert d’un épaisse couche de fluide vitaux d’un vert gluant. Il avait besoin de toute son habileté et des ses compensateurs de mouvements améliorés pour réussir à conserver son équilibre, tout en gardant une vive allure.

Ulark Vendarzull souleva un crâne de termagaunt dans sa main noueuse, reniflant avec intérêt les effluves écœurantes sortant de sa gorge transpercée. Autour de lui, ses fils, filles, frères, sœurs, cousins et cousines attendaient son verdict. Certains restaient debout, léchant leurs blessures, d’autres accroupis sur les corps encore secoués de soubresauts, finissaient au couteau leurs victimes. Malgré toute leur combativité, ces ennemis n’étaient pas comme tous ceux qu’ils avaient déjà rencontré ; même les jus visqueux sur les parois n’avaient pas de signification à ses yeux. Ces abominations semblaient n’avoir d’autre but que de dégoûter autant que possible leurs adversaires. Mais il en fallait plus pour effrayer un kroot, ricana le mentor en retournant la tête décapitée dans sa paume.

Un imperceptible mouvement dans son dos l’alerta ; l’un des termagaunts n’était pas mort, et venait de bondir. Dans un mouvement tournant admirable, Ulark vociféra dans le kroot le plus pur que les intonations de sa rage renouvelée durcissaient encore plus :

« -Retourne à tes ancêtres, si tu en as jamais eu ! »

Tandis que la tête ovoïde qu’il tenait retombait sur le sol, l’eviscerator, dont la lame dentelée luisait déjà d’un sang puant, sabra la bête, tranchant en deux le crâne et le cou pour s’enfoncer dans la cage thoracique. Satisfait, il retira son épée du cadavre d’un mouvement hâtif du pied, puis lécha de sa langue en pointe le plat de l’épée à deux mains : âcre et pourri.

« -On continue, cracha t-il.

-Pas de Festin ? » demanda une kroot à côté de lui, dont l’épaule avait reçu un coup de griffe chitineuse. Ulark sentait son dépit, ses narines plus que ses yeux lui laissaient transparaître le désir de vengeance : elle voulait être dédommagée de sa blessure. Mais ces dépouilles, peut-être dignes d’un kroot, étaient décidément abominables. Le mentor sourit : le genre d’abomination qui ne pourrait que renforcer l’esprit combatif de sa famille. Il hocha de la tête :

« -Vite alors, les Tau ne tarderont plus. »

Modifié par Shas'o Benoît
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  • 3 semaines après...
  • 3 mois après...
  • 3 semaines après...

Pas d'édition ce coup-ci, étant donné que le dernier message remonte à quelques semaines... Je poste une courte suite où l'on repasse sur un autre champ de bataille :

Quelque part dans l’inconscient collectif de l’esprit de la ruche, un sentiment indéterminé monta, occupant peu à peu une part non négligeable de sa psyché. Une sorte d’émotion sous-jacente, une approximation de peur faisant frémir toutes les créatures synapses. Avant que le chaos ne se soit emparé de la colonie, l’esprit de la ruche avait de nouveau rassemblé ses idées. Non, la ruche Fafner ne mourrait pas ainsi…

Elle allait s’accrocher avec l’énergie du désespoir, partout où elle le pourrait, infestant le moindre recoin du vaisseau-monde, répandant son insidieuse présence dans chaque fissure. Elle ne disparaîtrait jamais tout à fait.

Narillo, grand-prophète défunt, ancien seigneur d’Aewilsir, liseur des fortunes, occis lors de la neuvième Croisade Noire du Fléau, arraché au réseau d’infinité par le sang de Milidonyr, ramené dans le monde des vivants pour combattre à nouveau, sentit avec une acuité surpassant largement sa vision du combat, qu’un vent de trouble avait balayé les rangs des tyranides. Mais cela n’était qu’une onde passagère, à peine capable d’évoquer quoi que ce soit pour la plupart de ces cervelles insensibles au warp.

Le seigneur fantome tourna lentement sa tête massive vers ses frères endormis dans une éternité de souvenirs mêlés de la réalité urgente et tiraillante. Rassemblant les bribes de sa pensée dissolue, il parvint à reprendre une emprise cohérente sur le monde matériel. Une flamme psychique d’un bleu intense inondait tout son corps artificiel, lu iconférant un halo mystique. Il fit un pas en avant.

Le canon stellaire juché sur son épaule droite trouva tout seul sa cible, une sorte de carnifex bouffi décimant les rangs des gardiens avec ses armes biologiques. Le trait de lumière perfora la panse de la bête qui gémit de rage, mais n’en poursuivit pas moins son massacre. Narillo, tout en égrenant les chants funèbres de son vaisseau-monde pour le repos des morts, avança résolument vers son adversaire, son sceptre de runes fermement brandi dans sa main osseuse.

A ses côtés, un archonte dirigeait une escouade de conscrits, dont la plate-forme relachait en continu un jet de shurikens sur les hormagaunts assoiffés. La cohue de la bataille était indescriptible. Au milieu de la masse de combattants insectoïdes, on apercevait parfois les formes indistinctes des guerriers aspects menés par leurs exarques impitoyables. Quelque part, loin dans les couloirs baignés de lumière et de fluides vitaux, la résonance d’un duel mental entre le grand prophète Milidonyr et un zooanthrope particulièrement puissant arriva jusqu’au seigneur fantôme.

Le carnifex brandit ses deux orifices buccaux, crachant tous deux un jet d’acide corrosif. Narillo répondit par une vague de flammes issues de son poignet, appuyée par sa psalmodie enchantée. Le carnifex nimbé de feu ignora ses brûlures et le percuta de plein fouet, enfonçant une de ses cornes dans la jambe gauche de la machine de guerre eldar. Narillo ressentit avec exactitude la pointe perforer la cuisse de psycho-plastique, et son esprit se serra. Soulevant son sceptre, compagnie de centaines de batailles, et le planta dans le dos du monstre avec tant de force que la créature gigantesque se retrouva plaquée au sol. Les runes sacrées du bâton sifflèrent avec protestation, certaines des gemmes brûlèrent ou noircirent, tandis qu’un vent de feu iridescent parcourait le manche et s’introduisait dans le corps du monstre, dévorant les chairs et la chitine en quelques secondes.

Enjambant la carcasse fumante, le seigneur fantôme balaya de son lance-flamme la vague de lictors qui s’avançait autour de lui, bientôt appuyé par des escouades de faucheurs noirs. Profitant d’une seconde de répit, son esprit s’envola à nouveau. Les piliers du Hall du Conseil étaient pour la plupart griffés ou fissurés, certains s’étaient effondrés. Le dôme opalescent, percé en plusieurs endroits, crachait des vagues de gargouilles hurlantes. Entre les marches des grands escaliers, les bandes des tyranides affrontaient les eldars dans un combat à mort, gardiens contre gaunts, banshees contre lictors, scorpions contre genesteelers. Dire qu’en ces lieux, le peuple d’Aewilsir avait tenu la plupart de ses audiences ! C’était ici que les décisions politiques et sociales étaient prises, ici que la démocratie eldar s’était perpétuée depuis toujours. Entre les autels du savoir et les statues des grands prophètes d’antan, la lie de l’univers se déversait à présent.

Aux pieds de la Haute Tribune, l’Avatar s’avançait, intrépide, son corps magmatique détruisant les charognards affamés. Levant bien haut son épée dentelée couverte de sang vert et de bave, le seigneur du sang et de la guerre, Khaine à la Main Sanglante, s’approchait d’un groupe de guerriers tyranides claquant de leurs mandibules. Dna sun hurlement bestialà glacer le sang, le dieu de lave fendit leurs rangs, brisant les crânes, déchiquetant les corps, hurlant sa rage et sa soif de massacre.

Narillo frissona jusqu’au plus profond de son âme, et des larmes perlèrent de son visage de psycho-plastique. Il fut un temps où la race eldar était jeune, avec un avenir devant elle. Il fut un temps où la paix et la beauté allaient de paire, et où la mort était bannie.

Ce temps était révolu.

La beauté allait maintenant de paire avec la mort.

Des milliers d’âmes eldar poussèrent leur soif de revanche, leur cri de guerre déchira la sérénité du réseau d’infinité, et occulta pendant plusieurs secondes l’ombre de la ruche. Brandissant fusils, lames, sabres, haches et lances, le peuple d’Aewilsir chargea la horde tyranide, portant une fois de plus la douleur et la souffrance dans ses rangs. Au milieu du combat enragé, du face à face titanesque entre la race la plus sophistiquée de la voie lactée et l’espèce la plus barbare d’outre-galaxie, les hautes silhouettes élancées des seigneurs fantômes se découpaient, premières à donner la mort, tandis que derrière eux, les rangs glacés des gardes fantômes recouvraient les marches brisées du Hall du Conseil.

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  • 1 mois après...

Alléluia ! Et tout juste un mois avant que je le découvre ! Shas'O Benoit tu es un génie de l'écriture !

Ce moment de lecture était envoutant, même si court ! Enfin, je vais me lancer sur tes autres récits, tu vaux vraiment le coup d'être lu !

[par contre je ferais juste la critique stupide : tu répète très souvent certaines expressions, comme "l'énergie du désespoir" ici :mrgreen: ! Voilà, juste pour être chiant !]

Modifié par Snake046
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  • 3 semaines après...
  • 1 mois après...

Le soleil disparaissait sur la côte ouest du contient central, embrasant l’air chaud de Priam IV, petite colonie impériale jamais fichée dans les annales, et déjà convulsée par les affres d’une guerre sans espoir. Les falaises déchiquetées de la côte, morcelées par de larges bandes de sable, accueillaient le retour des oiseaux marins et des reptiles volants. Les criques escarpées offraient d’infinis abris aux volatiles en tous genre, le temps que la lumière revienne.

Deux moteurs vrombissants retentirent, brisant le silence du vent marin. Un œil attentif aurait pu discerner deux véhicules hétéroclites, remontant les crêtes avec maladresse, évitant les rafales de vent, tourbillons de sable et éboulis dangereux de la falaise. Mais aucun œil exercé n’était là pour les voir. Les buggies roulaient dans l’indifférence la plus complète des rares chiroptères et autres avisaures, juchés sur leurs rochers couverts de fientes.

Figifer essuya les lentilles de son casque, avec ses doigts lourdement gantés. Le sable commençait à s’y incruster pour de bon. Fichue planète. A sa gauche, Azerius pilotait de son mieux le massif engin. La taille du guidon correspondait à la carrure d’un space marine, mais le moteur semblait réticent à marcher, commandé par un non peau-verte. Etalé sur la banquette arrière, à moitié occupée par une grosse arme du calibre d’un autocanon, Glurdius se remettait sans problème de son intoxication passagère. Il en fallait plus pour venir à bout de son organisme. Avec une manie caractéristique de l’endoctrinement space marine, il révérait, polissait et contemplait son bolter. Le bolter, qui était l’instrument par lequel la justice de l’empereur était portée.

A une dizaine de mètres d’eux, secoués par les soubresauts de l’autre machine crachotante, Eneriel, Stradix et Furminael suivaient la même route. Figifer ne leur prêtait guère attention. Il utilisait ses facultés hors normes de surhumains pour ficher, référencer et optimiser les souvenirs des dernières heures. Il se rappelait chaque seconde, un renseignement engrangé par chacun de ses sens : odeurs, images, textures et formes, informations tactiles et mêmes gustatives, d’une certaine manière. Ce qu’ils avaient constaté au cours de leur randonnée dans les collines correspondait à un mot précis du vocabulaire haut gothique :

Xénocide.

C’était un xénocide. En fait, pas vraiment. Tous les colons étaient morts aussi, mais puisqu’ils s’étaient associés à des xénos, c’était peut-être la justice, cruelle certes, mais implacable. Cependant, quelque chose le chiffonnait dans cette affaire. Autant les corps sans vie des êtres nommés Tau ne le faisaient pas sourciller, autant les charniers de fermiers et miliciens humains faisaient vibrer sa corde sensible. Quelqu’un s’était chargé de rendre justice à la place des Fils de l’Empereur. Une tierce personne, un autre pouvoir en marche s’était levé, et il ne faisait pas de concession. Personnellement, Figifer, s’il avait eu les moyens de rétablir l’ordre sur Priam IV, ne s’y serait pas pris de cette manière. Il aurait au moins tenté de sauver les âmes de ces malheureux, et peut-être, d’en convertir quelques uns. Mais hélas, ils arrivaient trop tard. Le pardon de l’Empereur n’arriverait jamais à ces corps meurtris.

A chaque lieu de massacre, on voyait que les forces coalisées des Tau et des Colons s’étaient battues jusqu’au bout, pour enrayer une force invisible. Des barbelés déchiquetés, des cratères d’impact, des barricades levées à la hâte au sommet de dunes et de collines fumant encore des restes des bunkers éventrés.

Les corps inanimés avaient été rassemblés en piles, pour quelque rituel obscur, puis laissés au vent du désert. Par contre, aucun corps des assaillant n’avait été laissé sur le sol. C’était pour cela que Figifer connaissait leur nature. C’était bien les xénomorphes métalliques. Les squelettes vivants, la corruption du Dieu-Machine.

Glurdius parla soudain dans le com-vox :

« -On dirait qu’il y avait quelque chose de grand, par-là. »

Quelque chose de grand. Figifer tourna la tête dans la direction indiquée. Une grande anse creusait le flanc des montagnes, vers l’est. La baie brillait dans la lumière du soir, éclairée par les vagues écumantes et les vols croisés des mouettes à tête de lézard. De larges formes élancées semblaient avoir été projetées par quelque tempête apocalyptique sur les écueils invisibles du rivage. C’étaient des dirigeables bouffis, surmontés de tourelles croulantes, de pontons démantelés et d’échafaudages grinçants. Il y en avait de toutes tailles, depuis le petit flotteur insignifiant jusqu’au mastodonte des mers. Le tout était recouvert d’une couche de sable impressionnante. A la fois sable de la plage, doux et blanc, et sable du désert, grossier et irritant ; le tout mêlé à une poussière tenace. Ce film protecteur avait figé la scène dans une immobilité sidérante.

Au-dessus de ce port improvisé, la grève s’étalait, recouverte d’assez de ruines et taudis pour évoquer les faubourgs d’une cité-ruche. Un promontoire élancé disparaissait sous les murs de plastobéton grevés d’éclats, les lignes de tranchées retournées et les miradors calcinés. Des abris effondrés élevaient encore quelques murs tremblants vers le ciel d’un jaune pâle. Le tout avait un je-ne-sais-quoi de déchirant, qui glaça le sang dans les veines des space marines, car même un Fils de l’Empereur a un cœur humain.

Les corps avaient disparu, évidemment, sans doute rassemblés pour une orgie macabre. Les six Dark Angels n’avaient même pas songé à rechercher l’inévitable pyramide de dépouilles, à moitié momifiées par l’air sec et la chaleur, et dévorées par les rats du désert. Ils avaient arrêté leurs buggies à l’entrée de la forteresse de la montagne, et avaient gravi la pente avec un silence pesant.

Des portes étaient arrachées, des fenêtres brisées ; les corps avaient disparu, mais les armes, équipements et vêtements étaient là, palpables, pour décrire la scène avec une crudité effrayante. Eneriel souleva une défroque qui avait appartenu à un négociant, sans doute xenos à en juger par l’incroyable originalité dans la décoration des franges. Elle arborait une grande tache roussie, encadrant un trou dans lequel le poing de l’Astartes passait aisément. Ce devait s’agir de l’impact d’une arme à plasma, et l’ancien propriétaire de la robe avait du ne survivre qu’une demi-seconde à la brûlure.

Il ramassa encore un collier de perles. Les petites gouttes de nacre rose avaient survécu, contrairement à la coquette qui les avait portées. Il le rangea machinalement dans une des nombreuses petites sacoches en arco-plastique rangées à sa ceinture.

Le sergent Figifer marchait droit vers les structures du sommet, bientôt encadré par ses frères de bataille. Malgré la désolation alentour, ils restaient tous sur leurs gardes, chacun couvrant les autres de son bolter. Leur progression prudente mais rapide, de décombres en tranchées, les mena jusqu’à une arche de pierre pulvérisée. Au-delà, tout un réseau de bunkers et de tunnels souterrains creusés à la hâte s’étalaient sur les flancs de la colline. Derrière un enclos défonçé, en reconnaissait encore les formes démantibulées des pelleteuses et foreuses qui avaient réalisé ces excavations. Des tuyauteries et des nœuds de câbles nus couraient entre les murs lézardés, reliant un hypothétique groupe électrogène aux néons boulonnés aux plafonds en miette. Figifer emprunta l’entrée principale, dont les portes bétonnées gisaient au sol, dans une bonne couche de poussière apparemment coagulée par la crasse et du sang séché. Le couloir s’avançait sur une vingtaine de mètres, et débouchait dans une vaste salle circulaire. Les murs portaient les éraflures de rayons puissants, et des consoles branlantes s’y accrochaient encore.

Chacun des appareils semblait hors d’usage, la plupart arborant des cicatrices effroyables dans leurs revêtements en acier. Des balles, des lasers et pire encore avaient saccagé les postes électroniques dans une rage effroyable. Mais le plus surprenant résidait dans la conception de ces appareils. Figifer n’y connaissait pas grand chose en mécanique, mais il voyait clairement que l’Adeptus Mechanicus n’avait pas supervisé la conception de ces instruments. Aucune rune gothique n’apparaissait sur les touches ou les écrans. La forme générale des poignées et des pupitres était trop originale, dans tous les cas, non humaine. Les magos n’auraient jamais autorisé ces interrupteurs ovoïdes, ces joysticks fantaisistes. Ce n’était pas fonctionnel.

Glurdius s’était arrêté devant un tas de composants en miettes, balayé dans un recoin de la salle, entre deux ordinateurs massifs. Il y reconnut les restes d’une table tactique, et de plusieurs appareils d’éclairage. Son attention s’arrêta sur une curieuse pièce, et il la présenta à ses frères de combat. C’était une sphère dont la silhouette évoquait un crâne étiré, affublé d’un unique œil vitreux et de plusieurs rangées de fils électriques sortant de sa nuque. Le cou semblait avoir été sectionné par une décharge de plasma lourd, ou une arme de ce genre.

« -Je me demande ce que cela peut-être, s’interrogea t-il à haute voix.

-Va savoir, répondit Stradix en vérifiant le compartiment à bolts de son arme.

-Fais voir, demanda Furminael. On dirait qu’il y a un compartiment sur le côté… »

Glurdius lui tendit sa trouvaille, qui affichait effectivement une pièce translucide sur la gauche, laissant voir ce qui pouvait être une disquette magnétique. Furminael, à l’aide de quelques manipulations assez musclées, retira en effet un petit carré de métal brillant, arborant quelques caractères apparemment humains.

« -Reste à savoir à quoi cela sert. »

Azerius plissa les yeux derrière son casque et s’exclama :

« -J’ai déjà vu ça sur une des consoles ! »

Il se tourna vers les pupitres derrière lui, cherchant avec une excitation contenue. Il montra enfin d’un doigt de céramite tendu, une fente pratiquée sous une façade constellée de boutons et de diodes :

« -Regardez, les mêmes caractères.

-On dirait du bas gothique, mais mal orthographié.

-Ou plutôt, divergent. Les langages ont pu se modifier, au cours des millénaires. »

Furminael attendit un assentiment de son frère-sergent, qui hocha de la tête. Il introduisit la plaquette dans l’orifice, qui l’absorba dans un grésillement immédiat.

« -Cellules solaires sûrement, murmura Azerius, pour alimenter le complexe.

-Regardez ! »

Un écran crépita de lumière bleutée, et projeta soudain un faiseau de lumière au centre de la pièce. Figifer et Eneriel s’écartèrent d’un bond, mais pas assez tôt pour éviter la trajectoire des rayons.

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  • 1 mois après...

Coool!! :lol:

Je me demandait si t'allait continuer!! Mais oui bien sur quel question?! :clap: C'etait evident :huh:

Hum autrement j'ai pas encore fini de lire, alors je pe pas encore te poser de questions!!

Mais si tu veut savoir, j'ai un classeur rempli de ton histoire!! Imprimer en plusieurs fois bien sur! :-x , Et ben il commence a devenir gros ce claseur, va falloir que j'en achete un autre!! :P

Merci encore!!

:huh:

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Quelle fidélité ! Compterais-je plus pour toi que l'Empereur ? ^_^

Merci beaucoup O'kevs pour ton soutien. Pour te remercier, voilà la suite promise :

Une image se forma peu à peu, inondant la salle en ruine de lasers plus ou moins cohérents. Les projections holographiques s’agençaient progressivement, révélant des silhouettes plus ou moins nettes. Grâce à leurs sens améliorés, les Space Marines purent comprendre de quoi il retournait. C’était un enregistrement abîmé, automatique, et plus ou moins brouillé. Mais on pouvait encore le comprendre.

L’image tremblait toujours, secouée par des explosions lointaines, des tremblements de l’image et des éclats d’obus. Les personnages, le visage grave, tourmenté, tournaient d’une console à l’autre, essayant d’oublier les rafales que l’on entendait en bruit de fond. L’un des personnages se tourna vers les space marines, ou plutôt vers l’objectif de la caméra enregistreuse. Il portait de longues robes de fonction aux couleurs ternes, ainsi qu’un heaume triangulaire décoré de rubans rouges. A travers les deux fentes fines, on voyait ses yeux noirs briller. Il se tenait debout, appuyé sur sa longue lance argentée ; visiblement, il était blessé. Sa voix fatiguée trahissait son émotion :

« -Les civils sont donc tous sains et saufs, au nord-est d’ici. Mais la résistance opiniâtre de la caste du feu et de nos auxiliaires ne pourra plus tenir très longtemps. Je prends l’entière responsabilité de cet échec. Les dernières défenses cèderont bientôt. »

Un violent vacarme venu de l’extérieur interrompit sa phrase. On entendait des cris, des hurlements, des échanges furieux de tirs. La porte du bunker s’ouvrit en grand, révélant la silhouette osseuse d’une exo-armure stealth :

« -Très-haut, grésilla le chevalier Tau, nous devons vous mettre en sûreté.

-Un instant encore. ( L’éthéré se tourna à nouveau vers la caméra ). Le temps nous est compté. Qui que vous soyez, nous aurons besoin de vous. La menace qui grandit sur cette planète risque de nous anéantir tous, si nous n’unissons pas nos efforts. Retrouvez-nous sur les Côtes des Fraies, près de l’ancienne colonie humaine de Zandra. Puissent les destinées vous protéger. »

La transmission prit fin, ne laissant derrière elle qu’un silence de mort. Figifer réprima un frisson et se tourna vers ses frères d’armes, qui étaient toujours sur le qui-vive. Il leur fit signe de se mettre au repos, et remarqua :

« -Ces xenos en ont eu pour leur compte. Qu’en pensez-vous ?

-Sergent, s’exclama Eneriel, des serviteurs de l’Empereur sont morts avec eux. J’ai reconnu sur l’enregistrement, dans l’arrière-plan, des adeptes de l’Adeptus Mechanicus.

-Je les ai vus, moi aussi. C’est troublant.

-Leurs tueurs sont les xenosquelettes, affirma Azerius. Cela ne fait aucun doute.

-Je le crois aussi. C’est pourquoi nous devons nous hâter. Combien nous reste t-il de carburant ?

-Pas assez pour atteindre le point de rendez-vous, avoua Glurdius en réprimant une quinte de toux. Et si c’était un piège ?

-Nous n’avons guère le choix, répondit Figifer. Vous savez comme moi que les droïdes hérétiques ne partagent pas leurs victoires… Contrairement à ces Tau. Les ennemis des ennemis de l’Empereur sont nos amis… Temporairement. Dépêchons-nous, Dark Angels ! Avant que les abominations ne reviennent dans le secteur.

-Il y aura des hordes d’orques sur nos talons, si nous revenons vers le septentrion, objecta Furminael en passant la tête par l’ouverture due la casemate.

-Raison de plus pour ne pas lambiner. On retourne aux transports. »

Les six Astartes quittèrent les ruines poussiéreuses, marchant de leur pas cadencé vers les deux trucks. Dès qu’ils arrivèrent à moins de cent mètres des véhicules, une désagréable sensation d’être observés s’empara d’eux. Comme à chaque fois que cela leur arrivait, les six compagnons se déployèrent selon le schéma 457. Ils avaient combattu ensemble pendant des siècles, tuant les ennemis de l’Imperium. Même avant le schisme de Luther, ils avaient connu une longue vie de camaraderie et de luttes, marchant aux côtés de leurs amis guerriers.

Figifer vacilla, sentant les perturbations violentes des champs magnétiques de la région. Une douleur l’aveugla, le plongeant dans l’inconscient. Debout, aveugle, il serrait les dents. Il savait exactement ce qui était en train de se produire : l’implant neural qui était vissé dans son crâne se déréglait un peu plus chaque jour. Il y eut un tourbillon désagréable, et son esprit bascula dans son passé.

Il portait une armure baroque, munie de pinces électrifiées, de bras armés de multifuseurs, et de haches tronçonneuses. Ses deux bras disparaissaient dans des entrelacs de câbles, de vérins et de muscles en fibres de verre. Sa tête était coiffée d’un casque complexe, muni d’un système de visée multi-ondes, d’un respirateur universel et de capteurs de mouvements. Quand il tournait son cou à droite ou à gauche, son heaume n’épousait jamais ses mouvements, et les fiches électroniques branchées sur sa tête frôlaient le sommet du blindage avec un froufrou troublant.

« -Avancez à gauche, soldats. »

Il n’avait pas prononcé une seule syllabe, mais ses fantassins cyborgs avaient obéi au doigt et à l’œil. Le tonnerre résonna soudain, éclatant les vitres dantesques du palais. Ses lourdes bottes d’acier magnétisé écrasèrent les bris de vitrail tombés des grandes fenêtres encadrées par les colonnes sculptées. Sa main erra un moment contre le mur de béton, dans lequel des plaques d’adamantium étaient vissées. Sur chacun d’elle, un nom était gravé en haut gothique : les différents noms que sa capitale avait portés au cours de sa très longue histoire. Saint Petersburg, Leningrad, Petrograd, Volkarad, Amgurdi…

Le déluge de feu des mortiers lourds pilonna à nouveau l’enceinte extérieure. Le ciel à l’horizon disparaissait sous les tornades de feu. Les derniers vitraux volèrent en éclat, massacrés par les rafales de balles explosives des appareils de chasse. Trois, quatre bombes incendiaires atterrirent dans le hall des banquets, calcinant aussitôt près de quarante soldats entraînés qui y attendaient le prochain assaut. Mastach, le père de Figifer, se retourna lentement, repoussant les pans brûlés d’une tenture aussi vieille que lui. A travers les lentilles focales de son casque, il contempla les rangs fixes de ses derniers fidèles. Trente soldats engoncés dans des armures de céramite, d’acier et d’adamantium. Ils portaient des mitrailleuses lourdes, dont les chaînes de bolts éclatants traînaient sur le sol damasquiné. A leurs ceintures cliquetantes, des épées tronçonneuses dormaient, dociles.

Il pensa à la façon dont la grande guerre s’était déroulée. Cet individu, ce leader charismatique… Il n’avait jamais rencontré un adversaire de cette trempe. Il avait entendu les premiers récits de ses exploits, et les grandes défaites qu’il avait infligées à l’empire pan-océanique. Il en était presque curieux, à l’époque. A présent il ne souhaitait plus qu’une chose : en finir avec tous ces massacres. Son regard flotta sur les heaumes vissés de ses gardes du corps, comprenant qu’aucun sermon ne devait être prononcé. Ces hommes courageux le suivraient jusque dans la mort.

L’odeur écœurante de l’ozone envahit la pièce, traversant même les épurateurs de son système artificiel de respiration. Mastach savait à quoi s’en tenir, et ses sept pinces s’activèrent avec frénésie. Le froid dans la grande salle s’accrut brusquement, tandis qu’un vent glacé balayait les derniers rideaux déchiquetés. Au milieu de la vaste galerie, dix figures de lumière se matérialisèrent. Une pellicule de glace recouvrait maintenant le sol de la chambre, givrant les tapisseries. Les nouveaux venus portaient d’énormes armures dorées, décorées de symboles aquilins, de parchemins et de médailles. Ils portaient de gros fusils d’assaut et de longues hallebardes crépitantes d’énergie.

Les premières balles éclatèrent contre leur plastron, donnant le signal de l’assaut. Mastach dégaîna sa longue épée et se mit en garde. Il n’oublierait jamais le guerrier formidable qui s’avança devant lui. C’était bien celui que tous appelaient l’Empereur. Son armure magnifique projetait des rayons de lumière brillante, ses genouillères et coudières arboraient des plumes d’or et d’adamantium. Sa cuirasse resplendissait d’une lueur intérieure. Il ne portait pas de heaume, et son visage fier, doux et déterminé brûlait de l’ardeur du juste. Dans ses yeux, la certitude du devoir à accomplir effrayait tout autant que la lame de force qui dansait dans ses gants experts.

Le duel ne dura pas plus de dix secondes. Mastach, malgré son demi-millénaire de guerre et de joutes, avait trouvé son maître. Son servo-harnais gisait dans la poussière, et son bras gauche traînait à dix mètres de lui. A genoux, pantelant, son casque brisé en deux, il tourna vers son vainqueur son visage tuméfié. Au-delà de la silhouette pleine de grâce de l’Empereur, il vit les Custodes achever ses derniers partisans. Mais il n’y prit pas garde. Tout ce qu’il voyait, c’était l’armure merveilleuse, ce qu’il entendait les murmures de sa puissances entre les replis flottants de sa cape.

L’Empereur abaissa son épée dégoulinante de sang, et posa sa main gauche sur l’épaule du vaincu. Les doigts lourds, engoncés dans le gantelet énergétique, auraient pu le briser comme un fétus de paille, et pourtant leur pression sur lui était à peine perceptible. Aussi facilement que s’il avait agi d’un gamin de dix ans, il le remit sur pied et déclara :

« -Tu t’es bien battu, Mastach. L’humanité aura besoin d’hommes de ta trempe. »

Le vieux technobarbares essaya de prononcer quelques mots, mais ses paroles restèrent dans sa gorge, tant à cause de son émotion que de son hémorragie interne. L’Empereur le regardait avec une bonté infinie, presque ému lui-même par le destin du vieux combattant :

« -Tu as un fils, Mastach. Repose en paix. Il est entre de bonnes mains. »

Deux custodes soutinrent le seigneur de guerre, pour l’empêcher de tomber.

« -Il deviendra un grand guerrier, poursuivit la voix douce mais ferme de l’Empereur. Il marchera à mes côtés, parmi ma garde personnelle. Il verra le renouveau de l’Humanité. »

Figifer secoua la tête, à peine remis de sa transe. Il n’était pas normal que cet implant se dérègle à ce point. Quelque chose, dans les courants magnétiques de ce monde, était en train de changer. Il était troublé, bouleversé par ces réminiscences. Jamais il n’aviat osé explorer en esprit ces images, ces sensations de l’aube des temps. Cette mémoire de silicium lui avait été donnée au tout début de l’Imperium, peu après sa formation de Space Marine. Avant qu’il ne marche à Ses côtés, on la lui avait remise, comme un dernier témoignage de ce qu’avait été son premier père. Figifer frissonna encore. Son grand-père avait connu L’Humanité au sommet de sa splendeur, à l’Ere du Moyen-Âge technologique. Et lui-même l’avait connu à l’heure de gloire de l’Imperium. Mais il n’aurait jamais de fils, tant qu’aucun destin plus glorieux ne s’esquisse à l’horizon. Et il doutait que cela arrive un jour.

Il observa ses cinq frères d’armes, sa famille de toujours.

« -Tout va bien, frère sergent ? demanda Furminael.

-Ça va, mais quittons vite cette endroit, frère. Il pue la mort et les mauvais souvenirs. »

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