crashnarf Posté(e) le 17 mai 2018 Partager Posté(e) le 17 mai 2018 Bonjour à tous. En lisant la série des Warlord Chronicles, de Bernard Cornwell (que je recommande ++ à tous le monde), j'ai découvert l'existence d'un poème anglais très ancien, à vrai dire le plus ancien connu en langue "anglaise". J'ai trouvé plusieurs traduction anglaise (souvent toutes très différentes) mais aucune en français. Comme ce texte est 1/magnifique et 2/ un vrai morceau d’histoire, je me suis attelé, pendant plusieurs jours, à sa traduction. J'ai cherché à rendre le plus fidèlement le contenu et l'esprit du poème, en tenant compte de l'époque de son écriture et de la culture dans laquelle il s'inscrit, sans me préoccuper de restituer la forme originale, impossible à retranscrire en français (allitérations, assonances, rythmique, tous ce qui est propre à la poésie anglo-saxonne ancienne et à la rythmique "scaldique")). Le poème est écrit en vieil anglais. J'ai donc utilisé plusieurs traductions anglaises du texte original afin d'en saisir l'essence. Je me suis cependant également appuyé, dans la mesure de mes moyens, sur le texte original et mes lointain rudiments . Contexte : un "hirdman" (guerrier assermenté dans les sociétés germaniques du haut moyen-âge) pleure la perte de son seigneur. Il s'en va en exil et décrit la souffrance qui l’accompagne dans sa solitude et son errance. ------ Titre classique: "The Wanderer" Auteur inconnu, daté du 9ème siècle Source: Livre d'Exeter- MS 3501 Celui qui est seul souvent éprouve la pitié Et la miséricorde du Créateur, Même si, l'esprit troublé, Il rame depuis longtemps sur l'océan, Les mains tremblant dans la houle glacée, Sur le chemin de l'exil. Le destin est inexorable. Ainsi parle le vagabond, l'esprit accablé Par les combats sanglants et la mort des parents aimés: A chaque aube, en ma solitude je dois endurer ma peine; Il n'y a plus aucun vivant à qui j'ose ouvrir mon âme. Aussi ne sais-je que trop bien comme il est noble Pour un homme de taire prestement ses pensées, De cacher les trésors de son cœur et d'aiguiser sa volonté; L'homme abattu ne peut braver le sort Pas plus qu'un esprit las quérir le réconfort; Car la quête de gloire et d'honneurs Enchaine souvent une ombre à son cœur. Ainsi moi, misérable, privé de ma terre natale, Loin de mes parents, j'ai du réprimer ma douleur Quand il y a des années j'ai caché Dans la noirceur de la terre mon généreux seigneur Et que, affligé, triste comme l'hiver, Je me suis attaché aux vagues, malheureux, En quête de la demeure d'un donneur de trésor Où je pourrai trouver, ici ou là, Quelqu'un qui, dans la halle du banquet, Pourrait savoir mon sort, vouloir me consoler, Moi qui suis sans amis, Et me recevoir dans la joie. Il sait, lui qui l'a ressenti, Quel compagnon cruel est le chagrin Pour celui qui n'a plus de protecteur. Le chemin de l'exil l'attend, pas l'or torsadé, Une âme éplorée, pas la richesse terrestre. Il se souvient des guerriers dans la halle Et de la dispense des trésors, Comme alors son souverain les distrayait de festins, Toute joie a disparu! Il sait le sentiment de vivre depuis longtemps Sans les conseils de son seigneur bien aimé. Quand la tristesse et le sommeil enlacent le misérable solitaire, En son esprit il se voit étreindre et embrasser son seigneur Et poser ses mains et son front sur son genou, Comme il le faisait aux jours anciens, Recevant les présents du trône. Puis l'homme désœuvré encore se réveille, Il voit devant lui les vagues noires, Les oiseaux de mer se baigner Et étendre leurs ailes, Le givre et la neige tomber Mêlés à la grêle. C'est dans ces moments, à se languir d'un ami, Que les blessures de son cœur sont les plus douloureuses. Le chagrin s'accroit quand le souvenir de ses proches Traverse son esprit: il considère alors avec joie Et accueille avec ferveur ses compagnons d'armes. Mais le souvenir se dissipe à nouveau : L'ombre de ceux qui s'en vont ne s'accompagne jamais Ici-bas d'apaisantes complaintes. Le tourment est sans fin pour celui qui doit souvent Porter par delà les vagues son esprit épuisé. Je ne vois donc pas pourquoi en ce monde Mon humeur ne s'assombrirait pas Quand je contemple toute la vie de ces hommes, Comme ils ont quitté le sol de la halle; Ces jeunes et braves camarades. Alors à chacun de ses jours Ce monde s'écroule et s'effondre. Un homme ne peut ainsi devenir sage Avant d'avoir vécu sa part d'hiver en ce Royaume. Cet homme, avisé, se doit d'être patient, Non pas être trop irascible, ni trop hâtif à parler, Non pas faible dans la bataille, ni trop téméraire, Ni trop craintif, ni trop joyeux, ni trop avide, Ni jamais trop désireux d’obtenir la renommée Avant d'être vraiment aguerri. Et quand il prête serment, il doit se défier De sa témérité, jusqu'à ce qu'en effet Il sache vraiment où son cours le mènera. Un homme prudent doit réaliser Comme il sera terrible Quand toutes les richesses du monde Ne seront plus que poussière; Comme maintenant, alors que Les murs mêmes de ce Monde Sont battus par les vents et couverts de givre, La tempête s'abat sur les demeures. Les halles à banquets s’effondrent, Le roi gît sans vie, privé de toute joie, La troupe entière est tombée Bravement sous le mur. Nombre ont été détruits par la guerre Et ont vu s'achever leurs destinées: Un emporté au delà des mers par un oiseau; Un que le loup gris a partagé avec la mort; Un mis en terre par un homme éploré. Ainsi le Créateur a dévasté cette terre, Jusqu'à ce que les vieux édifices des géants se vident Privés des voix de leurs habitants. Lui qui pose son regard sur les ruines qui l'entourent Et médite sur cette sombre existence, Sage d'esprit, il se souvient souvent du sang versé Lors de maints combats; ainsi parle t-il : « Où est-le cheval ? Où est le guerrier ? Où est le donneur de trésor ? Où sont les sièges du banquet ? Où sont les frairies dans la halle ? Las, la coupe brillante, las, le guerrier en mailles ! Las, la splendeur du prince! Comme le temps a passé, Et a disparu dans la nuit, Comme si rien n'avait jamais existé! Maintenant la muraille ornée de serpents A survécu aux guerriers biens aimés Qui gisent à ses pieds. La force des lances -Armes avides de massacre- A détruit les soldats. Leurs morts, connues de tous, frappent les demeures; Comme une tempête s'abat et enserre la Terre, L'ombre survient dans les hurlements sinistres de l'hiver, L'obscurité de la nuit s'accroit; Alors vient du nord une pluie de grêle qui harasse les hommes. Tout le royaume terrestre est empli de souffrances. Les décrets du destin altèrent le monde sous les cieux. Ici la richesse est éphémère, ici l'amitié est éphémère, Ici les liens de la famille et du sang sont éphémères, Tout en ce monde n'est plus que désolation ». Ainsi parle le sage, assis seul, dans sa secrète méditation. Il est juste celui qui garde la Foi; mais il ne doit jamais Exhaler sa peine trop promptement, à moins que lui, cet homme, D'avance n'en connaisse le remède. Il sera bien pour lui de rechercher le pardon, Et le réconfort du Père qui est aux Cieux, Où pour tous réside la sérénité Merci pour votre lecture! Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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