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La saga dela Francesca


Invité Mr Petch

Messages recommandés

Et voilà.... J'avais voulu attendre le mois de janvier et la nouvelle année pour vous fournir un nouveau texte... Mais l'envie était trop forte, j'ai pris ce matin mon clavier pour vous taper l'intro de mon prochain récit: la saga dela Francesca.

C'est un projet ambitieux que j'avais déjà envisagé avant de terminer Oyanotec, en faisant apparaître les deux personnages de Pietro et Federico dela Francesca. Deux personnages fétiches de mon "univers" jeuderôlistique. Je ne pouvais donc passer à côté de l'occasion de vous raconter leur histoire. Une façon pour moi de sortir de la Lustrie sans en sortir vraiment, de m'éloigner de mes lézards adorés tout en restant proche d'eux. J'espère pouvoir mener à terme cette histoire qui promet d'être longue, et j'espère que je vous communiquerai mon enthousiasme au travers de mes mots!

Trève de bavardages, et place à l'histoire ! Bonne lecture à tous !

Prologue

Je dédie avant toute chose cette histoire à Feurnard et Imperator, deux excellents amis et écrivains sans qui je n'aurai pas connu le plaisir de l'écriture. Puissent-ils continuer de nous émerveiller par leurs récits

Il arriva par bateau un matin brumeux et nuageux. Une tempête avait soufflé sur le petit port de Gilliano durant toute la nuit, et tout les habitants furent surpris de voir une embarcation accéder à la jetée, car cela impliquait qu’elle avait survécu à la tourmente nocturne. C’est pour cette raison que, dès que la corne de brume retentit pour annoncer l’arrivée de La Pieta, la rumeur circula très vite en ville, les habitants sortirent en masse de leur logis, pour la plupart à peine éveillés, et lorsque le trois-mâts arriva sur le quai, un attroupement s’était déjà formé pour l’admirer, plus que pour l’accueillir. Pourtant, l’intervalle entre l’appel à la corne et l’arrivée du bateau avait été court, car le brouillard avait empêché le gardien du port de voir La Pieta dès son franchissement de la baie. Il ne l’avait vu que lorsqu’elle avait dépassé le rocher du serpent – une mystérieuse concrétion granitique en forme de serpent enroulé autour de ce qui ressemblait à un mât de bateau (du moins dans l’imaginaire des pêcheurs de Gilliano).

Gilliano était une colonie, un petit port fondé quelque deux cents ans auparavant entre Port-des-Pillards et la défunte Cadavo par des colons tiléens qui espéraient trouver sur ce nouveau monde un lieu de vie paisible et accueillant. La plupart était toutefois des pirates repentis, des malfrats, des bandits et des voleurs que le gouvernement tiléen avait envoyé là-bas pour s’en débarrasser. Une autre moitié de la ville était composée de notables, de marchands fortunés ou de petits bourgeois qui avaient entendus parler de possibilités de commerce avec d’hypothétiques habitants du Nouveau Monde ( que personne n’avait encore vu, ou bien s’agissait-il de divagations évoquant des créatures mi-humaines mi-reptiliennes). Il régnait dans cette bourgade une certaine tension, entre les dangers internes et les dangers externes qui ne déplaisaient pas aux habitants, avides d’émotions et de sensations fortes. Tous étaient des aventuriers, et il le fallait pour vivre ici.

C’est donc dans cette colonie qu’arriva un matin brumeux et nuageux l’amiral de La Pieta. Il était jeune, et resplendissait au milieu de ses galons d’or et de platine, et dans son uniforme rouge. Lorsqu’il fendit la brume, installé telle une figure de proue à l’avant de son bateau, immobile et fixant les maisons qui se dessinaient à l’horizon, il avait l’air d’un dieu vivant qui amenait avec lui toutes les richesses et la beauté du Vieux Monde. Certains témoins de cette arrivée diront même qu’un rayon de soleil arriva juste à cet instant sur Gilliano et que la brume se dissipa. A peine eut-il accédé au débarcadère que tout Gilliano savait déjà qu’il avait affaire à une légende vivante, un de ce héros mythiques qui viennent explorer le nouveau continent, sans craintes du danger. Et cela, les habitants de Gilliano y étaient très sensibles, eux qui n’osaient pas aller plus loin que la limite des cultures, et qui détournaient le regard chaque fois que la jungle, glauque et puante, s’affichait devant leurs yeux épouvantés. Pour empêcher les enfants d’y pénétrer, on leur disait que de gros lézards cannibales y vivaient. Et cette légende était si bien ancrée dans les mentalités que même les adultes y croyaient. Pour cette raison, les héros qui allaient explorer la jungle était loués, on leur érigeait des plaques et des bustes en souvenir. Car très peu revenait, et ceux qui revenaient n’avaient rien vu de plus que de la végétation, la chaleur et la maladie.

La Pieta franchit l’onde à petite vitesse, entraînant quelques vagues et quelque remous, écartant les eaux de sa coque lustrée. Aussitôt, un murmure parcourut l’assemblée. On attendait le héros, l’amiral. Il se tenait pour le moment à la proue, et regardait la foule venu l’acclamer. Il sourit, car il aimait ça. Pendant que les matelots achevaient les manœuvres de débarquement, il marchait lentement vers le bord du bateau, sans arrêter de regarder la foule. Il se délectait de tous ces regards admiratifs, de pauvres êtres qui rêvaient d’aventures mais qui avaient peur de franchir les limites de leur terrain, de peur qu’un voisin un peu violent ne vienne leur voler leurs tomates. Il y avait sans doute quelque chose de méprisant dans le clin d’œil qu’il lança à la foule au moment de descendre le long du ponton. Cet amiral avait une silhouette magnifique, svelte et juste assez hautaine pour parachever un physique admirable. Son visage avait des traits fins, et il arborait des pattes noirs qui lui descendaient jusqu’au bord du visage, comme c’était la mode en Tilée chez les jeunes gens riches de son âge. Son bicorne était posé sur son crâne et le grandissait certainement, ainsi que sa grande veste d’amiral immanquablement décorée et luisante. Son visage glabre et son regard vif, privilège de la jeunesse, faisait tomber en extase toutes les dames de la foule. Il devait avoir à peine trente ans, et cela contribuait certainement à sa beauté.

Il était suivi par son infatigable second. Un homme qui frisait la cinquantaine, rond et à la silhouette gonflée. Sa barbe de trois jours, mi-grise, mi-noire, donnait l’exemple parfait du vieux loup de mer, et n’auraient été les galons de capitaine qu’il portait sur ses épaules, on l’aurait pris pour un ancien pirate. D’ailleurs, ces deux galons, petites plaques de cuivre élimées par le temps, n’allait pas du tout avec le reste de son allure. Toutefois, son charme venait de son regard paternaliste et hospitalier. Un zeste de timidité, certes, qui se voyait dans ses yeux en amandes, camouflés sous des sourcils trop épais et trop massif, mais avant tout un sourire bonhomme et une corpulence bienveillante. Il portait à la main un livre – objet ô combien incongru dans la main d’un marin – à la couverture bordeaux et parlait à son amiral, qui mesurait bien une tête et demie de plus que lui, en levant la tête. L’amiral, lui, ne se permettait pas de la baisser, il lui répondait entre ses dents, le regard tourné vers la foule.

Lorsqu’ils arrivèrent au niveau de la masse humaine, l’amiral étendit les bras pour la fendre, lentement, et chacun de ses mouvements donnaient lieu à un murmure, une rumeur qui parcourait l’assemblée. Les habitants s’écartaient sur son passage, et lui jouissait de cette puissance, les yeux mi-clos. Le second suivait, sans même se rendre compte de l’étendue de cette foule venu les accueillir. Mais il n’était pas certain que la foule ait remarqué l’existence du second.

Ils entrèrent dans la capitainerie, où attendait un ancien marin reconverti, manchot de surcroît, aux yeux vitreux et au sourire froid. Le seul habitant qui n’était pas venu dans la foule, sembla-t-il. L’amiral se présenta, le second se présenta, et le gardien du port se présenta :

« Commandant Pizzi, gardien du port de Gilliano. Vous venez pour quoi ? »

L’amiral expliqua rapidement son affaire : il venait explorer la jungle et ramener des richesses en Tilée pour son compte. Oui, La Pieta lui appartenait ; oui, il pouvait le prouver ; bien sûr, il payait tous les marins. Sur ce, l’amiral en eut marre des formalités et des questions tatillonnes du commandant Pizzi, et il laissa son second s’occuper du reste. En sortant, il lui lança sans même se retourner :

« Je vais passer la journée en ville, rejoignez-moi ce soir sur le pont. »

Les deux vieux marins soupirèrent en le voyant partir. Sans doute se comprenaient-ils alors.

Le soir tomba. Plus vite que prévu, et le second se retrouvait seul sur le pont à regarder les étoiles. Il savait très bien ce que l’amiral entendait par « passer la journée en ville ». Il faisait le tour des bars pour se montrer, payait des tournées pour que tous se souviennent de son nom, racontait des histoires fantastiques qui ne lui étaient jamais arrivées – et pour cause, c’était son premier voyage hors de Tilée – et séduisaient toutes les filles pour pouvoir choisir la plus belle et l’honorer dans un lit miteux d’une auberge pouilleuse. Car il estimait que ces filles qui se donnaient pour trois sous ne méritaient pas autre chose qu’une couverture sale. Mais ça, bien sûr, il ne leur disait pas. Et le second, lui, se devait d’être fidèle à son amiral et de lui obéir, comme il avait fait avec son père pendant plus de quarante ans. C’était d’ailleurs le père de cet amiral de bateau-lavoir qui l’avait forcé à accompagner le fils, pour le guider et le surveiller. Mais le second avait mis une condition : ce serait sa dernière expédition, après ça, il rentrerait tranquillement dans sa Tilée et passerait sa retraite à lire des récits d’aventures, son passe-temps favori.

Il vit une silhouette arriver au loin dans la brume, titubant un peu, mais à peine pour garder son allure droite. La silhouette franchit le ponton, replaça son bicorne sur son crâne et arriva devant le second. Son haleine sentait l’alcool, mais sa voix était encore nette et ses paroles paraissaient réfléchies. Seuls ses yeux un peu rouges trahissaient son ébriété.

« - Alors, second, on regarde les étoiles ?

- Oui, amiral.

- A quoi penses-tu là ?

- A rien d’intéressant.

- Dis toujours.

- Je me demande où vous avez passé la journée.

- Arf…

L’amiral éclata de rire, et alla s’asseoir auprès du second.

- J’ai fait le tour des bars de la ville, et Dieu sait s’il y en a, ici ! Et leur alcool ! Fameux, rien à voir avec la bibine qu’on nous sert en Tilée ! T’aurais du venir, y avait plein de jolies filles prêtes à se déshabiller pour n’importe quel marin fortuné ! Même moche, elles acceptaient !

Et il rit de nouveau, sans même savoir pourquoi.

- Vous savez bien que ce n’est plus de mon page, tout ça. Mais je suppose que vous avez trouvé chaussure à votre pied ?

- En effet, second ! J’ai trouvé la plus belle perle de la baie !

- Comment s’appelait-elle ?

L’amiral haussa les épaules.

- Je sais pas. Elle m’a juste donné un mouchoir à elle ! Pour me porter chance et pour m’aider dans mon aventure ! Tu parles !

Il sortit de sa poche un joli mouchoir de soie blanc. Une initiale y était brodée au fil rouge, un F entrelacé autour d’une ancre de marin. Le second le regarda longuement.

- Il est beau, fit-il. Un vrai travail de dentellier.

L’amiral le regarda de ses yeux rougis.

- Qu’est-ce que tu y connais, toi, aux mouchoirs ? Tiens, si tu veux, je te le donne !

Le second se saisit du mouchoir que l’amiral faisait tomber par terre.

- Vous en aurez peut-être plus besoin que moi au cours de ce voyage.

- Pfff… Garde-le, donc ! Je n’en ai pas besoin, j’ai déjà une bonne étoile ! Et puis au passage, arrête de me coller comme ça ! Même si père m’a donné un chien de garde, j’aimerais autant qu’il aboie loin de moi.

- Comme vous le souhaitez… Mais vous n’ignorez pas les dangers de cette jungle.

- Mouais…

L’amiral se leva, comme pour partir. Il s’engagea dans l’ombre d’un mat, en direction de sa cabine. Mais avant, il se retourna :

- En fait. C’est vrai qu’après ce voyage, tu n’en feras plus ?

- Oui, en effet.

- Tu en es certain ?

- Oui, je suis assuré de ma décision de prendre ma retraite après cette expédition… Si jamais j’en reviens vivant… »

L’amiral sourit d’un air cynique comme seule réponse et disparut dans l’ombre, laissant derrière lui les étoiles, la ville, et son fidèle second.

Modifié par Mr Petch
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C'est très beau.

J'adore les descriptions :wink: elles donnent de la vie et du charme à ton récit. :D

Je n'ai noter aucun faute (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas :P ) et ton texte est franchement très agréable à lire, on se sent réellement transporter en Lustrie.

Vivement la suite :evilgrin:

J'attend avec impatience.

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Et bien, et bien !

un nouveau texte à ce que je vois ! Un peu de temps :blink: Donc tu vas pouvoir venir poster dans la section :blink:

Bon je sais pas comment l'expliquer, mais c'est pas comme tes autres textes, ca change tu as ecris de facon a ce que ca soit du neuf ! Je peux pas dire d'ou ca vient mais c'est present !

Pas de faute sur la forme, belles descriptions ! J'ai rien à te repprocher de ce cote la ! A la hauteur de ta reputation !

Sur le fond, on aura peut etre d'autre explication sur ce qui passe dans l'autre histoire donc j'attends la suite !

@+

-= Inxi =-

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Partie 1 : les ombres de la jungle

Chapitre 1

Elle regardait apeurée les ombres de la forêt qui s’étendaient face à elle dans leur insondable obscurité. Les arbres immobiles qui dégageaient une si intense chaleur paraissaient si vivants. Elle pouvait y voir des yeux, comme des petits yeux glauques et jaunâtres, presque invisibles qui l’observaient en retour, elle qui se sentait comme perdue face à l’immensité de la forêt vierge.

Elle s’assit un peu sur un rocher élimé par le temps, le sable, le souffle acide du vent au sortir de la jungle pour se reposer. Les contractions de son ventre gonflé par la grossesse lui faisaient de plus en plus mal, et elle ressentit soudainement le besoin de souffler, de poser ce fardeau vivant sur un roc solide. La nuit tombait bientôt, autour d’elle. Il devait être tard, et à Gilliano, la nuit apparaissait si brutalement qu’on en était toujours surpris. Le soleil disparaissait sans prévenir et nous laissait entre les doigts obscures de la lune. Et pendant la nuit, c’était la jungle qui brillait, qui étincelait, alors que le petit port posé sur la crique de sable s’assombrissait et s’endormait.

Elle se reprit encore un peu, essaya de trouver une position adéquate pour reposer son ventre mais sans succès, les contractions reprenaient encore. Elle se retourna alors et vit Gilliano, en contrebas dans la vallée. De petites maisons dans un style tiléen, disposées aléatoirement de façon à former des rues labyrinthiques et des balcons à n’en plus finit, desquels pendaient des étoffes de lin et de soie, dans le quartier bourgeois. Les plus pauvres singeaient les riches et offraient au vent sec de la nuit leur chemises ou leur caleçon en coton. C’était là qu’elle habitait, là, dans l’une des masures insalubres de ce quartier puant, à cause des odeurs de marrées qui refluaient directement de ce côté-ci – les riches ayant choisis un quartier à l’abri du vent, protégé par une petit dune de sable.

Elle regarda une nouvelle fois cette ville avant de se tourner vers la limite de la jungle. La nuit était tombée et déjà d’étranges lucioles phosphorescentes apparaissaient telles les étoiles dans le ciel entre les branches des arbres. Etait-ce des lumières naturelles, reflets de la lune dans l’eau, abdomen d’un quelconque coléoptère ? Ou bien était-ce… autre chose ? Autre chose dont elle ignorait tout.

Sa curiosité la poussa, malgré les incessantes douleurs abdominales, à tendre la main vers cette forêt. Elle toucha presque l’une des feuilles d’un palmier, caressant sa douce texture. Cela faisait combien de temps qu’elle attendait, là ? Combien de temps qu’elle patientait toutes les nuits sur ce rocher humide, à sentir sur sa peau le souffle froid du vent et à souffrir de la vie qui palpitait dans son ventre ? Plusieurs mois… Sept, huit, presque un an peut-être. Elle fixa les yeux de la forêt, intensément et pieusement, comme pour prier. Elle murmura un nom qui s’envola au milieu des branches : « Giacomo » ; puis, comme prise d’une douleur atroce, insoutenable, elle hurla dans la nuit, seule à la lisière de la forêt, éjectant de son être tout ce qu’elle pouvait sortir. C’était un cri atroce, inhumain et rempli de douleur. Elle tituba sur quelques mètres, vers la jungle, vers le salut, un bras tendu vers la végétation, l’autre soutenant le ventre orageux ; puis, trop épuisée encore pour marcher, s’écroula au sol en poussant des râles bestiaux, de brebis agonisante.

La chaleur des braises dans le foyer la réveilla un peu. Elle ne voyait rien autour d’elle, sa vision était trouble et la douleur qu’elle ressentait, sur chaque parcelle de son corps, était bien trop puissante pour qu’elle puisse en détourner son esprit. Elle se souvenait à peine de ses derniers pas, sur le sable, à quelques pas de la forêt, et des contractions extrêmement violentes ce jour-là. C’était à peu près tout, car elle aurait été bien incapable de fournir un effort, tant physique que mental. Elle avait malgré cela une étrange sensation de bien-être en elle. Comme le sentiment d’un soulagement enfin arrivé. Elle ne put y réfléchir plus longtemps, les élancements tout au long de sa cuisse reprirent et la firent hurler.

L’homme qui s’affairait autour d’elle se dépêcha de trouver une compresse humide et l’appliqua le long de son bassin, tout doucement, délicatement pour l’apaiser.

« Vous allez mieux, ne bougez pas surtout. »

Il continua son agréable massage qui la soulagea un peu.

« Tout s’est bien passé, et vous allez vivre, mademoiselle. »

Mademoiselle ? Jamais personne ne lui avait dit cela. C’était un mot inconnu pour les forbans des bas quartiers. Et cette chaleur douce et diffuse, la douceur des draps dans lesquels elle se trouvait… Que de détails étranges. Mais elle ne pouvait toujours pas voir de ses yeux le lieu où elle se trouvait. Ses paupières étaient encore comme embuées de larmes, des larmes de douleur et d’effort sans doute. A mesure que l’homme continuait son massage, descendant le long de la cuisse là d’où la douleur provenait, elle se sentit bien, et commença à s’endormir. Les visions flous autour d’elle devinrent un lac de néant, et elle trouva le réconfort dans le sommeil.

L’homme la regarda un moment, endormie sur le grand canapé de son salon. Le feu crépitait dans la cheminée juste à côté d’elle et les braises apprivoisées venaient réchauffer le corps lové dans le lin rouge. Il s’accroupit pour l’observer dans son sommeil. Elle était belle, très belle. De longs cheveux d’ébène qui tombaient sur ses épaules et le long de sa poitrine abritée par une simple robe blanche et sale en coton. Son petit visage mutin, au nez retroussé et à la bouche fine possédait une telle expression de félicité qu’il ne put s’empêcher de sourire. Et le grain léger de sa peau un peu dorée était si apetissant… Il réitéra son sourire. Et se leva.

Juste à cet instant, une voix assez grave et rauque lui lança :

« - Elle a eu de la chance, c’est toujours une opération délicate.

L’homme se retourna. Face à lui, une femme, ronde, portant un tablier blanc garni de quelques tâches de sang. Elle-même avait le visage rougeaud, gonflé comme un ballon. Elle se déplaça sur ses lourdes pattes dans le grand salon de l’homme, s’essuyant les mains sur un chiffon qui avait été blanc mais qui devenait écarlate et visqueux. La robe sommaire que portait la femme ne lui cachait pas ses gros mollets boursouflés, ni ses pieds nus dans des sandales en cuir. « Pourtant, avec l’argent qu’elle doit se faire, elle pourrait s’acheter une paire neuve » se dit l’homme intérieurement. Mais, souriant à la grosse femme, il lui dit :

- C’est vous qui êtes douée, si vous n’aviez pas été là, elle serait morte à cette heure-là…

Il attendit un peu avant d’ajouter :

- Et eux aussi…

La grosse femme se tut, comme pour assimiler les compliments qu’on venait de lui faire. Ils ne purent faire disparaître la moue renfrognée de son visage. L’homme s’avança vers elle et lui posa la main sur l’épaule :

- Vous êtes à la hauteur de votre réputation, Miranda !

L’accoucheuse souffla, et se dirigea vers la cuisine. L’homme la suivit tout en continuant :

- C’était diPascuo, le drapier qui m’avait parlé de vous. Il ne tarissait pas d’éloge. Je suis heureux que le destin m’ait fait vous rencontrer !

- Le destin ?

Elle lui jeta un regard suspicieux. Miranda savait très bien qu’elle n’était pas là pour poser des questions, simplement pour faire son boulot. Revenant à elle, elle lança sèchement :

- Vous avez l’argent ?

- Oui, bien sûr, attendez-moi ici.

Il sortit de la cuisine en trombe pendant qu’elle continuait de se laver les mains. C’était un petit homme trapu, qui avait vécu. Miranda avait remarqué des cicatrices sur son visage et ses bras. C’était un marin et un aventurier, l’un de ceux qui traversent les mers, qui bravent les dangers, et qui à l’âge où la mort se rapproche, s’établisse dans un port où ils avaient leur habitude – c’est à dire n’importe quel port de n’importe quel continent. La plupart du temps pour une femme, une jeune et jolie fille qui rendra leurs derniers jours heureux. Mais celui-là non, pas de femme dans sa demeure – une belle bâtisse reproduisant une villa tiléenne de la côte – à part aujourd’hui, mais l’intrusion de cette fille des bas quartiers, certes très belle, mais sentant le poisson et les déchets, était plus incongrue qu’autre chose. Du moins dans l’esprit de Miranda qui avait les idées très claires : les riches ne se mélangeaient pas avec les pauvres. Si cet homme ne lui avait pas présenté en entrant une bourse pleine d’or, elle aurait d’ailleurs refusé de la faire accoucher. Mais pour quelques sous de plus, elle pouvait bien faire une exception.

Pour se reposer de ses efforts, elle s’assit sur une chaise et chercha sur les étagères de la cuisine de quoi boire. Elle se leva. Il y avait là de nombreux alcools, tous originaires de Tilée. Des vins de qualité, en plus. Elle savait peu de choses sur l’homme qui la recevait. Simplement qu’il était installé depuis peu – un mois, peut-être, voire deux – et qu’il s’agissait d’un ancien marin. Il était d’ailleurs toujours fourré à la capitainerie. Quel âge lui donnait-elle ? Soixante peut-être. Mais à cause de ses cheveux gris et de son allure bourgeoise. Court sur pattes et un peu épais. Avec un visage très paternaliste, accueillant. Etrange qu’il n’ait pas trouvé de femme, ici, à Gilliano.

Alors qu’elle réfléchissait à tout cela, il revint et déposa sur la table une bourse remplie. Il y avait même plus que ce qu’il avait promis.

- Vous regardez mes vins lui dit-il d’une vois chaleureuse. Vous voulez un verre.

- Non, je ne vais pas vous déranger plus longtemps.

Elle commença à remballer ses affaires dans une sorte de caisse en bois grossière. Lui continuait de parler :

- Miranda, vous devez vous demander qui je suis, et qui est cette femme !

Miranda ne répondit pas.

- En fait, je l’ai trouvé sur le sable, près de la forêt, allongée sur le ventre en train d’agoniser. Alors je l’ai mise sur mes épaules et je l’ai amenée jusqu’à chez moi. Elle geignait la pauvre ! Elle criait tout ce qu’elle pouvait. J’ai tout de suite compris que l’accouchement était pour bientôt. Alors, à toute vitesse, j’ai frappé à votre porte, et vous avez accepté.

Il la regarda avec admiration :

- Vous êtes vraiment formidable ! Elle aurait du mourir !

- Un coup de chance, et une constitution robuste.

Miranda ne quittait pas son masque grognon. Malgré tout, elle finit par demander, plus par politesse que par curiosité :

- Vous ne la connaissez pas ?

- Non, pas vraiment. Vous savez ici, ceux des quartiers pauvres ne viennent pas, sauf pour mendier. Et je ne me souviens pas de l’avoir vu mendier. Mais vous avez vu son visage… Une vraie princesse. C’est ici qu’elle aurait du naître !

Miranda grogna pour montrer sa désapprobation. Mais comme l’homme semblait vouloir parler, elle continua :

- Vous allez faire quoi, maintenant ?

- Je ne sais pas… Qu’en pensez-vous ?

Elle pensait qu’il ferait mieux de ramener la petite chez elle, dans son quartier malodorant et de ne plus s’en préoccuper. Mais elle répondit simplement sur un ton de reproche :

- Aucune idée. Je suis accoucheuse, pas nourrice.

- Je ne vais tout de même pas la renvoyer chez elle ! Ce serait ignoble de ma part envers elle, et envers eux.

- Faites ce que vous pensez être bon, messire…

Elle l’interrogea du regard pour avoir son nom.

- Capitaine Onatti. Beppo Onatti.

Comme elle avait terminé son rangement, elle se dirigea vers la sortie.

- Attendez ! lui cria le capitaine Onnati. Et eux, vont-ils bien ?

- Oui, ils dorment pour l’instant. Je les ai placé dans une cuvette en cuivre.

- Merci encore ! Merci pour tout, Miranda ! »

Il la salua alors qu’elle partait dans le noir, sans même se retourner. Dehors, les étoiles brillaient encore et la pleine lune illuminait les rues. L’air était doux, paisible, si reposant qu’il hésita avant de fermer la porte.

Il retourna dans son salon. La jeune fille dormait d’un sommeil d’ange, ses deux jambes un peu repliées en position fœtale, ses deux mains repliées dans le creux entre son cou et le coussin de plumes. Il s’émerveilla à nouveau devant sa beauté, puis entra dans la cuisine.

La bassine en cuivre était bien sur la table. Il se pencha pour regarder à l’intérieur. Il y avait là deux petits bébés. L’un était grand déjà, et solide, allongé sur le méta ; l’autre était plus frêle et chétif, complètement plié sur lui-même. Deux garçons qui dormaient aussi paisiblement que leur mère. Onatti les regarda à nouveau, passa doucement sa main sur leur petit crâne encore chaud, puis alla se chercher une bouteille de vin. Toutes ces émotions l’avaient épuisé.

Modifié par Mr Petch
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plus finit

J'aurai mi plus finir, je trouve que ca va mieux :blink:

La forme est impecable, pas de fautes. Juste une phrase que j'ai noté au dessus, rien de bien important en soi ! Alors a continuer...

Le fond est pas mal, on ne sait pas encore quel role va jouer cette femme et ces deux enfants, tu nous laisses dans le suspense :blink: On retrouve un petit campitaine donc ca commence à se rattacher ! Donc suite ! Vite !

@+

-= Inxi =-

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allongé sur le méta

Ne manquerait il pas un "l" ?

Pour l'histoire, c'est toujours aussi bien :blink:

Que dire qu'Inxi-Huinzi n'a pas déja dit? Les descriptions, comme en première partie, sont très réussi et l'ambiance est très réaliste, en tout cas suffisament pour qu'on se laisse emporter par le récit.

Comme je l'ai dit précédement:

Vivement la suite :blink: 

J'attend avec impatience.

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*

Elle ouvrit d’abord l’œil droit. Une odeur de buis et de poussière lui parvint aux narines. Elle tâta du plat de sa main et constata qu’elle devait se trouver dans un lit aux draps fins. Le tissu lui glissa entre les doigts et son bras retomba lourdement, comme épuisé, le long du lit. Lorsqu’elle parvint à ouvrir son œil gauche, les murs de la chambre furent de plus en plus nets. Là, devant elle, il y avait une armoire. Une grande armoire en bois richement décorée de motifs bleu roi dont le luxe l’étonna. Et puis juste à côté, une fenêtre aux rideaux turquoise d’où elle pouvait apercevoir les toits des riches maisons de la ville, et un peu plus loin le ciel sans nuages se mêlant dans la mer. Allongée sur le dos comme elle était, elle distinguait à sa droite le soleil vespérale disparaître derrière une rangée de tuiles. La nuit n’allait pas tarder à tomber.

Elle tenta de bouger, de se placer sur le flanc pour observer le reste de la pièce. Mais au moment de tourner son corps alourdi par la fatigue, elle sentit une vive douleur au bassin qui la cloua sur les draps. Elle resta ainsi immobile un bon moment en attendant que la douleur se calme. Un mal de tête virulent la frappa aussitôt, et elle dut stopper ses observations. Elle passait les draps entre ses cuisses pour calmer la douleur tout en se tordant. C’est alors qu’elle réalisa la disparition de son ventre pesant. Elle avait accouché pendant son sommeil ! Ou au moins l’avait-on fait accoucher. Ce détail la perturba, elle tâtait son ventre dégonflé et sentait venir à ses yeux des larmes, non plus de douleur, mais de tristesse, cette fois. Elle essaya de parler, de crier, mais sa gorge était si sèche qu’elle la faisait souffrir, et que chaque gorgée d’air lui pinçait les bronches. Les sons qui sortaient de sa bouche était de ridicules monosyllabes, alors qu’elle voulait hurler : « Mon enfant ! Mon enfant ! Où est-il ? » A cette interrogation vinrent se mêler toutes les autres : Où était-elle ? Qui l’avait placée ici ?Que lui était-il arrivée ? Elle ne se souvenait que de ses pas chancelants sur le sable, des ombres de la jungle qui lui tendaient leurs racines pour qu’elle puisse s’y accrocher, de cauchemars étranges, où se rencontraient des animaux fantastiques, des marins, des navires brisés sur le rivage et des cris, des pleurs d’enfants. Il lui semblait avoir aperçu des silhouettes vagues, à un moment où elle croyait être consciente, se pencher au-dessus d’elle et lui parler, mais tout cela n’étaient que des visions floues. Ce qui était le plus net, dans son esprit, du long sommeil qu’elle avait passé, c’était la douleur. Omniprésente, l’étreignant entre ses griffes avides comme l’aigle maintient sa proie, la saignant jusqu’aux nerfs avec jouissance et lui imposant son orgueil et sa force. Oui, ce sommeil avait été un séjour dans l’antre de la douleur, un voyage infini en compagnie de la souffrance et de son cortège de maux. Le mal de crâne qui la maintenait couché, en cet instant, n’était qu’un ersatz dans la multitude des pouvoirs de ce démon.

Pour se rassurer, elle se blottit autant qu’elle pouvait au cœur des draps blancs et frais. La douceur du tissu calma un peu ses soucis, et ce linceul pâle et silencieux lui apporta un certain réconfort. Elle ferma les yeux, et se perdit dans les draps, pour en pas voir les démons qui l’effrayaient.

Elle entendit alors des pas, quelque part autour d’elle. Elle sortit sa tête enfouie sous les draps. La porte dû s’ouvrir dans son dos, et les pas se rapprochèrent. Elle attendit.

Devant elle apparut un petit homme. Il était trapu et assez gros. Elle fixa tout de suite son regard, pour savoir s’il lui voulait du mal ou du bien. Elle savait que nombreux était ceux, à Gilliano, dans les quartiers défavorisés, qui l’aurait enfermé dans une chambre à des fins criminelles. Elle avait appris durant toute sa vie à se méfier des voyous, des brigands qui habitaient à ses côtés. Ce n’était pas facile d’être une beauté attirante dans un quartier comme celui-ci.

Mais là, le regard de l’homme lui parut accueillant. Et ses habits démontraient qu’il s’agissait d’un bourgeois. Pas un bourgeois exubérant, ceux que l’on rencontrent parfois au port pour recevoir les marchandises. Un bourgeois tranquille portant une simple chemise. Dès qu’elle le vit, elle fut rassurée. Cet homme ne pouvait pas être mauvais. Au contraire, il paraissait être le père que toutes les filles aimeraient avoir, avec les yeux doux de celui qui vous regarde naturellement avec amour, et qui vous prête de l’attention sans rien demander en retour.

Onatti portait d’ailleurs un plateau en bois sur lequel était posé du pain de maïs et un bouillon qui fumait et embaumait la pièce. Elle le regarda avec des yeux implorants et interrogateurs. Il posa le plateau sur le rebord du lit, prit un chaise et s’assit près d’elle. Elle hésita en voyant le plateau. Elle avait très faim, certes, mais n’était pas encore assez en confiance pour se servir. Il saisit le bol de bouillon entre ses mains et lui tendit.

« - Comment allez-vous, Francesca ?

Elle prit le bouillon et le porta à ses lèvres. Il était chaud, et lorsqu’il passa dans sa gorge, il parut calmer sa douleur. Puis il parcourut tous ses membres et, comme un puissant élixir, stoppa ses souffrances internes.

- Vous connaissez mon nom ?

- Oui, en effet. Je sais aussi que vous habitez dans le quartier est.

- Alors qu’est-ce que je fais ici ?

Elle se méfiait encore, et attendait. Elle avait rapidement deviné qu’elle se trouvait dans le quartier riche. Les toits étaient en véritable tuiles rouges, pas en paille séchée.

- Je vous ai recueilli. Hier soir, j’étais près de la forêt, je me promenais. Et je vous ai vu trébucher sur le sable et tomber. J’ai couru pour vous secourir.

Il avait l’air sincère, pensa-t-elle.

- Et… et mon enfant ?

Elle frotta son ventre à travers les draps.

- Ne vous en faites pas, tout va bien… Hier, j’ai tout de suite remarqué que vous étiez enceinte. Je suis donc aller voir une accoucheuse. La meilleure de Gilliano ! Elle a du pratiquer une opération complexe pour vous sauver, mais elle y est parvenu. Sans elle, vous seriez sans doute morte… Mais n’en parlons pas, puisque vous êtes vivante et bien vivante.

Elle continua de boire son bouillon. Onatti restait auprès d’elle, sur la chaise, à la regarder.

- Je… Il faut que je m’en aille d’ici, lui dit-elle soudainement.

- De quoi ? Vous venez à peine de vous réveiller. Et vous n’avez pas fini de dîner ! Et de toute manière, vous ne tenez pas debout, Francesca.

Elle le regarda de nouveau. Il insistait sur elle du regard, d’une façon presque inquiétante.

- Comprenez-moi… balbutia-t-elle. Tout ceci est tellement… surréaliste… Vous me recueillez, vous me faites accoucher, vous me soigner… Je… Pourquoi faites-vous tout cela ?

- Je n’allais pas vous laisser mourir sur le sable. Il était tard et je vous assure que très vite, un quelconque prédateur serait sorti de la jungle pour vous manger. Ils profitent souvent des proies faibles, et l’homme est un met de choix.

- Un prédateur ?

- Oui, la jungle fourmille de jaguar, d’aigle, de varan, qui n’hésite pas à se nourrir de chair humaine.

- Vous connaissez la jungle ?

- Oui, je l’ai traversé…

Onatti eut un petit sourire humble, comme s’il considérait cette remarque comme un simple détail, et pas comme une épopée héroïque. Mais Francesca comprit que ce « Je l’ai traversé » contenait plus qu’il ne voulait le dire.

- Vous êtes un aventurier ?

- Pas exactement. Plutôt un marin, mais il arrive que nous dussions mettre pied à terre.

Elle prit cette fois le pain de maïs et croqua dedans avidement. Il était tassé et un peu sucré, délicieux. Onatti continua de parler :

- Evidemment, je ne vais pas vous retenir chez moi. Mais vous allez devoir rester au moins jusqu’à votre convalescence.

- Pourquoi faites-vous tout cela pour moi ? Vous n’avez aucune raison, je dois repartir là où j’habite, je n’ai pas ma place ici ! Tout cela est… ridicule !

- Non, ce n’est pas ridicule. Une fois que vous serez sur pied, je vous laisserai faire ce que bon vous semble. Mais pour le moment… Ce n’est pas moi qui vous immobilise, c’est le mal !

- Dès demain matin, faites venir ici Maria Trizzi, une amie. Elle me reconduira chez moi.

- Il n’en est pas question. Je veux que vous restiez.

Il avait dit cela d’un ton ferme, mais un peu plaintif, il s’agissait presque d’une prière.

- Mais pourquoi ? Pourquoi ?

Comme Francesca haussait le ton, sa gorge s’enflamma de nouveau et elle toussa, crachant des miettes de pain de maïs.

- Peut-être parce que je suis un vieil homme seul…

Onatti se leva et se dirigea vers la porte.

- Attendez… Je peux voir mon enfant ?

- Bien entendu… »

Onatti disparut dans l’embrasure de la porte. Francesca continua de mâcher son pain de maïs sans vraiment comprendre la situation. Son crâne lui faisait toujours mal, mais le bouillon avait apaisé le reste du corps.

Le capitaine réapparut assez vite. Il tenait dans ses bras un linge épais. Et dans le linge se trouvait un enfant. Il le déposa sur les draps. Francesca le regarda avec émerveillement. Il était petit, mais déjà vif, et se mit à quarte pattes pour explorer le reste du lit. Son petit nez reniflait partout et dut sentir l’odeur maternel car il se dirigea vers elle. Sa mère le guida un peu, puis souleva une bretelle de sa robe et découvrit un sein. Onatti se tenait debout contre un mur et regardait la scène. Le bébé recherchait de ses mains le tétin, et une fois qu’il l’eut trouvé, le saisit entre ses gencives et commença à pomper dans un bruit de succion. Francesca sourit, et une larme de joie coula le long de sa joue. Elle leva brusquement la tête vers Onatti.

« - Je ne sais pas comment vous remercier… C’est… si beau…

- Comment allez-vous l’appeler ?

- Je ne sais pas encore…

- Il n’est pas seul.

- Quoi ?

- Vous avez eu des jumeaux. Mais l’autre est beaucoup plus faible, je n’ai pas voulu le transporter de peur de lui faire mal. J’espère qu’il va grandir et s’épaissir avec le temps.

- Des jumeaux ?

Les sanglots couvrirent sa voix. Le bébé suçait toujours le sein. Elle ne parvenait pas à parler à cause de l’émotion qui la submergeait. Entre ses larmes, elle articula :

- Je… ne comprends pas… Quand je suis tombé, j’étais percluse de douleur, désespérée et prête au pire. Et là, je me réveille dans cet endroit magnifique, en compagnie de mes deux enfants sains et saufs… C’est pire qu’un rêve ! Je refuse d’y croire. C’est pour cela qu’il faut que vous appeliez Maria Trizzi, pour que je retourne au plus vite à la réalité.

- Nous en reparlerons demain… En attendant, il y a plus urgent, il vous faut choisir un nom pour vos deux jumeaux.

- Ce sont deux garçons ?

- Oui.

Elle leva le regard au ciel pour réfléchir. Comme elle ne trouvait pas, elle demanda à Onatti :

- Vous les appelleriez comment, vous ? Vous avez peut-être des enfants ?

- Non, je n’ai pas eu cette chance.

- Mais comment les auriez-vous appelés ?

Il réfléchit en souriant. Puis, il raconta :

- Lors de ma dernière expédition dans la jungle, il y a de cela neuf mois, j’ai perdu deux de mes camarades. Ils s’appelaient Pietro et Federico. Ils sont morts ensemble, en héros…

- Alors je les appellerai Pietro, celui-ci, et l’autre Federico. Ce sont de très beaux prénoms. »

Francesca sourit au vieil Onatti. Le jeune Pietro suçait toujours le sein, les yeux fermés.

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Invité Mr Petch

Onatti redescendit les vieilles marches en bois de son escalier, elles grinçaient à chacun de ses pas, réguliers et posés. Il parvint dans la salle principale où un feu brûlait dans la cheminée. Il apportait un peu de lumière dans cette grande pièce car dehors, la nuit était tombée subitement, plongeant la villa de l’ancien capitaine et tout le reste de la ville dans une obscurité profonde. Les ombres des meubles dansaient sur les murs pâles comme des êtres surnaturels, comme les démons inconnus de la jungle proche. De la fenêtre sud, on pouvait apercevoir les premiers pans de végétation, au loin, comme un horizon si différent, si sombre surtout. Encore plus inquiétant que la mer, car Onatti connaissait ce qui se trouvait de l’autre côté. Alors que cette jungle, là, ne laissait rien paraître de ses émotions et renfermaient sur elle de douloureux dangers. Onatti le savait, pour l’avoir traversé. Il scruta encore longtemps l’impressionnant gouffre de verdure, puis s’en détourna lorsque des frissons vinrent lui parcourir l’échine.

Il s’avança vers sa bibliothèque. C’était une large étagère couverte de livres à l’aspect poussiéreux et aux couvertures anciennes. Une forêt gigantesque de page et d’enluminures , des centaines de descriptions fantastiques des dangers de la mer. Voilà ce qui passionnait le vieux capitaine. Sa main caressa une à une les reliures usées, pendant que ses petits yeux lisaient les titres. Ils les connaissaient tous par cœur, de même qu’il connaissait leur emplacement et leur valeur. Ses yeux et sa main, d’un même élan, s’arrêtèrent sur une des couvertures. L’index et le majeur vacillaient pour récupérer l’ouvrage, lorsque l’esprit de Onatti fut contraint de s’arrêter. Il pensait à autre chose. Il n’avait plus cette fois le cœur à lire et se détourna de sa bibliothèque. Les vieux démons de ces aventures passés revenaient. D’un bond, il s’engagea vers la cuisine.

Miranda avait oublié une pince en métal avant de partir. Un objet brillant qui ressemblait à un outil de torture. Il le rangea dans un placard. Il y avait encore dans cette pièce une odeur désagréable, une odeur de pourriture et de sang. Pourtant, Miranda avait tout lavé consciencieusement et professionnellement. Il ne subsistait aucune trace des événements qui avait pu se passer ici.

Onatti s’apprêta à ranger le lit de camp qui avait servi à allonger Francesca. Les draps rougis et gluants avaient déjà été retirés. Ce lit était donc le seul vestige d’une nouvelle genèse, d’un acte de vie. Ces dernières vingt-quatre heures avaient été si mouvementée… Onatti plia le lit et alla le replacer dans une petit niche dans le roche. Puis, il retourna dans la cuisine.

Il était là, dans une bassine en cuivre. Onatti voulut regarder une nouvelle fois le petit Federico. Il se pencha au-dessus du bébé, qui était censé être allongé dans quelques centimètres d’eau. L’enfant était bien là, immobile, allongé sur son flanc et les yeux fermés.

« - Tu as de la chance d’avoir une mère aussi belle…

Le vieux capitaine fit clapoter l’eau autour du bébé.

- Qu’allons-nous faire de vous, à présent ? Que vais-je faire de vous trois ?

Le bébé continuait de fermer les yeux. On voyait de timides soubresauts dans sa poitrine, sans doute était-il en train de respirer. Onatti continua son monologue :

- Que dirais-tu de rester ici ? Ce serait bien mieux, n’est-ce pas ?

Onatti sourit. Les pulsations de la poitrine devenaient de plus en plus vive, et le bébé poussait de petits sons avec sa bouche comme s’il voulait happer l’air ambiant. Il bougeait aussi ses mains dans des mouvements convulsifs. Le tiléen commença à s’en inquiéter. Mais, désemparé par son ignorance, il ne sut quoi faire. Il chercha autour de lui un ustensile qui pourrait l’aider, il caressa la peau du bébé qui continuaient ses gémissements, mais sans succès. Ce n’étaient pas des cris perçants de nouveau-né, mais plutôt de petites plaintes étouffées et timides, dérangeantes par la souffrance contenue qu’elles signifiaient.

Alors, Onatti, ne sachant quoi faire pour calmer cet enfant, sortit en trombe de la cuisine. Il jeta un coup d’œil dans l’escalier pour s’assurer que Francesca n’avait rien entendu, puis sortit à toute allure de la maison.

Dehors, la nuit tombée depuis peu rendait les hommes qui rentraient chez eux phosphorescents. Leur regard lumineux se tournait lorsque le pauvre capitaine, courant à perdre haleine au milieu des rues, passait devant eux. Il franchissait les rues pavées à la façon d’un homme effrayé par un monstre innommable. Chacun devait se demander le dessein de cet homme, et certain, peut-être, prirent peur comme lui au plus profond d’eux-mêmes.

Mais Onatti connaissait son chemin, et savait très bien où il allait. Là, la rue des bijoutiers, là, la boutique de Mario le drapier, là, le rebouteux – le seul habitant sans doute, à oser s’aventurer en forêt. Les lumières aux fenêtres indiquaient que les habitant de Gilliano commençaient à rentrer chez eux, et que dans quelque instants, leur vie diurne laisserait place à l’empire de la nuit. Onatti descendait les ruelles sombres en direction du port. Il arriva sur les quais, où un homme allumait les lampes à huile pour la nuit. L’eau à sa droite était paisible, aucune tempête ne semblait se préparer ce soir et des ombres passèrent à la surface. Onatti allait bientôt arriver aux quartiers pauvres, ou du moins a leur limite. Ayant dépassé la capitainerie, il scruta tout autour de lui. Il avait déjà fait ce parcours la nuit dernière, et cette nouvelle course venait comme en écho des événements précédents. Ses yeux étaient cette fois un peu perdu, et il mit du temps avant d’apercevoir le heurtoir en cuivre, en forme d’angelot, qui caractérisait la porte de Miranda. Fébrile, il frappa plusieurs coups puissants.

Personne ne répondait, Onatti était complètement désespéré. Cet enfant à peine né allait peut-être mourir d’un instant à l’autre… Etait peut-être en train de mourir. Il frappait avec le heurtoir à coups redoublés, même s’il était conscience que l’accoucheuse n’était pas chez elle ce soir. Il sentit venir es sanglots dans ses yeux. C’était idiot de pleurer pour cela, de pleurer pour une mère qu’il connaissait si peu. Et pourtant l’émotion vint, sans doute car, en ayant permit l’accouchement, il se sentait comme leur père. Il voulut éviter les larmes, les refouler, c’est ce qu’on lui avait appris dans sa jeunesse, et la marine n’avait fait que renforcer cette idée, il n’y a pas de place pour les lâches et les peureux. Déjà, il sentit que des lueurs s’allumaient aux fenêtres proches. Sans doute les voisins s’inquiétaient-ils, ou tout simplement s’énervaient-ils de ce tapage. Mais Onatti ne s’en rendait pas compte.

Il leva les yeux pour contempler la mer, face à lui, constituant une sorte de soulagement à ses malheurs. Il vit une caravelle arrimé au quai. Ses voiles repliés la dénudaient, on ne voyait que sa carcasse de bois qui flottait sur l’onde tranquille. Peut-être aussi son reflet dans l’eau qui naviguait sur place. Il aperçut une petite lumière dans la cabine qui jaillissait de la poupe comme un joyau de son écrin, sans doute celle du capitaine. Les vitraux colorés reflétaient dans l’eau leur teintes pâles, et ce spectacle émerveilla Onatti. Il réalisa qu’il avait vu très peu souvent un navire à quai de nuit, lui qui passait son temps sur ses bateaux. La capitaine était peut-être en train de rédiger son journal de bord. La Sperenza… La vue de ce mot, l’espoir, dans le dialecte particulier des cités-états tiléennes, le revigora un peu. Peut-être était-ce aussi la vue de ce bateau. Il se leva, et s’en approcha. Longtemps, pendant ce mois qu’il avait passé à terre, il avait caressé l’idée de reprendre la mer. Les propriétaires avaient toujours besoin de capitaines expérimentés, quel que soit leur âge, pour gérer leur bateau. En se rapprochant, Onatti crut voir la flamme de la bougie dans la cabine, et l’ombre sombre du capitaine penché sur sa table d’écriture. Il s’avançait toujours plus vers les quais. La mer, ce bateau, les lueurs moirées sur l’onde, tant de souvenirs de son passé. Tant de souvenirs heureux. Il continua sa marche à tâtons, à la façon d’un somnambule.

« Capitaine Onatti ? C’est vous ?

Onatti se retourna d’un coup. Derrière lui se tenait Miranda, sa petite valise à la main. C’était une silhouette trapue dans la nuit, qui le scrutait avec des yeux vifs. La capitaine n’eut aucun mal à reprendre sa contenance, pour répondre :

- Je vous cherchais… Le petit Federico a une sorte de malaise…

- Federico ?

- Oui, c’est le nom que porte l’un des deux jumeaux, le plus chétif.

Les deux silhouettes se rapprochèrent dans le noir. Le navire à quai parut l’arguer les amarres, s’éloigner de l’esprit d’Onatti.

- Que se passe-t-il ?

- Il gémit, on dirait qu’il étouffe !

Miranda regarda Onatti. Puis, d’une voix autoritaire, lui lança :

- Allons-y, vous m’expliquerez en route ! »

Ils foncèrent à travers la nuit au milieu des rues devenues désertes.

« - Un malaise me dites-vous ? Vous pouvez préciser ?

- Il respire fortement, et essaye d’avaler l’air autour de lui. Et il bouge les bras dans tous les sens.

- Vous l’avez nourri au sein de sa mère ?

- Non… Je n’ai pas voulu le transporter, il était trop fragile !

Miranda lança à Onatti un regard noir lourd de sens, mais se tut. Evidemment, l’homme ne devait pas connaître les modalités d’une naissance.

- Vous n’avez jamais eu d’enfant, vous ? demanda Miranda comme pour s’assurer de la justesse de sa réflexion.

- Si, j’ai eu un fils… Mais ma femme a accouchée lorsque j’étais en mère… Et à vrai dire, je l’ai peu connu jusqu’à ses dix ans.

Miranda soupira.

- Et vous ? »

La question de Onatti était incongrue, vu la situation. Miranda garda le silence jusqu’à la villa.

Elle traversa le salon, puis alla à la cuisine. Elle se souvenait bien du chemin, pour avoir critiquée en elle-même les ridicules peau de bêtes qui ornaient l’entrée. Tout de suite elle vit la bassine et se pencha au-dessus du bébé. Onatti se tenait en retrait et la regardait faire. Il n’osait plus rien dire, les silences de Miranda étaient plus effrayants que les dragons des mers.

L’accoucheuse continua son auscultation silencieuse un bon moment. Puis, elle prit sa valise et en sortit une sorte de ballon gonflé. Il s’agissait d’une vessie de porc dont la peau translucide laissait apparaître en son intérieur un liquide blanchâtre. Il était plein et lumineux. Onatti regarda Miranda nourrir le bébé à l’aide de la bonbonne improvisée. Il se félicita de connaître une telle femme… Demain, il irait chez Mario le drapier acheter de nouveaux rideaux pour son salon !

La séance se termina assez vite. Les gémissements se calmèrent. Miranda rangea ses affaires et revint vers Onatti.

« - Je vous dois combien ? demanda ce dernier.

Miranda la regarda froidement, de façon assez significative pour le mettre mal à l’aise, puis demanda à son tour :

- Vous ne l’avez toujours pas expulsée alors, la fille ?

- Non, bien sûr que non.

- Le mieux serait de le renvoyer chez elle, dans sa famille. En général, ils ont des grandes portées là-bas et ils savent y faire avec les bambins.

- Vous pensez que je ne peux pas m’occuper d’eux trois tout seul ?

Miranda parut fixer un point derrière son œil :

- Vous en doutiez ?

- Elle n’a pas de famille, mais elle m’a recommandée à une de ses amies, Maria Trizzi.

Miranda le regarda sombrement, puis évita son regard au moment de dire :

- La pauvre petite Trizzi est morte cette nuit, des suites d’une fausse couche. Je le sais, je revenais de chez elle lorsque je vous ai trouvé sur mon palier.

Onatti n’en parut pas affecté.

- Alors j’aviserais, se contenta-t-il de dire.

- Je ne doute pas de votre capacité à élever des enfants, capitaine Onatti, je doute de votre sens des responsabilités lorsqu’il faudra s’en séparer. Je lis dans vos yeux que vous êtes quelqu’un de bien trop sensible, vous vous attachez trop vite aux gens. Francesca n’est pas votre femme, et ces jumeaux ne sont pas vos enfants. Alors oubliez tout cela.

Onatti ne répondit pas. Il aurait voulu lui dire « J’ai déjà tant de choses à oublier », mais elle lui coupa le souffle :

- Et le père, vous avez pensé au père ? Quand il voudra retrouver ses fils et qu’il apprendra que vous avez osé toucher la mère et les enfants sans l’avoir prévenu ? Je ne donne pas cher de votre peau quand il voudra les récupérer.

Encore une fois, Onatti ne répondit pas au ton acide de l’accoucheuse. Pour le père, il savait lui-même qu’il n’y avait aucun danger.

- Au revoir, capitaine. J’espère que nous ne nous reverrons plus à l’avenir.

- Au revoir. »

Miranda sortit. Onatti ferma la porte, puis retourna dans la cuisine. Federico dormait paisiblement dans sa bassine en cuivre. Un peu de lait s’était mêlé à l’eau et formait une petite surface blanchâtre et vacillante.

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j’étais en mère

Han ! Tu fais pas de fautes ! Mais quand tu en fait .... :'( :'(

Bon la seule remarque, c'est quand meme la seule que j'ai réussi à trouver en deux paragraphes ! J'en connais certains ( dont moi :wink: ) où c'est plus facile à trouver ! Enfin, on fait avec :'(

Le fond est pas mal, on va savoir si le capitaine va quand meme garder le trio. On ressent bien les emotions, c'est bien rendu ! Tu cherches encore tes marques mais tu y arrives très bien je trouve :innocent:

Donc je veux bien sur une suite ! Alors go ! Je veux une suite ! S'il te plaitttttttttt :'( !

@+

-= Inxi, qui arrive seulement après le deuxième, désolé =-

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Arf pas trop vite les suites quand même! laisse nous le temps de lire :'(

Niveau orthographe, j'avais remarquer la même faute qu'Inxi-Huinzi mais puisqu'il l'a dit... Quand au texte, toujours aussi bien sauf peu être que cette Francesca use un langage un peu trop évoluer pour sa classe sociale. Et puis le tout manque d'expression italienne! :innocent:

Aller fait venir la suite (Otaji, fan N°2)

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Petch, mon ami, j'adore ce texte! :'(

Et je pense que je le suivrai avec plus d'assiduité que l'histoire d'Oyanotec.(dont mon frère me dit grand bien.:'()

Côté critique, que dire? Je pense que beaucoup de choses ont déjà étaient dites(...mais à l'heure où je lis le texte, elles n'ont encore étaient tenu en compt par ta personne il semblerait :innocent: ). Je n'ai pas grand chose à ajouter aux critiques des autres.

Sinon, un conseil: Relis toi... :'(

Le Warza(bon, au tour d'Inxi maintenant...)

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Invité Mr Petch

*

Francesca s’éveilla dès les premières lueurs de l’aube. Un soleil orange filtrait à travers les rideaux et baignait la pièce d’une clarté sanguine. Elle s’était endormi tôt, hier soir, avec le petit Pietro sur le ventre, elle se souvenait encore du visage mignon de cet enfant, mignon et pourtant tellement expressif qu’elle pouvait le deviner avec quelques années de plus. Elle pouvait presque le voir sur son lit de mort, au crépuscule de sa vie. Mais lorsqu’elle se réveillait ce matin-là, elle était seule dans la chambre. Elle eut alors l’impression de s’être réveillée d’un extraordinaire rêve. Les murs de la chambre devenaient palpable, les draps n’étaient plus vaporeux, mais enveloppaient tangiblement le corps de la dormeuse. Elle parvint même à se hisser sur les bras, et tenta de sortir du lit. Ses muscles lui faisaient encore mal, et la fièvre n’avait pas complètement disparue, mais c’était comme un retour à la réalité des choses.

Les éléments revinrent dans le désordre : Onatti, les jumeaux, l’accouchement, le petit-déjeuner, l’évanouissement… Elle avait dû passer toute la journée d’hier allongée sur le lit à admirer Pietro, à le caresser et le chouchouter, comme une petite fille avec un nouveau jouet. Hier encore, elle ne se rendait pas bien compte de la situation, il avait fallu une nouvelle nuit de repos pour que son esprit se ménage un temps de réflexion.

Alors voilà ce qu’elle avait décidé. Elle ne pouvait se permettre de retourner dans son quartier avec des enfants, et, d’une certaine manière, cet accouchement dans le quartier riche avait été une bénédiction. Car non seulement les dangers pour une mère seule et ses enfants étaient immenses dans le quartier pauvre – on parlait de trafics d’yeux, de cœur ou de cervelle de nouveau-né, des ingrédients recherchés dans la confection de certaines potions, selon les rumeurs – mais en plus, elle n’était pas sûr que la communauté allait l’accepter, une mère illégitime. Et si jamais il lui arrivait aux oreilles que leur père était un riche amiral tiléen, les ennuis allaient sérieusement se préciser. Le mieux, pour elle, et pour les enfants étaient de les abandonner, ou de les tuer si personne n’en voulait. C’était sur cette certitude qu’elle s’était arrêtée. Elle attendait à présent la venue d’Onatti pour lui annoncer et de Mari Trizzi pour la ramener chez elle.

Elle patienta donc tranquillement, heureuse de savoir que son problème allait trouver une solution. Par distraction, elle regarda la table de chevet posée à sa droite. Une charmante table en bois sculpté. Elle ouvrit délicatement le petit tiroir. Un nuage de poussière en sortit, et une odeur familière s’étala dans la pièce. Une odeur d’ancien, et de nostalgie.

Elle prit le livre dans les mains. Les caractères inscrits en lettres dorées sur la couverture – une couverture rouge et rêche – étaient pour elles illisibles. Ils devaient composer le titre, mais elle était bien incapable de les lire. Jamais elle n’avait reçu une éducation complète, à part celle de les rues et des incessants dangers de son quartier. Et puis pour le métier qu’elle pratiquait, il n’y avait pas besoin de savoir lire, alors on ne lui avait jamais appris. Mais maintenant qu’elle tenait ce livre dans les mains, elle eut cette folle envie de pouvoir déchiffrer ces symboles incohérents. Elle ouvrit plusieurs pages, le feuilleta, sentant l’air poussiéreux sur son visage alors qu’elle faisait tourner les pages, et le caressa à plusieurs reprises. Il était rugueux, et usé jusqu’à la reliure qui partait en lambeau. Mais c’était un contact tellement agréable.

Soudain, alors qu’elle continuait sa petite expérience en tournant chacune des pages avec douceur, il tomba du livre un petite feuille qui vola jusqu’à se poser sur le plancher. Francesca la regarda chuter à la façon d’une plume, puis se pencha pour la ramasser.

C’était une page de manuscrit, sans doute déchirée d’un plus gros ouvrage, qui tenait dans la main. Il y avait des choses écrites à l’encre du côté vierge, que Francesca, une fois encore, ne pouvait comprendre. Mais elle fut touchée en revanche par les deux dessins qui accompagnait les phrases incompréhensibles. Le premier était un portrait de femme en noir et blanc, dessiné sans doute au charbon. Il était véritablement vivant, et d’une grande beauté. La femme avait un petit visage rond, des cheveux très sombres qui étaient attachés à l’arrière du crâne par un ruban, qui pendait, et que Francesca devinait rouge. Ses épaules étaient ornées d’un habit qui devait être le haut d’une robe de soirée, une de ces grandes robes que portaient les riches, et que Francesca admirait en cachette lorsque des voyageurs débarquaient des bateaux sur le quai, seul point de rencontre entre les pauvres et les riches. Sans être très coquette, elle ne pouvait résister à l’attrait de ses drapés conséquents qui flottait dans le vent sans jamais toucher la poussière du sol. Les dames avaient un tel maintien quand elles en portaient, que Francesca avait toujours pensé que si elle aussi portait une de ces robes, et luirait de beauté, et nul ne pourrait deviner son origine médiocre. Les robes qu’on leur faisait porter dans le lupanar où elle travaillait n’était que des fanfreluches ridicules. Cette femme sur le portrait devait porter une robe, Francesca en reconnaissait le décolleté et les épaulettes brodées.

Et puis, à gauche du portrait de la femme – qui semblait sourire à Francesca – se trouvait une sorte de navire. Elle reconnaissait une frégate, un des voiliers de guerre qui patrouillaient près des côtes lors des grandes campagnes contre les elfes noirs, plus au nord, ou les expéditions visant les pirates nichés dans l’isthme. Là encore, la précision était grande, les voiles et les cordages étaient parfaitement agencés. Celui qui avait fait ce dessin devait s’y connaître en voilier.

Alors qu’elle observait ces deux mystérieux dessins, elle entendit des pas dans l’escalier. Les pas lents et posés d’Onatti. Elle se dépêcha de remettre le livre dans le tiroir, et garda la feuille sous ses draps. Bientôt, en effet, la porte s’ouvrit. La capitaine, souriant, transportait un plateau avec un bouillon et du pain, le même menu que la veille.

« - Bonjour, Francesca. Avez-vous bien dormi ?

- Oui, très bien…

Elle rougit un peu en le regardant. Son visage était si accueillant qu’elle hésitait presque à lui annoncer ce qu’elle devait lui annoncer :

- Je vous remercie encore pour tout ce que vous faites pour moi… C’est vraiment gentil.

- C’est normal, Francesca, tout à fait normal.

Il se déplaça pour ouvrir les rideaux le soleil éclaira la pièce d’un nouveau jour.

- Il faut que je vous annonce ma décision…

Onatti se retourna.

- Votre décision ?

- Oui…

C’est à cet instant que quelqu’un frappa à la porte, en bas. Onatti ouvrit l’oreille, et lança :

- Attendez-moi, j’en ai pour deux minutes. »

Francesca le regarda courir et sortir de la pièce. Maria. Se devait être Maria qui venait la chercher. La fille Trizzi n’était pas du genre à être effrayé par les riches des beaux quartiers ! Francesca essaya de regarder par la fenêtre, dans la rue en contrebas. Mais la perspective était trop maigre, et elle ne put rien voir. Mais intérieurement, elle bouillait de retrouver son amie.

Le temps passa lentement pour Francesca, et les quelques minutes que durèrent l’absence d’Onatti lui parurent une éternité. Et puis de nouveau les pas du capitaine dans l’escalier. Seul.

« - C’était Maria ? Maria Trizzi ?

La voix pleine d’espoir de Francesca avait retentit à peine Onatti avait franchi le seuil. Il parut troublé.

- Je… Non… balbutia-t-il. C’était le gardien du port, l’homme de la capitainerie… Il venait pour un renseignement…

- Mais Maria ? Quand vient-elle ?

Onatti regarda tristement Francesca, pour lui faire anticiper le choc. Puis il se pencha sur elle :

- Je suis désolé de vous l’annoncer comme ça, mais… Maria Trizzi est morte en couche, cette nuit.

Francesca le fixa. Mais elle était ailleurs. L’image de Maria lui passa à toute vitesse devant le visage, ainsi qu’une foule de souvenirs. Le capitaine ne pouvait pas comprendre, il restait là, immobile, à moitié assis sur le lit.

- Elle n’a pas du souffrir, vous savez…

Francesca était hébétée. Cette nouvelle anéantissait tout ses plans de retour. Sans Maria, il n’y aurait plus personne pour l’aider dans le quartier riche… Et pas question de rester ici, dans ce quartier où elle se ferait vite remarquer.

- Vous vouliez me parler de quelque chose ? fit timidement Onatti, pour changer de sujet.

- Oui… Je… Vous avez eu une femme ?

Elle avait tout oublié de ses réflexions du matin. Ses souvenirs semblaient s’être stoppés à l’image de la femme sur le papier.

- Oui… répondit Onatti d’un ton monocorde. Lorsque je vivais en Tilée, lorsque j’étais marin. J’ai eu une femme.

- C’est elle.

Francesca sortit le dessin des draps et le tendit à Onatti. Il le garda longtemps en main, jetant parfois des coups d’œil au tiroir de la table de chevet. Puis, il répondit :

- C’était ma femme.

- Qu’est-elle devenue ?

- Elle est morte. Morte en mer. Nous devions déménager, et nous installer ici, à Gilliano. Dans cette maison, même, qui a été construite juste pour l’occasion. Mais pendant la traversée, elle a eut une crise soudaine de scorbut. Elle est morte avant que le bateau n’atteigne les côtes.

Il y eut un moment de silence. Une minute de recueillement mutuel. Puis Francesca le brisa :

- C’est vous qui l’avez dessiné ?

- Oui.

- Vous dessinez bien…

- En mer, il faut savoir faire des croquis. Pour repérer les bas-fonds, les rochers, les rivages ou les récifs.

Onatti ne semblait pas vouloir en dire plus sur ce sujet. Mais Francesca continua :

- Et qu’est-ce qui est marqué au-dessus, à la plume ?

- C’est un poème.

- De vous ?

- Je l’ai écris en mer, pour elle. J’étais jeune alors, et son visage me manquait.

Francesca le regarda avec de petits yeux. Elle avait cessé de pleurer pour Maria. Elle devait penser à autre chose. Onatti l’observa, cette étrange femme qui dormait là, dans le lit qui aurait du être celui de sa femme, dans cette chambre qui aurait du accueillir la silhouette élégante de Lucia. Puis, il relut intérieurement le poème, et enfin se décida :

- Une tendre et belle vision

S’impose à mon esprit brumeux

Ton visage, tel un lumignon

Me guide sur les flots houleux

Cette tempête que je brave

C’est pour toi, pour ton souvenir

Et ce visage que je grave

Je le fais pour te retenir

Francesca laissa le silence s’installer. Puis, elle murmura doucement :

- Vous aviez du talent.

- Non, ce n’était pas du talent. Je l’aimais. »

*

Les bruits, les rumeurs couraient sur la petite cité de Gilliano. Les rues déjà s’emplissaient d’une foule d’où allaient s’échapper des voix, des sons, des messages. Au détour de cette ruelle, décorée avec de vastes tentures colorées, et de grandes draperies en lin – sans doute la boutique de Mario, le drapier – les passants allaient et venaient au milieu des rues. Parfois, le claquement des sabots d’un cheval venait camoufler la discussion, et le vacarme des roues du chariot sur le sol dallé gênait les interlocuteurs. Mais à chaque fois, la rumeur profitait du silence pour se faufiler des une oreille attentive. On traverse une rue, encore, pour arriver sur la grand place, là où le marché s’installe, avec ses étals de fruits exotiques, de tissus bariolés, de verres polis, de chausses noires et blanches en peau de tapir, d’hydromel, d’eau de vie et de rhum, de café, de cacao, de vanille, et toutes ses épices qui faisaient de Gilliano une cité tiléenne hors du commun. Et la rumeur, toujours présente, circulait entre les étalages. Les commerçants criaient pour vendre leur produits, c’était une véritable foire embruitée, à l’image de ces souks animés des villes tiléennes, de Miragliano à Sartosa. Et pourtant tout cela se passait sur un autre continent, avec des palmiers dattiers pour faire de l’ombre, et des orchidées pour décorer. La jungle guettait, séparées de la civilisation par une simple dune. Mais ce marché donnait aux habitants l’impression d’être chez eux, chacun se pavanait selon ses habitudes, se montrait, discutait, chahutait… Et inévitablement, la rumeur…

Là, par exemple, ce vieillard rabougri et boiteux qui discute avec cette jeune femme richement parée, portant un immense châle sur les épaules. C’est le gardien du port, celui qui s’occupe de la capitainerie, avec la fille du marquis de Caradras, l’homme le plus riche de la cité, propriétaire de la moitié des terres.

« - Le capitaine Onatti… disait le gardien. Vous savez, celui qui est arrivé il y a près d’un mois, qui est installé au sud, dans une villa construite sur mesure… Je crois qu’il a une nouvelle femme avec lui. Je lui ai rendu visite, ce matin, et il était bien occupé. Il n’a su m’expliquer pourquoi. Je suis sûr que c’est une femme.

- Oui, oui ! répondit la fille du marquis. Et vous ne devinerez jamais ce que m’a dit Luigi de Pozzo, qui est son voisin ? Hé bien il aurait vu rentrer chez lui, il y a peu, Miranda, l’accoucheuse !

Le vieillard eut un large sourire qui fit ressortir ses rides. Il ajouta d’une voix grinçante :

- Ce n’est pourtant pas pour lui !

- Exactement ! Et on raconte que c’est une fille des bas quartiers, qu’il aurait recueilli, qu’il va vivre avec elle !

Le vieillard prit un air choqué mais néanmoins amusé :

- Alors, là, ce sacré Onatti ! Enfin, l’avenir nous en apprendra plus ! »

Modifié par Mr Petch
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Enfin trouvé le temps de venir voir ton nouveau texte!

Autant dire que je désespérais de jamais y arrriver. Toutefois, et c'est peu de le dire, je ne fus pas déçu. Plus encore, j'ai été amusé de voir que tu avais posté juste après que j'ai lu tout le départ.

Bon, quelques impressions (vu la taille du texte, et la maîtrise impressionante, je ne ferais aucun commentaire poussé, ne serait-ce en fait par tout ce qu'il y a de vain à en tenter un...):

Au départ, l'on est prit dans ce duo étrange du capitaine et de son second, mais rapidement le capitaine s'avère être une crapule, et le second développe des sentiments nobles, notamment avec le mouchoir, le fameux "F" qui revient pas la suite...

Et là, comme à ton habitude, changement direct de lieu et de temps. On s'y perd un peu, on cherche à comprendre et les phrases coulent comme de l'eau. Les personnages sont très bien marqués, ayant chacun une âme propre, jusqu'aux petits Pietro et Frederico. L'ambiance est fixée et l'on est littéralement accroché, plongé dans le récit.

Durant un instant, Onatti parait comme un bourgeois normal, et l'on ne peut que se faire du soucis pour la pauvre francesca. Cette phrase entre autre:

Elle était belle, très belle. De longs cheveux d’ébène qui tombaient sur ses épaules et le long de sa poitrine abritée par une simple robe blanche et sale en coton. Son petit visage mutin, au nez retroussé et à la bouche fine possédait une telle expression de félicité qu’il ne put s’empêcher de sourire. Et le grain léger de sa peau un peu dorée était si apetissant… Il réitéra son sourire. Et se leva.

Juste à cet instant, une voix assez grave et rauque lui lança :

nous le fait passer pour une sorte de galopin heureux de sa prise, un pêcheur qui vient d'attraper la prise du siècle. À vrai dire, si j'osais (et j'ose), je dirais que c'est un peu ennuyeux, dans la mesure où, par la suite, cet aspect de son caractère (qui, j'imagine, n'a jamais existé pour toi) ne revient plus. Le gros problème vient du mot "félicité", ne serait-ce que dans sa sonorité. (du moins c'est mon avis).

Par la suite, c'est un Onatti brave, honnête et foncièrement bon qui nous apparait. Miranda contraste violemment avec lui, car bien que se montrant vite brave, elle n'en reste pas moins sage et sais ce qu'il convient de faire. J'ai déjà vu ce genre de contraste ailleurs, mais impossible de me souvenir où (pas dans la section, je crois, mais chez un grand auteur). Du reste, l'important est que l'effet est saisissant. Une petite faiblesse:

Devant elle apparut un petit homme. Il était trapu et assez gros. Elle fixa tout de suite son regard, pour savoir s’il lui voulait du mal ou du bien. Elle savait que nombreux était ceux, à Gilliano, dans les quartiers défavorisés, qui l’aurait enfermé dans une chambre à des fins criminelles. Elle avait appris durant toute sa vie à se méfier des voyous, des brigands qui habitaient à ses côtés. Ce n’était pas facile d’être une beauté attirante dans un quartier comme celui-ci.

Déjà auparavant, avec la phrase que j'avais soulevé, tu soulève cette idée, et en plus de ne pas arrêter de parler de la difficulté de vivre dans les quartiers défavorisés, tu appuie encore définitivement avec le "à des fins criminelles".

C'est particulièrement ce "à des fins criminelles" qui m'ennuie. J'ai l'impression que tu l'as choisi car tu ne trouvais rien d'autre. Il y aurait certainement eu d'autre moyens de l'introduire, de faire passer l'idée avec plus de dégoût. Ta manière de le dire est trop neutre, technique. Un peu plus d'humanité dans la phrase serait de bon goût... (je pense à "des fins qu'elle n'osaient imaginer" mais il y en a bien d'autres).

Les réactions de Francesca sont parfaitement en accord avec ce que l'on en attend et très réalistes. Tout parait d'une tranquillité parfaite jusque vers la fin (malgré le problème de Frederico), mais tu créé tout de même une atmosphère oppressante avec la mort de Maria, et surtout ce sourd passé, lourd passé devrais-je dire, d'Onatti. Pour un peu, je l'ai crue enfermée avec une sorte de psychopathe n'attendant que de se réveiller, et entièrement tourné vers un passé dont il n'est jamais vraiment sortit, obnubilé par ce qu'il a vécu et perdu, mais au final les passages de ses joies, de son humanité me l'ont rendu plus agréable. Le mystère n'en reste pas moins touffu.

Vient enfin le lien entre le début et la fin (enfin la suite...). Il me semble clair que le riche amiral et l'initial du nom de Francesca font référence à un certain vaniteux qui récupéra un mouchoir de la main d'une belle jeune fille avec qui il coucha. Mais que s'est-il passé entre temps? J'ai même parfois dans l'idée que le caractère d'Onatti est trop proche de celui du second...

En fait, s'il y avait quoi que ce soit à revoir selon moi, ce serait la première phrase sur le caractère d'Onatti (celle qui le fait paser pour un malhonnête profiteur) et les différentes allusions à la dure vie des quartiers pauvres qui ne sont pas assez cachées et sautent aux yeux d'une manière trop évidente (comment ça j'appuie?).

Je crois que je vais finir là ce petit commentaire, mais il me reste deux ou trois choses à dire.

Tout d'abord, ce fut un plaisir intense que de découvrir un si beau récit, et tant d'humanité dans les personnages. J'aimerais ajouter à cela que c'est un honneur pour moi que d'être ainsi mentionné au départ.

J'ajoute enfin que j'attendais d'avoir enfin fini de lire ce texte pour te dire (comme je ne sais pas par quel moyen sûr je puis te contacter) que je n'ai pas encore commencer à écrire la réponse à ton message, mais que je vais m'y mettre bientôt. Je suis désolé pour ce retard, mais je suis malheureusement très pris.

Voilà. Et surtout, n'hésite pas à m'envoyer la dame blanche.

Sur ce, Imperator, soulagé après la lecture de ce texte (une véritable bouffée d'air frais...).

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Allez hop, c'est parti ! Meme si mon commantaire va paraitre bien dérisoire après celui de notre cher Imp ... 8-s

Sans Maria, il n’y aurait plus personne pour l’aider dans le quartier riche

Je pense que tu voulais dire quartier pauvre, non ? Elles sont bien issues des bas quartier ?

Ton visage, tel un lumignon

C'est un avis personnel, mais lumignon rentre pas dans le contexte ! Ca fait trop bizarre les sonorités et le mot dans ce contexte ...

Bref, c'est tout ce que j'ai à dire pour la forme, le reste, pas de fautes d'orthographes ! Alors continues !

Sinon pour le fond, on voit et sent le lien qui s'est tissé entre les personnages. Ca nous permet de mieux nous identifier à lui ! Donc ca sera à continuer sur toute la suite du texte ! Comme dirait un de tes persos :

- Alors, là, ce sacré Onatti ! Enfin, l’avenir nous en apprendra plus ! »

Suite !

@+

-= Inxi =-

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Bon, eh bien je crois qu'il est de mon devoir d'énoncer le commentaire de félicitation approprié et qui risque de se répéter au fur et à mesure de mes messages ici:

Bravo, c'est une excellente suite! 8-s

On commence à bien sentir le rythme de croisière du récit: lent et développé comme un vrai roman. Néanmoins, l'on peut en convenir que c'est normal: à partir d'un certain temps passé à écrire, l'on arrive plus à écrire qu'à ce rythme (pour moi en tout cas.)...

La scène entre Francesca et Onatti est absolument parfaite, sans aucun défaut.

Cependant, le passage suivant, je pense, mérite d'être retouché. Relis-le et corrige-le si quelque chose te heurte ou ne te convient qu'à moitié, sinon laisse tomber...Il me semblait...imparfait. Mais peut-être est ce juste l'effet de contraste avec le précédent.

Mais je pense que non. En fait, voilà: je pense que ce qui m'a gêné, c'est la focalisation et les temps employés. De même que la position des différents éléments essentiels du passage(la rumeure) dans l'agencement des phrases.

A mon avis tu as voulu dire trop de chose (rumeur, description ville, proximité jungle) en même temps.

Essayes de réagencer tout cela...si il te plait bien sur... :wink:

Le Warza (qui accroche...)

P.S: Connais tu les romans de Feist?

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Invité Mr Petch

Chapitre 2 :

Miranda était assise sur son fauteuil préféré. Un grand fauteuil en osier, rembourré avec du chanvre, où elle pouvait se balancer à son rythme, tranquillement, au coin du feu. Elle sortit de la poche de sa large veste une longue pipe en merisier, et une poche de tabac. Avec des gestes lents, méthodiques, et calculés, elle bourra la pipe et l’alluma. Une étincelle jaillit de son petit silex, et l’herbe séchée commença à brûler, faisant écho aux braises qui crépitaient dans l’âtre. Là, Miranda se sentait heureuse. Heureuse de pouvoir profiter de ce formidable instant de quiétude, le seul qu’elle s’octroyait dans ses journées bien remplies.

Son travail pénible, ses allers et retours incessants de maison en maison l’épuisaient. Grâce aux donations des riches, elle avait gagné assez d’argent pour survivre jusqu’à la fin de sa vie sans travailler. D’autant plus que la vie à Gilliano était loin d’être chère. Mais malgré tout, elle refusait d’arrêter son travail. Les habitants avaient trop besoin d’elle, et elle s’ennuyait. Et de toute manière, cela la rendait heureuse de se sentir utile. Un sentiment tout à fait égoïste qu’elle assumait parfaitement. Elle vivait à Gilliano depuis toujours, elle y était née et y mourrait, alors autant profiter de ce qui lui restait de vie.

Elle tira une bouffée de sa pipe. L’agréable et chaude fumée envahit son palais. Elle exultait, les yeux fermés dans son fauteuil. Qu’il était bon de retrouver le goût puissant du tabac à pipe après une journée de travail. Elle observa par jeu le nuage de fumée qu’elle avait expulsé, et reprit son enivrant manège.

La grosse pendule qui trônait dans l’entrée sonna soudain. C’était le cadeau d’un de ses clients, un antiquaire excentrique qui, n’ayant pas d’argent sur lui, lui avait offert cet objet. Il faisait la collection des mécanismes et des horloges. Miranda se souvint de sa maison qui regorgeait de rouages, de manivelles, de cannelures métalliques et de roues dentées. Cet objet sonnait à intervalle régulier, mais son mécanisme n’ayant pas résisté à l’humidité de la région tropicale, les aiguilles du cadran s’était arrêté. Peu importait, à Gilliano, c’était le soleil et la lune qui donnaient la mesure.

Miranda tendit l’oreille, intriguée. N’avait-elle pas entendue un autre bruit en même temps que le lourd carillon de la pendule ? Elle arrêta de se balancer et écouta attentivement. On frappait à sa porte, des coups martelés mais lents et réguliers. Elle grogna intérieurement. Elle n’aimait pas être dérangé à l’heure de la pipe. Mais son métier n’avait pas d’horaire fixe.

S’extirpant de son fauteuil, elle s’avança vers la porte. On tambourinait toujours. Elle remarqua au passage que la nuit était tombée. Peut-être s’agissait-elle d’une urgence… Elle quitta le coin de la pièce où le feu crépitait, non sans regrets, et hésitant à ignorer ce visiteur. Malgré tout, elle finit par ouvrir la porte.

Elle dut avoir eu sursaut en ouvrant la porte. Elle reconnut tout de suite ce petit homme trapu et jovial – trop, à son goût… être aussi sympathique relevait de la bêtise selon elle – qui portait ce soir-là un gilet noir. Il lui souriait, évidemment.

« - Miranda ! Désolé de vous déranger, mais j’aurait vraiment besoin de vous !

La mémoire de l’accoucheuse se précipita à toute allure pour retrouver son nom… Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas vu ? Un mois, voire plus, oui, un bon mois et demi s’était écoulé depuis la naissance des jumeaux. Miranda soupira en prononçant son nom, mais l’homme, tout à sa gentillesse, ne parut pas s’en apercevoir :

- Capitaine Onatti ! Que me vaut cette visite ?

- C’est un détail… Mais un détail que je ne peux accomplir sans votre aide.

- Ah…

Miranda ne l’avait pas encore fait entrer. Il se tenait debout et parlait sur le seuil de la porte, alors qu’un petit vent froid venait de la mer adoucir la chaude atmosphère de la jungle.

- Voilà… C’est pour Francesca. Elle a des affaires à récupérer dans sa maison, là-bas, dans le quartier est. Seulement il se trouve qu’elle ne peut pas y retourner, elle a peur, évidemment. Et moi, c’est hors de question, je me ferais agresser à peine les limites franchies.

- Donc vous me demandez de faire le voyage pour vous, d’aller dans la chambre de son bordel récupérer ses affaires et de tout vous rendre ?

- Exactement. En particulier un petit pendentif doré en forme de bateau auquel elle tient particulièrement. C'est un souvenir de son père, voyez-vous… Elle m’a indiqué la chambre trois. Et ses affaires seraient dans un petit sac.

Miranda réfléchissait, et n’écoutait plus Onatti. Ce dernier finit par s’en rendre compte et lança :

- Si vous voulez, bien sûr, je peux vous payer. Tout de suite, même, la somme qui vous conviendra.

- Vous êtes souvent indécent avec votre argent, capitaine.

Onatti se renfonça en lui-même, un peu gêné. Il sentait le vent sur son petit gilet. Il remarqua en tournant la tête que La Sperenza était revenue. La cabine était allumée.

- Voilà ce que je vais faire… Je dois aller assister une jeune femme qui a besoin de soins dans ce quartier. J’en profiterais pour faire un détour par la chambre de Francesca.

- Miranda ! s’écria Onatti. Vous êtes géniale !

- Pas trop fort… répondit-elle.

Mais Onatti semblait vraiment heureux. Il remercia encore Miranda qui s’habillait pour sortir.

- Je vous souhaite bonne chance ! J’aurais peur, à votre place dans ce quartier !

- Je me pose une question malgré tout.

Tout en disant cela, Miranda avait fermé sa porte, et glissé la clef dans sa poche.

- Allez-y…

- J’ignorais que vous hébergiez toujours Francesca.

- Nous avons pris cette décision conjointement. Elle doit élever ses enfants dans un milieu sain… et je suis un vieil homme seul qui s’ennuie !

- Elle est belle, n’est-ce pas ?

- Très belle, même…

Les yeux d’Onatti brillèrent. Il continua :

- Et puis cette pauvre fille a besoin d’un tuteur.

- Peut-être. Mais méfiez-vous, tout de même. Pour l’instant, ça vous semble idyllique, mais elle pourrait vous rapporter des ennuis. »

Onatti la regarda, incrédule. Elle le salua et partit au travail.

Elle avait traversé plusieurs rues dans le quartier est. Des bidonvilles nauséabonds. On ne pouvait pas faire un pas sans marcher dans des immondices, ou des excréments humains ou animaux. L’odeur, évidemment, ammoniaquée et envahissante, était bien sûr le pire. Les murs de terre mal bâtis tombaient en miettes, et les toits étaient troués par endroit. On voyait parfois à travers une ouverture dans les masures une lumière dansante, un feu de camp qui illuminait un petit espace du quartier. Et puis en plus de l’odeur, il y avait le manque de clarté. De nuit – et même de jour – les maisons étaient si proches les unes des autres que l’astre céleste n’avait plus de place pour faire éclater sa lumière déjà bien faible. On voyait un peu partout des cendres, résidus de feu de camp abandonné. Mais il y avait aussi sur le sol de très nombreuses bouteilles vides et brisées. Du tord-boyaux de la plus mauvaise qualité mais qui suffisait aux habitants des lieux pour oublier leur pauvreté, et se croire un instant les égaux des riches, dans l’ivresse.

Miranda enjamba un homme qui gisait à terre – était-il mort, vivant, agonisant ? Aucun son en tout cas, ne sortait de sa bouche plaquée contre le sol. Elle n’aimait pas venir là, bien sûr, mais il fallait bien aider toute la population. Elle chercha son chemin dans l’obscurité, s’aidant des quelques flammèches allumées un peu partout au coin des rues.

Entendant soudain des voix, elle sursauta, et, d’un bond, se plaqua contre le mur pour devenir invisible. Il fallait se méfier, à tout instant, le moindre passant pouvait devenir violent, que ce soit par jeu, par ivresse, par principes ou par nécessité. Elle entendit les voix s’évanouir dans une rue adjacente et souffla. Elle était aimée dans le quartier, bien entendu, mais même elle devait se méfier.

Encore quelques rues à traverser, de nouveaux monticules d’ordures à traverser, et elle arriva au but. Une poule courant et piaillant lui passa entre les jambes. Le pauvre animal était complètement anémique, son cri ressemblait plus à un chant de souffrance, une corde de viole pincée à l’extrême plutôt qu’un harmonieux chant. Miranda suivit des yeux l’animal qui disparut au coin de la rue. Puis elle frappa à la porte. Son travail allait commencer.

*

Beaucoup de temps avait passé lorsque Miranda sortit de la masure glauque. La jeune femme qui y vivait, avec son mari et six enfants avaient de désagréables contractions à cause de la grossesse du septième, et Miranda connaissait des remèdes efficace contre ce genre de maux. Une fois dehors, elle rangea ses outils dans sa valise, et soupira. Il fallait maintenant retrouver le lupanar où travaillait Francesca. Se rendre discrètement dans sa chambre, prendre les affaires et s’en aller. Par chance, Miranda connaissait le chemin pour y avoir souvent exercé ses talents d’accoucheuse et elle n’eut aucun mal à se retrouver dans les ruelles sombres. Pourtant, certains feux s’était éteint ou consumé, et l’obscurité gagnait du terrain sur la vie dans ce cloaque infâme. Elle eut encore à se méfier d’un ou deux passants, ainsi que d’un groupe d’individus patibulaires. Car dans le quartier est, c’était la nuit que les rues se remplissaient. On voyait des torches enflammées à chaque rue, qui indiquait la présence d’une personne. Miranda avait pris soin de rester dans l’ombre. Elle manqua de trébucher sur un homme – le même qu’à l’aller, sans doute – et fut pris d’un instant de frayeur : il n’était pas mort, et lui attrapa de la main sa cheville. Elle piqua un sprint dans une rue proche pour se séparer de son étreinte. Heureusement, l’homme était bien trop saoul pour la poursuivre. Il ne se leva même pas et retomba lourdement au sol dans sa torpeur.

Miranda accéda donc à une porte. Elle s’approchait des quais, car le lieu de plaisir devait être situé près de l’endroit ou les riches marchands débarquaient. Elle entendit des couinements aigus, sans doute une colonie de rats qui pullulait dans le coin. Elle chercha un endroit mal éclairé, une petite ruelle, et camoufla sa mallette dans un sac miteux. Puis elle prit une grande valise et se dirigea vers l’entrée du bâtiment.

Un vigile guettait, à l’entrée. La carrure solide, l’œil aux aguets, les muscles tendus. Miranda le connaissait et savait qu’il ne la laisserait pas rentrer s’il n’y avait aucune raison. Et il n’y avait aucune raison. Il ne restait donc plus qu’à trouver l’arrière porte, que le patron, un personnage cruel et vicieux surnommé Lupo, lui avait montré un jour où la garde civile avait fait son entrée. Il y avait une grille, là, à escalader, puis une petite passerelle en bois et on arrivait dans un jardin en friche.

Miranda dut fournir beaucoup d’efforts pour franchir les deux obstacles successifs. Mais elle arriva sur la jardin, qui ressemblait plus à une jungle anarchique qu’à un jardin. Des plantes d’origines diverses poussaient dans tous les sens. Il fallait écarter des ronces tranchantes pour trouver la porte. Mais Miranda était assez volontaire pour ignorer ces détails. Elle défricha un peu les plantes avec un couteau, et posa enfin la main sur la poignée. Sans un bruit, sans attirer l’attention, elle était parvenue à trouver la seconde entrée.

Elle poussa tout doucement la porte. Elle devait normalement arriver dans une sorte de débarras. Elle marchait à tâtons et s’arrêta en entendant des voix de l’autre côté du mur. Malgré sa stature imposante, elle parvint à se faufiler jusqu’à la cloison pour écouter. Elle reconnut la voix grinçante de Lupo qui donnait un ordre à l’un de ses sbires. Il fallait donc attendre.

Elle patienta jusqu’à ce que la lumière qui filtrait sous la porte, celle d’une torche mouvante, disparut. Alors, elle ouvrit la porte et arriva juste à droite de l’escalier qui menait aux chambres des filles. Toujours en se méfiant, elle s’apprêta à l’emprunter, mais fut stoppée dans son élan par l’apparition soudaine d’une ombre sur le mur. Lupo, la torche à la main, revenait en discutant avec un client. Sa voix était mauvaise, bilieuse, et respirait la cruauté. Miranda se carra sous l’escalier pour se cacher, et elle vit passer au-dessus d’elle deux silhouettes. L’une, grande, et costaude, d’un marin, sans doute, et l’autre, plus chétive, courbé, et gesticulante, de Lupo. Sa main droite tenait la torche et sa main gauche une bourse d’or. Un sourire mesquin marquait son visage tendu et lustré. Ses cheveux sales retombaient en mèches graisseuses sur ses épaules, et seul son habit en lin rouge, avec d’élégantes broderies dorées, montrait son opulence. Car Lupo était riche, très riche, bien plus riche sans doute que certains bourgeois honnêtes du quartier ouest.

Les deux silhouettes disparurent vers une autre porte et Miranda en profita pour surgir dans l’escalier. Même si elle était épaisse en apparence, elle savait faire preuve d’une grande agilité. Une résurgence de son passé de danseuse, lorsque, dans les cabarets à la mode de Gilliano, elle faisait tourbillonner son corps sur une scène en bois, et tourner les têtes des clients. Elle comprenait bien les filles qui, dans ce lieu, vendait du plaisir, car c’était là le principal atout qu’elle pouvait utiliser pour survivre. Ce qu’elle supportait moins était l’exploitation à laquelle se livrait Lupo. Mais entre elle et lui avait été conclu un accord tacite, muet mais effectif, qui l’obligeait à se taire. Elle lui rendait service, il la payait grassement, en échange de son silence. Miranda ne voulait pas avoir d’ennuis, alors elle se taisait, et c’était bien mieux comme ça.

Arrivant au premier palier, Miranda regarda les lanternes. Enfermés dans un verre rouge, elles arrosaient le couloir d’une teinte sanguine. Un simple numéro était cloué sur chacune des portes. Miranda se souvint des instructions de Onatti : porte trois. Elle s’avança, colla l’oreille contre la porte en espérant que Lupo n’ait pas redistribué les chambres et constata qu’un silence recueilli régnait à l’intérieur. Tout doucement, très doucement, elle poussa la porte. La porte grinça un peu, mais c’était inévitable. Miranda fit entrer son gros corps dans la petite pièce. Ses yeux s’habituèrent peu à peu à l’obscurité : elle distingua le lit, vide, les rideaux rouges aux fenêtres, une table de chevet, un bureau décoré et une armoire. Elle ferma la porte derrière elle et progressa vers l’armoire.

Il y avait bien là un petit sac, comme l’avait dit Onatti. Elle le prit et entreprit de déballer son contenu sur le bureau. Elle cherchait le pendentif, sans doute le bien le plus précieux. Plusieurs objets s’étalèrent sur la table, elle dégagea une grande robe rose, puis vit un objet briller. Elle le saisit. Il s’agissait d’un petit objet en or qui pendait au bout d’un collier. La silhouette d’un navire, dont les voiles étaient en os verni. Elle l’observa. c’était vraiment un beau bijou, et qui devait valoir très cher. Elle le mit dans sa poche, et remballa toutes les affaires dans un propre valise. Elle pensa intérieurement qu’elle avait eu beaucoup de chance de tout retrouver intact. Etonnant que Lupo n’ait pas tout brûlé.

Soudain, une lumière l’aveugla brutalement. Et une silhouette malfaisante apparut sur le seuil de la porte. Lupo, la torche toujours dans sa main droite et un pistolet à poudre noire dans l’autre la toisait avec un sourire cynique. Ce n’était qu’une ombre, mais Miranda n’eut aucun mal à y distinguer les replis de chairs sur la carcasse squelettique.

« - Bien le bonjour Miranda, que me vaut cette visite ?

Miranda avait sursauté, mais elle n’était pas femme à se laisser impressionner. Elle reprit très vite son aplomb :

- Je m’en allais, justement. Laisse-moi passer.

- Pas si vite.

Comme elle s’avançait, il la braqua avec son pistolet. Elle recula, mais sans arrêter de la fixer du regard.

- Laisse-moi passer, Lupo.

- Tu reviens chercher les affaires de Francesca. Donc tu sais où elle est.

- Laisse-moi passer.

- Cela fait huit mois qu’elle est partit. Lorsque j’ai vu qu’elle était enceinte, je lui ai donné le choix entre partir et avorter. Elle a refusé les deux, et le soir venu, elle s’est enfuie. Avec son gain de la journée. Elle avait prévu le coup, la garce : elle restait pour avoir assez d’argent pour se barrer après. Mais j’aime pas qu’on se moque de moi, alors j’ai tout laissé, je savais bien que l’oiseau reviendrait dans son nid.

- Laisse-moi passer.

- Tu t’obstines… Fais gaffe…

Il fit semblant de tirer dans sa direction pour l’effrayer. Miranda ne broncha pas. Au contraire, elle répondit d’une voix volontaire :

- Tu sais aussi bien que moi que tu ne tireras pas. Si tu me tues, qui viendras faire avorter tes filles en cas de problèmes ? Alors réfléchis bien. D’autant plus que je sais ce que tu leur fais au fille, et je connais des parents qui n’aimeraient pas savoir que tu abuses d’elles…

Lupo eut un mouvement de recul. Ses doigts se crispèrent sur son arme. On entendit le claquement du chien, accompagné d’une légère étincelle. Mais il ne tira pas, et on vit sa main trembloter dans le noir.

- Tais-toi, vipère !

- Alors laisse-moi passer et oublie Francesca.

- Pourquoi tu l’aides ? Elle t’a fait quoi cette gamine ?

- Laisse-moi passer.

Le ton autoritaire de Miranda fit mouche. Lupo baissa son arme et s’écarta de la porte.

- Je te laisse passer pour cette fois, mais je n’ai pas dit mon dernier mot. »

D’un air triomphateur, Miranda passa devant lui, sa valise à la main.

Elle sortit par la porte principale en courant, le vigile la remarqua à peine. Il contrôlait les entrées, mais pas les sorties. Et il savait que Miranda venait souvent ici pour régler les « petites affaires » du patron. Elle se dépêcha de parcourir les quelques rues jusqu’au quai. En les longeant, elle rentrerait dans sa demeure où l’attendait Onatti.

Au bout de quelques pas, elle sentit une nette présence derrière elle. Il fallait s’en douter, Lupo avait envoyé un de ses hommes de main la pister pour retrouver la trace de Francesca. Il ne l’avait pas laissé partir par compassion, évidemment. Il fallait faire attention. Surtout, ne pas se retourner et marcher comme si de rien était.

A sa droite, la Flaque réfléchissait la surface de la pleine lune. Il y avait quelques barques de pêcheurs à quai. Un des bars de marins étaient animés. Et derrière, les rues du quartier pauvre, sombres et misérables. Elle força l’allure de nouveau et passa sous un rayon de lune. Des ombres filaient devant elle, des promeneurs nocturnes ou d’autres personnages aux mœurs moins tranquilles. Mais elle était attentive à atteindre son but. L’épreuve était passée, elle avait tenue tête à Lupo, mais à présent, il fallait se dépêcher. Et elle sentait la peur venir en elle.

Elle devina que quelqu’un était bien en train de la pister. C’était le genre de présence qu’elle avait appris à capter, lors de son enfance de ce quartier. Elle se souvenait encore de sa bâtisse sur les quais, à quelques mètres de l’immensité de l’océan. La petite danseuse qu’elle était alors en rêvait tous les soirs, de cet océan. Mais depuis, les rêves l’avaient quittés et la vie lui avait appris à se méfier de l’humanité. Là, ce passant qui la regardait en souriant. Peut-être était-il sur le point de lui sauter à la gorge, peut-être était-il assez saoul pour essayer de la violer séance tenante, sans préambule. Et même cette femme aux allures de sorcières qui la regardait par la fenêtre. Peut-être avait-elle le don de lancer des sorts, et qu’elle était sa prochaine victime…

Francesca secoua la tête pour se reprendre. L’homme qui la suivait ne lui suffisait pas ? Lui aussi pouvait avoir des ordres.. Et passer à l’acte… Même si elle connaissait les méthodes fourbes de Lupo, et qu’elle savait sa patience pour traquer. Il n’était pas un tigre affamé qui foncerait tête baissé sur la première proie venue, mais plutôt un loup attentif passant plusieurs mois à observer avant de fondre sur sa victime. Elle pensait au loup alors qu’elle n’en avait jamais vu autrement que sur des images, dans de vieux livres. Elle ne connaissait que les animaux de la jungle. Mais ici aussi, les jaguar savaient se montrer patient.

Elle arriva devant le garde civile qui contrôlait les entrées et les sorties à la limite entre les deux quartiers. Planté là avec une grande hallebarde à la main, et une épée longue à la ceinture, il avait la lourde charge de surveiller la ville nocturne. Miranda passa devant sa silhouette, et le salua d’un signe de tête. Il la connaissait bien, c’était elle qui avait accouchée sa dernière fille. Sans se retourner, Miranda devina que l’homme de Lupo n’avait pas continué plus loin. La garde civile était malgré tout craint, car constituée d’hommes d’élite, des mercenaires venus de Tilée et payés grassement par les riches du quartier ouest.

Miranda entra enfin chez elle, essoufflée par l’émotion, et remarquant qu’elle en avait oublié sa valise à outils.

Modifié par Mr Petch
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Bon bah je vais pas m'atarder mes commantaires se répetent !

Donc positif : Une bonne écriture, une bonne histoire poingnante ! On s'identife assez rapidement...

Le négatif : Je vois absolument pas la direction ou tu veux aller et quand on a du temps pour écrire, on a du temps pour commenter ( message sérieux )

@+

-= Inxi =-

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Je post juste pour dire que je continus à lire, et que j'aime toujours autant :rolleyes:

Niveau commentaire, rien à dire, j'ai toujours les même appéciations qu'au départ.

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Encore un très bon passage! :clap:

Le premier paragraphe est absolument parfait, digne d'un vrai écrivain.

Dans le reste, il y a encore quelques tournures à revoir et peut-être une ou deux fautes d'orthographe à corriger: une relecture devrait arranger tout ça.

Voilà pour la critique.

Bon, ensuite autre chose:

J'ai remarqué que tu ne participais pas du tout aux autres postes...Ne me dis pas que tu n'as pas le temps d'y consacrer 10 minutes de ta vie lorsque tu as le temps de pondre 5 pages d'un coup.... :wink:

Lorsque je dis aux nouveaux de commenter aussi les autres, ce n'est pas pour rien. Et je pense que cela s'applique aussi à toi. Tu as beau écrire très bien, cela ne t'empêche pas de commenter de temps en temps... ^_^

Enfin, autre chose que j'ai remarqué, tu ne semble jamais répondre à ceux qui te postent des réponses... :rolleyes: SI tu ne lis pas nos réponses, alors c'est inutile que j'en poste. :crying:

Le Warza(qui poste, lit!!!)

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Invité Mr Petch

Plus court, cette fois, mais j'en ai profité pour éditer la fin du dernier qui méritait en effet une retouche.

Pour ce qui est des quelques "reproches" qui ont pu m'être adressés. Je ne sais pas quoi répondre me sachant dans mon entière faute. Pour ce qui est du temps, je fais une différence entre l'écriture (un besoin plus qu'un passe-temps) et la lecture... De plus, j'ai décidé de limiter mon temps d'internet, qui était devenu une drogue, et je ne viens que pour poster.

Une dernière chose, pour Impe : je répondrais si tu le souhaites à tes questions par MP, car je ne voudrais pas gâcher pour les autres certains pans du récit. Je vais essayer de te faire ça dans la journée :blushing:

Sur ce, voilà la suite:

Onatti l’attendait. il avait investi le fauteuil en osier, près du feu, et lorsque Miranda entra, il observait l ‘horloge d’un regard inquiet :

« - Quelle est cette chose Miranda ?

L’accoucheuse retira sa grande vareuse noire tout en répondant :

- C’est une pendule. Elle sonne à intervalles réguliers en indiquant les heures de la journée.

- Etonnant objet.

- Elle est l’œuvre d’un savant excentrique… Il est mort avant que vous arriviez à Gilliano.

Soudain, sautant sur l’occasion, Onatti se tourna vers elle :

- Vous avez toujours vécu à Gilliano ?

- Oui, j’y suis né même.

Pour lui montrer qu’elle ne voulait pas continuer sur ce sujet, Miranda fila se réfugier dans sa cuisine. Onatti, seul dans le salon se leva du fauteuil et s’approcha de l’horloge. Au bout de quelques minutes, Miranda revint avec un verre de rhum à la main.

- Vous avez trouvé les affaires de Francesca ? lui demanda Onatti.

- Oui, elles sont dans le sac, là, dans l’entrée.

Onatti se détourna pour regarder le sac. Il se dirigea vers lui et commença à en détailler le contenu.

- Lâchez ce sac tout de suite, capitaine Onatti, il ne vous appartient pas.

Miranda avait employé un ton cassant, grandement autoritaire pour effrayer le capitaine. Ce dernier s’arrêta dans ses fouilles et la fixa d’un air gêné.

- J’ai bien trouvé sa broche, ajouta Miranda. Elle est en sécurité.

Plongeant sa main libre au cœur de son corsage, elle en ressortit le magnifique pendentif et le tendit à Onatti qui, de peur de se faire encore enguirlander, le jeta dans le sac en vitesse.

- C’est une drôle de cachette… Vous craigniez les voleurs ?

- Dans le quartier pauvre… Vous savez, ça n’a pas été facile de retrouver toutes ses affaires, je n’ai pas eu à me pencher et à les ramasser comme un bouquet de fleurs !

Elle devenait méchante et sarcastique dans son ton, sans doute voulait-elle se moquer de la crédulité d’Onatti.

- Mais je vous crois, dit calmement ce dernier. Je vous suis redevable à vie. Etes-vous sûr de ne pas vouloir de l’arg…

- Laissez je vous dis !

Onatti sursauta du ton impérieux de Miranda. Il se mit à chercher des yeux son vêtements et se rhabilla, en précisant inutilement :

- Bon… Je vais y aller, Francesca doit sans doute m’attendre.

- Bonsoir. »

Miranda retourna à sa cuisine, sans le raccompagner. Elle entendit la porte d’entrée se refermer tout doucement. Attrapant par le coup une petite dinde qui gigotait encore, elle se saisit d’un couteau large. Ses grosses lèvres gercées par le temps murmurèrent :

« Tous aussi stupides »

Le cou fut tranché net, à peine du sang gicla-t-il sur le tranchoir en bois.

*

« Attendez ! Fermez encore les yeux, je ne suis pas prête ! »

Francesca se tenait derrière un paravent improvisé par les battants de l’armoire. Onatti, sur le lit, fermait les yeux et souriait. Il entendait simplement les froissements de tissus, les plis des robes qui s’entremêlaient et caressaient le bois. Au-dehors, il y avait ce soleil habituel de début de matinée, encore un peu pâlot mais pourtant annonciateur d’une journée chaude. Il avait ouvert la fenêtre pour apporter un peu d’air, cet air encore frais avant l’apparition des chauds rayons de l’astre solaire.

« - Voilà !

Francesca bondit hors de l’armoire. Elle arborait une grande robe rouge à volants. Des motifs multicolores luisaient dans le flamboiement mordoré d’un dégradé du rouge vers le jaune. On aurait dit une petite flamme tourbillonnante qui virevoltait au milieu de la pièce. Francesca faisait des manières de petite fille, des courbettes et des pirouettes maladroites singeant les manières des bourgeois. Onatti s’en amusait et applaudissait. Il contemplait la silhouette élégante de la jeune femme, d’une beauté radieuse, ses deux épaules bronzées dénudées, son visage enfantin et ovale encadré par deux mèches d’ébène bouclées comme des cotillons de fête le long des joues. Sa taille n’avait pas besoin d’être affinée, elle rentrait parfaitement dans l’échancrure serrée de la robe, et le corsage moulait et bombait sa poitrine. Une fleur d’orchidée rouge – Onatti l’avait ramassé à sa demande dans l’après-midi – était posée dans ses cheveux, un peu sur la droite près de l’oreille comme une tache sanguine. Elle s’était aussi un peu maquillée. Pas outrancière ment, juste suffisamment de fard, une touche de pourpre autour de ses petits yeux blancs et un mélange de cérat et de framboisine autour de ses lèvres pulpeuses. Mais le plus admirable était sans nul doute le pendentif en forme de bateau. L’ivoire brillait autant que l’or, sollicité par des lumières venant de tous côtés. Les voiles semblaient gonflées, prêtes à partir vers un nouvel horizon, et l’or chatoyant mettait en évidence le grain délicat de sa peau.

- Mon habit de scène, déclara-t-elle simplement.

- Vous êtes…magnifique…

Onatti balbutiait un peu, trouvant difficilement ses mots. Une étrange lueur étincelait dans ses yeux de vieux marins à la retraite.

- Merci… Mais vous savez, toutes ces affaires ne sont pas à moi. C’était ma tenue de travail en quelque sorte.

- Je le sais… fit Onatti avec un sourire indulgent. Je ne voulais pas vous rappeler de mauvais souvenirs.

- Mais vous avez eu raison ! répondit Francesca en soulevant le premier pli de sa robe pour faire apparaître une seconde couche de volants aux teintes plus ambrées.

Elle ajouta :

- Justement… Pour une fois que je peux le mettre avec insouciance. Sans imaginer un homme qui…

Elle s’arrêta brusquement, comme prise d’effroi par la résurgence de ses souvenirs. Elle faillit pleurer. Onatti, voyant cela, se précipita vers elle et la prit entre ses bras. Il lui déclara doucement à l’oreille :

- C’est normal, vous exorcisez vos souvenirs du passé, c’est forcément un moment très douloureux.

- Merci… sanglota Francesca… Et merci pour Pietro et Federico. »

Des larmes coulèrent sur l’épaule d’Onatti. Lui semblait arborer un visage étrangement heureux. Mais nul n’aurait pu dire si les larmes de Francesca était des larmes de joie ou de tristesse.

Francesca quitta l’épaule paternelle du capitaine. Ayant un peu repris ses esprits, elle tritura son pendentif entre ses doigts, puis demanda :

« - C’est Miranda qui a tout retrouvé ?

- Oui. C’est vraiment une femme formidable.

- Elle n’a pas rencontré des difficultés ?

Elle appuya du regard sur le mot difficultés, penchant un peu ses deux yeux fardés sur le côté. Onatti ne parut pas le remarquer, et se contenta de répondre d’un air jovial :

- Je ne sais pas. Elle ne s’est pas étendue sur le sujet. Elle n’est pas très bavarde, vous savez. Un peu sèche.

Francesca tourna le regard.

- J’ai voulu la payer, précisa Onatti, mais elle a refusé.

Francesca lui sourit simplement.

- J’espère que ça ne lui posera pas de problèmes…

- Pourquoi cela lui en poserait ?

Onatti s’approcha de Francesca qui s’était assise sur une petite chaise, près de la fenêtre.

- Capitaine Onatti… Vous m’avez recueilli si gentiment… Alors que vous ignorez bien des choses de moi.

- J’en sais suffisamment pour vous apprécier. Car je sais aussi que ce n’est pas parce qu’on est né dans un quartier pauvre qu’on doit passer le reste de notre existence dans la misère.

- Oui…

- Je viens d’un pays où les fortunes se font et se défont à toute vitesse, au gré du hasard, où le plus grand des princes peut se retrouver à la rue en une journée.

- Oui capitaine Onatti… Mais ici, il y a un quartier pauvre et un quartier riche, qui ne se mélangeront jamais.

Onatti sourit et répondit :

- On dirait que vous parlez comme Miranda à présent.

Après un petit temps, ayant fait sourire Francesca, il ajouta :

- Et appelez-moi Beppo, quittez donc ce ridicule « capitaine Onatti ». Je n’ai plus pris la mer depuis un bon moment… Et j’ignore si je la reprendrai un jour, d’ailleurs.

- Vous n’êtes plus capitaine mais vous en méritez le titre !

- J’ai connu des officiers de marine plus gradés que moi qui ne respectait pas leur uniforme… »

Francesca le regarda dans les yeux. Il y eut un moment de tension entre eux deux. Un moment où chacun interrogeait l’autre, en essayant de ne pas se démasquer. Un moment où le regard profonds de Francesca jaugea les yeux fatigués du vieux capitaine. A cet instant, le soleil brûlant de la journée fit son apparition dans la pièce, par la fenêtre ouverte. On entendait les bruits de la ville qui s’éveillait, dans la rue en contrebas. Francesca serra contre elle son pendentif lumineux. Il lui semblât un instant qu’il lui brûlait la peau.

Modifié par Mr Petch
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Pas mal !

J'ai remarqué qu'une faute de forme à cet endroit :

outrancière ment

Il y a un petit espace à supprimer.

Bon sinon c'est tous ce qu'il y avait à dire ^_^ Pour le fond, je trouve Miranda un peu trop sèche. Elle ne parait plus amicale, elle fait presque peur. Je ne sais pas où tu veux en venir, si c'est fait exprès ou pas ! Mais c'est en lisant que je saurai :blushing:

Bah pour le fond, c'est tous ce qui m'a marqué, mis à part que la relation avec le capitaine s'affine ! Bon bah ca merite une suite dans les plus brefs délai !

@+

-= Inxi =-

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Bon, eh bien rien à redire.

C'est toujours aussi bien.

Cependant, l'histoire n'avance pas vite et vu le ryhtme de croisière que tu sembles prendre, je me demande combien de pages va durer cette superbe histoire. :blushing:

Mis à part ça, je pense que tu devrais tout de même relire le passage, par précaution. Je crois qu'il y a quelques bricoles qui pourraient être retouchées.

Voilà.

QUant à l'explication de ton inactivité, laisse tomber. On m'a expliqué. ^_^

Le Warza (qui lui refuse de décrocher du web)

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Jolie petite transition, on marque un peu les caractères, on décrit à n'en plus finir, mais, évidemment, on s'arrête juste avant les révélations (que l'on aura certainement pas avant deux ou trois chapitres, je suppose).

Je reconnais bien là ta manière de faire, et bon, je m'y suis beaucoup attaché.

Par contre, ne me fais pas languir trop longtemps, d'accord?

Quant au commentaire en lui-même, je me contenterais de dire qu'il ne s'agit que d'une transition, une longue description et que si toute la forme me semble très bonne, voire excellente, plusieurs fautes se sont glissées, dont la plus visible:

« Tout aussi stupides »

J'imagine que c'était "tous aussi stupides" (sous-entendu "les uns que les autres...")? Sinon, pas de "s" à stupide...

Bref, en attendant la suite, Impe, qui doit aussi écrire, mais un récit d'une autre envergure et qui t'es directement destiné :blushing: ...

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Invité Mr Petch

Nota pour Impe: j'ai du t'envoyer un MP hier soir.. est-il arrivé ? :blushing:

*

Les jours s’écoulèrent tranquillement dans la petite chambre du premier étage. Francesca et Onatti s’étaient mis d’accord sur le fait que la jeune femme ne pouvait pas se permettre de sortir pour l’instant. Au moins pouvait-elle se consoler en regardant ses deux garçons grandir jour après jour. Pietro, celui qui était venu au monde en premier, était un bébé vigoureux et actif. Onatti lui avait confectionné un hochet avec une calebasse et du sable qu’il agitait sans cesse pour signifier sa présence. Federico, au contraire, était bien plus calme. Il pouvait rester des heures allongé sur le dos, bras et jambes posés le long de son corps et les deux yeux grands ouverts sans rien faire. Il avait fait beaucoup de frayeur à Francesca qui le croyait souvent malade, et qui n’osait jamais le prendre de crainte de le voir s’effriter entre ses doigts. Onatti la rassurait alors en lui disant qu’il réfléchissait, qu’il serait un grand philosophe plus tard, qu’il n’y avait rien à craindre. Alors il prenait l’enfant dans ses bras, celui-ci clignait un peu des yeux, regardait le visage paternel d’Onatti puis se tournait vers sa mère, sur le ventre de laquelle se tenait Pietro, en train de chercher le téton d’une allure décidée.

La vie dans la villa d’Onatti était réglée par ces petits moments de douceur qui faisait oublier à Francesca le remords et la crainte de son ancienne vie.

Car au bout d’un mois, elle avait définitivement pris un sérieux virage. Déjà, elle oubliait certains noms de voisins de son ancien quartier, où lorsque, en fermant les yeux, elle tentait de se souvenir du chemin à prendre de sa chambre jusqu’au quai, elle devait s’y reprendre à plusieurs fois. Elle espérait aussi, parfois, oublier le visage de Lupo. Mais cette image était certainement inoubliable, gravée comme une empreinte au fer rouge sur sa peau délicate. Elle ne pouvait oublier les douleurs qu’il lui avait fait subir, les souffrances qu’elle avait endurées pendant plusieurs années, même en les comparant avec la douceur et la compassion dont faisait preuve Onatti, le bon Onatti. Sa peur initiale avait complètement disparu, même si parfois encore, dans l’obscurité de sa chambre, elle entendait ses pas dans l’escalier, feutrée comme s’il voulait les atténuer, et qu’elle prenait peur, elle s’apercevait à chaque fois qu’il était simplement descendu chercher un livre dans sa bibliothèque. Ces vieux livres, qu’il avait lu des centaines de fois. C’était encore une chose qui fascinait Francesca. Elle rêvait de savoir lire, de dévorer un à un tous les volumes du salon. Mais elle n’avait pas encore osé le demander à Onatti, abuser de sa patience. Au contraire, elle avait proposé ses services en échange de sa gentillesse : elle s’occupait dorénavant du ménage et parfois de la cuisine.

La seule chose qui effrayait Francesca chez Onatti, c’était le souvenir de sa femme. Un jour qu’elle avait du pénétrer dans sa chambre pour l’astiquer, elle avait vu sur les murs bien cinq ou six portraits de toute taille et de tout style accroché sur les murs. Elle avait bien entendu reconnu la femme du dessin. A chaque fois elle souriait, du sourire un peu triste des femmes de marins qui voient partir leur mari pour de longues traversées sans savoir à chaque fois s’il va en revenir. Francesca en avait connu, dans son quartier, nombreux étaient les hommes qui cherchaient du travail dans la marine. Peu en trouvait, car les capitaines étaient méfiants envers ceux du quartier est, mais si jamais l’un d’eux réussissait à embarquer, sa femme pouvait être certaine de ne plus jamais le revoir. Soit, peu expérimentés, ils mourraient à la première tempête, ou du scorbut, soit ils trouvaient un port plus accueillant et s’y installait. Soit encore, ils s’engageaient dans la piraterie et devaient pour cela faire une croix sur leur famille.

La femme d’Onatti se limitait à ces huiles colorées pour Francesca. Elle n’était qu’une série de touches superposées. Sur les toiles, elle portait toujours la même grande robe bleu roi, que Francesca avait déjà vu dans l’armoire de sa chambre. Elle se souvenait d’ailleurs d’un épisode qui avait crée une tension entre elle et son hôte.

Elle devait se tenir, là, debout dans la chambre face à la fenêtre, dans sa robe blanche classique. Elle n’avait pas entendu Onatti rentrer dans la pièce, sans doute trop absorbée par ce qui se passait à l’extérieur, et, machinalement, comme si elle voulait se changer, et qu’elle était chez elle, elle s’était dirigée vers l’armoire et l’avait ouverte en grand. La robe bleu roi lui était apparue dans toute sa splendeur, et elle avait un peu sursauté. C’est alors qu’elle avait entendue la voix grave d’Onatti :

« - Vous pouvez la mettre.

Francesca avait pris un air gêné, et s’était dépêchée de fermer la porte, comme un enfant pris dans son forfait la main dans le sac.

- Je ne me permettrais pas !

- Mais si, avait insisté Onatti, je vous l’offre, même si vous le souhaitez !

- Non, non ! Ce serait… immoral !

- Je ne vois pas ce qu’il y aurait d’immoral, elle vous irait très bien !

Francesca avait regardé Onatti. Elle ignorait en réalité s’il avait raison, et que son refus était injustifié, ou bien si la proposition d’Onatti était indécente, le simple objet d’un fantasme caché. Elle ne savait plus où elle en était. Elle s’était alors empressée de retourner près de la fenêtre.

- Non, capitaine… Je ne pourrais pas…

Onatti l’avait fixé. Il possédait un tel regard déçu, presque enfantin, qu’on croyait qu’il allait éclater en sanglots d’un instant à l’autre. Mais il s’était détourné, digne, et avait ajouté :

- Comme vous voulez… Mais souvenez-vous, elle est à vous, à présent !

Après un temps, il avait ajouté :

- Et je vous ai déjà dit de m’appeler Beppo… S’il vous plait. »

Son expression s’était mué en un sourire triste, péniblement insistant. Le sourire de celui qui sait déjà sa défaite.

Elle se souvenait de cet étrange épisode ce jour-là en regardant le petit Federico. Car elle avait cru retrouver l’exacte réplique de ce sourire sur le visage de l’enfant, au moment où son frère l’avait repoussé pour téter au même sein que lui. Elle se perdait dans ses pensées comme au milieu des rues de son quartier.

Soudain, elle entendit sonner la clochette à l’entrée. Onatti l’avait installé depuis quelques jours, car il jugeait que le claquement sec et froid du heurtoir pouvait effrayer les enfants. La clochette avait un tintement plus doux. La curiosité de Francesca l’aurait poussée à se pencher à la fenêtre si elle n’avait pas eu les jumeaux contre son giron. Elle tendit alors l’oreille. Il dut y avoir des bruits de pas en bas, une discussion calme – elle distingua la voix d’Onatti, et une autre voix, plus éraillée – et quelques rires. Et puis un silence. Juste à cet instant, aussi, quelqu’un monta les escaliers. Sans se tromper, elle reconnut Onatti, son pas lent et posé habituel. Elle replia son corsage sur sa poitrine et attendit. La porte s’ouvrit comme prévu :

« - Il faut que je sorte, Francesca. Je suis obligé de vous laisser seule avec les enfants…

- Allez-y, ne vous souciez pas de moi !

- J’espère qu’il n’y aura pas de problèmes…

- Vous vous faites du soucis pour rien, comme d’habitude ! »

Onatti lui sourit, puis lui souhaita une bonne journée et enfin ferma la porte. Le soleil avait franchi son zénith depuis un petit moment, le moment la plus chaud de la journée était passé. Francesca entendit la porte d’entrée se refermer, puis s’assoupit un peu.

*

Onatti ferma la porte à clef. Il entendit le cliquetis de la serrure, regarda vers le haut, en directiond e la chambre de Francesca, puis se retourna :

« - Nous pouvons y aller.

Face à lui, le gardien du port, le commandant Gino Pizzi, se frottait les mains. Il se tenait courbé, appuyé sur son bâton. Un bâton solide taillé dans un acacia qu’il utilisait depuis plusieurs mois. Ses hanches le faisaient souffrir, et il geignait tout le temps, regrettant de ne plus pouvoir prendre la mer comme pendant sa jeunesse. Il était cloué au sol depuis trois ans, enfermé entre les quatre murs de sa capitainerie. Il oubliait bien souvent de dire que ce statut était par bien des aspects préférables à celui de marin : meilleur salaire, et absence de risques. Ces compensations ne l’empêchait pas de se plaindre, et l’élancement de sa sciatique lui donnait l’occasion de nouvelles invectives :

- La Sperenza ? Il est parti il y a trois jours, en direction de…

Il regarda le ciel en fermant les yeux pour faire fonctionner sa mémoire. Puis sa voix grinçante recommença :

- En direction de la côte des cactus. Un simple voyage de repérage. On dit qu’il y aurait une cité en ruines là-bas.

Onatti acquiesça :

- Je vois… Et comment s’appelait son capitaine ?

- Le capitaine… Attends voir. C’est un nom amusant… Buffone ! Angelo Buffone ! Le navire vient de Remas.

- Remas ? »

Onatti parut réfléchir. Pizzi et lui marchaient dans la rue principale de Gilliano. Le gardien du port s’arrêtait presque à toutes les échoppes ouvertes pour saluer les commerçants. Il serrait des mains et embrassait à n’en plus finir. A chaque fois, sa voix pincée et aiguë résonnait dans la rue. Onatti se laissait faire, regardant les marchandises pendant que son ami distrayait le vendeur avec une de ses anecdotes. Il gesticulait dans tous les sens, levait son bâton en l’air et produisait avec de larges moulinets. En face, on riait fort et de bon cœur. Puis Pizzi passait à une autre boutique.

Soudain, ils parvinrent au niveau du temple de Myrmidia. Pizzi parlait avec volubilité à Onatti, il évoquait les navires ancrés au port, louait ou conspuait leur structure, leur équipage, leur capitaine, la qualité de leurs voiles, le talent du conducteur, la richesse supposée de tel armateur ; racontait les rumeurs parvenant de Tilée sur le monde de la marine : on racontait que Il Valoroso s’était égaré dans des tourbillons près des côtes plus au sud, et qu’on était sans nouvelles depuis presque un an ; se plaignait de nouveau de tel ou tel problème ; se souvenait des terres lointaines qu’il avait visité ; puis se plaignait de nouveau, de sa hanche, ou de n’importe quoi d’autre. Sa bouche déversait des paroles comme un torrent charrie de l’eau. Puis, il s’arrêta net. Les yeux écarquillés. Et il fut pris d’un sourire soudain, tout en marchant vers l’avant pour saluer une dame très élégante.

« - Angelina de Caradras ! Quelle heureuse surprise !

La riche fille du marquis tendit sa main, que Pizzi baisa aussitôt. Pour se consoler de dangers de la mer, le gardien du port s’était réfugié dans une vie semi-mondaine, qui était plus un leurre qu’un véritable art de vivre. Hors de l’univers pompeux des quartiers les plus huppés, il était un homme tranquille et silencieux.

- Moi de même, commandant Pizzi !

Elle tendit ensuite sa main à Onatti qui la baisa à son tour.

- Vous connaissez peut-être déjà la capitaine Onatti ! fit Pizzi

- Oui, il me semble bien ! répondit la jeune femme.

Elle avait dix-neuf ans mais en paraissant trente, à cause de son maquillage étudié. Onatti se contenta de lui sourire. Puis, avec un regard perfide, Angelina lui lança soudain :

- On raconte que vous hébergez une jeune femme chez vous…

Onatti rougit un peu, son regard se tourna brusquement vers Pizzi, mais ce dernier lui fit un signe de désarroi.

- Oui, en effet, chère demoiselle, répondit le capitaine.

- Ah… C’est très bien… Vous aidez les pauvres, alors !

Angelina se mit à rire aux éclats.

- C’est très bien, c’est très bien, ajouta-t-elle en pouffant.

Pizzi regarda Onatti qui ne semblait pas savoir quoi dire. Il s’empressa de lancer :

- Excusez-nous, mais nous devons y aller. Une affaire urgente nous attends.

- Une affaire urgente… Plus urgente que moi sans doute ! »

La jeune femme sourit. Pizzi se hâta de partir de la grande place et s’engouffra avec Onatti dans les rues plus larges qui partait vers le nord, et vers la jungle.

« - Je vois que les nouvelles vont vite, fit Onatti alors qu’ils grimpaient un sentier sommaire façonné dans la dune entre les oyats.

- Oui… Il faut l’excuser, répondit Pizzi, elle est jeune et encore un peu excessive.

- Tu as l’air de bien la connaître…

- Un peu…

Pizzi se hissa promptement devant Onatti à l’aide de son bâton.

- Mon cher Pizzi, j’ai l’impression que tu as bien changé depuis que nous nous connaissons.

- J’aurais tant changé en l’espace de trois mois ?

- Non, mais il y a maintenant presque un an, lorsque je suis arrivé ici avec La Pieta. Tu me paraissait être un noble et sobre vieillard.

- Peut-être, oui… Mais à l’époque, la jolie Angelina de Caradras ne se fardait pas encore les yeux et n’arborait pas encore des parures aussi élégantes.

Pizzi sourit. Onatti posa sa main sur l’épaule de son ami.

- Oui, tu as bien changé…

Pizzi le regarda et lui répondit avec malice :

- Et toi ? N’as-tu pas changé en un mois avec l’arrivée de ta… ta fille des rues ? Tu ne sors presque plus, tu veilles tard dans la nuit, tu as toujours absent et silencieux… Je m’inquiète moi.

- Tu as ta marquise, j’ai ma fille des rues, comme tu dis.

Pizzi s’arrêta pour réfléchir :

- Attends, ce n’est pas pareil. Et puis bon, tu as beau dire ça, nous ne sommes que deux vieillards sans avenir cherchons dans le regard des femmes des amusements pour nous faire oublier notre condition ! »

Pizzi ricana de son petit rire de vautour, qui le faisait tressauter. Onatti continua sa route. Il n’avait pas envie de parler plus longuement.

Ils finirent par quitter la zone habitable, après avoir franchi le pré du vieux Maurizio, et les premiers signes de végétation tropicale apparurent, en même temps qu’une odeur d’humidité.

« - Alors…demanda Onatti. Quelle est ton affaire si importante ?

Il reconnut l’endroit : c’était là où il avait trouvé Francesca, il y a un mois, étendue sur le sol.

- Voilà… c’est un détail, mais toi seul pouvait m’aider. Tu dois être le seul habitant de Gilliano à être rentré dans la jungle et à en être ressorti.

Pizzi attendit un peu avant de continuer :

- Mais en me promenant ce matin, pour aller vers le pic naturel qui donne une grande perspective sur la Flaque (il désigna un point au loin, une large falaise surplombant l’océan) j’ai du longer cette jungle. Et j’ai aperçu quelque chose qui brillait, au milieu des ombres. Le soleil venait de se lever, je me suis approché ( Pizzi mimait les gestes en parlant). Et je suis allé jusqu’à la chose brillante… Et je… Mais il faudrait mieux que tu constates par toi-même… »

Pizzi courut tant qu’il put dans le sable vers la jungle. Il désigna de son bâton un point dans l’ombre. Il y avait bien quelque chose qui brillait. Comme Pizzi ne faisait rien, Onatti s’avança, s’engouffrant à l’orée de la jungle.

Le scintillement était celui d’une arme. Une épée courte ensanglantée. Au début, Onatti se demanda si son ami n’était pas devenu fou. Il se trouvait alors entouré d’immenses arbres, il voyait à peine la lumière à l’extérieur, bien qu’il ne soit pas enfoncé loin dans la jungle, juste quelques pas. Il scruta autour de lui, et vit le cadavre. Il était habillé comme un brigand du quartier pauvre, une simple chemise et une culotte rudimentaire. Il était assis, le dos appuyé contre les racines d’un arbre, et la tête contre le tronc. Le visage était complètement livide, comme un fantôme, et reflétait l’horreur. Onatti toucha le corps. Il était frigorifié, et bien rigide. Les veines bleutées apparaissaient sous la peau, ne battant plus. Il s’approcha encore pour regarder de plus près et distingua deux piqûres : une à la jambe gauche et une autre au niveau de la nuque. Délicatement, il retira de la peau les deux dards. Il en avait déjà vu, en d’autres circonstances. Il savait qu’ils étaient empoisonnés avec des essences inconnues, de la sève de plantes toxiques. Il connaissait l’origine du fabricant, pour en avoir aperçus. Aperçus, car ils étaient dans l’ombre, et qu’on voyait mal leur crête et leur longue queue. Certains pensaient qu’il s’agissait d’une légende, d’autres y croyaient dur comme fer. Mais Onatti était le seul à Gilliano à connaître l’existence des créatures lézards qui peuplaient la jungle.

Etant resté un moment à réfléchir près du cadavre, il alla retrouver Pizzi qui l’attendait sur la dune.

« - Tu vas m’aider à l’enterrer, ici, juste à la lisière de la jungle, sous ce yucca. C’est plus prudent…

- D’accord…

C’était le capitaine d’expédition qui avait parlé, l’autre facette d’Onatti.

- Tu le connais ? demanda-t-il encore à Pizzi.

- Bof… Je l’ai peut-être croisé à l’occasion sur les quais. Mais il vient du quartier est, et là-bas, les disparitions, c’est monnaie courante. Si ça se trouve, il a disparu de chez lui depuis plusieurs mois et personne n’a réagi.

- Comme quoi, il y en a qui sont assez courageux pour braver la jungle… les fous… »

Onatti se tourna vers la forêt vierge. Des racines et des branches tordues s’avançaient, des buissons touffus jaillissaient comme des sources végétales de la lisière. Il la fixa respectueusement, puis se pencha un peu, comme on salue un adversaire vainqueur.

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