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Armées du 9e Âge : livre complet Nains infernaux


Ghiznuk

Messages recommandés

p. 68

Disciples de Lugar

 

10e jour de februar

 

Chère Maman,

 

C’est le cœur lourd que je t’écris, de l’intérieur de ma cellule. La gastronomie locale se limite au plus infâme des gruaux, la compagnie est maussade et renfrognée, et le personnel, on ne peut plus malveillant. C’est sur un plancher de bois que je repose ma carcasse endolorie : le confort des prisonniers est, de toute évidence, le dernier des soucis des maîtres de la Citadelle.

 

La ruse qui m’a permis d’échapper à la fabrique ne m’a apporté qu’un bref répit. En fait, ma situation n’a fait qu’empirer. Les miliciens municipaux (créatures monstrueuses, fruit de l’hideuse fusion d’un nain et d’un taureau) ont découvert ma supercherie à force d’interrogatoires, et ont fini par me traquer jusque dans ma cachette. Dire que je pensais avoir trouvé la « planque » idéale : l’ambassade tsouandanaise nouvellement ouverte accueillait un afflux constant de nouveaux serviteurs, et les nains semblent peu habiles à distinguer une variété d’« humain étranger » de l’autre. C’est d’autant plus dommage que je pense avoir fait plutôt bonne impression au chef de la délégation : comme Papa aime tant à le dire, il n’y a pas de meilleure amitié que celle forgée sous le feu de l’ennemi !

 

J’ai été condamnée à trois ans de labeur dans une mine de fer. Après avoir discuté avec un autre ayant reçu le même verdict, j’ai vite compris qu’il ne me faudrait pas espérer arriver vivante au bout de ce terme. Plein d’amertume, mon voisin m’a expliqué qu’il ne connaissait qu’une seule personne ayant survécu à ces trois années, et qu’il s’agissait d’un seigneur orque à la résilience et à la force légendaires. On m’assure qu’en tant que simple humaine, le sort qui m’est destiné peut être assimilé à la peine capitale.

 

Oh, Maman, se pourrait-il vraiment que jamais vous ne receviez toutes ces lettres que je vous ai écrites en pensée ? Je continue à les rédiger dans mon imagination afin de conserver une part de lucidité, mais je crains bien que la fin de mon voyage ne se profile.

 

 

11e jour de februar

 

Ma foi, en voilà un rebondissement inattendu ! J’ai été sauvée ! En toute légalité ! Une étrange naine, dont la peau avait la couleur de charbon (et, d’ailleurs, également la texture du charbon) est arrivée dans ma cellule pour m’annoncer que ma condamnation avait été le fruit d’une incompréhension bureaucratique, et que c’est à dessein que j’avais en fait été transférée à l’ambassade. Dès lors, je me retrouvais absoute de tout reproche, et on m’ordonnait de me présenter au plus vite à mon lieu d’affectation.

 

J’ai eu assez de bon sens pour attendre que nous nous soyons assez éloignées des gardes avant de m’enquérir de cette libération inopinée. Tout en laissant échapper de petites volutes de fumée de sa bouche, la naine m’a signifié qu’elle s’appelait Nezira, disciple de Lugar, dieu infernal de nombreuses choses, dont le domaine qui m’intéressait tout particulièrement : la liberté et les avocats.

 

Elle m’a également informé de ce qu’elle avait été engagée pour produire les documents relatifs au transfert qui démontraient que j’appartenais désormais à l’ambassade, que je serais avisée de ne pas demander une deuxième fois quel jour exactement cette mission lui avait été confiée, et qu’en cela, elle agissait pour le compte de dame Khezek, laquelle estimait de ce fait avoir intégralement remboursé sa dette envers moi.

 

Faisant certainement preuve d’imprudence, je n’ai pas pu m’empêcher d’insister sur la manière dont ce contrat avait été mené à bien. Nezira m’a alors tirée à l’écart dans une ruelle sombre. De ses yeux est jaillie une flamme incandescente, à la chaleur cinglante. Elle m’a signifié qu’elle n’appréciait guère mes insinuations, et qu’elle n’était certainement pas entrée par effraction dans la salle des archives pour y introduire un faux acte de vente antidaté d’une semaine, contrairement à ce que certaines parties voudraient bien faire croire.

 

Il est concevable que je me sois ensuite simplement contentée de bredouiller quelques bribes de mots, tétanisée que j’étais face au soudain embrasement de son regard. Mais un instant plus tard, elle était de nouveau tout sourire, m’expliquant fièrement que son aspect inhabituel était le résultat d’une bénédiction divine. Plus précisément, elle m’a fait comprendre qu’une créature élémentaire de feu résidait (je ne sais comment) dans son corps. Apparemment, cette curieuse pratique a été inventée par les adorateurs de Lugar ; ceux qui atteignent le rang de Disciple se lient parfois aux génies ignés connus sous le nom de « kadims », jouissant d’une plus grande force, d’une plus grande vigueur, d’une protection surnaturelle et d’une maîtrise de leur « feu intérieur ».

 

Évidemment, il a fallu que je m’enquière des raisons qui pouvaient bien motiver un avocat à lier un monstre de lave à son for intérieur. Nezira a émis un petit rire, avant de m’indiquer que je considérais le problème sous le mauvais angle :

 

« Qui d’autre qu’un avocat oserait inviter un esprit démoniaque à résider en son propre corps, sans le moindre contrôle hormis les clauses stipulées dans un contrat personnel négocié par lui et correctement formulées ? »

 

Je n’ai su que répondre à cela. Peu de temps après, nous avons atteint l’ambassade.

 

Votre fille aimante,

 

Olivia.

 

 

33e jour de februar

 

Chère Maman,

 

Jamais auparavant je n’avais ressenti une telle sympathie pour la pauvre Marguerite, même si je l’ai toujours trouvée très assidue et que j’ai toujours cherché à lui épargner des travaux inutiles. Les cheveux de l’Ambassadeur nécessitent encore plus d’heures de brossage que les miens, car les hommes du Tsouan-Tan prédilectionnent un chignon hautement élaboré qui contorsionne et froisse la chevelure sous-jacente. Mes bras s’en trouvent tout endoloris chaque matin.

 

J’ai revu plusieurs fois Nezira et dame Khezek. Cette dernière aurait négocié mon sauvetage avec l’Ambassadeur, laissant Nezira se charger des termes exacts du contrat. Il est bon de voir qu’elle a pu recouvrer la position qui était la sienne auparavant. Elle a profité de l’occasion pour pratiquer un peu de sonnstahlien avec moi, tout en m’informant de l’état actuel de notre relation.

 

« Vous m’avez délivrée des mains des Daebs. À mon tour, je vous ai délivrée d’une mort certaine ordonnée par les autorités de Vanekash. Si vous aviez pris votre mal en patience à la fonderie, j’aurais pu vous faire libérer. Mais comme ils ont appris que vous travailliez ici, je n’avais d’autre choix que de vous confier à l’Ambassadeur. »

 

Toujours est-il que je suis heureuse de me trouver ici. Les quelques trucs que j’ai appris en aidant Papa à prendre soin de ses faucons m’ont été fort utiles, car l’Ambassadeur avait grand besoin d’une personne apte à soigner son compagnon ailé. Tchiang-Jou est une créature insolite, mais douce, dont l’aile a été brisée par une explosion. Il m’a été difficile de lui confectionner une attelle, mais je suis néanmoins parvenue à adapter un des modèles employés par le fauconnier. Ces quelques semaines passées avec le kilin m’ont aussi donné la possibilité d’en apprendre un peu sur la langue de son pays. Je suppose que cela aussi aura son utilité.

 

Hier soir, tandis que j’apportais son dîner à Jou, j’ai aperçu un étrange nain se faufiler dans sa chambre. Je l’ai rapidement intercepté pour lui demander en quoi je pouvais l’aider. Je savais en effet que personne n’était attendu à cette heure tardive. Il a fait mine de s’offusquer, affirmant être un médecin, ce qui était clairement un mensonge, puisqu’il n’avait sur lui aucun instrument. En revanche, j’ai remarqué le pistolet caché dans sa mallette.

 

Je l’ai dénoncé de vive voix, assez fort pour réveiller Jou, dont les yeux grands ouverts se sont mis à jeter des éclairs. Mais Jou ne pouvait m’être d’aucun secours : je savais à quel point il était faible. Me maudissant en abzhaghab, l’assassin s’est dépêché de se saisir de son arme. Je voyais le blanc de ses yeux, la rage et la haine qu’ils contenaient. Je sentais son haleine, à l’odeur de… de cannelle ! Un coup de feu a retenti.

 

Il s’est effondré. J’avais été la plus rapide.

 

Car dame Khezek, soucieuse d’être entièrement quitte de sa dette envers moi, m’avait fourni une arme à feu dissimulée, tout en m’enjoignant d’en tenir l’existence secrète. Je loue Sunna de m’avoir préservée, car je suis certainement loin de l’image que l’on peut se faire d’un guerrier. Mais comme Papa le dit toujours : « Aie confiance en la Déesse, et garde ta poudre au sec ». Et aussi, bien entendu : « Au besoin, tire depuis la hanche ». Ce n’est pas la partie la plus féminine de mon éducation, mais je suppose qu’il a eu raison : ce monde est décidément bien dangereux. N’oubliez pas de le remercier de ma part.

 

Jou et moi sommes d’avis que je ne resterai plus très longtemps propriété d’autrui.

 

Votre fille sincère,

 

– Olivia

 

 

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p. 72

Kadims


12 auguste


On les appelle kadims : esprits surnaturels de terre et de feu maintenus dans le monde matériel par les arts arcaniques des nains orientaux. On dit que les plus grands d’entre eux, les « titans », ont la force d’un millier d’hommes et sont capables de réduire en poussière des cités entières pour leurs maîtres. On appelle « avatars » ceux de taille plus petite, et s’ils n’ont pas la même carrure, il ne faut pas sous-estimer leur capacité à répandre la fureur des flammes sur leurs adversaires. C’est un principe, à mon avis, qui s’applique aussi bien à tous les barbus en tant qu’espèce.

 

Les nains de l’est ont depuis longtemps compris que le savoir faisait le pouvoir. Et à travers ce pouvoir, ils exercent un contrôle irréfutable sur leurs terres par le feu, la foi et la magie. Depuis plusieurs âges, les érudits du temple d’Ashuruk ont découvert qu’il était possible de lier les kadims à leur volonté par l’établissement de contrats, un secret qui leur fut volé par les autres temples. Aujourd’hui, le temple de Lugar est considéré comme ayant surpassé les prêtres-juristes d’Ashuruk dans leur maîtrise de cet art. Hormis ces deux clergés, peu sont arrivés à mettre en place de tels pactes.

 

Je fais aujourd'hui serment de mettre un terme à ce monopole détenu par les nains. Les kadims serviront quiconque aura suffisamment de volonté et de connaissance des lois. Une fois ces esprits guerriers sous mon commandement, mon pouvoir sera immense. Mes ennemis feront face au même choix que celui que les nains donnent à leurs vassaux : soumission ou incinération.

 

J’ai passé des années à apprendre tout ce que je pouvais au sujet de ces kadims. Quand le savoir des humains s’est révélé insuffisant, j’ai voyagé à l’est pour apprendre ce que je pouvais des nains. J’ai récupéré bien des informations des textes qu’ils m’ont permis d’étudier après une donation considérable d’esclaves et d’or au temple de Lugar. J’ai bien tenté de marchander, mal m’en a pris : le prix fut encore plus considérable.

 

2 tandembre

 

Au cours de mon étude, j’ai trouvé que les inscriptions murales finement ouvragées, gravées sur les murs de la bibliothèque du temple, étaient plus fascinantes que la plupart des tablettes et des parchemins sur le sujet. Elles représentent des kadims bataillant contre de nombreux ennemis, que ce soit des rebelles orques ou des serviteurs des Dieux Sombres. On y trouve aussi des scènes dans lesquelles ils construisent des villes, rendent hommage à des despotes nains, voire témoignent de procédures judiciaires. Il semblerait que les nains considèrent les kadims comme des agents de la loi divine, opposés au désordre, que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix.

 

Quel que soit leur rôle, je sens que j’ai appris tout ce qu’un étranger comme moi peut obtenir des nains. Le temps de l’étude touche à sa fin, place à l’action. Un groupe de disciples a quitté la ville il y a trois jours. Ils se sont dirigés au nord, vers la Fournaise. Leurs chariots étaient chargés de lourdes caisses, sans aucun doute les réceptacles qui permettent de lier les kadims à ce monde. J’ai engagé secrètement un groupe de mercenaires guerriers-nés pour les poursuivre. Bientôt, les kadims seront à moi. Je trépigne d’impatience.

 

18 tandembre

 

La bataille fut féroce mais j’ai vaincu. Le combat fut plus serré que je m’y attendais. Je ne sous-estimerai plus les talents martiaux des nains. Les disciples se sont battus avec force ténacité mais ma magie et le poids du nombre apporté par les mercenaires ont pu en venir à bout. Mes efforts portent enfin leurs fruits !

 

J’ai récupéré des réceptacles capables de recueillir l’essence d’un kadim. Certains sont des structures de métal tandis que les autres sont des statues de pierre sculptées. Ils ont la forme d’horribles démons ou de monstres des légendes de l’Augée. Les symboles arcaniques inscrits sur eux sont sans nul doute les termes du contrat prévu par les nains.

 

J’ai aussi ce grimoire, encore plus précieux, porté par le plus âgé des disciples. Il décrit le rituel dans ses moindres détails, même si le langage est archaïque, ce qui le rend quelque peu ambigu. Je détiens maintenant les clefs pour lier un kadim à ma volonté ! Je me prends souvent à rire sans véritable raison.

 

22 tandembre

 

Nous nous sommes dirigés au nord, vers la Fournaise. Sa flamme infernale diffuse une lueur omniprésente à l’horizon. La nuit ne semble jamais tomber sur cette terre maudite, et les étoiles sont totalement invisibles à l’œil nu. J’ai peur qu’il ne devienne impossible de poursuivre notre route. Des nuages d’orage surnaturels s’amassent à l’horizon, fouettant le sol d’énergie magique. Certains des plus petits gobelins sont tombés raides morts à la suite d’une petite exposition au phénomène. Mes talismans sont en train de prouver qu’ils valent bien le prix que j’ai eu à payer à l’époque.

 

25 tandembre

 

Cela fait maintenant trois jours que nous errons sur cette terre dévastée, et les orques s’agitent de plus en plus. Les provisions s’épuisent, et le peu qu’il nous reste commence à être contaminé. Pire, nous avons évité de justesse une patrouille naine. Il semble qu’ils possèdent une armure qui les protège de l’influence maléfique qu’exercent ces terres sur le corps.

 

Je vais devoir trouver très prochainement un kadim ou libérer les mercenaires de mon service. Ces brutes sont tout prêt de se mutiner. Pire, leur nombre augmente les chances de se faire repérer par les nains. Je dois trouver la gloire maintenant ou me préparer à un échec déshonorant. Inconcevable !

 

26 tandembre

 

Enfin ! Le Grand Mage est maître de la flamme immortelle ! J’ai accompli ce que les autres disaient impossible. Pas un, mais trois kadims sont désormais soumis à ma volonté !

 

Dans un éclair de génie, j’ai ordonné une dernière marche vers la Fournaise. Étant donné qu’ils ne sont pas vraiment de notre monde, les kadims ne peuvent pas s’aventurer très loin de la magie qui les alimente : ils sont donc plus souvent proches de la source. Juste au moment où mes talismans commençaient à se corroder et se décomposer, que les orques étaient au comble de l’impatience, nous les avons vus : trois masses de magma animées, se déplaçant sans but apparent.

 

Retrouvant mon autorité naturelle, je leur ai intimé d’écouter mes paroles. J’ai déjà marchandé avec des démons et lié des djinns à ma volonté, mais les kadims sont des créatures extraplanaires tout à fait différentes. Ils étaient impénétrables, totalement étrangers et leur présence était comme froide. Ils semblaient curieux quand je leur ai mentionné les réceptacles que je leur avais apportés, et comment ils leur permettraient de s’aventurer dans le monde extérieur pour peu qu’ils acceptent de se mettre à mon service. J’ai parlé longtemps, détaillant copieusement tous les termes du contrat, sa durée, la nature des services et la rémunération accordée, et ainsi de suite.

 

Mes paroles furent d’abord accueillies par le silence. J’ai commencé à douter qu’ils m’aient entièrement compris, mais ils finirent par s’approcher doucement.

 

L’un des kadims s’exprima d’une voix profonde et distordue, pareille au rugissement d’une chaudière : « Nous acceptons. »

 

Il toucha de sa flamme le contrat que j’avais préparé dans la langue des lois naines. Le parchemin flamba, et je sentis ses runes brûler sur ma peau tandis que le corps des kadims chatoyait. Le tout ne dura que quelques instants. Leur magma s’écoula dans les réceptacles, qui prirent vie dans une lumière flamboyante.

 

C’est fait. Par les termes du contrat, leur pouvoir est désormais assujetti à ma volonté. Je fus tenté de leur commander de détruire le reste des mercenaires, mais j’eus trop peur de recevoir une flèche noire gobeline dans le chaos du combat qui s’ensuivrait.

 

34 novembre

 

Le voyage du retour fut long et ardu. J’ai lancé un sort de dissimulation pour éviter les représailles naines, et j’ai finalement pu revoir les rives de la Mer médiane. Arrivé à la maison, j’ai lié les kadims à mon sanctuaire, à l’intérieur de cercles d’invocation conçus pour retenir des êtres bien plus puissants qu’eux. Ils y resteront tant que je n’en ai pas besoin. Ce sera un bon test de patience pour eux comme pour moi. Mon esprit bouillonne de nouvelles idées quant à l’usage de ce tout nouveau pouvoir !

 

19 ullose

 

Les kadims s’agitent dans leurs cercles. Ils ont commencé à émettre des demandes, m’accusant de ne pas respecter les termes de notre contrat. Mon majordome me rapporte qu’ils ont tenté de se défaire des entraves magiques par la force, ce qui a ébranlé les fondations de mon manoir. Je dois réviser les sorts qui les maintiennent en place, juste au cas où. Mais je ne crains rien. Ils ne peuvent pas défier ma volonté.

 

– Fragments de journal brûlé retrouvés après le Grand Brasier d’Amarhaq qui a dévasté une portion notable de la ville en 879 A.S.

Modifié par Ghiznuk
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p. 76

Char à kadims

 

Approchez.

 

J’ai beaucoup appris du prisonnier. C’est un invocateur de dieux des peaux-d’acier. Dans son arrogance, cet insensé m’a conté bien des choses. Oui, celui-là, le captif qui conduisait le chariot infernal. Beaucoup ont péri pour ce fait d’armes…

 

Il a chanté pour nous son histoire, et nous avons appliqué les couteaux pour la lui faire chanter encore, chanter plus vrai. Chacun de ses chants était pétri dans le mépris et la haine, mais jamais le chant n’a changé. Son mérite : jamais il n’a montré la peur, même après avoir été désarçonné, même après avoir été cloué à terre par nos lances, par nos haches et nos épées. Je croyais qu’il était en proie au délire de ceux qui se fient à des dieux et à des esprits, mais maintenant, je n’en suis plus certain.

 

Il a affirmé être celui qui a invoqué ces horreurs qu’ils appellent kadims : des déités de feu liées à l’acier. Il a raconté son voyage vers l’Œil-de-feu dans les Grandes Désolations pour y conclure son pacte. Folie, il a invoqué une déité pour tirer son char à la guerre. Arrogance, il pense que seul un Inné est un attelage digne de lui. Insensé, comment ne peut-il voir que c’est le kadim qui en retire toute la gloire et non lui ? Il sait manier les armes, il sait manier les sortilèges, mais comment peut-il penser que son histoire soit suffisamment digne d’être chantée ? Tous se rappelleront l’Horreur-de-flammes, et non le peau-d’acier caché derrière elle.

 

Son propre discours le trahit : il nous a parlé des runes et de ses subterfuges qui le protègent des flammes de la déité. Insolence, il pense que nous ne pourrons jamais délier la trame de ses mensonges, même en cent générations. Voyez la vérité cachée : même les peaux-d’acier redoutent ces horreurs qu’ils prétendent asservir. Ce ne sont ni leurs guerriers, ni leurs champions, ni leurs invocateurs que nous devons craindre. Pas même leurs sorts ni leurs lames affutées. Mais le char lui-même…

 

En cercle. Écoutez bien, jeunes-cornes, la raison pour laquelle vos pères ont souffert. C’est un chant que vous devez apprendre, si vous ne voulez pas partager leur destin, si vous voulez leur offrir leur vengeance. Apprenez. Gagnez la sagesse de nos blessures, car cette connaissance fut acquise au prix de nombreuses pertes parmi les nôtres.

 

Ces chars ressemblent aux nôtres, mais tirés par des choses de feu noir qui sentent la haine et la colère. Forgés, comme des lames de métal, pas en bois, pas en corne, pas en os, car tous ces matériaux seraient consumés par leurs flammes. Façonnés en des formes cruelles et mauvaises : l’un est un taureau, l’autre est un karkadan, ou n’importe quelle autre bête, mais toujours enveloppés de détestables flammes noires. Brûlants, les kadims qu’ils contiennent sont attachés et contraints, brandons en furie. Puissants, brisant les boucliers et fracassant les os, ils font voltiger les corps comme vous jetteriez le noyau d’un fruit. Et malheur à qui tombe sous leurs sabots : leurs flammes brûleront aussi bien leur esprit que leur chair et leur fourrure. Les flammes qui les embrasent ne s’éteignent pas avec la mort, les esprits brûlés ne peuvent rejoindre nos totems. Et chacune de ces pertes nous affaiblit.

 

Dans les plaines de Grandgrain, cette horreur mit fin aux récits du chef minotaure Bras-de-bronze. Ce fut une longue journée de bataille, nos haches tranchaient leurs esclaves et leurs soldats. Loups et gobelins étaient impuissants face à nous. Les cornes-cachées n’ont pas tardé à détruire les machines derrière leurs lignes. Leurs géants tombèrent face au gortach. Seul leur centre tint bon : volonté de fer et expertise aux armes. Les meilleurs d’entre eux, les Immortels. Ils n’hésitaient pas, ils ne criaient pas, ils ne provoquaient pas, ils ne fanfaronnaient pas. Il pleuvait sur eux javelots, flèches et rochers de cyclope. Ils n’ont pas reculé. Les fières-cornes les ont chargés, et ont été repoussés. Ils enduraient.

 

Bras-de-bronze savait que s’ils ne fuyaient pas, c’est qu’ils devaient mourir. Les minotaures ont chargé, les longues-cornes tenaient leur flanc face aux peaux-de-fer plus faibles. Nous avons mis un terme à la vie de ces anciens, et nul n’a fléchi dans la harde de guerre. Enfin, alors que nos cornes percutaient les Immortels, que nous faisions mentir leur nom, le char hurlant a surgi. Les flammes infernales et le hurlement du métal ont percuté la harde du chef de guerre, dispersant les longues-cornes et ses frères minotaures, tels les oiseaux dans le champ quand ils aperçoivent le chat.

 

J’étais présent, et j’ai vu le baroud d’honneur de notre grand chef. J’ai vu les flammes et la fureur le consumer. Il n’est plus que cendres…

 

– Homélie du chamane Corne-de-pierre, traduite par Manfred von Jornburg

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  • 4 semaines après...

p.78

 

Citadelles des Nains infernaux

 

Dans la Plaine foudroyée, vous ne trouverez pas de gouvernement central. Chacune des citadelles lève et équipe ses propres troupes. Cependant, ces armées se regroupent fréquemment pour affronter certaines menaces puissantes. D’après mon expérience, ces forces se distinguent surtout par les différents dieux païens auquels elles ont prêté allégeance.

 

J’ai eu l’occasion d’interroger une citoyenne infernale sur ce sujet. Et, si ses dires sont véridiques, ces nains barbares vénèrent un panthéon de tout juste quatre dieux appelés les Vanebs, un mot qui signifierait simplement « la Flamme ». Trois de ces dieux (c’est-à-dire tous, sauf Lugar qui se serait élevé au rang de divinité que dans une ère plus récente) se manifestent sous plusieurs formes ou aspects divins ayant chacun leurs propres noms et attributs. Pour un étranger, ces derniers peuvent facilement passer pour des dieux inférieurs. Il existe, par exemple, Ashuruk le Scribe, Ashuruk le Porte-soleil et Ashuruk le Mage, pour ne citer qu’eux. Ils se nomment respectivement « Kabu », « Nerkar » et « Ura », et sont des représentations distinctes d’un seul et même dieu.

 

Chaque citadelle se vante d’abriter des temples de chacune des quatre divinités mais généralement, elles tendent à ériger le culte d’un aspect mineur d’un des dieux au-dessus de sa position habituelle dans le panthéon. Dans de nombreux cas, la cité et sa divinité titulaire finissent par se confondre, profondément interconnectées au fil des siècles. Si bien que lorsque l’on affronte une armée infernale, on peut déterminer sa citadelle d’origine par les icônes religieuses qu’elle brandie en guise de bannières.

 

Ci-après vous trouverez des bannières que j’ai pu rencontrer. Ce n’est qu’un petit échantillon et elles ne représentent pas forcément les citadelles les plus puissantes de la Plaine, pourtant elles hantent encore mes cauchemars.

 

– Capitaine émérite Urs Bödeker, Légions de fer de Myra

 

–––––

 

Sakumesh

 

La citadelle de Sakumesh contrôle un des rares lieux du territoire infernal où l’on peut pratiquer l’agriculture conventionnelle. Elle est dédiée à Gantar, une représentation de Shamut le Vengeur, figurée par une déesse guerrière liée au sexe et à la fertilité. Dans la mythologie naine, Gantar fut capturée et tuée dans les limbes avant de revenir à la vie. Ce symbole du cycle de la vie est partagé par beaucoup de cultures à travers le monde. Les nains orientaux voient généralement dans l’histoire de Gantar une parabole qui condamne la vie sous terre, telle qu’adoptée par leurs cousins occidentaux. L’emblème de Gantar est un lion en laisse.

 

Gar-Shakhub

 

De nos jours, c’est la citadelle la plus proche de la Fournaise, bâtie sur l'un des refuges créés lors de cet antique cataclysme. Au fil des ans, les descendants de ces survivants ont développé une force d’esprit et une dévotion sans égale au mythe nationaliste de la supériorité infernale. Gar-Shakhub a tenté à plusieurs reprises d’unifier la Plaine foudroyée depuis la création de la Fournaise, sans succès. Ses citoyens vénèrent Mikrash, une représentation primordiale et mystique d’Ashuruk associée à la foi et aux serments. Dans sa citadelle il est considéré comme le dieu de la nation. Sa bannière arbore une hache enveloppée de flammes.

 

Nekek-Nelem

 

Perchée sur la crête d’une montagne fortement boisée, Nekek-Nelem est une citadelle sombre et troublée qui n’a jamais étendu son autorité, mais qui ne fut jamais conquise non plus, grâce à sa position très facile à défendre. Sa déesse tutélaire est Dame Reshal, nom donné à Nezibkesh le Fossoyeur, gardienne respectée et crainte des profondeurs où les morts demeurent. D’après les vieilles légendes, l’entrée du Monde-du-dessous, Runalla, se trouverait sous les fondations même de la cité. Les bannières de Nekek-Nelem portent une unique bande noire représentant à la fois la mort et le charbon, minerai sacré de Reshal.

 

Dedushak

 

Symbolisée par un grand éclair, la citadelle de Dedushak voue un culte à Kadad, déesse du ciel et avatar de Shamut l’Ailé. Bien que Kadad est sensée contrôler les évènements météorologiques de manière général, elle est le plus souvent associée aux orages, qui sont les manifestations de ses violentes étreintes avec Nezibkesh le Défaiseur, Huzid. Dedushak est une citadelle militariste dominée par le clergé de Shamut, et où l'on peut trouver plus de taurukhs que dans les autres citadelles. Les voyageurs racontent que les énormes cornes de bronze érigées par-delà ses remparts projettent des éclairs à travers la Plaine foudroyée quand la citadelle part en guerre.

 

Kubnut-Bebit

 

La plus orientale des citadelles, Kubnut-Bebit, est influencée par les cultures et les traditions de l’Extrême-Orient. Elle est fabuleusement riche, profitant de la Route de l’acier comme aucune autre citadelle, sauf peut-être Vanekhash. En théorie, cette citadelle est le lieu sacré de Ura, la déesse de la magie, mais récemment les bannières de Kubnut-Bebit s’ornent de l’étoile de Tazda, une divinité étrange, androgyne, qui ne provient pas clairement des Vanebs. Son culte, inspiré des religions orientales, est pratiqué de manière presque monothéiste, à la limite de l’hérésie. Tazda semble être une divinité de vérité et de pure « bonté », du mieux que je puisse traduire le terme abzhaghab.

 

Zetivak

 

Une citadelle ancrée dans l’orbite de Zalaman-Tekash, Zetivak est aussi connue sous le surnom de « Bibliothèque de Zalaman ». Il s’agit du plus grand lieu d’apprentissage de la Plaine foudroyée, disposant du plus grand registre de tablettes et de parchemins conservés par une armée de scribes. De fait, son patron est Kabu, Ashuruk le Scribe, réputé pour son savoir et sa sagesse. C’est une divinité mineure, puisque, hors des murs de Zetivak, Lugar a usurpé depuis longtemps la plupart de ses attributs. L’armée de cette citadelle n’est pas très importante mais elle contribue à fournir aux forces de Zalaman ses plus puissants magiciens. Ces derniers sont identifiables grâce au croissant de lune, symbole de Kabu.

 

Nedzhid

 

Nedzhid est parfois appelée la « Citadelle de la nuit » à cause des fumées opaques qui s’élèvent de ses fabriques, dissimulant le ciel pour tous ceux qui ne vivent pas dans les plus hautes ziggourats. Positionnée au nord de la mer de la Soif, il s’agit probablement du plus grand bastion des industries infernales. C’est une citadelle relativement récente, fondée au cours de la guerre contre les précédents occupants de la mer, les Arandais. Les guerriers de Nedzhid portent sur leurs étendards un engrenage de Ninarduk, un aspect de Nezibkesh l’Inventeur, patron des ingénieurs.

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  • 2 ans après...

p.82

 

Langue

 


On rencontre bien des compagnons intéressants lors des pèlerinages. Peu de temps après que Josette et moi nous fûmes lancés sur le Camino de Santinigo, nous passâmes une soirée autour d’un feu de camp avec un vieil homme à l’air morne, portant d’affreuses marques de brûlure sur tout le côté gauche de son corps, y compris le visage. Lorsque je lui proposai mes services comme à l’accoutumée, il me répondit qu’il n’avait aucune pièce à m’offrir en échange de mes histoires.

 

« Mais peut-être accepteriez-vous ceci à la place ? » dit-il, me tendant une sorte de brochure toute froissée. Une lueur s’entrevoyait dans son regard hagard. « Vous êtes un voyageur. Vous vous intéressez certainement aux langues. »

 

Je feuilletai les pages tachées et usées.

 

« C’est un guide du langage inf–

 

— Ne prononcez pas ce nom », m’interrompit-il, réprimant un frisson. Ses yeux se mirent à inspecter furtivement les ténèbres qui nous enveloppaient. « C’est le dernier souvenir que je garde de ces horribles épreuves. Ce livre m’a été fort utile en son temps. Je prie que vous n’ayez jamais à vous en servir. »

 

Les cicatrices sur sa joue gauche parurent se contorsionner et danser dans la lueur des flammes.

 

– Extrait des Œuvres complètes de Samuel le Pépin, pèlerin et raconteur professionnel

 

–––––

 

Extrait du Chapitre 1 : Introduction

 

Les nains d’Orient se nommaient autrefois abzhagevish, le « peuple de l’Acier ». Cependant, après qu’ils se soient voués à la Fournaise, ils prirent le nom de vanebevish, le « peuple de la Flamme », que nous appelons « infernal ». Le premier terme reste employé pour décrire les nains et les géants de façon générale, et la langue infernale s’appelle toujours « abzhaghab ».

 

Extrait du Chapitre 2 : Bases

 

Pronoms personnels :
anak, je
atat, tu (masculin)
atti, tu (féminin)
ash, il
ashi, elle
ninak, nous
attu, vous (masculin)
atta, vous (féminin)
shunu, ils
shina, elles

 

Nombres :
zarat, zéro
vanat, un
gekh, deux
kubash, trois
erish, quatre
kherub, cinq
ghush, six
sizam, sept
bitak, huit
silam, neuf
velash, dix

 

 

Extrait du Chapitre 3 : Commerce

 

Vocabulaire
valib, nm. pièce de monnaie
vezlib, nm. monnaie, devise
tetar, nm. prix
idnaz, adj. élevé
idzhur, adj. bas
bazak, v1 tr.accepter
ghebkar, vtr. échanger

 

Phrases
Gu atat bodzhvak vu di vezleb ? Quelles devises acceptez-vous ?
Gu di atatshe tetarute but ? Quel est votre prix pour cet article ?
Gu tetar idzhur ! Ce prix est trop élevé !

 


Extrait du Chapitre 4 : À l’auberge

 

Vocabulaire
amum, nm.couverts
dadnush, nf. chèvre
kamaum, v5 itr. fêter
kekdakh, nm.couteau
kerutash, nf. chien
kimemi, nf. invité
kimum, nm.nourriture
nakaum, v5 tr. organiser (un évènement)
nekem, nm. hôte
nenem, nm. festin
otmerub, nm. oiseau
segish, nf. serpent
zadish, nf. viande

 

Phrases
Ribshaudzh anak …, Donnez-moi …
Ribshaudzh vu anak am dadnushte zadnish, Donnez-moi de la viande de chèvre
Sarapte gekh vashenvab, Deux carafes d’eau
Ribshaudzh vu anak am sarapte gekh vashenvab, Donnez-moi deux carafes d’eau
Nakaum vu nemem am…, Organiser une fête pour…
Gu anak nakdzhan zidalab vu nenem ama kavir ban, Je vais organiser une fête pour l’honorable vizir ce soir.

 

 

Extrait du Chapitre 8 : Hiérarchie

 

Dans les listes ci-dessous, les membres du clergé sont systématiquement donnés avant les titres civils. Nous le faisons uniquement dans un souci de facilité ; en fait, le dirigeant suprême de toute Citadelle est son ou sa despote, et les autorités civiles sont techniquement distinctes de la hiérarchie religieuse. Cependant, la relation entre les deux n’est pas toujours des plus limpides. Pour éviter d’offenser qui que ce soit, prenez grand soin d’employer le titre et le marqueur honorifique qui conviennent à chaque personne.

 

Titres
gurish, prophète
vatshak, prêtre
kavidnaz, despote
dzhabar, vizir (en fait il existe de très nombreux titres pour les personnes que nous appelons « vizirs », mais celui-ci est le plus fréquemment rencontré)

 

Honorifiques
Ces marqueurs suivent les noms et les titres. Tout rang social au-delà d’un simple citoyen requiert l’emploi tant d’un titre que d’un marqueur honorifique.

 

aram, pour les hauts membres du clergé, tels que prophètes et les membres du conseil des Mages
en, pour le bas clergé
shar, pour les despotes
ban, pour les vizirs et bureaucrates de rang intermédiaire
tur, pour les citoyens
lan, pour les nains non-citoyens
uk, pour les non-nains non-citoyens
ilim, pour les vassaux
pi, pour les esclaves

 

Exemples :
Khazlub-Tur, monsieur Khazlub (simple citoyen)
Shalban-Ilim, monsieur Shalban (un vassal)
Vudzhinesh Gurish Aram, Sa Sainteté le prophète Vudzhinesh
Kavidnaz Shar, Son Éminence le despote

 

 

Extrait du Chapitre 15 : Guerre

 

Vocabulaire
kazhlauk, v5 atr. escarmoucher (avec)
kedikh, nf. épée
kednukh, nf. guerrier
kevish, nf. bouclier
kezhlak, nm. escarmouche
nazhlauk, v5 atr. faire la guerre (avec)
nezhlek, nm.guerre
sheluk, nm.soldat
vagaush, nf. protéger
vegish, nf. armure
zhaluk, nm.arme
zhelik, nm. bataille
zhilegi, nf. ennemi
erutesh, nf. assaut
rutash, v2 atr. attaquer
turush, nf. fuite, retraite
tarush, v2 itr. fuir, battre en retraite


 

ÉCRITURE

 

Extrait d’un Manuel de la langue infernale à l’usage des marchands, par Severina Di Mercurio

 

Caractères étroits

Caractères mixtes

Caractères larges

 

L’écriture infernale est organisée en unités syllabiques. C’est-à-dire que chaque glyphe dans le système d’écriture représente une syllabe à part entière, et non pas un son unique comme dans notre alphabet avrasien.

 

Comme vous pouvez le remarquer, il n’y a pas moyen d’écrire une consonne sans une voyelle associée. La convention est d’écrire toutes les consonnes isolées au moyen du glyphe « -u ». Ainsi, « X » peut être lu soit « t », soit « tu ». Malheureusement, il n’y a aucune manière de savoir de quelle manière lire ce glyphe sans connaître le mot en question. Mais rassurez-vous : à mesure que vous vous familiariserez avec cette langue, vous serez bientôt à même de comprendre quelle lecture est la plus probable dans un mot donné.

 

Les mots sont séparés les uns des autres par une espace, bien que ces espaces aient considérablement varié en largeur avant l’invention de l’imprimerie moderne.

 

Les phrases sont séparées par un trait vertical :

 

Voici quelques exemples de l’usage de cette écriture :

 

Gu anak sugtshub, Je suis une marchande

 

Am shatvak hannap, Je suis venue en bateau

 

Il est également possible de rencontrer une écriture d’un style plus ancien, à l’air plus compact, dans lequel les traits adjacents sont fondus ensemble en un seul « bloc », les rendant assez dissemblables à l’œil non averti. Ces glyphes sont assez rares ; ils apparaissent surtout sur d’antiques textes gravés sur la pierre. Ne vous laissez pas décourager : il suffit d’imaginer des traits plus fins à la place des « blocs » pour y voir les glyphes sous leur apparence moderne.

 

Par exemple :

 

Comme vous pouvez le voir, ils sont bien distincts, mais n’ayez crainte : vous ne devriez pas rencontrer ces glyphes très souvent, à moins que vous n’ayez pour habitude de fouiller des temples et ruines des temps anciens.

 

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p. 112

 

Épilogue

 


Chère Maman,

 

J’espère que vous avez bien lu toutes mes lettres dans le bon ordre, quand bien même elles vous sont parvenues ensemble, fourrées dans une même lourde enveloppe, couchées sur papier au cours de la même semaine.

 

Je dois dire que ce voyage a été on ne peut plus instructif. J’ai vu bien plus du monde que ce que je ne l’avais jamais rêvé le jour où vous me permîtes de quitter notre domicile pour aller étudier à Friedrichsberg. Je me suis vue assimiler de vastes connaissances en cartographie, histoire, linguistique et ingénierie. La sténographie couturière m’a été d’une valeur inestimable pour me rappeler de la plupart d’entre elles. Je suis à peu près certaine d’avoir doublé ma consommation annuelle de plumes et d’encres en l’espace de ces trois jours passés à retranscrire mes notes et lettres dans un format plus conventionnel. Triplé même, si l’on compte également mes traductions du journal de l’Ambassadeur. Il était plutôt impressionné par la démonstration que je lui ai faite de ma maîtrise du tsouandanais formel, et il estime que nos deux récits sont entrelacés.

 

Mon séjour à Vanekhash touche à sa fin. Son Excellence Bao m’est fort, fort reconnaissant d’avoir sauvé Jou, qui a réclamé que l’on m’affranchisse. Connaissant à présent les coutumes de cette cité, je me suis assurée d’obtenir un acte écrit de cette décision. En échange des services que je lui ai rendus en tant que garde du corps, l’Ambassadeur me propose, en tant que citoyenne libre, de l’accompagner dans sa prochaine mission. Toute plébéienne que je pusse paraître, me voilà donc embauchée ! Je servirai désormais de traductrice officielle à Son Excellence, étant donné que je manie à présent un certain nombre de vocables qu’il ne connaît pas.

 

Il semble penser pouvoir bientôt faire bon usage de mes talents, que ce soit à Long-Tsing tout comme à son prochain lieu d’affectation.

 

Lors de mon séjour à la fonderie, j’ai tiré de nombreux enseignements du mode de production de la technologie infernale. Leur mépris de l’humaine étrangère et ignare que je suis me sera bien profitable : je n’avais jamais pensé au métier d’espionne, mais je chéris ces occasions qui m’ont été données d’en apprendre plus sur les rouages internes, si je puis dire, de leur société.

 

J’ai accepté de retranscrire mes notes et mes mémoires de mon séjour dans cette fabrique pour le compte de l’Ambassadeur. J’ai eu le bonheur de recevoir du papier digne de ce nom afin de pouvoir recopier les modèles que j’ai observés. Je dois dire que je suis impressionnée par l’ingéniosité de Khezek et de Nezira, qui sont parvenues à acquérir le papier en-tête officiel de l’usine. Mes amies naines s’entendent décidément comme larrons en foire avec Son Excellence ; je me demande bien quel peut être l’objet de leur conspiration. En guise de paiement pour cette transaction, je me suis vu offrir une garde-robe entièrement remplie de nouvelles robes. Le style tsouandanais dénoterait certainement à Fuhrberg, mais la soie en est d’une exquise qualité, et après les affreux haillons que j’ai été contrainte de porter depuis mon arrivée en Orient, je me sens positivement rajeunie.

 

J’ai même eu la chance d’afficher mes nouveaux atours en public ! L’Ambassadeur m’a menée, bras dessus bras dessous, au grand bal donné en l’honneur de la divinité locale, Vaumkerutash, afin de fêter la victoire sur Gar-Shakhub. Oh, Maman, vous auriez été si fière ! Ayant enfin levé le nez des pages de tous ces volumes indignes d’une dame, voilà que je me suis retrouvée à séduire tous les prophètes, y compris le vieux diable qui m’avait achetée. Je pense qu’il ne m’a pas reconnue, tant je resplendissais (à moins que ce ne soit en raison de sa myopie !). J’ai même dansé avec le commissaire de police, lequel a paru amusé et charmé par le fait d’avoir trouvé une partenaire bipède à sa taille. En vérité, je n’ai dû ce succès qu’aux « semelles pot-de-fleur » qui sont le dernier cri de la mode tsouandanaise, et même avec cette aide, une plus courte que moi eût échoué. Au final, nous avons donné là un spectacle assez cocasse.

 

C’est chargée de cicatrices que je quitte Vanekhash. Celles que m’ont laissées les fers du vaisseau corsaire, celles que m’ont causées les substances nocives employées dans la fabrique, les marques des coups portés par le gourdin du geôlier… et les cicatrices de l’âme. C’est un pays âpre et cruel. Je me dis que notre Empire est bien plus plaisant, mais je me demande si Marguerite en jurerait de même. Devrais-je juger Vanekhash par l’ambiance de son port et de ses fonderies, ou par celle de sa Grande Ziggourat ? Le palais impérial est-il plus représentatif de la vie sonnstahlienne que le bas-peuple des hameaux de Fuhrberg ?

 

Si je ne regrette pas de quitter cette cité, dame Khezek et Nezira, en revanche, me manqueront. Ce sont des personnes modernes et progressistes, que toute nation devrait envier. Nous avons passé toute la nuit dernière à débattre du meilleur mode de gouvernement, et je n’ai pas l’impression que leur intérêt était purement théorique. Dame Khezek n’a d’ailleurs pas manqué de me questionner abondamment sur le fonctionnement de l’Empire et d’Avras. En fait, je pense que vous l’aurez rencontrée un peu avant de lire cette missive, puisqu’elle m’a promis de vous la délivrer en mains propres. Je lui fais entièrement confiance, même si j’ai la certitude qu’elle ouvrira mes lettres pour les lire chemin faisant. Elle refuse toujours de me révéler le véritable motif de son voyage, mais je suis heureuse d’avoir acquis un facteur aussi sûr pour pouvoir vous transmettre toutes ces nouvelles me concernant.

 

À ce propos, chère Khezek, si je ne me suis trompée, je te prie de bien vouloir apposer ta signature au bas de ce document. Je pense par ailleurs que tu projettes de mener une expédition à Avras une fois de retour de l’Empire. Si tel est bien le cas, pourrais-tu en parler à Maman, en lui offrant quelques renseignements de plus sur ton peuple afin de compléter sa collection ? Elle te repaiera en te fournissant quelques contacts inestimables dans cette ville.

 

Avec tout mon amour,

 

– Olivia von Fuhrberg, traductrice auprès de S. E. l’Ambassadeur du Tsouan-Tan à Vanekhash,

 


Bien joué, Olivia. Bien joué. Baronne Caroline, j’espère que vous apprécierez à sa juste valeur cette mine de renseignements que je vous confie ici au sujet de mon peuple – et de votre enfant unique.

 

– Émissaire Khezek Imar

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4e DE COUVERTURE


Protégés par leurs hautes murailles, et plus encore par leurs sévères lois, les maîtres de la chaîne et du fouet émergent des ruines fumantes de la Plaine foudroyée. Du haut de leurs puissantes ziggourats, ces architectes d’un nouvel ordre mondial redoutable et despotique proclament leur détermination d’acier au visage de leurs innombrables ennemis. Tous sont appelés à servir – ou à succomber– face aux Nains infernaux !

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