Inxi-Huinzi Posté(e) le 1 mai 2007 Partager Posté(e) le 1 mai 2007 lieu ne recelait aucuns courants. aucun courant dans so nesprit aux trolls des armées uncrâne énorme, carré, deux machoires prohéminentes bardées de crocs luisa connaître e magie, deux-jambes ? Malgré vos grands aiurs, je ne pense pas qu’il nous regardepas. Vous avez se syeux injectés de sang. Sifflant de rage Comme quoi, il a fini par se faire avoir ! Mais, ce qui serait normal, te connaissant un petit peu, c'est que ca ne l'ait pas achevé ! Je sais pas comment mais ca serait trop simple ! Et puis il reste les potes dans les environs Suite et déso d'avoir zappé le passage d'avant mais comme tu t'obstines à pas me prévenir @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 2 mai 2007 Auteur Partager Posté(e) le 2 mai 2007 A priori, non, il ne se relèvera pas, c'était juste un grand fanfaron... Je m'excuse pour les fautes de frappe, et voici la suite ( on carbure un max., profitons des instants de repit entre les concours ! ) Après avoir essuyé son front maculé de sang et de sueur avec sa manche, Lamenoire se retourna vers l’entrée du hall, en grimaçant : « -Peut-être notre mysterieux sauveur va t-il enfin daigner se révéler au grand jour ? -Pourquoi pas ? » répondit une voix dans l’ombre des marches. L’homme s’avança dans la lumière des cierges, son arc à la main. Il portait une tunique courte d’un vert passé retenue par une ceinture de cordes, un pantalon usé, une gourde en bandoulière, un carquois dans le dos, une paire de bottes en cuir indéfinissable, et un couvre-chef qui devait être un bonnet à plumes, mais qui ressemblait plus désormais à une masse informe de tissu décoloré. Il ôta d’ailleurs ce couvre-chef pour saluer bien bas ses deux alliés d’un jour : « -Je me présente : Voltigern, pour vous servir. » Puis se tournant vers la bête terrassée : "-Quelles outres de vanité, vous ne trouvez pas ? Encore un orgueilleux qui se sera sur-estimé." Lamenoire se laissa tomber sur le sol poussiéreux, épuisé par ses derniers efforts. Il secoua la tête, percevant une pointe d’ironie dans la situation malgré sa fatigue : « -Vous l’avez déjà fait deux fois, il me semble. -Soyez-en remercié » renchérit Mylnar en récupérant sa hache, qui libéra un flot de sang en se détachant du poignet du cécrops, raidi par la mort. L’archer avait la peau très pâle, mais opaque, comme si elle avait été teintée pendant des années par des pigments clairs. Sur son visage blafârd, des tatouages d’un bleu vif apparaissaient encore, sur ses joues, son front et son menton. Il avait des yeux rapides, acérés, des sourcils prononcés et des cheveux épars, tombant sur ses oreilles. Il traversa la pièce d’un pas rapide, s’assit sur le corps renversé du monstre et se mit en devoir de récupérer ses flèches en marmonnant : « -difficile d’en trouver de nouvelles dans les parages. S’agit de les économiser. -Je suis Lamenoire Gandacier, se présenta le rôdeur. -Et moi, c’est Mylnar, à votre service également. -Eh bien nous formons un drôle de trio à nous trois ! -Pas si comique que cela, protesta Mylnar. -Moi ce que j’en dis… Un hospitalier, un homme-chat et un humain, c’est quand même pas banal, surtout au milieu du désert ; qu’est-ce que vous en dites ? -J’en dis, reconnut Lamenoire, que vous vous êtes trahi… Ainsi vous êtes un hospitalier ? -Oh, bien il faut être humain pour ne pas l’avoir compris, il me semble. Vous êtes du coin ? -Non, pas vraiment, du moins pas en ce qui me concerne, expliqua Gandacier. Je viens du Nord. Des Landes Ténébreuses. -Jamais entendu parler ; et toi, cher moustachu ? -Si seulement je le savais, je te le dirais volontiers, Voltigern. J’ai perdu la mémoire. -Voilà qui est facheux. Mais tu sais encore te battre, pas vrai ? lui répondit-il en clignant de l’œil. Bon, eh bien maintenant, parlons affaire. Que comptez-vous faire ? -Un instant, messire Voltigern, s’interposa Lamenoire. Vous êtes bien sympathique, mais j’aimerai d’abord savoir pourquoi vous nous avez suivis à la trace. -On se méfie encore, hein ? D’abord, je ne vous ai pas suivi à la trace. -Voilà deux jours au moins que vous restez sur nos arrières. -Vous savez quoi ? On dit que les humains ont trois Destines sur leurs pas ; mais qu’en est-il des hommes-chats ? Voltigern, que je me suis dit, tu ne peux pas laisser celui-ci en tel désavantage par rapport à son collègue, il faut que tu lui donnes un coup de pouce. Et voilà, vous avez gagné un ange gardien qui en vaut bien trois ! -Difficile à avaler. -Plaisanteries à part, je passais dans la région, et j’ai repéré vos traces dans les dunes. Pas compliqué de voir qu’il ne s’agissait pas d’orques, en tout cas. Comme je me suis demandé sur quelle bête j’étais tombé ( pensez donc, deux empreintes de chat et deux de bottes ! ) j’ai décidé de remonter votre piste. Et puis, quand j’ai vu que quelques individus louchent s’en prenaient à vous, je n’ai pas hésité. Je me suis alors dit : inutile de les rejoindre, je suis tout aussi utile à distance, pour surveiller les allées et venues des pillards de passage qui pourraient s’amener. Restons donc en retrait, et couvrons leurs arrières, il sera toujours temps d’aller les saluer plus tard, quand cela s’avérera nécessaire. -Cela a fini par arriver. -Et je n’en suis pas faché. Voilà quelques temps que je me demande ce que deux voygaeurs comme vous cherchez dans ce coin perdu. -Et vous même ? répliqua lamenoire, encore méfiant. -Moi ? Je reviens d’exil. En fait, je n’étais pas paria, mais on m’avait décidé à prendre le large de moi-même, suite à une sombre histoire de rapport de mission, de guet-apens, d’incidents de frontière… Après vingt ans d’absence, je peux enfin revenir dans mon pays. -Vous êtes sûr que vous serez accepté ? -C’est la reine elle-même qui m’a conseillé de partir pour cette période. Il n’y a pas de raison qu’elle se soit trompée. -Les reines dryades sont réputées pour leur sagesse. -C’est ce que les étrangers disent. Mais si vous l’ignorez, sachez que les dryades ne choisissent pas l’une d’entre elles pour reine. La monarchie est une chose bien trop sérieuse pour être confiée à de simples mortels. -Je vois… -Mais moi non, poursuivit Voltigern. Qu’est-ce que vous êtes venu faire dans ce pays abandonné de tous hormi des gyps ? -Nous cherchons Yrranie. -Quoi ? Ici ? Vous rêvez, les amis ! C’est plus au sud qu’il faut aller ! -Tu sais où… -Bien sûr, voyons ! Je peux vous y mener, si vous le désirez. » Lamenoire et Mylnar s’entre-regardèrent, surpris et soulagé : pour un peu, ils seraient prêts à croire que la chance leur souriait ! « -Vous êtes certain de savoir où… -Mais c’est l’évidence même ! Comment pourrais-je l’avoir oublié ? -Mais alors, qu’est-ce ? -Quoi donc ? -Yrranie, bien sûr ! -Vous l’ignorez ? Ah, cela par exemple ! Bah, ne vous faites pas de soucis, vous l’apprendrez tôt ou tard. Vous n’avez aucun soucis à vous faire. -C’est à combien de jours ? -Une semaine, peut-être ? estima l’hospitalier en laissant tomber son carquois. On passe le Fleuve Vert, et ensuite on va droit vers le midi, jusqu’à la grande forêt. Mais assez parlé aventures. Vous n’avez pas faim ? » Il sortit du fond de son carquois un quignon de pain et une petite fiole de liquide clair et frais, aux reflets rouge vif. Il la déboucha et en versa quelques gouttes dans sa gourde : « -J’ai puisé de l’eau dans le courant, hier, mais l’eau ne me paraissait pas très salubre. Quelques gouttes de ce mélange suffiront pour nous éviter toute infection. -Si seulement cela pouvait guérir les maladies déjà installées, regretta Gandacier, en sortant lui aussi de son paquetage de quoi boire et manger. -Vous êtes souffrant, reconnut Voltigern en fronçant les sourcils. -Il a la lèpre » précisa Mylnar en mordant sans trop d’appetit dans les rations des nains. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 2 mai 2007 Partager Posté(e) le 2 mai 2007 Bon pas de faute de frappe ce coup-ci bon principal défaut... Enfin façon de parler, c'est que j'avais pas compris qu'il y avait un type qui les suivait. J'ai dû rater les allusions à moins qu'il y en avait pas. Idem pour la flèche, je croyais qu'elle venait d'un des deux héros mais non Je m'en vais relire Sinon suite, un nouveau pote au rapport et personne ne connait les landes ténébreuses @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 24 mai 2007 Auteur Partager Posté(e) le 24 mai 2007 (modifié) Il faut dire que les Landes, c'est au nord, pas du tout dans le coin où il vivait... Et oui, il y avait des indices de sa présence, mais pas nom reux et pas depuis longtemps. La suite : Livre V : Dans les terres du Sud Chapitre premier : le pays des arbres Ils n’avaient aucune envie de traîner plus longtemps que nécessaire dans les caveaux de la colline escarpée, à la merci de la première visite de pillards. Rassemblant le peu de nourriture décente et d’eau potable qu’ils trouvèrent dans les pièces qu’ils traversèrent, ils reprirent le chemin de la sortie. A plusieurs reprises, ils tombèrent sur des scènes de carnage, où corps d’hommes-serpents et de nains gisaient sur le sol, pour certains à moitié dévorés. Il aurait été préférable de donner à tous ces morts une sépulture convenable, mais le temps pressait : à eux trois, ils n’auraient pas pu faire face à une nouvelle bande d’auguipèdes, surtout si elle s’avérait aussi nombreuse, et s’ils s’étaient épuisés à creuser des fosses. Lamenoire accueillit la vue de l’arche de pierre de l’entrée des tunnels avec un sentiment d’appréhension mêlé de soulagement : s’il était heureux de quitter ce sépulcre humide, il ne redoutait pas moins le retour aux grandes chaleurs. Epuisés, ils se laissèrent tomber au sol, et Lamenoire prit la première garde, adossé à la porte de pierre, pendant que ses compagnons dormaient dans la pénombre. Ils se relayèrent ainsi à la veille, jusqu’à ce qu’une nuit ait passé. Ils ne revirent pas de pillards serpentins, mais ils avaient recouvré un peu de leurs forces. Puisant une dernière fois de l’eau dans les tonneaux éventrés des nains, ils se remirent en marche dans le sable déjà presque brûlant. Des gyps affamés tournoyaient autour d’eux, criant leur faim insatiable. Voltigern en abattit un d’une de ses flèches, mais ils ne purent se résoudre à faire un feu par cette canicule, pas plus qu’ils ne se décidèrent à manger la chair crue et putride du volatile. Les premiers contreforts de la falaise passés, ils se retrouvèrent à nouveau dans la plaine désolée et silencieuse. Un jour entier passa, rythmé par la course de l’astre impitoyable. Le lendemain à l’aube, ils se retrouvaient à nouveau dans la désolation. Les grandes collines de sable se succédaient, barrant l’horizon. Marchant le long des crêtes, ils voyaient leurs ombres étirées disparaître peu à peu, absorbées par la lumière ambiante. Il ne fallut que quelques minutes pour que la fraîcheur du matin redevienne la chaleur torride qu’ils avaient plus ou moins appris à supporter. « -Je pense qu’on devrait continuer encore, jusqu’à arriver au coude du fleuve, proposa Voltigern. Il n’y en a plus pour longtemps. -Du moment qu’on en finit avec ce désert, concéda Mylnar. -Avec cette fournaise, corrigea Lamenoire. Allons-y. » Ils arrivèrent en vue du gué peu avant midi. Debout au sommet de la dernière ligne de dune, ils pouvaient voir le grand méandre du Fleuve Vert s’incurver vers l’est, à quelques centaines de mètres d’eux. La végétation réapparaissait au bord de la rivière, composée de touffes de roseaux et de mousse. Quelques bicoques écrasées par le soleil s’agglutinaient au bord du courant, en vis-à-vis de plusieurs autres baraques, sur l’autre rive. Un bac était ancré de leur côté du fleuve, immobile. On n’apercevait pas le moindre signe de vie. « -Voilà le gué, annonça Voltigern. Il faudra passer sur ce radeau. -On dirait la place abandonnée, nota Mylnar. -Les habitants sont prudents dans la région, expliqua Voltigern. Je suis passé il y a quatre ans, et l’on trouvait encore une poignée d’habitants. -De quoi vivent t-ils ? demanda Lamenoire. -Du péage pour traverser, des marchandises des rares voyageurs, et de la chasse surtout. -Au moins, on pourra s’y mettre à l’ombre, apprécia l’homme-chat. -Autrefois, il y avait une auberge sur l’autre bord. C’était un établissement honnête, surtout pour des voyageurs épuisés. » Ils descendirent la pente, moitié courant, moitié glissant, pour arriver bientôt aux abords du hameau. L’air était encore sec, malgré la proximité du courant. Les maisonnettes étaient bâties en bois à moitié rongé par le vent et la poussière. Une rue balayée par la brise écrasante se dirigeait droit vers l’embarcadère, composé d’une trentaine de planches pourries. Les trois voyageurs s’arrêtèrent devant les premières façades grisâtres, observant les environs. Une sorte d’hybride entre un chien et un coyote déboucha à l’autre extrémité de la rue, et se mit à trotter dans leur direction en grondant. L’hospitalier, tout en le gardant du coin de l’œil, se posta devant la porte de la première bicoque et frappa de quelques coups le battant : « -Olah du village, c’est à vous, ce rejeton de chacal menaçant ? » Après une seconde d’attente, la porte pivota pour laisser la place à un homme courbé, au visage hirsute, armé d’un long couteau de cuisine. L’individu toisa l’étranger, méprisant, et grogna : « -C’est l’chien de Lainard. Mais qu’est-ce que ça peut vous faire ? -J’aimerai savoir à qui m’adresser si je suis obligé de l’abattre. » L’homme se tourna vers la bête, qui s’était assise à deux pas, les crocs découverts. « -C’t’un brave animal, qui n’s’en prendrait qu’à des pillards. C’est-y qu’vous avez quelque remord pour avoir mené vos pas dans un tel coin perdu ? -Oh, l’Ecorcheur, tu parles aux étrangers, à c’t’heure ? lança un autre villageois, qui sortait de sa maison, armé d’un tisonnier. -Nous sommes de passage, expliqua Voltigern. -Où allez-vous par là ? Y’a pas grand monde. -Nos affaires nous regardent. Dites-nous seulement si l’on peut prendre le bac. -Pour ça, faudra voir avec Troubliaud, le nocher. -Dites-voir, s’inquiéta l’homme au tisonnier, faudrait voir à pas nous amener de problèmes. -Nous ferons notre possible pour passer inaperçus. -Il ne peut rien venir de bon du désert, commenta Lainard, qui sortait de sa maison, une hache rouillée à la main. Il s’arrêta pour caresser son chacal apprivoisé. -Votre prudence est remarquable, répondit Voltigern, mais insensée. Si nous avions voulu vous causer des ennuis, vous seriez déjà tous à terre. -J’aimerais bien voir cela, s’esclaffa l’Ecorcheur. -Il ne tient qu’à moi de vous plonger dans une épouvante insurmontable, insista l’archer. -Cause toujours ! -Mon camarade ici présent, non content d’être un bretteur efficace… -C’te blague ! -Est lépreux. » Les trois villageois se figèrent, puis l’homme au tisonnier, toussotant, s’éloigna en murmurant : « -C’est pas tout ça, j’ai d’l’ouvrage moi. -Bon, heu… bafouilla l’Ecorcheur. Venez, j’vais vous mener au nocher, c’est par là. » Plusieurs portes s’ouvrirent à leur passage, et des visages étonnés apparurent dans les embrasures des fenêtres. Quelques regards furtifs traversèrent les volets entrouverts avec prudence, dirigés vers les nouveaux venus. Lainard restait près d’eux, escorté par son chien, en grommelant : « -La lèpre, encore bien ! -Si vous tenez à ne pas la subir, écartez-vous plus, railla Lamenoire sur un ton amer. -Bah, tout cela peut très bien être un mensonge destiné à endormir notre méfiance. -Vous êtes très perspicace » ironisa le rôdeur. A côté de la jetée, le bac clapotait sur l’eau rapide. Une longue gaffe était fichée dans le sable, à portée de main. A quatre ou cinq mètres du ponton, un petite construction s’enfonçait dans la berge, recouverte par la mousse et le lichen. Elle ressemblait vaguement à un pavé de pierre taillée, à moitié enfouis dans le limon, et décoré d’antiques frises colorées, dont la peinture avait fini par s’écailler. Gandacier observa un instant la bâtisse qui ne s’élevait pas à plus d’un mètre du sol, et qui présentait des fenêtres et un portail, tous bouchés par des gravats et la tourbe sèche. « -De quoi s’agit-il ? -C’est le sanctuaire, déclara l’Ecorcheur, comme si cela expliquait tout. -Un sanctuaire, ça ? s’étonna Mylnar. Aussi loin que je me souvienne, les lieux de dévotion sont témoins de plus d’attention. -On ne sait plus très bien pourquoi on a construit celui-ci, expliqua Lainard. Il date d’une paire de siècles. -Plusieurs millénaires, d’après m’sieur le clerc, corrigea l’Ecorcheur. -Où est le passé le conducteur du bac ? demanda Voltigern. -J’vais l’chercher, messire, fit l’Ecorcheur. Bougez pas. -Aucun risque, l’assura Lamenoire. -Non, c’est sûr » opina Lainard en caressant la tête de son chien. Le boucher du village entra dans une des masures puis revint bientôt, à peine rassuré, accompagné du passeur. L’homme en question était un être frêle, affligé d’un pied-bot, et qui regardait ses interlocuteurs par en-dessous, l’œil torve et vitreux. Recouvert d’une pèlerine d’un bleu pâle, armé d’une vieille épée rouillée, il suivait son collègue en clopinant. Arrivé devant ses trois clients, il hocha de la tête et les observa avec méfiance : « -Qui vous êtes et c’qui vous amène m’est bien égal. J’veux voir d’quel or vous m’payerez. -C’est bien naturel, assura Voltigern. Dites-nous d’abord votre prix. -Deux vassali par tête, estima l’infirme en faisant claquer sa langue. -C’est bien trop cher ! protesta Lamenoire. -Mon compagnon de route n’a pas tort, pensa tout haut l’hospitalier ; à ce compte là, il serait moins hasardeux de tenter la traversée à la nage. -Essayez toujours ricana le passeur. Avec ce courant, vous finirez dans la panse d’un quelconque hydrophage ! -On arrive en début de saison des pluies, et le désert règne en maître. Tu veux me faire croire qu’il y a trop d’eau pour essayer ? J’ai toujours été bon nageur, voyons si je n’ai pas perdu la main, rétorqua l’homme des bois, en se dirigeant vers la berge. -Un vassali, proposa le nocher, en ramassant sa perche. C’est mon dernier mot. -Trois ribeaudi par personne, répondit Voltigern. -Mais nous n’avons pas… protesta Mylnar. -Cinq, trancha le Passeur, en tendant la main. Voltigern parut satisfait : « -Tope là, détrousseur. Voilà ton argent. » Il ota son couvre-chef et retourna la doublure, révélant une poche en toile, de laquelle il sortit les deux pièces d’argent, plus le quinzième ribeaudi, et les tendit à leur nouveau propriétaire. Coupant court à toute protection, il ajouta : « -C’est un honneur pour moi que de partager mon maigre bien avec mes nouveaux amis de voyage, vraiment ; vous m’offenseriez en refusant. D’ailleurs, débourser est le seul moyen pour passer cette rivière, quelle que soit la saison. N’est ce pas, le passeur ? » Ce-dernier émit quelques sons ressemblant à des grognements, sous le regard amusé des autres villageois. Une petite bande s’était maintenant rassemblée, pour assister au marchandage ou mieux observer les voyageurs. Une vingtaine de vieillards, d’hommes en sarrau, de femmes et d’enfants avaient formé un cercle bourdonnant de chuchotis et de discussions animées. Lainard se tourna vers la petite foule et leur fit comprendre en quelque mots que leur présence ne faisait qu’augmenter les risques de contagion, puisque l’un de ces messieurs avait la lèpre ! A ces mots, la plupart retournèrent d’un pas rapide dans leurs chaumières. « -Ah, la lèpre, cela change tout, nota le Passeur ; j’vais chercher l’sire Mandius, pour qu’il examine le malade. -Est-ce vraiment nécessaire ? -J’vous prends pas dans mon bac si j’risque quoi qu’ce soit, décréta t-il en sautant sur le radeau, et en appuyant de toutes ses forces sur la berge. Je reviens de suite. » Modifié le 25 mai 2008 par Shas'o Benoît Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 28 mai 2007 Partager Posté(e) le 28 mai 2007 Aussi loin uqe je me souvienne, les lieux que l’hospitalier ; a ce compte là, il serait à Bon c'est pas mal ! Enfin un peu de vie et de courtoise meme si c'est tout relatif ! Je verrai bien une petite guérison ou quelque chose qui s'en raporte ! Genre une quete ou un truc comme ca ! @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 2 juin 2007 Auteur Partager Posté(e) le 2 juin 2007 Je corrige les fautes et je poste la suite ! Quand à ce qu'il va arriver dans le village, cela se profile peu à peu... Les trois nouveau-venus en profitèrent pour se reposer quelques minutes, assis devant la vieille construction à moitié ensevelie. Elevée depuis des saisons sans nombre, les pierres elles-mêmes semblaient avoir achevé leur désagrégation : seules la mousse et l’humidité faisaient tenir le tout, et il apparaissait qu’au moindre coup de vent, le tout se serait aussitôt effondré. Il n’eurent pas à attendre longtemps, car le bac revint bientôt, avec à son bord quatre nouvelles silhouettes. Il était évident qu’il s’agissait des plus éminents habitants du village. Le premier à mettre pied sur la berge était un homme assez agé, portant une courte barbe grisonnante. Il avait jeté sur ses épaules une cape délavée, qui masquait sa tunique aux couleurs ternes. Il portait une petite dague passée à sa ceinture, et cela suffisait pour assurer son regard. Il s’approcha des trois visiteurs avec méfiance, mais garda néanmoins ses distances et attendit que les trois autres se soient approchés pour parler. Le second à débarquer était un homme plutôt grand, et dont la taille était rehaussée par la longue bure d’un noir de jais pendant sur son corps maigre. Sa tête disparaissait sous un masque resserré autour du cou, et terminé par un long bec légèrement incliné, et percé de deux fentes d’où sortaient de légères volutes de fumée odoriférante. Ses deux yeux brillaient, reflétant la lumière du jour sur leurs lames de verre. Il s’inclina légèrement dans un salut quelque peu affecté. La troisième personne était une jeune femme vêtue d’une simple tunique en laine, d’une paire de braies et d’une capeline retenue par une broche en cuivre. Elle observa tour à tour les visiteurs, gardant ses deux mains serrées autour de son arc, une arme primitive taillée dans une branche d’arbre, et qui faisait pâle figure à côté de l’arc sculpté et orné de Voltigern. Néanmoins, les flèches rangées dans le carquois pendant dans son dos étaient tout aussi capable de donner la mort que d’autres. Enfin, le quatrième arrivant était lui aussi vêtu d’une longue bure, mais dont les plis étaient usés, et le bas couvert de taches de boue. Il tenait un long bâton, ou plutôt un pieu, dont l’extrémité chauffée au feu était d’un noir absolu, duquel semblaient couler des arabesques tout le long du manche. L’homme marchait par petits bonds, ses yeux fureteurs allant de droite et de gauche. Avant toute chose, il s’inclina devant le tombeau en ruines, marmonnant quelques prières, puis s’assit à même le sol. « -D’où venez-vous ? demanda le premier homme, les bras croisés. -De régions différentes les uns les autres, commença Voltigern. Me reconnaissez-vous ? Je suis Voltigern, le… -Ta tête me dit quelque chose étranger, mais… -Vous êtes Baldring, n’est-ce pas ? poursuivit l’Hospitalier. Le chef de ce village, et le patron de l’Espadon sec ? -En effet, sursauta l’aubergiste. Je devrais donc vous croire… Mais vous permettrez que je reste sur la défensive. -C’est tout à fait compréhensible, approuva Mylnar. Mais nous ne vous voulons aucun mal. -Vous ne nous pouvez aucun mal, commenta l’homme au bâton couvert de dessins. Au moindre geste suspect, je me serais interposé, et trois pauvres hères ne me font pas peur. -Vous semblez bien sûr de vous, répondit Lamenoire en se relevant. -N’ai je pas raison ? Qui serais-tu pour me défier ? » Lamenoire se demanda un instant s’il ne devrait pas rassembler un peu des Vents, histoire de rabattre l’orgueil de cet individu. Une simple sphère de flammes suffirait peut-être à l’impressionner. « -Vos pensées ne sont pas très amicales, si j’ose m’exprimer ainsi, railla l’homme au pieu, en se relevant à son tour. Je peux le sentir. » Gandacier se détourna en haussant les épaules. Il pouvait user des leçons de son défunt maître, mais cela risquerait d’effrayer le passeur. Aussi haussa t-il les épaules : « -Tout ce que nous voulons, c’est passer sans histoires. -L’un de vous a la lèpre ? demanda l’aubergiste. -Inutile de poser cette question, cracha l’homme à la bure et au pieu. Cela se lit dans son reflet. Qui sait ce qui rampe sur leurs pas. Tuons-les, de peur que la mort ne vienne à nous. -Vous semblez avoir peur, finalement, grogna Mylnar. -Ce sont les conséquences de votre visite que je redoute. -Si tu cherches les ennuis, humains, tu sais où les trouver, s’impatienta Voltigern. Laisse-nous aller, ou bien viens verser ton sang ! » L’homme s’appuya sur son épieu pour se relever, ses deux yeux brillant d’une flamme douce mais inquiétante. Il fit un pas en avant, mais l’homme au masque d’oiseau, dont le profil rappelait celui d’un échassier, s’interposa. Sa voix filtrée par le bec et les herbes résonnait avec un écho curieux : « -Nous avons mal commencé les présentations, messieurs. Inutile d’en venir déjà aux mains. -Un fils du Serpent n’a pas besoin des conseils d’un… -Vous ferez néanmoins exceptions. -Et un fils du Faucon, répliqua Lamenoire, croyez-vous qu’il reculera ? -Je ne sais pas qui est ce Faucon, ricana l’homme au pieu, mais le Serpentaire, lui, il… -En voilà assez, protesta la jeune femme. Avant de nous trucider, trouvons au moins une bonne raison pour le faire ! -Très juste approuva le forestier. Reprenons les formalités d’usage : je suis Voltigern et voici Mylnar et Lamenoire. Nous sommes prêts à payer un bon prix pour passer le fleuve. -Un prix misérable, répondit la voix du passeur, depuis le radeau amarré. -Passons, fit Baldring, l’air pensif. Je suis prêt à croire en votre bonne foi, pour l’instant. Voici ma fille Aseri, le Fils du Serpent et… -Je suis le clerc Mandius, annonça l’homme au bec fumant. Salut sur vous. On m’a dit que l’un d’entre vous était souffrant. -Je suppose qu’il s’agit de moi, soupira Lamenoire. Je pense être atteint de la lèpre. -Vraiment ? s’étonna Mandius. Et comment pareille idée vous est-elle venue ? -J’ai probablement mélangé mon sang avec celui de lépreux au cours d’une bataille récemment ; sans compter mes maux de tête et mes vertiges récents, et mes plaies qui tardent à se refermer. Je pense qu’il y a là de quoi s’inquiéter. -Bien, dans ce cas je vais pouvoir officier. Mettons-nous à l’écart. » Tout deux s’écartèrent du groupe, longeant la façade effritée de la vieille bâtisse funéraire. Lamenoire s’assit sur une vieille souche d’arbre, et observa le clerc dans son accoutrement pour le moins pittoresque. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il n’avait jamais connu de période d’épidémie, mais il supposa qu’il devait s’agir d’un costume de rigueur en pareils cas. L’homme de lettres sortit d’une bourse à sa ceinture plusieurs herbes aromatiques qu’il introduisit dans le bec. « -Croyez-vous vraiment que cet accoutrement vous protègera de la contagion ? -Bien sûr que non, assura Mandius. Mais il rassure mes concitoyens, c’est l’essentiel. D’ailleurs, même si vous aviez la lèpre, vous ne seriez probablement pas encore atteint au point de la transmettre par simple contact. » Le clerc sortit de sa bourse quelques lentilles en verre, un ou deux petits flacons pas plus gros qu’un doigt, puis commença à examiner les plaies de son patient. Il observa avec attention la fermeté de la chair, la façon dont les croûtes et le sang s’agençaient pour tenter de combler les fissures. Il hocha de la tête, passant un linge humide et humecté d’un fluide enivrant sur le front du rôdeur, destiné à repousser les risques d’infection. Tout en laissant son soigneur officier, Lamenoire commença de le questionner : « -Qui est ce Fils du Serpent ? -Un des membres de la confrérie du Serpentaire, bien sûr. Il y en a des dizaines, mais comme il est le seul à habiter parmi nous, les gens l’appelle le Fils du Serpent. -Quel est son rôle ? -Son rôle ! Mais mon pauvre ami, vous ne vous rendez pas compte, qu’il sent le danger à mille lieues à la ronde, qu’il fait tomber la pluie, chasse les tempêtes de sable, guide les bancs de poissons et attire le gibier ? -Et quelle est votre opinion là-dessus ? -Si vous voulez mon avis, c’est un charlatan. Il n’a pas beaucoup de connaissances en matière de médecine, bien que les habitants de la région attribue aux hommes de sa confrérie des pouvoirs de guérisseurs. Il faut tout de même reconnaître qu’il sait mener un combat. Avec quelques mercenaires et d’autres membres de son ordre, il a chassé les orques du gué, il y a quatre semaines, et depuis, il est resté ici en poste d’observation. -Il vous fait de l’ombre ? -Il partage avec moi et l’aubergiste le peu d’autorité que les villageois acceptent. Mais c’est un moindre mal ; après tout, sans lui et ses confrères, nous serions tous esclaves des peaux-vertes à l’heure qu’il est. -Les fils du Serpent ont l’air d’exercer une présence non négligeable. -Ce sont les vrais maîtres du désert, et leur zone d’influence s’étend bien au-delà des dunes ; cependant, je suis persuadé que cette association n’est qu’une secte opportuniste. Sous le prétexte de servir un guide spirituel qu’ils appellent le Serpentaire, ils s’octroient le droit de juger du bien et du mal. Je les soupçonne fortement d’avoir oublié qui est Ksandrot, c’est tout dire ! Que voulez-vous qu’un homme seul face dans une telle situation ? Je suis bien obligé de me les concilier, si je ne veux pas finir le cou percé d’un dard empoisonné. -Vous ne mâchez pas vos mots ! -A vous je peux le dire : vous êtes un étranger, tout cela ne vous concerne pas. » Il poursuivit son examen pendant une demi-heure environ, après quoi il hota un instant son masque, pour happer goulûment un peu d’air frais : « -On étouffe, là-dedans, révéla t-il, ses joues creuses empourprées par la chaleur. -Quel est le verdict ? -Il semblerait bien que vous soyez atteint de la lèpre, mais je ne saurais être catégorique. Mais si tel était le cas, vous avez encore plusieurs semaines avant de devenir contagieux. L’état de vos blessures est plus inquiétant, bien sûr. -Comment cela ? -C’est pourtant évident : si votre corps doit lutter constamment contre l’infection, il ne peut pas guérir correctement d’autres injures. Sans compter que vous lutter aussi contre vos souvenirs, n’est-ce pas ? Seul un paria irait se perdre dans de tels coins perdus. » Le clerc renfila sa coiffe étouffante, puis déclara : « -Vous pouvez passer le bac ; du moins, je parlerai en ce sens. Il faut voir ensuite avec Baldring et… Le Fils du Serpent. » Ils revinrent vers leurs compagnons, pour constater que l’ambiance avait bien changé. Pendant l’examen du rôdeur, Voltigern et Aseri, la fille de l’aubergiste, avaient comparé leurs talents d’archer dans un duel de tir, malgré les premières réticences de l’homme à l’épieu. Voltigern, grâce à ses traits bien équilibrés, aux pennes parfaites et aux pointes acérées, combinés à son arc vert, sculpté dans un if blanc, tressé de chanvre et recouvert de symboles tant décoratifs que votifs, parvenait sans peine à battre son adversaire, mais la jeune femme arrivait cependant à atteindre les trois quarts de sa portée, ce qui était considérable. Mylnar avait observé la compétition aux côtés de Baldring, et même échangé quelques mots avec lui, de sorte qu’aux premières explications, le chef du village leva la main : « -Inutile d’en dire plus, Mandius ; pour une fois que nous n’avons pas affaire à des pillards sanguinaires, nous pouvons remercier notre bonne étoile. Inutile de faire attendre ces messieurs plus longtemps, surtout que ce formidable archer se proposait de payer une tournée… ! Fameuse idée que voilà. » Toute la petite troupe se dirigea vers le bac, où le nocher tuait le temps en jetant des galets dans la rivière. Se relevant d’un bond, il empoigna sa perche et s’exclama : « -Pas trop tôt ! J’aurai bien mérité ces quelques malheureuses pièces ! » Avant que les trois voyageurs n’aient mis pied sur l’embarcation, le Fils du Serpent leur barra la route de son pieu, en murmurant : « -Peut-être n’êtes vous pas des pillards sanguinaires. Mais pardonnez ma prudence… J’ose espérer qu’aucune vermine ne vous suit ou vous rejoint sur l’autre rive ? » Voltigern allait répliquer sur un ton rude, quand soudain une pensée lui traversa l’esprit. Il regarda Lamenoire, puis Mylnar. Ils avaient pensé à la même chose que lui. Gandacier se racla la gorge, puis avoua : « -Pour tout vous dire… » Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 2 juin 2007 Partager Posté(e) le 2 juin 2007 De régions différentes les uns les autres, Juste ça où j'aurais mis : différentes les unes des autres. Ca revient au même au final ^^ Sinon c'est pas mal. Quatre nouveaux persos au compteur mais comme d'hab, je pense pas qu'il y en ai beaucoup qu'on retrouvera après ! Alors voyons dans quelle direction ces quatre-ci vont pousser les trois notres ! Alors suite ! @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 12 juin 2007 Auteur Partager Posté(e) le 12 juin 2007 C'est vrai que ta formule est peut-être plus simple... "Les uns les autres" donne à la phrase une structure bizarre, non ? Voilà la suite ! *** « -Toutes ces précautions étaient-elles bien utiles ? demanda Baldring, en secouant la tête. -Absolument nécessaires, répliqua le Fils du Serpent, en contemplant la pointe de son arme. -Mais ils ne sont même pas sûrs d’être suivis, protesta Aseri. -Je suis d’accord avec le Fils du Serpent, annonça Lamenoire. Il vaut mieux prévenir que guérir. » L’homme des sables lui jeta un coup d’œil, le premier dénué de méfiance depuis qu’ils s’étaient rencontrés. Lamenoire savait de quoi il parlait : il avait déjà vu trop d’hommes et de femmes sans défense mourir dans son pays, pour prendre à nouveau des risques. Ils se tenaient tous les quatre au bord du cénotaphe, observant le remue-ménage dans le village. Mylnar, Voltigern et Mandius canalisaient le flux des civils vers le bac, où ils attendaient toujours plus nombreux les allers et retours du radeau. Le pauvre nocher faisait de son mieux pour transborder tous les villageois sur l’autre rive du fleuve, ce qui représentait tout de même deux cents personnes. S’échinant à planter sa perche dans les fonds boueux, ils se penchait et se courbait, suant à grosses gouttes. Plusieurs hommes l’aidaient avec des longs bâtons qu’ils enfonçaient gauchement dans le limon. Mylnar grogna, en observant le soleil continuer sa course, imperturbable : la chaleur était toujours impitoyable, et attendre en silence que tout ce monde ait passé le Fleuve Vert l’insupportait. « -Voltigern, tu m’excuseras auprès de ces messieurs. Je pars en reconnaissance dans les environs. -Est-ce bien nécessaire ? -J’ai besoin d’action, pas d’immobilité. Et puis nous serons fixés, ainsi. -Comme tu veux, mais ne traîne pas. » L’homme-chat disparut en quelques minutes dans l’entrelacs de dunes sablonneuses. Enfin Baldring et les siens purent se rassurer : il ne restait plus qu’une navette à effectuer, pour transporter les derniers retardataires qui revenaient juste de la pêche en amont. Les derniers habitants se rassemblèrent devant le bac, encore surpris mais pressés de se mettre à l’abri des pillards. « -Ils sont nombreux, ces hommes-serpents ? demanda Aseri. -Aucune idée, avoua le rôdeur. Mais ils étaient assez pour tenter de prendre une place-forte naine –et pour y réussir. -Les anguipèdes ne manquent jamais d’audace, commenta le Fils du Serpent. -Tout le monde est là ? s’enquit Baldring. -Il reste Mylnar, annonça Voltigern. Il a dit qu’il partait en reconnaissance. -Seul ? -Difficile de le retenir… » Un long sifflement retentit, au-delà des dunes. Instantanément, Voltigern, Lamenoire et le Fils du Serpent se précipitèrent dans la direction du chuintement plaintif. Le clerc s’interposa pour que personne d’autre ne les suive, et il poussa énergiquement les derniers villageois sur le bac. Les trois hommes arrivèrent au sommet de la première butte, à plat ventre. Ils virent une silhouette esseulée courir dans leur direction, trébuchant et roulant dans le sable. Derrière ce fugitif, à quelques centaines de mètres, plusieurs bandes d’hommes-serpents glissaient sur le sol brûlant, décochant des flèches avec une habileté discutable. « -C’est Mylnar, s’écria Lamenoire. Il faut l’aider ! -Si on s’avance, on risque de se retrouver en sous-nombre, commenta le Fils du Serpent. » Voltigern avait déjà encoché une flèche. Il banda son arc vert, visa avec soin puis relâcha la corde. Le trait se planta dans la gorge de l’anguipède le plus proche, l’expédiant aussitôt dans les affres de l’agonie. Les poursuivants tournèrent leurs regards étonnés vers les trois formes qui se tenaient au sommet de la dernière colline de sable. Ils se jetèrent au sol, essayant d’atteindre leurs nouvelles cibles, sans plus de succès qu’avant, mais ce déluge de flèches obligea les trois observateurs à rester à couvert. Courant entre les projectiles, Mylnar atteignit enfin le sommet et se laissa tomber de l’autre côté, à bout de souffle : « -Ne… Ne plus jamais courir dans les dunes… Le sol s’enfonce à chaque pas… L’horreur ! » Tous les quatre se replièrent en direction des sombres maisons. Ils s’étaient à peine adossés derrière le premier muret que déjà les brigands du désert se profilaient en haut de la butte. Mylnar montra sa petite hache en maugréant : « -Il est plus facile de couper de l’eau que d’entailler leur peau écailleuse, c’est rageant. -Combien sont-ils demanda le Fils du Serpent. -Au moins cinquante, d’après ce que j’ai vu. Mais je n’ai pas pu les observer longtemps. J’étais tapis derrière un éboulis de pierres, et dès que j’ai tué un de leurs éclaireurs, ils se sont lancé à ma poursuite. -Cela fait trop de monde pour moi et mon arc, grogna Voltigern. Il vaut mieux se replier sur l’autre rive pour l’instant, proposa Lamenoire. -On avisera ensuite » approuva le Fils du Serpent. Ils coururent vers l’embarcadère, les premiers traits se plantant déjà à quelques mètres d’eux. Les criaillements et les persiflages des traqueurs résonnaient dans l’air lourd de l’après-midi brûlant, et de rares paroles intelligibles sortaient de cette cacophonie. Ils avaient à peine parcouru la moitié de la grand’rue que soudain une bande d’homme-serpents déboula d’une des ruelles latérales. Chacun des agresseurs sabrait l’air de son sabre recourbé, une lueur meurtrière dans ses yeux reptiliens. Un corps à corps acharné s’engagea, chacun luttant avec opiniâtreté. Mylnar frappa l’un de ses adversaires du tranchant de sa hache en plein dans l’arcade sourcilière, tandis que le Fils du Serpent parvenait à en clouer un autre au sol avec son épieu. Lamenoire croisa le fer avec deux d’entre eux et larda de coups le premier, puis découpa la mâchoire du deuxième. Voltigern esquiva les passes des sabres, frappant d’un coup de pied au ventre l’un de ses opposants et lui tordit le poignet pour lui subtiliser son arme. Au bout de quelques minutes, l’afflux de serpents humanoïdes avait doublé. Certains d’entre eux portaient des écus et des armures rudimentaires faites de plaques se chevauchant par-dessus leur corps sinueux. « -Il faut arriver au bac ! S’écria le Fils du Serpent. Rompez le combat ! » Il fallut jouer des coudes, éviter griffures et tranchants et endurer bien des coups de poing et de boucliers pour arriver à se démêler de la cohue. La moitié des pillards se ruaient dans les masures, renversant les meubles et fracassant tout ce qu’ils trouvaient. A ce vacarme s’ajoutèrent les râles des blessés, les hurlements des guerriers et les ordres sifflants des meneurs de la troupe. Courant de toute la vitesse de leurs jambes, les quatre fuyards arrivèrent enfin au bac, épuisés. Le clerc se tenait encore sur la berge, tenant sa besace à deux mains. Aseri décocha deux flèches dans la foule des belligérants, blessant l’un des anguipèdes et tuant un autre. « -Poussez le bac ! ne perdez pas de temps ! » hurla le Fils du Serpent, se retournant pour faire face aux premiers poursuivants. Ils affrontèrent la première vague d’hommes et de femmes-serpents dans les hauts-fonds, frappant, parant, essayant de faire tomber leurs adversaires. Les créatures du désert paraissaient aussi à l’aise dans l’eau que sur le sable, se coulant dans les algues, entre deux eaux, sabrant leurs jambes ou essayant de les renverser. Au milieu du fracas du combat, chacun se retrouvait seul face à l’ennemi. Quelques villageois armés de haches ou de bâtons repoussaient de leurs mieux les combattants, qui déjà s’agrippaient au bord du radeau pour monter à bord. Voltigern, Aseri et plusieurs chasseurs armés d’arcs vidèrent en quelques minutes leurs carquois sur les dizaines de nouveaux arrivants. Deux hautes silhouettes se détachèrent de la masse grouillante des êtres serpentins. C’étaient des cheftaines de couvée, de grandes femmes-serpents enchâssées dans des corsets d’acier, coiffées de heaumes à visière et d’une crinière de plumes multicolores. Leurs longs corps musclés aux écailles couleur de turquoise dépassaient en taille et en force ceux de leurs semblables. La première portait un grand pavois de bois bardé de fer et un sabré démesurément long, avec lequel elle dépeça l’un des villageois. Le Fils du Serpent se porta aussitôt devant elle, parant un premier coup puis frappant de toutes ses forces sur le bouclier qui vibra en grinçant. Mais la deuxième cheftaine se porta à côté de lui, surgissant des eaux comme un dragon de mer. Elle tenait dans chaque main un sabre dentelé, orné de symboles cabalistiques. Il lui suffit de deux revers aveuglants pour transpercer l’homme du désert, qui resta un instant debout, stupéfait, puis s’effondra dans la vase. Lamenoire égorgea une des jeunes pillardes, transperça deux des anguipèdes et arriva à son tour devant les deux meneuses de la horde, qui s’étaient avancées jusque devant le bac, la première protégeant l’avance des autres avec son bouclier. Le radeau s’était maintenant éloigné à une bonne distance de la rive, et les hommes encore dans l’eau devaient nager et se battre en même temps, ce qui relevait de l’exploit. Les hommes et femmes-serpents reculèrent peu à peu, certains entraînés par le courant tumultueux. Seuls les plus forts ou les plus téméraires tentèrent encore de prendre pied sur l’embarcation, où ils étaient reçus à revers de haches. Lamenoire trancha à moitié la hanche d’une des cheftaines, lui arrachant un glapissement courroucé, mais il ne put esquiver la riposte qu’en s’enfonçant tête la première dans le fleuve. Quand il parvint à refaire surface, il fut reçu par un choc douloureux sur le crâne. La porteuse du pavois venait de le lui asséner en pleine tête, se découvrant ainsi aux archers. Trois dards se plantèrent simultanément dans son flanc, juste au moment où Mylnar arrivait à son niveau et s’agrippait dans son dos, toutes griffes plantées entre les écailles. La géante saurienne se cabra et hurla de douleur, essayant d’atteindre ce nouvel adversaire. Tandis que deux flèches se plantaient dans son épaule, Lamenoire arriva à s’accrocher à son bras droit fouettant l’air. Serrant de son mieux le poignet de la cheftaine qui sifflait de rage, il lui administra le coup de grâce, traçant une entaille profonde dans sa gorge. Les derniers combattants s’étaient repliés, les uns sur le bac, les autres essayant de regagner la rive ; Lamenoire et Mylnar délaissèrent le corps secoué de spasmes de leur victime, et nagèrent aussi vite qu’ils le purent vers l’embarcation. Enfin ils parvinrent à attraper les mains secourables qui se tendaient vers eux. A peine s’étaient t-ils jetés sur les rondins, suffocants, qu’une gerbe d’eau explosa. Ruisselant d’eau, couverte d’algues, la deuxième cheftaine s’était propulsée hors du fleuve, et atterrit au beau milieu des rescapés. Avant d’avoir pu faire quoi que ce soit elle reçut la besace du clerc en pleine mâchoire, bascula en arrière et se fracassa la tête sur le pont. Tous firent un cercle autour d’elle, pour observer son plumet détrempé, encore orné de longues aigrettes rouges et bleues, son casque inquiétant qui recouvrait tout son visage, le cachant derrière une simple visière percée d’une fente. Baldring se hâta d’enlever de ses mains crispées les deux sabres de guerre, et demanda : « -Que… Que va t-on en faire ? -On ferait mieux de la tuer, fit Voltigern. -Il serait plus intelligent de l’interroger sur sa horde, répondit Lamenoire. -Il ne faut pas la laisser vivre, protesta l’Hospitalier. Ces créatures sont retorses. -Il faut la faire parler, reconnut Mylnar. Savoir si d’autres anguipèdes envisagent de venir par ici, par exemple. -Soit, mais sitôt après… Il faudra lui régler son compte. » Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 13 juin 2007 Partager Posté(e) le 13 juin 2007 Bah pas de fautes ^^ PEtit passage de toute, tant mieux pour une fois ! J'envie de pas me presser tout lire C'est pervers l'effet que tu crées de toujours savoir plus Bon ben c'est pas mal, je les pensais pas si proches les lézards d'ou une bataille à l'improviste Les lézards vaincront, parole de sac à main Bon allez suite @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 20 juin 2007 Auteur Partager Posté(e) le 20 juin 2007 La rive ouest était plus encaissée, de grands blocs de rochers effondrés s’enfonçant de par et d’autre du vieux ponton vermoulu. A en juger par leurs formes géométriques, les antiques pierres descellées faisaient sûrement partie d’une construction tombée en ruines, telle qu’une tour ou un port fortifié. Il n’y avait pas plus de maisons de ce côté, mais elles étaient toutes dominées par une haute bâtisse au toit pentu, à la façade badigeonnée de chaux blanche. Il s’agissait, bien sûr, de l’auberge de Baldring. Toute la compagnie s’y rendit, bientôt grossie par les curieux et curieuses. La quasi-totalité du village se retrouva entre les quatre murs de la taverne, avachie sur les chaises ou accoudée au comptoir. Voilà qui faisait les affaires du patron ! La plupart des visiteurs commandèrent l’une ou l’autre boisson, parmi celles en réserve : vin clairet, alcool d’algues vertes, bière de seconde main. Quant à Voltigern, malgré une soudaine réticence, ne put se priver de tenir sa promesse : il paya de sa bourse une tournée générale, ce qui lui fit perdre encore une bonne poignée de pièces. Il secoua les épaules avec philosophie : « -J’avais économisé cet argent durant… Bah, je suis de retour au pays, c’est ce qui compte, je pense ! » Et il reporta son attention sur la prisonnière. Ils l’avaient laissée dans l’arrière boutique, entre les tonnelets de vin et les sacs de farine. Ligotée avec soin, à l’aide de la plus forte corde à disposition, ils avaient refermé la porte à clef, et s’étaient tous changés un peu les idées. Le clerc avait proposé d’attendre qu’elle reprenne connaissance. Cela ne prendrait sûrement pas trop de temps ; et attendre enfermée dans un réduit la forcerait à réfléchir, et à se montrer conciliante, pour peu qu’elle veuille revoir la lumière du jour. L’après-midi avançait, et les quatre voyageurs s’installèrent à une table adossée le long du mur est. Ils commandèrent un repas de fortune, mais cette fois Mylnar et Lamenoire insistèrent pour payer. Mandius protesta à son tour : « -Hors de question ! Vous nous avez évité une attaque de ces hommes-serpents, cela vaut bien le prix d’un repas. N’est-ce pas Baldring ? -Ouais, faut voir… -Je me charge de faire parler la captive, s’engagea Lamenoire. Qu’en dites-vous ? -On pourrait le faire nous même, pas vrai ? -J’ai de meilleurs moyens de persuasion, assura le rôdeur. Cela fait partie de mon métier. -Quel est-il, ton métier ? -Vous voulez une démonstration ? » Plusieurs villageois intéressés se joignirent à la conversation : « -Va z-y, l’étranger. Montre-nous ! -Dis-voir ce que tu sais faire ? -J’parie qu’c’est un chasseur d’antilopes du désert, comme nous tous ! » Gandacier céda aux demandes, se leva de son siège et dégaina son sabre. Les spectateurs firent un cercle en silence. Il attendit quelques secondes, pour s’imprégner de l’atmosphère des lieux. Dans la cheminée, de vieilles bûches craquaient. Arrachées aux rares arbres assez courageux pour pousser dans les parages, elles poussaient leurs derniers soupirs, sacrifiant les efforts de nombreuses décennies pour réchauffer ces quelques humains. Les langues de feu léchaient l’écorce avec un zèle admirable. La fumée montait dans l’âtre, douce et légère, frappant les fenêtres crasseuses avant de s’échapper par le toit de chaume, ou par la cheminée de pierre grise. Un loir endormi, à peine visible, était blotti entre deux solives, dans la paille sèche. Sans le moindre signe d’avertissement, le sabre entra en action, vif et rapide, un véritable poisson se débattant au bout d’une ligne. Courbes, arabesques, cercles et figures oscillaient dans la main du rôdeur, chacune correspondant à un sifflement particulier du fer dans l’air tendu ; la pointe frôlait les visages aux yeux écarquillés, puis revenait en arrière comme un serpent prêt à bondir. Peu à peu, la lumière baissa, laissant les ombres envahir les recoins de la salle commune. Seuls les carreaux sales laissaient encore quelques rayons éclairer la scène, puis le sabre noir, plus sombre que la nuit, s’enflamma d’une ribambelle d’étincelles d’un bleu vif, s’enflammant comme une torche. Une pluie d’étoiles gicla le long du tranchant, laissant derrière l’arme des spirales de lumière diffuse. La lame s’abattit avec la rapidité de l’éclair sur le dossier d’une chaise, le coupant net comme un fil dans du beurre, laissant une petite flamme dans la coupure. Baldring sursauta, tiré de son admiration : « -Par tous les dragons morts, ne fracasse pas mon mobilier ! -Qui parle de fendre des chaises ? » demanda Gandacier, en rengainant sa lame. La lumière était revenue dans la pièce, au plus grand étonnement des spectateurs. Quand à la chaise, elle ne portait aucune trace de coup, bien sûr. L’aubergiste hocha de la tête : « -Je vois, tu es un sorcier, étranger. Je ne discuterai pas avec toi, dans ce cas. » Et il retourna au comptoir, pour servir les clients. Mylnar se râcla la gorge et avoua : « -C’est assez impressionnant, comme numéro. Mais à ta place, je ne recommencerais pas. » Lamenoire resta coi. Il aurait pu aller beaucoup plus loin dans sa démonstration, s’il n’avait pas été si las. Fatigué de lutter à chaque jour. Il s’intéressa à ce qui restait dans son assiette, deux restes de tubercules et un quignon, et finissait à peine de le manger quand Aseri s’arrêta devant leur table et annonça à demi-mot : « -La prisonnière s’est réveillée, à en juger par les coups frappés sur la porte. Il faudrait aller voir avant qu’elle ne fracasse toute la maison. -On va s’en occuper, ma dame, déclara Voltigern en reposant son verre en terre cuite. -Comment aurait-elle fait pour se libérer ? s’étonna Mylnar. -On verra ça » conclut le rôdeur. Il suffisait de passer derrière le comptoir, et de traverser un couloir grinçant, pour arriver devant le dépôt qui faisait office de cachot. Voltigern attendit que ses deux camarades fussent prêts, et que Baldring ait été prévenu et soit accouru, pour entrouvrir la porte. La cheftaine de nid ne s’était pas déliée, mais sa longue queue, libre de tout lien, frappait la porte aussi fort que possible. L’hospitalier rengaina son coutelas et Baldring éleva la lanterne qu’il portait pour éclairer la salle carrée, plongée dans la pénombre. Elle mesurait entre trois et quatre mètres de long, d’un bout à l’autre. Prostrée sur le sol, adossée aux sacs de denrées diverses, elle observait ses tortionnaires ; les mains liées dans le dos, elle attendait. Elle avait un visage plat, rehaussé par ses joues blanches, mais sa nuque était déjà couverte d’écailles d’un bleu-vert. Ses deux yeux en forme d’amande, chevauchés par de fins sourcils rehaussés de khol, regardaient chacun des nouveaux-venus avec une curiosité mêlée de colère. Ses pupilles étaient d’un bleu marine, presque violet, faisant écho à la couleur des plumes piquées dans sa chevelure. Maintenant qu’elle ne portait plus son casque, tous pouvaient voir ses longs cheveux d’un roux profond, son nez long et fier, ses lèvres d’un rose parfait et sa gorge couleur d’ivoire. Sur ses épaules d’un blanc laiteux reposait un corset de fer rehaussé d’une bordure de cuir, sur laquelle étaient piquées des éclats de pierres semi-précieuses. Un long pendentif laissait tomber sur sa poitrine un petit médaillon taillé dans du lapis-lazulli, évoquant un serpent lové se mordant la queue. Sa taille était fine, ses hanches serrées par une ceinture rouge qui retenait une sorte de pagne composé de plusieurs bandes de tissu de couleurs criardes. Son corps sinueux se terminait par une très longue queue de plus en plus fuselée, et décorée de plusieurs larges anneaux de cuivre. Lamenoire se surprit à douter qu’une créature si envoûtante puisse être la cause du moindre dérangement. Voltigern, après ses quelques voyages à travers le pays, avait parlé à plusieurs reprises avec les natifs, et lui savait à quoi s’en tenir. Du reste, les premières paroles de la créature les tira vite de leurs rêveries : « -Vous ssavez tué notre ssef. Vous mourrez touss ! -Sauf votre respect, répondit Lamenoire en secouant sa tête pour garder les idées claires, nous avons simplement mis fin aux crimes d’un truand. -Le cécropss un truand ? s’étonna la femme-serpent en écarquillant ses grands yeux bleus. D’où ssortez-vous, messsire ? Notre ssivilisation creusait déjà des ssités ssous les ssables alors que le premier elfe n’avait pas encore ouvert les yeux ! -Cela ne change rien au fait que vous passiez votre temps à massacrer tous ceux que vous rencontriez, fit remarquer Voltigern. -N’agisssez-vous pas de même vis-à-vis de nous ? rétorqua t-elle en relevant le menton. Et puis d’abord, libérez-moi. Je refuse de parler tant qu’on me conssidèrera comme une prisonnière. -C’est pourtant ce que vous êtes. -Dites-nous combien de serpentides sont encore vivants sur l’autre rive ? demanda Lamenoire. -Comment le ssaurais-je ? Et puis vous, le ssorcier, je ne vous parle pas. -Sorcier ? s’étonna t-il. -Ne faites pas l’innossent. Je ssais sse que vous êtes, Homme-Faucon ! » Le rôdeur resta interdit, comme frappé par la foudre. Mylnar cligna des yeux, visiblement débouté par la tournure que prenait l’interrogatoire : « -Pourquoi Homme-Faucon, Lamenoire ? -Parce qu’il en est un ! » ricana la Gardienne de nid, en se contorsionnant pour essayer de libérer ses mains. Elle agita la tête, faisant danser ses cheveux emmêlés : « -Je ssais lire dans les Vents, figurez-vous. Mais tu ne me fais pas peur, humain ! assura t-elle. Libère-moi si tu es un brave ! -Inutile de l’écouter, elle est folle, conclut Voltigern. Ou trop rusée pour nous. » Lamenoire ne l’écoutait plus. Malgré l’évident pouvoir de séduction, dans un but purement intéressé, émanant de cette femme-serpent, il sentait qu’il pouvait apprendre beaucoup d’elle. Mais il se devait de reprendre l’initiative de la discussion : « -Tes arguments sonnent faux, prisonnière. Vous et votre race êtes des pillards, et tes belles paroles n’y changeront rien. -Ss’est bien dommage ! répondit t-elle dans une moue boudeuse. Vous vous fourvoyez, tous autant que vous êtes. » Le rôdeur dégaina son sabre, dans l’idée d’en menacer la créature. « -Pas ssa ! protesta t-elle. Arrière, Ssorcier ! -Autant de terreur me surprend de la part d’une guerrière ! » se gaussa l’autre, en s’approchant. La serpentide essaya de reculer, se heurtant aux sacs de toile, et se glissait sur le sol comme une anguille, les nœuds de sa queue se faisant et se défaisant ; elle semblait réellement angoissée, des sanglots sortant de sa bouche entr’ouverte. Gandacier la dominait de toute sa hauteur, ne sachant trop ce qu’il devait faire. Il aurait été si facile de la frapper, alors qu’elle était là à sa merci. La saigner comme une bête, pour exacerber son discours, la forcer à parler avant qu’elle n’expire. Elle releva la tête vers lui, le front baigné de sueur, le regardant à travers le voile de ses cheveux flottants. Ses deux yeux curieux mais apeurés, aux pupilles d’un bleu profond, le regardèrent avec une intensité qui le remua au plus profond de son âme. Il était comme pétrifié, sa pensée interrompue. « -Abats-la, s’écria l’hospitalier. Qu’on en finisse, puisqu’elle refuse de parler. » Il avait rompu le charme. Avant que Lamenoire ait pu peser le pour et le contre, la longue queue préhensile s’était enroulée autour de sa cheville gauche. « -Ssciyîa, ss’est mon nom, murmura t-elle, entrouvrant ses lèvres délicates, en laissant voir une dentition parfaite. Tu ne va pas recommencer… » Elle se retourna pour lui présenter son flanc, où sa peau écailleuse était découpée par une entaille à moitié recouverte par l’épiderme en miette. Une croûte de sang recouvrait la plaie. Lamenoire reçut un véritable choc, en comprenant que c’était bien lui, avec ce sabre, qui avait blessé ce corps parfait dans la fureur du combat. Sa main devint molle, ne tenant plus la garde de l’arme que du bout des doigts. La queue s’était enroulée autour de son mollet, pour s’accrocher à lui, s’appuyer sur sa force, sa bienveillance. « -Ssa fait très mal, murmura t-elle. Tout ssa parsse que j’ai défendu mon sseigneur… Plus de ssorcellerie avec moi, ss’il-te-plait. J’ai été franche avec toi. -Il faudrait peut-être… » commença l’aubergiste, mais Lamenoire éleva la main, pour le réduire au silence. La tension de son esprit était palpable, son duel intérieur, évident. Pourtant aucun des trois spectateurs n’osa reprendre la parole, chacun d’entre eux convaincu qu’une maladresse pourrait mener à la catastrophe. Voltigern se mordit la lèvre jusqu’au sang, maudissant sa négligence : il aurait dû la découper en morceaux sans attendre ! Le rôdeur portait toute son attention sur sa captive, qui ne le quittait plus de son regard aguicheur et larmoyant. Sa respiration hachée, elle reprit ses suppliques : « -Pourquoi uses-tu de tels artifisses ? Alors que nous aurions pu devenir bons amis. Mais tu as préféré me faire ssouffrir, tu as tué mon sseigneur et nombre de mes camarades. -Je n’ai jamais voulu m’opposer à toi, répondit Lamenoire, avec lenteur. Mais je n’ai pas usé de magie contre toi. -Bien ssûre que ssi ! répondit-elle, entre deux soupirs. A ton avis, qu’as-tu dans ta main ? C’est une arme ensorcelée, je l’ai bien ssenti quand elle a mordu ma chair. -Tu en es sûre ? Mais c’est impossible, je… Je m’en serais déjà rendu compte. -Pauvre ami… Les humains ont des ssens ausssi aiguisés que sseux des orques, parfois. Les sserpentides, comme moi, ssont capables de comprendre bien des choses, par ssimple toucher. Ssi tu ssavais tout le savoir, le plaisir que l’on peut ressentir… -Qu’as-tu ressenti encore ? -Avec toi, tout est différent… Tu resssembles à mon sseigneur, bien sûr. Le Cécropss, dans les bras duquel je dormais la nuit, ressplendissait de force et de grandeur. Mais toi ss’est différent. » Sa queue s’était coulée tout autour de la jambe du rôdeur, entourant son genou, accrochée à lui avec espoir. Des frissons parcouraient l’appendice, communiquant ses craintes et ses angoisses. Elle se redressa sur les caisses, mettant en valeur son profil plein de courbes généreuses, dans la lumière ténue de la chandelle : « -Il faudrait plus de temps… Pour apprendre à te connaître, mon ssire. Mais je crois… Il y a dans ton visage, et dans tout ton être un je-ne-ssais-quoi. Une ssilhouette qui m’y fait pensser. Tu es un Homme-Faucon, j’en ssuis pressque sûre. -Mais qu’entends-tu par là, ma chère ? -C’est sse que je vois, c’est tout. De grâsse, délie-moi… -T’ai-je fait tant de peine ? -Tu as tué bien de mes frères et ssoeurs, hélas. -Les autres se sont réfugiés, rongés par la peur de perdre leur dernière cheftaine, regretta le rôdeur, apitoyé. -A peine une vingtaine en vérité, chuchota la prisonnière, en baissant sa tête secouée de tremblements nerveux. De cruelles heures pour notre famille, mon ssire. -C’est tout ce que je voulais savoir, conclut Lamenoire. Lâchez-moi. » La gardienne de nid tressaillit, comprenant soudain qu’il s’était libéré de ses remords ; ou qu’il avait feint ses regrets pour la faire parler ! Son regard durcit, l’espace d’une seconde, puis sa queue libéra la jambe de l’homme en sifflant l’air. Se recroquevillant sur les caisses, roulée en boule, secouée de sanglots, elle soupira : « -Menssonges et fourberies. Je mourrai dans mon droit. » Lamenoire abaissa son sabre, l’air sombre : « -Non, on ne vous tuera pas si vous jurez sur l’âme de votre cécrops, que vous ne tuerez plus jamais un humain, ni vous ni aucun des anguipèdes sous vos ordres. » La captive releva la tête, partagée entre sa colère et sa surprise. « -Une telle promessse, imposssible à tenir dans le désert. -Vous n’avez pas le choix, fit remarquer le rôdeur. -Très bien, ssorcier, je jure. -Voilà qui est bien. » En un instant, la queue de la femme serpent traversa le peu de distance les séparant, s’enroulant autour de son bras droit. Elle se redressa comme elle le put, présentant sa gorge laiteuse mouillée de ses larmes : « -Frappe-moi, mon ssire, tue-moi maintenant ss’il le faut. Je vais mourir, inutile de mentir encore. Frappe-moi ! -Il n’en est pas question ! » Lamenoire dut saisir sa rapière à deux mains pour contrer la poigne de la serpentide, qui tirait de toutes ses forces sur son poignet. Enfin il parvint à se dégager, et recula jusqu’à l’embrasure de la porte, regardant tour à tour ses compagnons et la cheftaine de nids : « -Nul ne la touchera… Que personne ne porte la main sur elle. On la relâchera demain matin. Elle a promis. On tiendra parole. » Les trois autres hochèrent de la tête, et tous les quatre quittèrent la pièce en silence. Leurs pas s’éloignèrent dans le couloir. Avant que l’intrigante ait pu se féliciter de ses manœuvres, la porte du cellier pivota sur ses gonds, laissant entrer Voltigern, seul. Elle l’accueillit de son plus charmant sourire : « -Re-bonjour, mon ssire ! Vous venez égayer ma ssolitude ? » L’hospitalier, pour toute réponse, lui plaqua une main sur la bouche, tirant de l’autre son long poignard aiguisé : « -N’espère pas trop profiter de la vie, perfide ! » Elle referma ses mâchoires sur ses doigts, sifflant aussi fort qu’elle le pouvait, mais l’homme des bois retint son cri de douleur et enfonça le couperet dans la poitrine de la créature, jusqu’à son cœur. Il bondit en arrière, observant son œuvre. La femme-serpent, foudroyée par la douleur, roula à terre : « -Du ve-nin, hoqueta t-elle. -C’est exact, répondit Voltigern en examinant ses doigts poinçonnés par les canines de la femme-bête. Parfait pour les monstres dans ton genre. -Le ssor-cier se-ra fu-rieux… souffla t-elle, ses yeux déjà voilés par la mort. -Il ne l’apprendra que demain, quand tes charmes se seront estompés, répondit l’hospitalier. Va rejoindre ton cécrops et son autre compagne ! » Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 22 juin 2007 Partager Posté(e) le 22 juin 2007 Et hop... Un petit prisonnier exécuté ! Bien fait pour elle. Donc pas trop d réponses sauf une à la fin qui attire bien plus de questions mdr Mais bon, je commence à m'y faire avec toi Par contre, je me demandais un truc. C'est quoi le fil rouge de l'histoire ? Le seul truc dont je me souviens maintenant, c'est qui doit aller chercher THE artefact ^^ C'est là dessus que c'est resté ? Réponds moi avec ta suite ! Rapide donc @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 23 juin 2007 Auteur Partager Posté(e) le 23 juin 2007 Oui bien sur, THE artefact est la quête principale, celle à laquelle Lamenoire porte normalement toute son attention, sauf interférences C'est pour cela qu'à sa rencontre avec VOltigern, il le questionne sur "Yrranie" ( le seul indice qu'Altiforge lui a laissé ). Voilà un bref récapitulatif. Maintenant la suite : L’aube se leva sur le village, encore nimbée de quelques brumes bien vite dissipées. Près du débarcadère, cinq hommes fatigués attendaient la relève. Il était évident qu’une garde serait nécessaire, tant que l’on ne serait pas sûrs du repli des pillards. Le nocher, comme à son habitude, se leva dès l’aube, quitta sa petite maison –il avait la chance d’habiter sur la berge sud- et rejoignit son radeau pour y attendre d’éventuels clients. Il se laissa tomber sur les rondins du ponton, regardant sans conviction l’autre bord du Fleuve Vert. Aucun signe des pillards n’apparut. Il donna quelques coups dans l’eau avec sa vieille épée ébréchée, observant les remous à la surface. « -Ils ont travaillé toute la nuit, signifia l’un des veilleurs, un homme trapu armé d’un hache en silex. Les dieux savent à quel ouvrage ! Mais les coups ont résonné jusqu’à minuit. -Du moment qu’ils déguerpissent vite, marmonna le passeur. Que le travail reprenne. » A l’instar de Troubliaud, la plupart des villageois s’impatientaient déjà. Nombreux étaient ceux et celles qui voulaient retrouver leur foyer, revivre leur quotidien tranquille. Rassemblés à la première heure dans l’auberge, ils avaient âprement discuté avec l’aubergiste, pesant le pour et le contre. Finalement, il avait été décidé qu’un petit groupe mettrait pied-à-terre sur l’autre rive en reconnaissance. Et on verrait bien alors à quoi s’en tenir. Baldring se rendit à la volonté majoritaire, mais il savait par-devers lui qu’une autre variable était à prendre en compte. Il faudrait bien en finir avec la prisonnière. Les serpentides savaient qu’ils détenaient leur cheftaine, mais comment allaient t-ils pouvoir en tirer avantage ? Aseri n’avait pas l’air rassurée. C’était une évidence pour tous que les étrangers devraient être les premiers à risquer leur vie sur l’autre rive. C’était justice, après tout le malheur ne vient-il pas toujours des étrangers ? N’était-ce pas eux qui avaient attiré ces brigands ? Aseri se sentait un peu coupable d’envoyer ces voyageurs au-devant de nouveaux ennuis. Mais Lainard et bien d’autres n’avaient aucun scrupule, surtout depuis la mort du Fils du Serpent, qu’ils imputaient aussi à l’arrivée des trois visiteurs. Sans parler des morts et blessés moins célèbres mais tout aussi regrettés. Lainard, escorté de son coyote bâtard, se chargea personnellement de réveiller les trois étrangers, en tambourinant à la porte de leur chambre, accompagné par les jappements agressifs de son animal de compagnie. Tirés de leur sommeil, tous trois bondirent hors des couchettes en matelas de paille sur lesquels ils avaient passés la nuit. « -Que se passe t-il encore ? grogna Lamenoire. -Le destin nous appelle ! plaisanta Voltigern. -Un peu trop tôt, ironisa Mylnar. -Il n’est jamais trop tôt pour se lever dans les régions désertiques. » Descendant les marches de l’escalier en colimaçon, derrière leur obligeant guide, ils arrivèrent dans la salle commune, où tous les regards se braquèrent sur eux. Bladring toussa prudemment, puis exposa en quelques mots le plan élaboré par ses concitoyens. Gandacier ne mâcha pas ses mots : « -C’est plus qu’inutile. Le temps de monter sur le bac et de traverser, ils pourront nous cribler de flèches. Sans compter que tout effet de surprise sera perdu. -Je suis assez d’accord, renchérit Mylnar, il est plus simple d’attendre leur prochaine initiative. Il faudra bien qu’ils tentent de traverser, et ce sera à nous de les prendre pour cible. Une cible facile. -Combien de temps cet état de siège devra t-il durer ? demanda l’un des villageois. -Il me faut regagner ma maison avant qu’ils aient tout saccagé, protesta un autre. -Vous devez faire quelque chose ! s’écria une femme éplorée. Après tout, c’est vous les responsables de ce désastre ! -Je vois, on nous fait porter le chapeau, commenta le rôdeur. -Vous êtes sorcier, dit Lainard. Faites quelque chose. » Au mot de « sorcier », plusieurs conciliabules débutèrent, parmi la foule rassemblée. Gandacier hésita, sentant la tension monter. Il était stupide de se mettre à dos les autochtones, après tout. Il capitula : « -Très bien, nous partirons voir ce qu’il se trame sur l’autre rive. Mais avec certaines précautions. Des tables ou des planches, pour nous abriter des tirs. On les placera sur l’embarcation, devant nous. » L’assemblée approuva avec force, heureuse de voir le conflit se dénouer aussi vite. Peu à peu, les gens retournèrent à leurs occupations, rassurés. Ceux qui n’étaient pas hébergés chez un ami se restaurèrent sur place, ce en quoi les trois voyageurs les imitèrent. Le repas était convenable, surtout vu l’isolement des lieux. Mylnar termina sa bouillie de racines et d’herbes, et lissa ses moustaches en proposant : « -Il faudrait emmener la captive, dûment ligotée. Ils hésiteront peut-être à nous attaquer s’ils la voient à notre merci. -C’est une bonne idée, l’appuya Lamenoire. -Je vais la chercher, restez là » déclara Voltigern. Lamenoire s’apprêtait à le suivre : quoi, il imaginait pouvoir la transporter comme un vulgaire paquet, alors qu’il faudrait raisonnablement au moins quatre hommes pour la déplacer en toute sécurité ? Sa blessure n’était que légère, elle devait encore être capable de faire des dégâts, rien qu’avec sa queue. Mais le regard dur de l’hospitalier le dissuada de le suivre. Il avait une idée derrière la tête, mais le rôdeur ne parvenait pas à la cerner ; bien qu’il fut aussitôt persuadé que l’hospitalier ne courait aucun danger. Il affichait une assurance qui ne trompait pas. Voltigern revint dans la grande salle quelques secondes plus tard, la démarche raide, presque religieuse. Le corps inerte de la cheftaine de nid reposait dans sa poigne ferme. Il la tenait sous la taille et les épaules, la soulevant à bras le corps tel un paquet de chiffon, laissant la longue queue préhensile traîner sur le sol. Les deux bras de la serpentide pendaient, des marques bleues autour des poignets. Sa tête renversée en arrière, les yeux révulsés, laissait voir son cou marbré de tâches violacées. On distinguait avec netteté une entaille au niveau du cœur, perçant son corset taché de sang noir. Tous les spectateurs reculèrent avec effroi, comme si une vague de froid et de terreur accompagnait la dépouille. Le forestier progressait avec solennité, ignorant les nombreuses paires d’yeux rivées sur lui. Franchissant la porte d’entrée, il se dirigea vers la jetée. Les habitants du village l’escortèrent à une distance respectable, certains ayant encore gardé toute leur tête pour ramasser quelques bancs et chaises. Lamenoire et Mylnar suivaient leur compagnon à quelques mètres. Le radeau filait sur l’eau trouble du Fleuve Vert, poussée par le nocher, qui avait le regard encore plus renfrogné qu’à son habitude. Voltigern était posté derrière les bancs entassés à l’avant du bac ; à côté de lui, le corps sans vie de la femme-serpent gisait, figé dans l’immobilité de la mort. Mylnar était une statue vivante, ses deux yeux contemplant les marques colorées sur les poignets ; il avait compris lui aussi qu’il s’agissait d’un quelconque empoisonnement. Lamenoire revint peu à peu à la réalité, jeta un coup d’œil vers la rive sud : la totalité du village les regardait s’éloigner. Maintenant, mon esprit est clair, se surprit t-il à penser. Il était terrifiant de constater à quel point une femme-serpent de cette envergure pouvait enjôler son entourage. Le rôdeur réalisa que même après son trépas, cette créature continuait à susciter curiosité, crainte et admiration auprès de ses voisins. C’est ainsi qu’une cinquantaine de villageois se sentaient encore malgré eux obligés de regarder dans sa direction, maintenant qu’elle faisait route vers l’autre rive –à tous les sens du terme, d’ailleurs. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 1 juillet 2007 Partager Posté(e) le 1 juillet 2007 tant que l’on ne serait pas sûrs Hop juste une petite faute de trouvée... Et encore, je dirait que comme 'on' est classé dans les pronoms singulier, faut pas mettre de 's' ^^ Enfin je pense Sinon pour le fond, les villageois les renvoit avec le cadavre en direction de la berge. Je me demande bien comment ca va se passer. Je me fais l'idée du SDA quand faramir est obligé de charger la ville @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
the rabbit Posté(e) le 30 juillet 2007 Partager Posté(e) le 30 juillet 2007 Pfiuuh... Là, je dois avouer que j'en ai un peu marre... Tu commence à donner de plus en plus de quêtes secondaires à tes persos, sans que cela n'apporte quoi que ce soit ni fasse avancer l'intrigue principale... Typiquement ce dernier combat, ils arrivent dans un village, ils veulent le traverser, et oh! on les attaque, alors commme d'hab' ils s'y mettent et se font les méchants... Mais au final, on en ressort quoi d'utile? Rien... C'est clair que de temps en temps, un petit détour c'est cool, mais tu en fais beaucoup trop(voire que ça)... On a besoin d'un fil rouge, de quelque chose qui mène l'histoire, il y a le donomar, mais tu l'oublies trop... tu te détournes trop de l'histoire de départ... Il serait temps de faire avancer un peu le schmilblick, ça traîne... Amicalement, Ze lapin Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 23 août 2007 Auteur Partager Posté(e) le 23 août 2007 (modifié) Après un mois de vacances où heureusement je n'ai pas tout oublié, je reviens avec une suite, trop courte vu le temps perdu. Je m'excuse pour cette interruption et remercie ceux qui s'intéresseront encore à la suite des aventures par trop nébuleuses de Lamenoire. Rassurez-vous, à partir de là le fil rouge est sensé réapparaitre. Pour ma défense, je dirais... que c'est normal de perdre une chimère de vue, par définition... Et que donc nos héros devaient tâtonner ( pas sûr du circonflexe là ). Mais bon, ça reste une excuse peu valable, je le reconnais. Enfin, voilà la suite, et promis, je refocalise l'intrigue, surtout que c'est pas la première fois qu'on me le demande. Bonne lecture... Deux flèches se fichèrent dans les planches de bois, vibrant comme les cordes d’une guitare. Voltigern risqua un coup d’œil par-dessus le parapet improvisé, et fit signe au nocher d’arrêter son va-et-vient avec sa perche. Un autre trait se planta dans la barrière, quatre ou cinq autres tombant dans l’eau autour d’eux. L’hospitalier répondit par une flèche judicieusement tirée, qui abattit l’un des archers. « -Ils sont couchés derrière le sanctuaire en ruine, précisa t-il à ses compagnons. Que fait-on ? -On attend de voir, proposa Mylnar. -D’ordinaire, commença Lamenoire, il n’est pas bon de laisser l’ennemi prendre les devants. Mais je ne vois pas quelle initiative est à notre disposition… -Ils mettent une barque à l’eau ! » Voltigern, l’œil apposé à un trou dans les planches, encocha une nouvelle flèche à son arc vert et s’écria : « -Voilà ce qu’ils avaient trafiqué cette nuit ! -Il y a de l’abordage dans l’air… » L’hospitalier risqua un nouveau coup d’œil, et évita de peu une nouvelle flèche. Deux des hommes-serpents mettaient à flot un radeau fabriqué avec des tables et des planches de bois arrachées aux masures, pendant que les autres les couvraient avec un feu nourri. Au bout de quelques secondes, tous étaient sur leur embarcation, certains d’entre eux pagayant avec des rames tirées de morceaux de meubles. Les deux embarcations n’étaient plus séparées que par quelques mètres, et chacun avait déjà tiré qui son sabre, qui sa hache. Au dernier moment, Lamenoire eut une idée, et rengainant sa rapière, il souleva comme il le pouvait la dépouille de la cheftaine de nid, en s’écriant : « -Mylnar, aide-moi à la porter ! » L’homme-chat, interloqué, hésita une seconde, puis lui prêta main forte sans comprendre. Ils tenaient maintenant à bout de bras le corps sans vie, sa longue queue pendant dans la rivière. Les anguipèdes, surpris, voyaient leur meneuse inerte, suspendue dans le vide, et laissèrent tomber leurs armes. Leur désarroi faisait peine à voir. Certains se jetèrent à l’eau pour essayer de l’atteindre, battant les flots de leurs queues et de leurs bras tendus avant de s’enfoncer dans les remous. D’autres se griffaient le visage en sifflant de désespoir, abattus par la peine. D’autres encore restaient immobiles, les yeux hagards, attendant de voir ce qui allait se passer. Deux encore continuaient de ramer, le regard vide. Les deux barques se heurtèrent, faisant vaciller les équipages. Lamenoire et Mylnar projetèrent leur fardeau sur les serpentides, de toutes leurs forces. Deux des hommes-serpents, renversés, tombèrent à leur tour dans le Fleuve Vert. Les autres entourèrent le cadavre en sifflant pitoyablement. Voltigern décocha un trait dans le premier des pillards, le clouant sur le pont du radeau. Lamenoire, le sabre au poing, découpait déjà le dos d’un autre, mais leurs camarades réagirent aussitôt. Cinq des anguipèdes sautèrent sur le bac, empoignant leurs cimeterres avec l’énergie du désespoir. Le nocher évita un revers en interposant sa perche. Mylnar fendit le crâne d’un des assaillants, Voltigern avait laissé tomber son arc et retenait le bras droit d’un ennemi de sa main gauche, tout en lui transperçant le cœur de sa dague. Lamenoire para une attaque, estomaqua un combattant d’un coup de botte et égorgea le cinquième. Quand ils en eurent fini, la barque adverse repartait déjà vers l’autre rive, chargée de cris et de sifflements. « -Il faut les rattraper pour en finir, s’exclama l’hospitalier. -Rattrapons-les ! renchérit le rôdeur. Et pas de pitié ! » Tout occupés qu’ils l’étaient à contempler leur cheftaine défunte, ou à ramer pour rejoindre la berge, les anguipèdes en oubliaient leurs poursuivants. Mylnar parvint à en abattre quatre avant qu’ils n’aient mis pied à terre. Les six survivants traînèrent le corps de leur dirigeante sur le sable, espérant sans doute atteindre les premières maisons. Mais Mylnar, Voltigern et Gandacier sautèrent dans les hauts-fonds, l’arme à la main, et les surprirent à quelques mètres de la rive. Les trois premiers moururent sans avoir pu réagir, et les suivants, malgré leur courage, expirèrent sous peu. Le sol était labouré par les corps traînés, abreuvé de sang, jonché de cadavres. Ils avaient gagné cette bataille. A midi, les habitants de la berge est étaient de retour sur leur rive, à constater les dégâts. Le passeur, fatigué de ses incessants va-et-vient, s’humecta le gosier à la taverne, laissant ses concitoyens faire eux mêmes l’inventaire des objets détériorés. On aurait pu croire qu’une tornade avait ravagé le village. En l’espace de quelques heures, les hommes serpents avaient saccagé, mis en pièce, démembré tout ce qu’ils avaient trouvé. Certains avaient même creusé le sol, à la recherche d’une cachette où quelques bijoux auraient pu être enterrés. Il n’y avait as une famille qui n’ait à déplorer une armoire renversée, des chaises brisées, des coffres éventrés et laissés vides, leur contenu éparpillé sur le sol. Lamenoire et ses compagnons avaient veillé personnellement à l’inhumation des pillards. Ils avaient creusé une simple fosse dans la terre meuble de la berge, à une distance respectable du fleuve. Ils y entassèrent les corps des anguipèdes, avec celui de leur cheftaine, et ils recouvrirent le tout d’un mètre de sable. Ce travail éreintant mais nécessaire les occupa jusqu’au midi. Il fallait à tout prix empêcher les charognards de rôder auprès du village, sans quoi ils prendraient l’habitude de harceler les habitants. Aucun des autochtones n’avait daigné s’atteler à cette basse besogne, il est vrai qu’ils avaient l’esprit ailleurs. Parmi eux, seul Mandius s’intéressa à leur ouvrage. Par quelques prières murmurées du bout des lèvres, il pria l’Unique d’accorder à ces âmes un avenir plus heureux dans l’autre monde, que le passé qu’ils avaient connus… Rien ne retenait plus les trois voyageurs dans ce petit hameau isolé, aux frontières des plaines de sable. Voltigern surtout, attendait de plus en plus impatiemment l’heure où ses pieds fouleraient à nouveau le terreau de sa terre natale. Les adieux furent brefs et concis, chacun serrant la main de l’autre. Troubliaud leur fit traverser une nouvelle fois le Fleuve Vert, cette fois sans leur faire payer le droit de passage. Après avoir salué une dernière fois l’aubergiste, et sa fille, tous les trois reprirent leur route. Le clerc les accompagna quelques minutes, et au moment de se séparer, il tendit une petite sacoche à Gandacier : « -Voici de quoi apaiser ton mal. J’ai concocté cela tantôt, avec les herbes que j’ai pu trouver. Ce n’est pas une pharmacopée puissante, mais quelques gorgées par jour feront plus de bien que de mal. Prends donc. -Merci, Mandius. Comment te remercier ? -Ce n’est qu’un maigre acompte, étranger. Vous avez perdu plus ici que vous n’avez gagné. Toi en particulier, tu y as gaspillé du temps, de l’énergie, et tu as risqué ton âme. C’est donc à moi de vous récompenser, pour avoir sauvé notre village. -Comment les choses vont-elles évoluer ici ? demanda Mylnar. -Elles iront en mieux, j’espère. Il va falloir réparer les dégâts. D’ici deux semaines, un mois au plus tard, des Fils du Serpent patrouillerons dans le secteur, et l’un d’entre eux viendra remplacer leur confrère mort. Tout redeviendra comme avant. -La vie ici semble éternelle, remarqua Lamenoire. Tu sais, Mylnar, que tu peux… -Je te suivrais, où que tes pas te mènent, jusqu’à ce que je puisse racheter ma vie, répondit l’homme-chat. J’ai une dette à payer, je compte bien te la rembourser. Et d’ailleurs, il te faudra bien un compagnon pour affronter les dangers de la route. -Je ne sais même pas où je serais d’ici quelques jours ! -Raison de plus pour ne pas refuser mon aide. -Eh bien soit. Merci encore, Mandius. Adieu ! » Ils marchèrent le reste de la journée, longeant la rivière tumultueuse, dont le cours se rétrécissait peu à peu. Par endroits, de petits ruisseaux venaient se jeter dans le courant, et ils les franchissaient d’un seul bond. Le paysage, de ce fait, se faisait moins inhospitalier. Quelques bosquets de cactus et des buissons d’épines s’attardaient dans le creux des dunes ; quelques lézards sortirent de leurs terriers peu avant le soir, avalant goulûment les premières bouffées de fraîcheur portées par la vesprée. Faisant la garde à tour de rôle, ils passèrent une nuit tranquille, en dépit du froid intense et de quelques vautours curieux. Au petit matin, Lamenoire se réveilla en meilleure forme que la veille. La douleur avait plus ou moins disparu, mais il se sentait encore faible. S’étirant, en faisant craquer ses articulations engourdies, il observa ses deux compagnons. Mylnar dormait encore, roulé en boule, recouvert d’une vieille couverture trouée tirée de son paquetage ; sa hache de lancer était posée à portée de sa main. Il était certain que l’homme-chat ne dormait que d’un œil. Un moustique importun vint se poser sur une de ses moustaches, il le chassa de la patte et cligna des yeux en maugréant : « -Le soleil s’est encore levé se matin, on dirait. -Il semblerait, approuva Lamenoire, un sourire aux lèvres. Allez, debout, paresseux. -Après les derniers jours passés, j’espérais bien avoir droit à un peu de repos ! » Ils se tournèrent vers Voltigern, qui n’avait pas encore pris part à la discussion. C’était lui qui avait pris le dernier quart, et il restait assis, immobile, à mi-pente de la dune de sable où ils étaient étalés. Le froid de la nuit laissait rapidement place au vent sec de la journée. Voltigern restait silencieux, comme perdu dans ses pensées, les bras croisés, la tête baissée, il récitait des paroles à mi-voix, avec une concentration évidente. Mylnar allait s’interroger à voix haute, quand Lamenoire lui chuchota : « -Il récite une prière. -A cette heure-ci ? -C’est une coutume chez les peuples sylvains. Tout les sept matins, ils saluent Ksandrot. J’ai déjà vu des forestiers se recueillir dans les forêts d’Ytuzîr, quand j’étais très jeune. A l’époque, ils n’avaient pas encore tous quitté les Landes Ténébreuses. -Ah bon. Et cela dure longtemps ? -J’ai terminé, lui répondit l’hospitalier en se retournant. Désolé de vous avoir fait attendre. -Nous pouvons attendre. Nous ne savons pas si nous devons nous hâter ou patienter. -Moi, je suis pressé, en tout cas, répondit Voltigern en ramassant son maigre bagage. Pardi ! Après vingt ans d’exil, j’ai hâte de revoir ma patrie. -Je comprends, murmura Lamenoire. -J’espère bien connaître cela un jour, ajouta Mylnar. Bon, je suppose qu’il vaudrait mieux reprendre la route avant que le soleil ne tape trop fort ? -Et avant que des anguipèdes ne retrouvent notre trace, précisa Gandacier. -J’espère bien que cela n’arrivera plus ! s’exclama Mylnar. -Au pire, nous les tuerons à leur tour, lança joyeusement Voltigern. Allez, en route camarades du désert ! Puissions-nous quitter cet enfer au plus tôt ! » Ils s’en libérèrent bientôt, en effet. D’heures en heures, le paysage se civilisait. Les bandes de terre meuble prenaient des teintes ocres et brunes, couvertes de lichens blancs, de buissons d’aubépine ou de bosquets de ronces. Les cactus élancés disparaissaient, remplacés par des arbustes au bois noir et au tronc noueux. Parfois, un lièvre efflanqué passait sur les collines, s’arrêtant un instant les oreilles dressées, pour humer les senteurs des dernières fleurs de la saison. Quelques oiseaux coureurs, abrités derrière des buissons de feuilles jaunes et cassantes, s’enfuyaient à l’approche des marcheurs. Avant la fin du jour, l’hospitalier parvint à abattre deux de ces volatiles. Plumés et rôtis à la broche, ils donnèrent un plus non négligeable à leur repas. Désormais, ils ne craignaient plus de faire du feu. La région était accueillante, les vautours ne s’aventuraient plus dans ces régions, où des aigles solitaires sillonnaient le ciel épuré. Voltigern assura que les pillards ne s’aventuraient que très rarement jusqu’en ces contrées. La Barbarie s’étendait loin au nord-est, à présent, comme un mauvais souvenir. Au sud-est, les collines et les montagnes s’élevaient, avançant à la rencontre des premiers nuages. Au sud, la terre s’étalait en plateaux plus ou moins hauts, recouverts de petits bosquets et de bandes de plantes à fleurs. Ils s’arrêtèrent au flanc d’une de ces hautes plaines, non loin d’un éboulis de caillasse. Les silhouettes contrefaites des pins projetaient leurs ombres sur la terre sèche, à mesure que la nuit revenait, et le silence n’était troublé que par les cris des rapaces en chasse. Leur premier bivouac fut suivi de plusieurs autres, tous passés dans la paix la plus totale. Si le pays se faisait plus hospitalier, il n’en était pas moins sauvage. Le sol escarpé rendait difficile la progression, et souvent leur marche empruntait des sentiers à moitié abandonnés, serpentant entre les crêtes. Ils parlèrent peu durant ces jours, s’échinant à franchir chaque nouvelle muraille naturelle. Ce n’étaient pas des barrières très élevées, mais pour trois marcheurs fatigués, cela représentait des efforts importants. Malgré sa joie croissante, Voltigern ouvrait peu la bouche. Il se concentrait pour trouver la bonne route, redoutant plus que tout de s’égarer si près du but ! Le climat lui-même se faisait plus clément, et aux grandes variations de température du désert succéda un pays où le jour et la nuit se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. L’atmosphre était tiède et venteuse, secouant les branches d’épine des arbustes. Ainsi, ils purent à nouveau marcher l’après-midi, réservant la nuit au repos. Au bout d’une dizaine de jours, Voltigern désigna le bout du plateau qu’ils traversaient, révélant avec une voix émue : « -Passée cette dernière ligne, vous verrez ma patrie ! Nous n’en sommes plus qu’à une journée de marche. Respirez à pleins poumons, ne sentez-vous pas ? » Ses deux compagnons de route se remplirent les poumons, puis secouèrent la tête : « -Je ne vois pas, grogna Mylnar. De l’air humide ; il va pleuvoir. -Non, autre chose ! -Alors, l’odeur de pins ? proposa Lamenoire. Mais cela fait des jours que… -Mais cette fois, elle est beaucoup plus forte ! fit remarquer l’hospitalier. Vous voyez ? » Lamenoire observa les senteurs, portées par une légère brise du sud. On distinguait vaguement des fragrances diverses, résine, épines et fleurs mêlées. Il haussa des épaules : « -Il y a une pinède, par là-bas. Et alors ? -Pas une simple pinède. C’est mon pays ! Une vaste forêt s’étendant sur une superficie inimaginable ! Un royaume forestier tout entier ! -Balivernes ! ricana Mylnar. De tels lieux n’existent plus depuis longtemps. Ils ne survivent que dans les légendes ! -Tu verras par toi-même. » Et il s’élança à une allure rapide, droit vers le sud. Quand le jour tirait sur sa fin, Lamenoire et Mylnar suivaient avec beaucoup de peine un Voltigern qui ne tenait plus en place : sautillant plus que marchant, il interprétait la nature entière comme un signe de bienvenue dans sa chère patrie : chants des oiseaux, vols majestueux des aigles, débandades des lapins de garenne, jappements lointains des coyotes, parterres de fleurs sauvages… « -Regardez, on la voit enfin ! » s’écria t-il soudain. Perché sur un petit promontoire rocheux, il s’arrêta immobile, contemplant la plaine en contrebas. Ses deux amis le rejoignirent, à bout de souffle. Le plateau se terminait en pente douce, sur plusieurs kilomètres de dénivelé. Des dizaines de petits arbrisseaux chétifs égayaient les pentes vallonnées, où des jungles de prêles cachaient des tribus entières de mulots et de lièvres. Par-delà ces îlots de verdure, on apercevait une petite maison branlante, une cabane en bois. Cet édifice modeste s’élevait à la lisière d’un autre monde. Aucun des deux autres spectateurs ne parvint à comprendre de quoi il s’agissait, au premier abord. C’était une barrière de rouge et de vert, une vaste falaise naturelle, impénétrable. Les odeurs de résine se faisaient plus fortes encore, presque omniprésentes. Petit à petit, les yeux, le nez, les sens s’habituaient à cette muraille incroyable, et parvenaient à y distinguer des troncs, des ramures, des branches massives croulant sous le poids des frondaisons. C’était une forêt, dense, immense. Une jungle inquiétante et silencieuse, dont le plus petit arbre s’élevait comme un mât, vertical, ses premières ramifications explosant à une bonne vingtaine de mètres du sol couvert d’épines. L’écorce d’un rouge sombre tranchait avec le terreau grisonnant et le vert émeraude des branchages. « -Voilà ma terre, s’émerveilla Voltigern. Rien n’a changé, depuis que je l’ai quitté… Hormis cette bicoque, bien sûr. -Qui peut bien y habiter ? demanda Gandacier. -Un quelconque bûcheron inconscient. Je ne donne pas cher de sa peau. -Comment cela ? Tu veux dire que vous, les hospitaliers, vous… -Je dis simplement que notre forêt sait se défendre. Il n’est nul besoin de concertation pour chasser les coupeurs d’arbres. Et les gens de la région le savent, d’ailleurs. Il y a eu assez d’accidents par le passé. Cela n’a pas d’importance ! -Quand bien même, répondit le rôdeur. A mes yeux, cela en a. -J’ai été condamné à l’exil pour m’être immiscé dans des affaires qui ne me regardaient pas. Aussi, aujourd’hui, je n’entreprendrai rien qui puisse m’y renvoyer. » Voltigern ne changerait pas d’avis, pour tout l’or du monde, c’était clair. Ils descendirent du plateau en ligne droite, sans parler ensuite, avant d’arriver à proximité de la maison. La demeure était plutôt petite, à peine vingt mètres carrés séparés de l’extérieur par une cloison de rondins cloués à la hâte. Il n’y avait pas de fenêtres, juste une cheminée pratiquée dans le toit pentu. Les interstices entre les troncs étaient bouchés par un mélange de terre et d’herbes sèches. Il n’y avait pas âme qui vive, à première vue. Mais l’hospitalier n’y prêta pas la moindre attention. Il s’arrêta au seuil de la vaste forêt, étendant les bras : « -Je suis de retour ! Vous vous rendez compte ? Un paradis pareil, qui s’étend à perte de vue, à l’est comme à l’ouest ! As-tu la foi à présent, Mylnar ? -Certes, opina l’homme-chat. C’est impressionnant ! -Sentez ces effluves de pin, ce… -L’odeur de la mort. » Mylnar s’était accroupi et observait le sol. L’orée du bois était marquée de plusieurs séries d’empruntes traînantes, semblables aux traces qu’auraient laissé des serpents géants. Il souleva un rameau d’arbre, éclaboussé de petites taches sombres : « -Quelqu’un s’est battu, ici. -Sûrement le propriétaire de la bicoque, supposa Voltigern. Ces traces sont celles de dendranthropes, d’ailleurs. » Lamenoire était déjà devant la porte de la maison. C’était un solide battant en bois épais, taillé à la hache. Les charnières en fer étaient griffées, la rouille rayée verticalement. La surface des planches portait les mêmes éraflures. Mais le tout semblait encore tenir. Il tendit la main vers le loquet –il n’était plus en place mais gisait sur le sol. La serrure restait close, aussi frappa t-il du poing en criant : « -Il y a quelqu’un, là-dedans ? » Il y eut une pause, après quoi quelques bruissements retentirent. Mylnar s’approcha et plaqua son oreille sur la serrure ; il répéta les bribes de mot qu’il entendait : « -Grâce au ciel, quelqu’un… Pas des arbres… peut-on… confiance… Perdus… dernier espoir… » Il s’écarta d’un bond en arrière, quand la serrure grinça. Quelque chose râcla le sol avec dureté. La porte s’entrouvrit, révélant une silhouette penchée, inquiète, un visage encadré par des cheveux tombants et sales, une face avec un certain charme, mais usée par la tension, la peur et la fatigue. « -Pardonnez moi, commença Lamenoire, mais nous passions et si nous pouvions vous rendre service… -Nous n’avons pas besoin d’aide ! » répondit une voix rauque, de l’intérieur de la baraque. La femme épuisée tourna la tête en arrière, irritée, et répondit : « -C’est très charitable, mais je ne sais pas si vous pourrez faire grand chose. -Rien du tout ! continua la voix. Qu’ils nous laissent en paix ! -Entrez, proposa la femme. Ne restez pas dehors. » Lamenoire acquiesça, et passa la porte, suivi aussitôt par Mylnar. L’édifice ne comportait qu’une seule pièce sombre, éclairée par le trou dans le toit laissant passer la fumée. Une marmite cabossée suspendue à un trépied laissait mijoter une soupe incolore, au-dessus d’un petit foyer mourant. La femme en haillons, vêtue d’une robe grise rapiécée, s’écarta pour ramasser un balai et faire mine de balayer le sol. Dans un coin de la pièce, une autre femme aux cheveux cachés sous un fichu serrait dans ses bras un marmot emmailloté ; enfin, avachi sur un tabouret adossé au mur de bois du fond, un homme entre deux âges, jambe droite et bras gauche bandés par du linge poussiéreux, regardait les nouveaux venus avec une extrême méfiance, doublée d’un ton acerbe : « -Que venez-vous faire dans les parages ? Qu’est-ce qui vous attire sous notre toit ? -Roban, protesta la première femme. Un peu d’amabilité. -Et toi ! s’écria t-il en voyant Voltigern, en pointant un doigt accusateur sur l’hospitalier. Tu es un d’entre eux ! On le voit à tes yeux verts, fielleux… Ne passe pas cette porte ou je te fends le crâne ! -Je n’en avais pas l’intention, riposta l’archer, en posant une main sur le linteau. -Que vous est-il arrivé ? demanda Lamenoire. -Vous êtes avec lui ? Vous devez bien le savoir ! Hypocrites… -Roban ! l’arrêta la balayeuse. Des arbres vivants nous ont attaqués, toute cette dizaine. Tous les soirs, jusqu’à la minuit. -Chaque jour plus nombreux, approuva l’homme blessé. Il en sort de partout… -On va mourir, renchérit la femme prostrée au sol, serrant un peu plus son enfant contre elle. On est perdus ! » Il n’y avait même plus de désespoir dans sa voix. Juste de la résignation. Gandacier jeta un coup d’œil à l’hospitalier : « -C’est… Cela arrive souvent ? -Relativement souvent. Quand un bûcheron vient couper les arbres de notre forêt, eux ne l’apprécient pas. Chaque arbre ressentira la souffrance des victimes, distillera sa haine, jusqu’à ce que sa colère surpasse son goût pour la tranquillité ; après quoi, des hectares entiers peuvent se mettre en marche, selon les dégâts causés par le profanateur. -Toi, le bourreau, cracha le bûcheron, tu n’entreras pas sous mon toit ! -Je n’entrerai jamais dans une maison faite avec des cadavres d’arbres, tués de sang-froid. -Le soleil ne va pas tarder à se coucher, remarqua l’homme-chat, il faut se décider au plus vite, pour autant qu’il y ait une décision à prendre. -Il n’y a rien à décider, homme-chat, répondit le bûcheron, et il n’y avait pas dans sa voix tout le mépris qu’il aurait pu prononcer. Nous sommes destinés à mourir ici, soit écartelés vivants, soit affamés et assoiffés. -Je déteste ce genre de phrase, répondit le rôdeur. Nous resterons là pour vous aider. Combien de vivres vous reste t-il ? -Nous y voilà ! Prenez tout, prenez notre argent, il est sous ma paillasse, à droite. Et puis fichez le camp. Au moins vous aurez abrégé notre agonie, et notre bien aura servi à quelqu’un. -J’ai autre chose à proposer : nous restons ici et nous mourrons avec vous s’il le faut. N’est-ce pas Voltigern ? -Mais… -Ils sont dans le besoin, tout comme nous l’étions dans les cavernes de la tour de pierre du désert. Il n’y a aucune différence. -Oui, de ce point de vue… Oui. -Commençons déjà par les présentations, alors. Je suis Lamenoire Gandacier, pour vous servir ; voici Mylnar et Voltigern. » Après un silence gêné, la femme fatiguée reposa son balai et répondit : « -Bon, je vais commencer, sinon cet entêté ne se décidera jamais. Je suis Conscience, et cette tête de mule, c’est mon frère cadet, Roban. Et elle… -C’est ma femme, grogna Roban. Laissez-la tranquille ! -Elle a reçu un coup sur la tête, murmura Conscience. -On a tous reçu un choc ! trancha Roban. -Ils lui ont fait ça il y a quatre jours. Après, j’ai tenté de trouver du secours. Mais en partant tôt le matin, je n’ai trouvé personne le premier jour, en marchant vers le nord. J’ai du m’arrêter à midi et faire demi-tour, arrivant à peine à échapper aux griffes des arbres vivants le soir venu. Ils étaient furieux d’avoir compris que j’avais tenté de m’enfuir. Ils ont redoublé d’assaut, chaque nuit. Il y a deux jours, j’ai trouvé quelques herbes comestibles : bien maigre pitance pour quatre bouches. -Nous allons partager avec vous nos réserves, déclara Mylnar. Ce sera toujours plus. » Les yeux du vieux bûcheron perdirent un peu de leur méfiance, et son ton s’adoucit tout à fait quand il mordit à pleines dents un croûton de pain. La soupe, améliorée par quelques morceaux de gibier frais coupés, ravit toute la tablée. Le poupon, qui devait avoir quatre ans au plus, avala sa portion avec une faim évidente. Voltigern garda le silence pendant tout le repas, essuyant son écuelle avec soin. Il pensait aux derniers événements, et il n’avait pas besoin d’avoir des pouvoirs magiques pour sentir l’animosité des habitants de la maison à son égard. Il se demandait, si le combat s’engageait, de quel côté il devrait se ranger. La forêt se défendait, elle l’avait toujours fait. Il fallait que ces gens soient des étrangers imprudents, pour s’être établi là sans prendre garde. Il était normal que les arbres protègent leurs vies. Ce n’était que justice. Ils l’avaient toujours fait. Il en était là dans sa réflexion, quand Prudence l’interpella : « -Vous nous regardez de travers, messire. -Vous aussi, objecta t-il. -Il faut nous comprendre, messire… Voltigern. C’est difficile d’accueillir un hospitalier dans de telles circonstances. -Je pense bien. Merci. » Ces braves gens étaient somme toute sympathique. Leur courage, et leur attachement à travers les épreuves, lui rappelaient son foyer, ses frères et sœurs. Il ne s’était jamais marié, et s’en félicitait car laisser une épouse pour l’exil n’aurait pas été heureux… ! Mais s’il devait avoir une épouse, il voudrait vivre avec elle dans cette ambiance. Le petit humain avait terminé sa part, et tendait les bras vers sa mère, qui le sera contre elle sans rien ajouter. Elle savait qu’il avait encore faim, mais passé des jours à pleurer, le pauvre n’avait plus de voix. Lamenoire secoua la tête, désolé. S’il seulement il avait pu faire quelque chose, soulager leur manque. Toucher, simplement. Ytuzîr, oui, il lui avait appris quelques sorts. Mot pour mot, il se remémorait chaque parole de son mentor, et revoyait même l’air attentif de son cousin Lancevive Ardentcourroux, partageant son intérêt et son application. Une pronation, pour rassembler les énergies nourricières de la terre, avant toute manipulation. Puis un regard pénétrant pour percer et comrpendre l’être du patient. Rassembler ses forces, inspirer profondément, faire le vide dans son esprit. Notez bien, chers disciples : le vide dans son esprit ! Une procédure rare, d’ordinaire peu recommandée avant le lancer d’un sort. Une fois le néant, la vacuité réalisée, expirer avec profondeur, ouvert aux suggestions des Vents. Laissez les Vents de magie du lieu vous imprégner, vous faire entrer dans l’harmonie parfaite avec la région. Une empathie avec l’environnement. Enfin, une application sur la tête ou le buste, pour transférer la paix, le calme, la patience. Un lépreux pourrait t-il toucher qui que ce soit ? Lamenoire soupira, le front ridé par l’effort de concentration. Une imposition à distance, cela ne rime à rien. Il fallait trouver autre chose. Pourtant, aussi loin que sa mémoire allait, il ne se rappelait pas avoir appris un autre type d’apaisement. Il ne voyait pas. Ytuzîr ne s’embarrassait pas de deux sorts de même utilité. Il privilégiait l’efficacité. Mais il disait aussi : les plus grands mages sont ceux qui sont capables de faire preuve d’imagination, d’improvisation. Il faut savoir plonger dans les vents, et trouver dedans les réponses à ses problèmes, si l’on veut progresser dans leur compréhension. Il pouvait essayer. Il énuméra quelques paroles d’inspiration, dans sa tête. Il voulait éviter des gestes ou des mots trop mystérieux, la dernière chose pour laquelle il voulait passer était bien sorcier. Sans manipulations, bien sûr, la tâche n’en serait que plus dure. Il remua dans sa tête toutes les phrases qu’il connaissait, les sons qu’il avait entendus, il absorba les pensées de ses voisins, leurs sentiments et les sifflements de leurs respirations, assimilant tout d’une seule goulée, sans prendre la peine d’analyser. Il s’emplit de toute l’énergie, la vigueur et le tumulte qu’il pouvait contenir. Alors, un à un, son esprit s’évertua à les oublier. Pas pour les rejeter autour de lui dans une vague désordonnée, non. Pour les détruire. Il faisait le vide autour de lui. Il apaisait l’atmosphère lourde, écrasante, il chassait la chaleur étouffante de la maison de bois au soir, il balayait les peurs de ses voisins. La paix régnait dans la petite masure, comme jamais auparavant. Le fils de Roban dormait paisiblement dans les bras de sa mère, qui s’étendit contre un mur en fredonnant une berceuse. Roban lui-même s’assoupit sur sa chaise, les yeux mi-clos. Conscience s’assit à côté de son frère, sur le sol, hochant doucement de la tête pour accompagner la douce musique. Mylnar s’accroupit contre une des cloisons, jouant machinalement avec sa hachette, et s’amusant à la comparer aux deux lourdes cognées appuyées contre le mur, à portée de main du bûcheron. Voltigern se leva et s’accola à la porte, les mains croisées dans le dos. Quelque chose bruissa à l’extérieur, une chouette s’éloigna en hululant de peur. La femme de Roban se tut, lui ouvrit grand les yeux, les mains serrées sur les accoudoirs de sa chaise. Voltigern s’écarta de la porte, un brin effrayé. Conscience murmura : « -Ce sont eux… Ils approchent ! » Lamenoire laissa son sabre dans son fourreau : une telle arme était conçue pour blesser un être de chair. Une rapière n’était d’aucun secours contre un arbre protégé par son écorce. Il s’adjugea donc une des deux cognées, la soupesa avec satisfaction et attendit, debout, derrière le battant. Mylnar, les oreilles dressées, était toujours assis, mais ses moustaches hérissées en disaient long sur sa veille. Des bruits de pas crissaient sur les branches mortes, les feuilles séchées et les cailloux du sol. Les êtres s’approchaient, avec une lenteur méthodique. De temps à autre, des murmures étranges troublaient le silence de la nuit. On aurait dit le vent hurlant dans les futaies, ou des ramures grincer sous le poids des branchages, ou encore l’écorce siffler sous la morsure du gel. On tout cela à la fois. Cela se rapprochait. Les minutes, les heures s’égrenèrent, rythmées par les pas tout proches, se rapprochant puis reculant, les grincements de la nuit, les chuchotis dans l’ombre. Les assiégés se relayèrent pour maintenir une garde, Mylnar prenant le premier rôle. Peu avant minuit, il réveilla Lamenoire, pour qu’il le relève. C’est alors que des grattements sur la porte se firent entendre. Conscience et Roban furent tirés de leur torpeur, et regardèrent le battant avec un mélange de crainte et d’exaspération. « -Ecoutez, murmura le bûcheron, c’est eux… » Les raclements se renforcèrent, faisant bientôt trembler les planches. Des coups de boutoir retentirent, et le rôdeur plaqua les mains sur la porte, plus qu’inquiet. Le tapage s’amplifiait à un tel point que tous les assiégés se réveillèrent, terrorisés. Il n’y avait bientôt plus une poutre qui ne résonnât pas de ces chocs effrayants. Plus que quelques minutes, et tout l’édifice s’effondrerait… Une planche de la porte vola en éclat, projetant une pluie d’échardes. Dans l’embrasure, une main noueuse, robuste, à dix doigts tordus, s’acharnait à agrandir la brèche. Le rôdeur sabra les phalanges démesurées, sans parvenir à transpercer l’écorce. Mylnar se porta à son côté et frappa d’un grand coup de sa hachette, parvenant pour sa part à faire reculer la chose. Deux doigts encore frémissants tombèrent à leurs pieds, tandis que leur propriétaire s’éloignait en sifflant sa colère. Un moment seulement, le calme revint ; puis les coups redoublèrent, accompagnés de grognements et de murmures étouffés. Déjà, des fissures apparaissaient dans les rondins, et le toit vacillait. Lamenoire avisa soudain les quelques braises dans l’âtre, et s’écria : « -Apportez-moi une, torche, une branche, n’importe quoi ! » Conscience lui tendit son balai, qu’il plongea dans le foyer. Les sarments accrochés au manche s’enflammèrent, d’abord avec lenteur, puis des flammèches dansèrent le long des tiges. Lamenoire retira ce qui restait de sa cape et la découpa en lanières, puis tendit le manche à Mylnar : « -Tiens-le moi ! » L’homme-chat s’exécuta, et regarda son compagnon déchiré en bandelettes le tissu usé. Gandacier avait encore une chance de réussir. Il avait fait le vide autour de lui, un vide spirituel. Il ferma donc les yeux, et invoqua en pensée le Premier. Il fallait qu’il s’imprègne de la nature du feu, qu’il devienne feu. Il fallait qu’il ne fasse qu’un avec les flammes, pour s’en approcher sans crainte. Il commença d’enrouler les bandelettes autour de la torche improvisée. Ses mains serraient le tissu autour du flambeau, sans ressentir la moindre douleur. Les langues de feu léchaient ses doigts, mais sa peau devenue dorée ne les sentait pas. Sans mot dire, il reprit la torche, qui brûlait maintenant à grande flambée, renforée par le nouveau combustible. La porte craqua, sinistre. Une forme massive s’avança dans l’embrasure, tendant ses bras griffus. Le rôdeur s’interposa, silencieux, brandissant son tison. Le monstre ne le comprit que lorsqu’il fut trop tard pour lui. L’incendie se propagea sur son ventre, ses épaules, son cou, remontant ses bras. Le brasier dévorait sa sève et son bois à une vitesse effroyable. L’arbre vivant recula en hululant de souffrance, titubant dans sa marche à reculons. Lamenoire en profita pour s’avancer hors de la cabane, le repoussant vers l’orée des bois. Autour de lui, plusieurs silhouettes surgissaient des ombres de la nuit. Eclairés seulement par la lune et les rares étoiles, les assaillants disparaissaient par intermittence dans les ténèbres. Certains étaient longs et élancés, d’autres courts et trapus. Les pupilles de leurs yeux, pleines de surprise, luisaient dans la nuit. Au centre de leur cercle, l’arbre en feu se tordait, transpercé par son agonie. Il était à genoux, son écorce déchiquetée par les dards rouges et jaunes. On aurait dit un bûcher vivant, mais pas un son ne sortait encore de ses lèvres fermées, seuls des gémissements sortaient de sa longue tête feuillue. Ses bras gauches fouettaient l’air, les rémiges et les branches noircies par l’embrasement. Il s’arqua, bandé tel un arc, vaincu par les flammes qui décoraient son front, ses yeux, son corps hirsute, et soudain sa bouche rauque poussa un long cri, inhumain, terrible. Renversé en arrière sur le sol asséché, son corps achevait de se consumer, lançant des étincelles vers les nuages invisibles du ciel. Voltigern s’avança à quelques pas, blessé dans son cœur par la douleur de cette créature. Lamenoire revint vers lui, le flambeau à la main, et vit ses mâchoires crispées : « -Désolé, mais je préfère lui que nous. » Voltigern ne répondit pas, mais observa les autres hommes-arbres. Ceux-ci regardaient avec une sorte de fascination la dépouille de leur frère. Puis l’un après l’autre, ils se tournèrent vers le rôdeur, une lueur de colère dans leurs yeux dilatés. « -Je ne pense pas qu’ils s’approcheront maintenant, susurra Voltigern. -Que se passe t-il ? demanda Mylnar, en sortant dehors à leurs côtés. -Ils ne nous reconnaissent pas, cela les surprend, supposa Lamenoire. Mais ils savent désormais de quel côté nous sommes. Il faudra se relayer ici toute la nuit. -Si cela peut nous sauver la vie, avec plaisir, répondit Conscience, dans leur dos. -Ce n’est pas habituel, fit Voltigern, en contemplant les faciès haineux des êtres des bois. Ils n’auraient pas dû réagir de la sorte. -Tu veux dire qu’ils n’auraient pas dû attaquer ? » demanda Gandacier. Il s’adossa à la porte percée, et planta le manche du balai dans le sol. A chaque fois qu’il faisait appel à la magie, une vague de fatigue l’assaillait. Cela ne lui arrivait pas, autrefois. « -Je veux dire qu’en temps normal, nous serions déjà tous morts. Ces créatures sont assez exaspérées pour se jeter sur le premier venu, flamme ou pas flamme. Ils ont vu assez d’arbres mourir pour ne pas s’arrêter à un martyr de plus. -Ce qui signifie… -Je n’en sais rien. Mais eux savent, assurément. Ils ont l’air d’attendre quelque chose, ou quelqu’un, mais je ne sais pas quoi. -Tu pourrais leur demander, proposa Mylnar. -Je ne parle pas leur langage, figure-toi. -Je pensais que tous les forestiers… -Ce n’est pas le cas. Et d’ailleurs, même si je le pouvais, je ne le ferais pas. Ils ne comprendraient pas qu’un hospitalier se range du côté de coupeurs d’arbres. » Modifié le 30 août 2007 par Shas'o Benoît Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
the rabbit Posté(e) le 24 août 2007 Partager Posté(e) le 24 août 2007 Pour ma défense, je dirais... que c'est normal de perdre une chimère de vue, par définition... Et que donc nos héros devaient tâtonner ( pas sûr du circonflexe là ). Mais bon, ça reste une excuse peu valable, je le reconnais. Mauvaise excuse en effet Sinon poum poum poum.. les revoilà encore à aider la veuve et l'orphelin Mais bon, mis à part ça, on a une conduite un peu bizarre des arbrees, qui justifie le passage, et qui, je l'espère, fera un peu avancer la quête. Plaisant donc Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 24 août 2007 Partager Posté(e) le 24 août 2007 J'avais noté deux fautes toute bête mais comme un c*n, j'ai appuyé sur la croix de l'onglet au lieu de l'onglet lui même... Jchui un boulz. Bon je reprends ma traque : éviter des gestes ou es mots trop de lui dan s une vague désordonnée Bien, à part ça, c'est tout bon ! On a l'impression, un peu de voyager et je pense que cette chose qu'attendent les arbres va faire avancer l'histoire ! Enfin j'espère bien plutôt. Meme dans tes descriptiosn, on a cette impression de mouvement vers l'avant. Je peux que te motiver à continuer ! Allez chouite ! @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 30 août 2007 Auteur Partager Posté(e) le 30 août 2007 (modifié) Bon, vous n'êtes pas encore lassé, et tant mieux d'ailleurs ce n'est pas mon but ! Comme vous l'aviez deviné, l'histoire progresse enfin avec cette suite : Voir les heures s’égrener, les unes après les autres, dans une attente de plus en plus intolérable, était presque devenu une habitude pour Gandacier, ces derniers temps. Même quand il n’eut pas à tenir en respect les assiégeants, il ne parvint pas à trouver le sommeil. Les prémices d’une aube timide et brumeuse furent accueillis avec soulagement, et les habitants de la cabane sortirent sur le seuil pour voir l’astre solaire se profiler à l’est, au-delà des contreforts des montagnes enneigées. Les rayons tremblants balayèrent les langues de brouillard, exacerbant les contours tortueux des hommes-arbres immobiles. Les créatures apparaissaient dans toute leur rusticité, couvertes de branchages généreux. Certains portaient des champignons colorés, d’autres des croûtes de lichen blanc ou vert pâle. Leurs faces biscornues grimaçaient, tournées vers le soleil naissant. Certains reculèrent prudemment vers la lisière des grands bois, à l’ombre des géants immobiles. Dans la lueur diaphane du matin, la forêt semblait plus mystérieuse encore. Une brume tenace s’agrippait aux petits bosquets qui poussaient dans les grandes ombres des troncs élancés. Sous les ramures qui formaient un second ciel d’un vert émeraude, un tapis de buissons, de fougères et d’arbustes disparaissait dans les flots duveteux du brouillard. Les perles de rosée virevoltaient dans l’air humide, recouvrant les bras ou les jambes d’un ruisselet d’eau au moindre mouvement. Les torches fatiguées ne fumaient presque plus, crachotant leurs dernières étincelles. On aurait juré voir des rayons de lumière percer à travers l’épaisse futaie des bois touffus, mais cela aurait été impossible. Les branches s’entremêlaient dans un labyrinthe de feuilles, de ramures et de bourgeons, pour couvrir de leur protection bienveillante les hommes-arbres intimidés. Les figures énigmatiques des gardiens de la forêt disparaissaient dans la brume, les taillis et l’ombre de la forêt. Ils reculaient lentement, en restant tournés vers leurs adversaires, sans mot dire. Plus leurs formes s’éloignaient, absorbées par l’univers feutré des sous-bois, plus la sensation d’un danger imminent se faisait sentir. Bientôt, la dernière tête feuillue disparut, engloutie dans les nuées d’un blanc laiteux. D’autres formes avaient pris le relais. Il y en avait des dizaines, droites, debout, tout autour du cabanon, quittant les avancées de la lisière pour s’avancer même dans la plaine. Elles étaient rassemblées ou solitaires, immobiles ou en marche, éloignées ou proches, si proches qu’on entendait leur respiration discrète. Le soleil se hissa un peu plus haut dans le ciel, chassant une nouvelle couche de la mer de blancheur qui flottait dans l’atmosphère imprégnée par la rosée. Des arcs tordus apparurent dans les mains des nouveaux-venus, des lances en forme de feuilles de hêtre, des carquois d’où sortaient des flèches aux plumes vertes. On arrivait à voir les contours de ces êtres, leur tête attentive, leurs corps lacés dans des tuniques flottantes. Le matin s’installa pour de bon, chassant l’aurore et ses mirages. Jaillissant des hautes herbes et du couvert des arbrisseaux, une forte troupe d’habitants des bois s’était rassemblée. Le bûcheron et sa famille se serrèrent contre les autres, terrorisés. Lamenoire et Mylnar regardèrent Voltigern avec inquiétude, et celui-ci, répondant à leur demande silencieuse, éleva les mains et la voix, déclarant dans son langage chantant : « -Ola, chasseurs des bois ! Je suis Voltigern, né aux Chutes-de-Lys. Je suis de retour au pays après une longue absence. Que nous vaut cet accueil réservé ? » Quelqu’un lui répondit, dans la même langue : « -Les êtres des bois n’aiment pas que les hommes coupent des arbres, répondit une voix sévère, sur leur droite. Déposez vos armes. » Voltigern hésita, l’air agacé. Lamenoire s’enquit : « -Que nous veulent t-ils ? -Ils veulent qu’on leur remette nos armes. -Certainement pas, répondit Lamenoire. Pas tant que nous menacerez ! » Un murmure s’éleva dans les rangs ennemis. S’ils n’avaient pas compris le sens des paroles, ils avaient bien interprété leur ton rude. Une des créatures s’avança hors du brouillard, de quelques foulées légères. C’était une dryade vive, à la tête couronnée de cheveux d’or, portant une robe courte de sinople, une ceinture de cuir décoré serrant sa taille fine. Des bracelets en lierre entouraient ses poignets fragiles et remontaient jusqu’à ses coudes, par des spirales délicates. Elle portait une petite sacoche et des bottines de daim blanc. Elle débanda son arc en bois d’if, et rangea dans son carquois la flèche qu’elle était prête à décocher, une minute plus tôt. Elle déclara d’une voix ferme, mais bienveillante : « -Je parle le langage des humains. On doit pouvoir s’entendre. Ne cherchez pas à empirer votre situation. -Nous ne cherchons pas à… commença Voltigern. -Il suffit, Talaria, reprit la voix. Qu’ils se rendent, ou bien qu’ils meurent. » La brume se leva enfin, abandonnant les derniers recoins des buissons épais. Celle qui venait de parler était une autre dryade, sans doute plus âgée bien que cela eut été difficile à déceler sur ses traits purs. La plupart des dames des bois portaient des tenues similaires, en tissu vert et souple. Chacune tenait dans ses mains un arc flexible, ou encore une pique lancéolée à manche court. Parmi les rangs des êtres sylvains, il y avait aussi plusieurs hospitaliers vêtus de braies et de tuniques tombantes. Il s’y trouvait par ailleurs quatre individus étranges, dans des habits ressemblant à des vestes en écorce. Leur peau était sombre, d’un brun tirant sur le vert foncé, et ils portaient des cheveux longs tombant sur leurs épaules. Des paires de bois sortaient de leur crâne, plus ou moins ramifiés. Ils semblaient plus farouches encore que leurs compagnons, si celait avait été possible. Un autre personnage attendait, les bras croisés, sans s’immiscer dans la conversation. Il s’agissait d’un elfe, comme le révélaient ses oreilles que sa chevelure blonde ne parvenait pas à cacher. Il portait un simple bandeau autour du front, et des vêtements tombants, dans les teintes brun-ocre évoquant à merveille un sol automnal. Il ne portait pas d’arme sur lui, on du moins ne le montrait pas. Il prenait un air détaché, presque curieux, et attendait de voir comment allaient réagir les assiégés. « -C’est inadmissible, s’emporta Lamenoire. Je n’étais jamais venu dans ces régions, mais je connais un peu les modes de vie des peuples sylvains, pour les avoir rencontrés de temps à autre dans mon pays. Et je ne me serais jamais attendu à cela ! Ce genre d’agression est indigne de tout être civilisé. Si vous voulez savoir ce que je pense, c’est que vous vous conduisez comme des orques ou des glores. Venez vous battre en combat singulier, si vous avez un différend à régler ! Je suis preneur. -Moi aussi, renchérit Mylnar. -Et moi ! » s’écria le bûcheron en brandissant sa hache, malgré ses bandages encore rougis. La dénommée Talaria parut surprise, et discuta l’espace d’une minute avec la cheftaine de la bande. Le dialogue animé cessa bientôt, et elle s’adressa à nouveau en parler commun : « -Nous récusons vos accusations, étranger. Si vous connaissiez toute l’affaire, vous pourriez comprendre notre méfiance, mais ce n’est ni le temps, ni l’heure pour un plaidoyer. -Au contraire, je ne vois pas de meilleure occasion. -Talaria, nous n’avons pas à nous fatiguer pour ces tueurs d’arbres. Qu’ont-ils choisi ? -C’est que, Dame Galissya, ils… -Se rendent-ils, oui ou non ? -Dame Galissya, les coupa Voltigern, mes camarades ici présents sont venus de très loin, ont bravé de nombreux dangers pour voir Dame Yrranie. -Qu’est-ce que cette histoire ? -La vérité, noble dame. -Que racontes-tu ? demanda Lamenoire, méfiant. -Est-il vrai, demanda Talaria, que vous cherchez à voir Dame Yrranie ? -Yrranie ? C’est une Dame… ? Alors, oui, certes. -Votre histoire a l’air imparfaite, commenta la dryade. Dame, il confirme. -Comment a t-il connu son nom ? Sait-il seulement ce qu’il demande ? -Mes amis ici présents le savent, Dame Galissya. Ils savent très bien qu’Yrranie est la souveraine de ces terres, et que le plus petit brin d’herbe sous les futaies de ces arbres est sous sa protection. » Lamenoire hocha de la tête : « -Oui, nous le savons. -Oui alors, fit Mylnar, approuvant avec tant de force qu’il en avait mal au cou. C’est la plus grande reine dont j’ai jamais entendu parler, j’en mettrai ma main au feu ! » Talaria allait de surprise en surprise, et ne remarqua pas le soupir de soulagement de Voltigern. Tandis qu’elle traduisait ces aveux, l’elfe s’approcha à grands pas, un sourire narquois illuminant son visage : il avait compris la manœuvre. « -Etrangers, vous voulez voir Yrranie, mais il y a peu de chance qu’elle vous accorde une entrevue, vous vous en rendez compte ? -C’est pourtant indispensable, répondit Lamenoire. La vie de milliers, de millions de personnes en dépendra peut-être. Mais il est vrai que d’après les récents événements… -Poursuivez, l’encouragea l’elfe. -Il semblerait que la vie des humains ne vous importe pas ! Vous massacrez les bûcherons, ou plutôt, vous laissez les arbres faire le sale travail à votre place, tout ça pour je ne sais quelle protection absurde… -La forêt se défend elle-même, c’est naturel, répondit avec calme l’immortel. -Mais ces malheureux là ne le savaient pas. -J’en conviens. Mais qu’est-ce que cette histoire de massacre de millions de gens ? -Ce n’est ni le temps, ni l’heure pour un plaidoyer, rétorqua Gandacier. -Vous avez le sens de la répartie, railla Talaria, amusée. -Autant que vous. Menez-moi à Yrranie, à présent. » Plusieurs dans l’assemblée sursautèrent, dont Talaria et Dame Galissya, choquées d’entendre le nom de leur souveraine sans plus de révérence, et plus encore par l’invective impérieuse. Les deux femmes entrèrent en conciliabule, suivi avec intérêt par l’ancien paria. L’elfe, pour sa part, secoua la tête et demanda : « -Peut-être pourrions-nous baisser les armes, et faire preuve de compréhension ? -Pour ces bûcherons, peut-être. Mais ce gaillard là, répondit Galissya, fait preuve de trop de hardiesse. Pour qui se prend t-il avec ses contes invraisemblables ? -Il a l’air honnête, et sérieux, commenta Talaria. -Alors mène-le à notre reine, si cela te chante, répondit Galissya. Mais tu en répondras s’il commet de nouveaux crimes. Et tu sais qu’il paierais cher. -Je le sais. » Voltigern se détendit, et se tourna vers ses compagnons d’infortune : « -Tout semble pouvoir s’arranger. Ils vont vous mener à Yrranie, mais prenez garde, ne commettez pas d’imprudences en cours de route. Les arcs ici, tirent promptement. -On a vu ça, grogna Mylnar. -Et nous ? demanda le bûcheron. Je ne sais pas qui est Yrranie et je n’en ai cure. -Vous, répondit Talaria, on va vous escorter jusqu’à une distance respectable de ces bois. Ne revenez jamais ici. C’est moi que les feux follets ont prévenue de l’agitation en ces lieux. Nous ne pouvons pas revenir aux frontières chaque fois qu’un inconscient provoque les gardiens des bosquets. Maintenant, remettez-nous vos armes. » Deux hernes s’avancèrent, leurs cornes arborescentes se balançant avec leurs têtes oscillantes. Ils tendirent les mains, et prirent les armes une à une. Au moment de délester Lamenoire de son sabre, il bondit en arrière et prévint : « -Vous feriez-mieux de ne pas me toucher, j’ai la lèpre. -Est-ce possible ? demanda l’Elfe. -Plus que possible, elfe. -Mon nom est Portechêne. Si vous êtes vraiment lépreux, vous frappez à la bonne porte. -Que voulez-vous dire ? -Ici, vous trouverez de quoi vous aider et vous soigner, répondit Portechêne. Laissez-moi vous ausculter, et je pourrai vous en dire plus long. -Soit, mais… -Vous n’avez rien à craindre, c’est un examen par l’esprit. » Portechêne scruta son patient du regard, cherchant à clouer sa vision dans la chair de sa cible virtuelle. Gandacier recula instinctivement, déjà intimidé par l’aura de l’immortel. Sa vraie nature se révélait peu à peu, de plus en pus imposante, jusqu’à englober tous ses sens. Il ne voyait plus que cet être de lumière et d’éclats, une sphère de feu blanc et figé qui s’approchait avec un calme effrayant. Il aurait voulu protester, interrompre le face-à-face, mais… « -Que lui avez-vous fait ? s’écria Mylnar, les moustaches hérissées. -Du calme, l’ami, il se repose. » L’elfe se pencha pour ramasser le corps de Lamenoire, qui gisait dans l’herbe trempée par la rosée. Il le souleva à bout de bras, exactement comme s’il s’agissait d’une brindille. « -C’est grave ? demanda Talaria. -Je pense, répondit Portechêne. Il ne faudrait pas tarder si on veut le réveiller jamais. -Mais que… insista Mylnar. -C’est un sommeil profond, expliqua Voltigern. J’ai déjà vu les Elfes Sylvains le provoquer, pour figer les corps. L’état de notre ami n’empirera pas, tant qu’il dormira. -Exactement, approuva l’elfe. Je pense que nous pouvons nous séparer, à présent. -Comment cela ? s’insurgea l’homme-chat. -La dénommée Galissya va escorter le bûcheron et sa famille vers les plateaux, expliqua Voltigern. Messire Portechêne l’a lu dans mes pensées, je vais les accompagner, on ne sait jamais. De toute façon, la route pour voir Yrranie m’éloignerait davantage encore de mon village natal. -Mettons-nous en route sans tarder, proposa Talaria. Il nous faudra plusieurs jours pour arriver à Faudrill, si rien ne nous ralentit. » Mylnar eut à peine le temps de saluer de la main ses amis d’un jour. Il ramassa son maigre paquetage, franchit les rangs des dryades et des hospitaliers qui se mettaient déjà en route vers le nord. D’un bond, il sauta par-dessus les premiers buissons, sur les pas de la dryade et de l’elfe qui marchaient d’un pas leste, entre les arbres géants qui tenaient la frontière du royaume d’Yrranie. Modifié le 31 août 2007 par Shas'o Benoît Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 31 août 2007 Partager Posté(e) le 31 août 2007 is tu en répondras s’il commet de nouveaux crimes. Et tu sais qu’il paierais cher Un peu bizarre ce chapitre cat deux choses trop faciles me choquent. Premièrement, les elfes qui deviennent aussitot pote avec les étrangers. Ils étaient en train de se battre et du tout au tout, ils sont la en trai de parler tranquilement. La deuxième, c'est la naiveté avec laquelle ils croient à l'histoire... Ca tient pas debout et c'est trop flagrant que c'est n'imp leur histoire. Il faudrait que l'un d'eux connaisse une légende et qu'il tente le tout pour le tout, ca serait plus réel ! Voila, sinon j'adore les descriptions et la vitesseµ. Plus de lèpre et ca va avancer ? @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 23 septembre 2007 Auteur Partager Posté(e) le 23 septembre 2007 Les trois marcheurs filaient entre les troncs, toujours plus profond dans les bois silencieux. Mylnar ne voyait plus le moindre signe des arbres éveillés, dont les silhouettes tordues avaient disparu depuis longtemps entre les rideaux de brume. Le soleil réchauffait la terre, réveillait la vie du monde. Ses rayons dorés cascadaient depuis les épaisses branches d’épines, retombant comme des puits de lumière sur le terreau sec et épais. Entre les grands sapins élancés, un petit sentier à peine reconnaissable se faufilait vers le sud. De part et d’autre du chemin dérobé, des petites touffes de houx, des arbustes couverts de lierre et des taillis ruisselants de baies s’étalaient. De temps à autre, ils pouvaient voir un écureuil descendre d’un tronc, courir sur le sol tapissé d’aiguilles et remonter comme une fusée rousse, vers un nouveau perchoir. Quelques pic-verts faisaient résonner leur staccato monotone dans la pinède infinie, leur coups de bec faisant écho aux discrets appels de quelques coucous joueurs. Portechêne allait d’un pas élastique, enjambant les fougères éparses, les souches couvertes de champignons et les buissons rampants. Il ne disait pas un mot, l’air grave et recueilli. Lamenoire, inconscient, semblait dormir du sommeil du juste, les bras tombants. A quelques mètres en avant, Talaria la dryade aux longs cheveux blonds ouvrait la voie, observait les alentours avec un excès de prudence. Ils ne paraissaient pas désireux de parler, et l’homme-chat se garda bien de les déranger. Il les suivait sans peine, habitué aux longues routes. Son corps se fortifiait peu à peu, depuis les déplorables années de galériens. Il retrouvait la pleine maîtrise de ses muscles et de son adresse féline. Ses articulations craquaient encore, mais déjà ses chevilles et ses poignets ne le faisaient plus souffrir. D’ici quelques mois, la fourrure aurait repoussé, là où les fers avaient meurtri sa peau. Mylnar conserva son mutisme jusqu’aux alentours de midi. Ses deux compagnons de marche s’arrêtèrent non loin de la sente forestière. Talaria avait repéré un petit taillis de bosquets touffus, au creux d’un îlot de frênes. Les fayards avaient poussé, isolés dans la masse des sapins et autres résineux. Ils abritaient un îlot de verdure émeraude, éclatant dans une floraison de feuilles, de lianes et de lierre. Quand ils s’en approchèrent, deux jeunes chevreuils s’esquivèrent par petits bonds, et disparurent entre les troncs. Portechêne déposa son fardeau au pied d’un arbre centenaire et s’assit non loin, pensif. Talaria s’agenouilla à quelques mètres et sortit quelques galettes de son carquois. Mylnar, pour sa part, se laissa tomber entre eux et fourragea dans son maigre bagage, à la recherche de bouts de viande sèche. « -Vous ne mangez pas ? demanda t-il à l’elfe vert, en mordant dans une mince tranche de chair dure. Vous n’avez pas faim ? -Oh, je peux me passer de nourriture pendant plusieurs jours, l’assura l’autre. Cela ne peut me faire que du bien. -Vraiment ? -Bien sûr. L’ascétisme est propice à la méditation. Et puis, j’ai enduré bien pire. -Moi, je ne suis pas de cet avis, remarqua Talaria, en esquissant un sourire. Et je ne renoncerai pour rien au pain doré de chez nous. -Il m’a l’air fameux, reconnut Mylnar, en avalant sa boulette de viande. -Oh, ce n’est rien d’extraordinaire, juste quelques disquettes au miel de chez nous, très nourrissantes. » Elle en brisa une en deux et en lança la moitié à l’homme-chat, qui la rattrapa en pleine bouche grâce à un bond sur place. Mylnar hocha de la tête tout en mâchant, puis chassa les miettes de ses moustaches pendantes : « -Pas mauvais du tout, en effet ! Mais cela ne vaut pas le vrai gibier. -Je n’avais pas le cœur tuer ces pauvres chevreuils, répondit Talaria. Mais s’il le faut, je me chargerai de remplir notre escarcelle. -A la bonne heure. » Mylnar reporta son attention sur le rôdeur, qui somnolait plus que jamais, les yeux hermétiquement clos. « -Et lui ? Ne faudrait-il pas le nourrir ? -Pas si le sommeil ne dure pas trop longtemps. Il hiverne, pour l’instant. -Vous vous moquez, messire. Ce n’est pas un ours, ou un écureuil. -Non, mais je puis néanmoins affirme qu’il hiverne, d’une certaine manière. Il s’agit là d’une sorte de sortilège, si vous voulez. D’ordinaire, on l’emploie sur les personnes de pur esprit, c’est plus commode. Mais en cas d’urgence, on peut l’appliquer à des êtres de chair et de sang. Il ne faudrait pas toutefois que cela dure trop longtemps. -Oh, nous serons revenus à Faudrill bien assez tôt, répondit Talaria, en regardant avec attention leur compagnon malade. Vous pourrez bientôt tous deux vous expliquer devant Dame Yrranie. -Quelle est sa place exactement ? demanda Mylnar. Qu’est-elle pour vous ? -Pour moi ? s’étonna Portechêne. Pas grand chose en particulier, je suppose. -Cet elfe prétentieux n’est pas une bonne référence, rétorqua Talaria, en baissant les yeux. Homme-chat, toi et ton ami, ses yeux glissèrent vers le rôdeur inconscient, vous devrez lui témoigner le plus profond respect. C’est notre souveraine. » Sur ce, elle se leva, donnant le signal du départ. Ils marchèrent tout l’après midi, serpentant le long du sentier invisible, recouvert d’une profonde couche d’épines qui par moment leur arrivait aux chevilles. Mylnar supposa que cette voie n’était pas souvent utilisée, et qu’elle avait donc choisi de suivre un itinéraire discret, peu fréquenté. C’était peut-être une mesure de sécurité, ou un simple souhait personnel. Il observa à la dérobée l’elfe à l’air grave, qui se tenait à sa gauche. Il n’était pas plus du pays que lui, apparemment. Depuis combien de temps s’étaient t-ils rencontrés ? Ils se faisaient confiance à présent, certes. Mais un elfe n’est t-il pas fait pour inspirer confiance ? L’homme-chat haussa les épaules, et conserva son allure. Le temps passa, glissa avec douceur entre les troncs d’un rouge sanglant. Le terreau d’un gris usé variait à peine de teinte, sous les feux du couchant qui déclinaient à l’ouest. Par moment, une fissure dans le feuillage dense laissait voir un ciel violacé, tirant peu à peu sur le bleu nuit. L’air se rafraîchit quelque peu, à mesure que les Belles du Soir ouvraient leurs coroles délicates, au pied des grands arbres. Tout un monde s’éveillait à la lueur diaphane des premières étoiles, timide, tamisée par les branchages. Quelques phalènes, des lucioles s’éveillaient et commençaient leur ballet. Entre les racines noueuses, une petite brume s’élevait, condensée par la fraîcheur du soir. Bientôt, les pieds de l’homme-chat, humides, glissaient sur le tapis d’épingles ramollies. « -Le temps change, frissonna t-il, en hérissant ses poils. Il faut trouver un abri pour la nuit. -C’est prévu, répondit Talaria, sans s’arrêter. -Et… Y arrivera t-on avant la matinée ? -Avant que la fatigue nous terrasse ? ironisa Portechêne. -Bien sûr ! répondit t-elle, en se tournant vers eux d’un air mi-amusé, mi-vexé. Nous y serons bientôt, si vous ne tergiversez plus. -A la bonne heure ! » s’enthousiasma l’immortel, en doublant son pas. Au bout d’un quart d’heure à peine, l’obscurité s’était installée tout à fait, envahissant les sous-bois. Les feuilles acérées de vert sombre avaient trempé dans une encre noire, les troncs rugueux ressemblaient à des croûtes de sang, le sol crissait sous leurs pieds. Les fleurs nocturnes, Mille-pétales, violettes tardives et autres Vignedestin courbaient leurs calices débordant de pollen, tendus aux libellules forestières, aux oiseaux-mouches et aux papillons de nuit. Dans les bosquets lointains, de petites lumières dansaient, projetant leur lueur infernale dans la pénombre. A l’est invisible, la caresse de la lune se faisait deviner. « -Nous sommes arrivés, annonça Talaria. Après vous. » Mylnar écarquilla les yeux, interdit. Il ne voyait rien qui ressemblât à une auberge, une cabane ou ne serait-ce qu’une tente. Pas le moindre abri ,pas le moindre signe d’une civilisation. Même le sentier avait disparut dans la noirceur, les buissons et les pommes de pin sèches. Un brouillard mouillé remontait du sol, d’où montaient les soupirs des fougères à fleur. « -Si c’est une plaisanterie… commença t-il, fatigué. -Regardez mieux, le coupa Portechêne. Vous devriez avoir une bonne vue, messire chat. -Je ne vois rien. -Je reconnais que pour un œil non exercé… -C’est vrai, avoua Talaria, un brin amusée. Je vous ouvre donc la voie. » Mylnar la regarda, les yeux écarquillés. Il ne s’en était même pas rendu compte avant : et pourtant, la dryade était maintenant environnée d’un nimbe de lumière douce, chaude, d’un jaune vif tremblotant. Cinq feux-follets tournoyaient autour d’elle, dans une sarabande bien exécutée. Ils semblaient s’amuser à la folie, passant autour de ses bras, dans ses cheveux, le long de son corps, pour reprendre leur symphonie perpétuelle. Le jeune femme hocha de la tête, et dit avec délicatesse : « -A présent, montrez l’entrée… » Obéissant à sa prière, deux des petites lanternes vivantes voletèrent à a droite, illuminant le tronc d’un sapin particulièrement massif, entre les racines duquel un buisson épineux avait élu domicile. Les deux lumières s’enfoncèrent dans le bosquet, et bientôt une leur flamme ne laissa plus deviner que quelques rayons diffus. Mylnar hésita, regarda sa guide, puis se décida et passa les premières branches. Il arriva dans une petite tanière assez profonde, aménagée au pied de l’arbre vénérable. Il pouvait entendre le bois craquer, la résine couler goutte à goutte dans ses veines qui parcouraient le plafond bas. Le sol était tamisé de sable fin, lui-même recouvert de nattes en osier. Il régnait dans ce local une chaleur agréable, réconfortante. Ce refuge maintenant une température libre des fluctuations de l’extérieur, protégeait qu’il l’était par le bois, l’écorce et le rideau touffu plantes coriaces. Derrière notre héros, les autres voyageurs ne tardèrent pas à entrer, toujours accompagnés des feux-follets. Portechêne déposa Lamenoire au fond du terrier, puis se coucha sur le côté, dans un coin. Talaria, pour sa part, se posta à l’entrée, le dos contre le tronc vivant, les yeux mi-clos. Mylnar se roula donc en boule, et s’aperçut qu’il était rompu de fatigue. Dans ses yeux lourds, les flammèches des petits esprits évanescents valsaient sans fin. Il réprima un bâillement : « -Quel drôle d’endroit, vraiment ! -Il y en a partout comme ça, expliqua Talaria, en posant son arc. Des relais pour les messagers, les voyageurs. -Très pratique, murmura Portechêne. -Vraiment partout ? s’étonna Mylnar. Cela doit faire beaucoup. -Oh, assez en effet. Il y en a le long des routes, entre chaque village, et à intervalles réguliers dans la forêt, sans compter les postes de la garde, les repos des bergers d’arbre, les caches secrètes en cas d’invasion… -La liste doit être longue, grogna l’elfe, mais si nous remettions cette discussion à demain ? -Comme si un elfe pouvait avoir sommeil, sourit la dryade. -Parfois, oui, répondit l’autre. -Bah, moi je ne pourrai pas dormir avec ces lucioles agaçantes » lâcha Mylnar. Effarouchés, les feux-follets firent tous un bond et se réfugièrent autour de la femme des bois, auprès de laquelle ils restèrent immobiles, comme suspendus au bout d’un fil. « -Vous les avez blessés, reprocha Talaria. Il suffisait de les remercier pour leurs services. Soyez bénis, et laissez-nous, je vous prie. » Dociles, les petites lumières se sauvèrent entre les bras des buissons, et laissèrent le sommeil gagner les marcheurs. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 26 septembre 2007 Partager Posté(e) le 26 septembre 2007 Vous vous moquez, messire. Ce n’est pas un ours, ou un écureuil.-Non, mais je puis néanmoins affirme qu’il hiverne, Effectivement, il a raison... Un ours hiberne plutot qu'hiverne Bon c'est la seule remarque que j'avais à faire sur la forme Pour le fond, on se rapproche toujours aussi facilement de la chef des elfes donc je me demande à quel moment les ennuis vont recommencer puisque tu en as fait une spécialité La suite ! @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 11 octobre 2007 Auteur Partager Posté(e) le 11 octobre 2007 Justement Lamenoire hiverne ! Sinon pour ce qui est des ennuis, il y en a de deux sortes : physiques et psychologiques. Reste à savoir dans quel ordre ils arriveront ( bah oui y'aura encore des deux, pourquoi se limiter ! ) Juste pour encourager mes quelques ( mon seul ? ) lecteur, Lamenoire a maintenant atteint la moitié de son périple ( à vol d'oiseau bien sûr, héhé ). Mylnar eut tout le temps de découvrir à quel points les habitants des forêts profondes pouvaient être nombreux. De nombreuses communautés semblaient avoir élu domicile sur les terres de la forêt impénétrable, et ils rencontrèrent plusieurs groupes de voyageurs, au cours de leur marche de plusieurs jours. Plus ils allaient de l’avant, et plus le sentier s’agrandissait, rejoint par des chemins voisins. Bientôt, ils suivaient un itinéraire dégagé, bordé sur ses flancs par des bosquets bien fournis de fougères et d’arbrisseaux. Ils croisèrent les pas de plusieurs bandes de chasseurs hospitaliers. Ils partagèrent pendant toute une matinée la marche de cinq dryades, qui devaient rallier un poste d’alerte plus au sud. Ils saluèrent une petite tribu de hernes, qui passaient dans les environs. Après moins de quatre journées de route, ils arrivèrent enfin aux abords de Faudrill. Ils en furent assurés quand ils virent les arbres monumentaux, abritant des maisons perchées, des terriers aménagés ou protégeant des maisonnettes tressées dans des feuillages. De nombreux habitants à la peau claire et aux yeux verts les regardèrent passer, et les saluèrent de la tête. Talaria ne parlait pas beaucoup, et pressait le pas de ses compagnons. Maintenant qu’ils arrivaient au terme de leur marche, elle ne voulait pas perdre de temps : il aurait été tristement ironique que Lamenoire meure si près de son salut ! Les faubourgs de la grande ville s’étalaient dans les sous-bois, installés avec art entre les racines, les troncs et les branches des sapins géants, si bien qu’un œil non exercé n’aurait pas soupçonné la présence d’une si forte population en ces lieux. Pourtant, Portechêne assura l’homme-bête que les alentours de la cité rassemblaient près de dix milles âmes. Mylnar, émerveillé, avait à peine le temps d’observer les escaliers à claire-voie montant vers les cimes, les grands édifices de bois vivant s’arc-boutant tout autour des piliers de sève, les véritables petits manoirs jaillissant des bosquets. Au-delà de ces petites bourgades clairsemées, une grande muraille s’élevait. D’un noir mat, haute de plusieurs dizaines de mètres, elle s’abritait sous les branches épaisses des géants de la forêt. Comme les troncs de la lisière des bois avaient donné aux voyageurs une impression de barrière infinie, de même cette grande falaise de pierre lisse donnait l’illusion de la frontière d’un nouveau monde. Deux tours circulaires flanquaient le vaste corps de garde qui enjambait la route principale. Une foule de passants de toutes espèces, feux follets, esprits des bois, dryades, hamadryades, nymphes, forestiers, hospitaliers, hommes des bois, rêves et autres dendranthropes marchaient dans les rues, franchissant en nombre la porte grande ouverte. Seuls quatre gardes, deux hommes et deux femmes aux yeux verts et aux carquois bien fournis, observaient le manège du peuple sylvain en plein mouvement. Le trio traversa rapidement les vastes quartiers où les chênes creux côtoyaient les grandes maisons en bois vivant, les huttes creusées dans les collines et les souches de sapins gigantesques, ainsi que les petits châteaux bâtis en pierre dure. Au-dessus de tout ce mélange resplendissant de formes et de couleurs printanières, le palais d’Yrranie se démarquait par sa taille, sa haute position et sa splendeur architecturale. Un large escalier d’une blancheur presque blessante menait jusqu’à une cour circulaire, longée par trois rangées des colonnes soutenant une coursive aux toits pentus. Les tuiles d’écorce rouge se répandaient en cascades harmonieuses au-dessus des chapiteaux, et s’agençaient sur les galeries, tours et pavillons. A l’entrée de l’édifice magnifique, des petits groupes d’archères et de lanciers montaient la faction. Dès que nos trois héros s’approchèrent des premières marches, cinq des gardiens s’avancèrent, visiblement peu inquiets. Les crimes et les rebellions devaient se faire rare, en ces lieux de paix et de tranquillité. « -Pardonnez mon impudence, messieurs et ma dame, lança le chef des sentinelles, mais il faut un bon motif pour franchir les portes du palais de notre souveraine. -Nous en avons un bon, répondit Portechêne, en indiquant d’un hochement de tête son précieux fardeau. Vous pouvez nous laisser passer. -Il me faudrait plus de détails. -Cet homme a la lèpre, déclara Talaria. Il a besoin de soins. -Vous ne manquez pas d’audace ! s’esclaffa le soldat. Et vous pensez que notre reine s’abaissera à… » Il s’arrêta dans sa phrase, reconnaissant son interlocutrice : « -Après tout, conclut t-il, c’est une affaire qui vous regarde, ma dame. » Il s’écarta et ses compagnons d’armes l’imitèrent sans plus insister. Mylnar, intrigué, suivit ses deux guides, non sans remarquer que les archères les suivaient toujours des yeux, la main prête à tirer les flèches du carquois. Ils atteignirent pourtant sans encombre le vaste portique dont les portes grandes ouvertes donnaient sur une cour d’honneur à ciel ouvert. Plusieurs dignitaires y bavardaient dans le calme, écoutant de temps à autre les oiseaux forestiers chanter. Des plates-bandes de fleurs des sous-bois s’étalaient entre les murs d’une finesse extrême. Talaria saluait d’un signe de tête gracieux ceux qu’ils croisaient mais Portechêne feignait de ne pas les voir : Mylnar ne savait plus quelle attitude adopter, et restait silencieux, raide, à chaque rencontre, écoutant de toutes ses oreilles. Le premier était un herne très âgé, au front ridé, et dont les bois plantés dans sur ses tempes s’enchevêtraient terriblement : « -Salut à vous, Dame Talaria. Déjà de retour des frontières du Nord ? -Comme vous le voyez, Maître Fraddilis. Une rencontre sur la route m’a retenue. -Vous m’en voyez ravie ; nous pourrons profiter plus longtemps de votre charmant sourire. -Allons, bien des guerriers et guerrières reviennent des guerres. -Mais bien d’autres meurent, ajouta le vieux personnage en s’éloignant, appuyé sur sa canne. -Dame Talaria, s’exclama un jeune hospitalier portant un grand collier en or, bienvenue en ce palais. Permettez-moi de vous lire quelques reflexions que j’écrivis tantôt… -Plus tard peut-être. Savez-vous si Dame Yrranie réside encore ici ? -Bien sûr ; vous la trouverez dans la Salle aux Bassins. Que se passe t-il ? -Une histoire dont je ne connais pas moi-même le fin mot. -Dame Talaria ! s’exclama un grand gaillard, dont les cheveux blonds taillés courts contrastaient avec son armure d’un noir profond, voilà bien longtemps ! -Maître Calis, vous avez tout à fait raison. -Le destin s’accorde bien, puisqu’il nous ramène en ces lieux au même jour ! -Le destin n’y est pour rien, maître. -Il y est toujours pour quelque chose. Mais qui est cet étranger, qui me semble bien mal ? -Un dénommé Lamenoire, et si vous voulez en savoir plus, suivez-nous. -Jusqu’au bout de la terre, s’il le faut ! plaisanta l’autre. Comme un chien fidèle. -On m’a dit que la reine était dans la salle des Bassins. -Je viens de la quitter. Vous voulez vous entretenir avec elle ? -Nous avons besoin de ses talents. -Je vous accompagne et je vous devance. Laissez-moi vous escorter ! -Comme si le besoin s’en faisait sentir ! » pouffa Talaria. Calis marchait rapidement, sa longue cape couleur d’ombre des bois flottant dans son dos. Par-dessous ses replis, on voyait briller son baudrier et sa ceinture, où pendaient des poignards, des dagues de toutes tailles et des couteaux de lancer. Il portait autour du cou une très longue écharpe de soie fine, teinte d’un rouge vermillon. Poussant d’un seul coup les battants de la grande porte sculptée, il ignora les deux gardes qui la jouxtaient et il entra d’un pas conquerrant dans la vaste pièce, où quatre grandes cuves peu profondes recueillaient l’eau fraîche d’une source. Un ruisseau coulait dans une longue tranchée recouverte de marbre blanc, et se déversait dans les réservoirs circulaires. Toute la pièce baignait d’une telle lumière que Mylnar, tout ébloui, fit un pas en arrière. Tombant à genoux presque malgré lui, Calis courba l’échine et déclara : « -Dame Yrranie, souveraine des Grandes Forêts du Soir, Héritière des Eaux, je viens vous annoncer le retour de Dame Talaria. » Portechêne et Talaria entrèrent à sa suite, mais au moment de passer le seuil, l’elfe se retourna vers l’homme-chat : « -Restez ici, messire Mylnar. Vous n’êtes pas admis à aller outre. -Vraiment ! Et pourquoi ne pourrais-je pas ? -Ce n’est pas moi qui fait les lois ici, soupira l’immortel en le laissant là. -Messire, déclara l’un des deux gardes, vous feriez mieux d’obéir. » Deux autres dryades armées d’arcs et de courtes épées encadrèrent le visiteur, qui regarda les portes se refermer et cacher le halo de splendeur, engloutissant par là-même son seul ami. Mais malgré ses craintes, il avait l’intuition qu’aucun danger ne le menaçait. Restait à savoir ce que ces forestiers feraient de lui. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 12 octobre 2007 Partager Posté(e) le 12 octobre 2007 Bon ben une rencontre tranquille. Trop peu être. Je suis toujours dubitatif devant cette confiance exacerbée des elfes. Mais ca reste personnel. Je retoucherai rapidement le dialogue. J'ai été rapidement perdu dans la discussion de qui était qui. Il manque de précision à partir du milieu grosso-modo ! Allez souite ! @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shas'o Benoît Posté(e) le 10 novembre 2007 Auteur Partager Posté(e) le 10 novembre 2007 Oui c'est un peu confus, au départ je voulais le faire exprès pour refléter le chamboulement dans l'esprit de Mylnar, mais peut-être qu'un peu de clarté ne ferait pas de mal. Quand à l'elfe, bah il est immortel et doué de pouvoirs inhérents, alors les histoires des vagabonds des races mortelles le font plus sourire qu'autre chose. La suite : Quand Lamenoire ouvrit les yeux, il porta aussitôt la main à sa ceinture. L’angoisse l’empoigna à la gorge, et il se redressa à moitié pour constater qu’il était dans un lit de draps fins, sculpté dans du bois noir et solide. Les quatre pieds du meuble semblaient s’enrouler sur eux-même avant de plonger dans le plancher, qui ressemblait plus à de la terre meuble qu’à du bois, en dépit des nervures qui le parcouraient d’un bout à l’autre de la salle. De grandes solives jalonnaient le plafond bas, entourant les poutres d’un vert sombre. Deux larges fenêtres décorées de lianes dures laissaient entrer dans la chambre une lumière dorée, tamisée. En face du lit, un grand meuble en chêne et une chaise rustique. Sur celle-ci, son fourreau était déposé. Il vit la poignée de son sabre en sortir, et se rassura aussitôt. On lui avait laissé son arme, il pouvait donc s’estimer entre de bonnes mains. Il sauta hors des draps, ouvrit l’armoire et y découvrit ses habits, ou plutôt ce qu’il en restait. Il déplia sa cape, qui ressemblait plus à un chiffon usé qu’à un manteau à présent : élimée, usée par les pluies et le sable, déchirée en plusieurs endroits, elle faisait peine à voir. Pourtant, elle était lavée, diffusant des parfums de fraîcheur et de fleurs. Il la laissa sur le devant du lit, et constata que le reste de ses effets ne valait pas beaucoup mieux. Une âme charitable avait pris soin de placer à sa disposition des braies en tissu épais et d’un beige clair, ainsi qu’une tunique courte et une cape, tous deux d’un vert sombre et discret. Ils étaient tissés avec art, la laine à la fois souple et solide permettant aux vêtements de se tendre sans s’user. Il se vêtit à la hâte, et acheva son habillage en bouclant sa ceinture. Sentir le fourreau recourbé de sa rapière contre sa jambe le réconfortait. Passons à l’inspection de ces lieux, songea le rôdeur en s’approchant de la porte de la pièce. C’était une grande planche de bois d’un seul tenant, accrochée aux cloisons par des charnières en forme de bourgeons. De petites ribambelles de lierre couraient sur toute sa surface, la faisant ressembler à un tronc racorni. En fait, toute la salle semblait palpiter de vie, exactement comme si de la sève courait encore dans les nervures du bois frais. Une douce chaleur irradiait des parois, qui pouvaient tout aussi bien être faites de métal ou de pierre. Il posa la main sur la clenche de la porte : celle-ci n’était pas fermée, et il l’ouvrit résolument. A peine était-il sorti qu’il se retrouvait nez à nez avec Mylnar, Talaria et un groupe d’hospitaliers en grande tenue. « -Enfin, s’écria Mylnar, rassuré. Vous ne pouvez pas imaginer le plaisir que j’ai de vous voir bien portant, messire. -Merci, Mylnar… Le salut à vous, messires. Où… Où sommes-nous ? -Vous êtes à Faudrill, l’illustre capitale de notre royaume forestier, expliqua la dryade. Nous sommes tous très heureux de vous revoir debout. -Vous êtes bien resté sept jours dans le grand sommeil, remarqua l’un des hospitaliers dont l’armure sombre contrastait avec les tuniques blanches des autres. -Sept jours ? s’étonna Lamenoire. -Depuis votre arrivée, précisa l’autre. Je me présente : Calis, à votre service. » Il s’inclina légèrement et reprit : « -Vous êtes le bienvenu à Faudrill, tant que vous avez de bonnes intentions. -Les meilleures qui soient, messire Calis. -Vous pourrez l’expliquer à Dame Yrranie dès aujourd’hui, s’amusa Talaria. Elle reçoit en grande audience en ce moment même. -Dame Yrranie ? Elle est donc bien ici ! -Evidemment ! Où donc si ce n’est en sa ville ? répondit Calis. -Mais… Comment est-elle ? -Voilà une bien singulière question ! -Je ne l’ai même pas vue, se plaignit Mylnar. J’ai eu beau insister pour rester à votre chevet, mais ils m’ont écarté à chaque fois. -Je ne comprends pas toute cette histoire, se plaignit le rôdeur. Pourquoi donc… -Vous trouverez bientôt les réponses à vos questions, l’assura Talaria en posant une main réconfortante sur son épaule. Reposez votre esprit, il en a encore besoin. -Seulement, quand vous serez présenté à la Dame, souvenez-vous que vous lui devez la vie, déclara Calis. Soyez respectueux, et reconnaissant : non seulement elle vous arrache à la mort, mais en plus elle accepte de vous recevoir. -Vous voulez dire que c’est elle… Dame Yrranie qui m’a soigné ? -Bien sûr, expliqua Talaria. Elle est venue tous les jours s’occuper de votre mal. Vous pouvez vous considérer comme aussi sain de corps et d’esprit qu’à votre naissance, à présent. » Il hocha de la tête, encore surpris. Puis le groupe se mit en marche, déambulant dans les couloirs pleins de lumière du palais. Il contemplait chaque nouvelle cour, chaque nouveau jardin avec un émerveillement renouvelé. Les bosquets de roses, les colonnades de marbre immaculé, les portiques ornés de plumes de pierre, tout invitait au repos et à la paix. Lamenoire se tourna vers son ami homme-chat, et demanda : « -Ainsi donc, tu m’as suivi jusqu’ici, vieil ami ? -Bien sûr messire, jusqu’à rembourser la vie que je vous dois. -Je t’en prie, sourit le rôdeur, tu peux laisser tomber le messire, à présent. -Excusez moi, commença Talaria. Je me demandais… -Vous aussi, damoiselle. Je suis votre serviteur. » Il s’inclina en avant, et poursuivit : « -Sans votre aide… » La dryade coupa court à ses remerciements d’un geste léger de la main : « -Je n’ai fait que mon devoir, sire Gandacier. Juste une question : qu’est-ce qui peut bien amener un voyageur comme vous jusque chez nous ? Quelle affaire vous amène devant la Dame ? Je ne me souviens pas qu’un humain se soit aventuré jusqu’ici au cours des derniers siècles ! -A dire vrai, c’est la question que nous nous posons tous, renchérit Calis, et nous sommes fort curieux de connaître votre réponse. -En toute honnêteté, je ne la connais pas moi-même. J’espère que votre Dame pourra éclaircir cette histoire. -Vous êtes incroyable ! s’émerveilla Talaria. Ou vous vous moquez de nous, ou vous êtes un signe du destin ! -Croyez bien que je suis de bonne foi. Tout ce que je sais de ce qui m’amène chez vous, c’est un ami rencontré au hasard sur la route qui me l’a appris. -La réponse est donc la deuxième option. Cela ne me surprend guère. Et d’où venez-vous ? -D’assez loin, des Landes Ténébreuses. -Ça alors, c’est incroyable ! Ma grand-mère s’y est installée, il y a bien sept siècles. -Je n’ai que très rarement croisé des hospitaliers, dans les forêts d’Ytuzîr. Mais mon oncle racontait certains soirs que des dryades avaient fondé un royaume, il y a fort longtemps, au sud de notre pays. -C’est une histoire qui semble oubliée, et pourtant elle remonte à deux générations chez nous. L’exil de mon aïeule a été un poids lourd à porter pour ma mère. -Voilà une bien curieuse histoire. -Sans doute moins que la vôtre. Voici la porte de la Grande Salle : nous allons enfin y voir plus clair. Après vous, messire Lamenoire ! » Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Inxi-Huinzi Posté(e) le 11 novembre 2007 Partager Posté(e) le 11 novembre 2007 Bon ben c'est pas mal, collègue ( ) Pas de faute cette fois-ci, enfin c'était assez court donc je suis pas non plus surpris que y en ait pas tant. Bon, tu gardes ton style en chaque passage hein, je me répète inlassablement Pour le fond, ce passage confirme ce que je dis, je les toruve vraiment naif et vraiment hospitaliers ces elfes. Ils ne posent pas de questions et se satisfont de la bonne volonté de leurs hotes. Alors que eux même savent pas ce qu'ils font là Bon, je radote donc j'attends la suite et l'audience @+ -= Inxi =- Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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